Moment (probabilités)
En théorie des probabilités et en statistique, le moment d’ordre r ∈ ℕ d’une variable aléatoire réelle X est un indicateur de la dispersion de cette variable, à l’instar par exemple de son écart type, la racine carrée du moment centré d’ordre 2.
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Le moment dit « ordinaire » d’ordre r ∈ ℕ est défini, s’il existe, par :
De manière analogue, on définira d’autres moments, étudiés ou évoqués dans la suite de l’article.
Notion de moment en analyse
La notion de moment en mathématiques, notamment en théorie des probabilités, a pour origine la notion de moment en physique.
Soit une fonction f : I → ℝ continue sur un intervalle I (non réduit à un point) de ℝ.
Étant donné un entier naturel r, le moment d’ordre r de f est défini, sous réserve d’existence, par :
Critère d’existence
Ce moment d’ordre r est considéré comme existant si et seulement si xr f(x) est intégrable, c’est-à-dire si et seulement si ∫x∈I |xr f(x)| dx converge. Ainsi, même si le moment est une intégrale impropre convergente[1], ce moment est tout de même considéré comme non existant.
De cette manière, si un moment n’existe pas à un ordre donné, alors tous les moments d’ordre supérieur n’existent pas non plus. Réciproquement, si un moment existe à un ordre donné, alors tous les moments d’ordre inférieur existent également.
Espace vectoriel
Pour un entier naturel r donné, l’ensemble des fonctions continues sur I dont le moment d’ordre r existe est un espace vectoriel réel, et l’application mr : f ↦ mr(f) est une forme linéaire sur cet espace vectoriel.
Définitions
Soit X une variable aléatoire réelle définie sur I, de fonction de répartition FX et de loi de probabilité p.
Moment ordinaire
Le moment (ou moment ordinaire, ou moment en 0) d’ordre r ∈ ℕ de X est défini, s’il existe, par :
On a donc, d’après le théorème de transfert :
Cette intégrale de Stieltjes peut se réécrire :
- si X est discrète :
- si X est absolument continue :
D’après le deuxième axiome des probabilités, on a alors m0 = 1.
On notera que, p étant positive ou nulle sur I (premier axiome des probabilités), le critère d’existence du moment d’ordre r est la convergence de ∑k∈I |k|r pk ou de ∫x∈I |x|r p(x) dx selon le cas.
Moment centré
Le moment centré d’ordre r ∈ ℕ de X est défini, s’il existe, par :
On a donc, d’après le théorème de transfert :
Cette intégrale de Stieltjes peut se réécrire :
- si X est discrète :
- si X est absolument continue :
Par construction, on a alors μ0 = 1 et μ1 = 0.
D’après le théorème de transfert, on peut également écrire μr(X) = mr(X - 𝔼(X)).
Moment centré réduit
En posant μ = m1 et σ = √μ2, le moment centré réduit d’ordre r ∈ ⟦2;+∞⟦ de X est défini, s’il existe, par :
On a donc βr-2 = μr⁄σr et, par construction, β0 = 1.
Moments remarquables
Certains moments, utilisés couramment pour caractériser une variable aléatoire réelle X, sont connus sous un nom particulier :
- l’espérance, moment d’ordre un : ;
- la variance, moment centré d’ordre deux : , ainsi que sa racine carrée l’écart type : ;
- le coefficient d’asymétrie, moment centré réduit d’ordre trois[2] : ;
- le kurtosis non normalisé, moment centré réduit d’ordre quatre : .
Fonction génératrice des moments
La fonction génératrice des moments MX d’une variable aléatoire réelle X est la série génératrice exponentielle associée à la suite (mr)r ∈ ℕ des moments de X, définie au voisinage de 0 et sous réserve d’existence de tous les moments :
Elle peut également s’écrire, au voisinage de 0 et sous réserve d’existence de l’espérance :
Les dérivées itérées en 0 de cette série génératrice exponentielle valent :
Propriétés
Dimension
Soit [X] la dimension de la variable aléatoire réelle X.
Les moments ordinaire et centré d’ordre r, s’ils existent, ont pour dimension [X]r.
Le moment centré réduit d’ordre r, s’il existe, est une grandeur sans dimension.
Sur les moments ordinaires
Le moment ordinaire d’ordre 1, s’il existe, est linéaire :
Le moment ordinaire d’ordre r > 1 de θ X + λ, s’il existe, ne s’exprime pas uniquement en fonction du moment d’ordre r de X :
On retrouve ainsi la linéarité de m1 et la constance de m0.
Sur les moments centrés
Le moment centré d’ordre r, s’il existe, est invariant par translation et homogène de degré r :
Sur les moments centrés réduits
Par transformation affine de coefficient directeur non nul (afin que σ soit non nul), le moment centré réduit d’ordre r, s’il existe, est simplement multiplié par le signe du coefficient directeur élevé à la puissance r :
La valeur absolue d’un moment centré réduit est donc invariante par transformation affine de pente non nulle.
En distinguant selon le signe de θ et la parité de r, on peut donc écrire :
Additivité
Soient X et Y deux variables aléatoires réelles, on a alors :
Si X et Y sont indépendantes, on a en outre :
Cette propriété d’additivité n’existe que pour les trois moments particuliers cités[3]. Les mesures de risque vérifiant cette propriété sont appelés les cumulants.
Moments centrés en fonction des moments ordinaires
Le moment centré d’ordre r, s’il existe, s’écrit :
En rappelant que m0 = 1, les premiers moments centrés s’expriment donc, en fonction des moments ordinaires :
Moments ordinaires en fonction des moments centrés
Réciproquement, en posant μ = 𝔼(X), le moment ordinaire d’ordre r, s’il existe, s’écrit :
En rappelant que μ0 = 1 et μ1 = 0, les premiers moments ordinaires s’expriment donc, en fonction des moments centrés et de μ :
Estimateur non biaisé des moments ordinaires
À partir d’un échantillon {X1, X2, …, Xn} de la variable aléatoire réelle X, on peut utiliser comme estimateur sans biais du moment ordinaire d’ordre r, s’il existe, l’estimateur suivant :
Problème des moments
Tandis que le calcul des moments consiste à déterminer les moments mr d’une loi de probabilité p donnée, le problème des moments consiste inversement à étudier l’existence et l’unicité d’une loi de probabilité p dont les moments mr sont donnés.
Extension de la notion de moment
Sur le modèle des moments 𝔼(Xr), d’autres moments peuvent être définis :
- le moment inverse en 0 d’ordre r sur I ∌ 0 : ;
- le moment logarithmique d’ordre r sur I ⊂ ℝ*
+ : ; - le moment factoriel d’ordre r : (factorielle décroissante).
Notes et références
- Ce cas arrive par exemple pour les moments d’ordre impair d’une fonction paire définie sur ℝ : même si ∫x∈ℝ |xr f(x)| dx diverge, la fonction x ↦ xr f(x) est impaire donc a une primitive paire, d’où ∀ t ∈ ℝ, ∫t
-t xr f(x) dx = 0, donc ∫x∈ℝ xr f(x) dx est une intégrale impropre convergente valant 0. - Pour des raisons historiques et en accord avec la notation des cumulants réduits, le coefficient d’asymétrie est noté γ1 plutôt que β1.
- Formellement parlant, sachant que μ1 = 0, on pourrait ajouter le cas dégénéré μ1(X + Y) = μ1(X) + μ1(Y), mais cela n’apporte aucune information utile à l’étude de X + Y.
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