Mon homme (chanson)

Mon homme est une chanson française écrite en 1920 par Albert Willemetz et Jacques Charles sur une musique de Maurice Yvain. Elle a été adaptée en anglais en 1921 sous le titre My Man par le dramaturge Channing Pollock.

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Mon homme
Chanson de Mistinguett
Sortie 1920
Durée 3 min 9 s
Genre Chanson française
Auteur Albert Willemetz
Jacques Charles
Compositeur Maurice Yvain
Label Disques Pathé

Historique

Création

Mistinguett et Maurice Chevalier.

Cette chanson, écrite pour la chanteuse française Mistinguett, s'inspire d'une pièce de théâtre du même nom, Mon homme d'André Picard et Francis Carco. Bien que l’intrigue de la pièce soit éloignée des paroles de la chanson, la chercheuse Kelley Conway souligne la parenté entre les deux œuvres puisque Carco explore « la confrontation entre les femmes de la classe supérieure et la pègre » et ainsi « souligne les contradictions, mais aussi les rapports, inhérents à la tradition du café-concert, qui réunit un public hétérogène de bohémiens et de bourgeois, de femmes "libérées" (du moins le temps d'une soirée) et d'hommes déconcertés[1] ». La chanson aura tellement de succès qu'elle finira par être intégrée au spectacle de Carco[2].

Ses trois auteurs, Albert Willemetz, Jacques Charles et le pianiste Maurice Yvain, créent une première version de la chanson sur la base musicale d'un fox-trot. Le texte évoque alors une recette de cuisine. Face à la colère de Mistinguett, alors en vacances dans une villa normande, à qui les paroles déplaisent, les deux auteurs se ravisent. Ils consultent un livre, trouvé par hasard sur un canapé du salon de cette villa, qui évoque la pièce de théâtre éponyme. Inspirés par ce titre qu'ils donnent à la chanson, ils réécrivent le texte tout en gardant la musique mais jouée sur un rythme plus lent[3]. Les deux auteurs indiqueront ultérieurement qu'ils se seraient inspirés de la relation tumultueuse entre la Miss et son amant, l'artiste français Maurice Chevalier, pour en écrire le texte[4].

Reprises

Partitions de My man par Fanny Brice.

D'abord popularisée par Mistinguett en 1920 dans l'opérette Paris qui jazz[5],[6], la chanson est reprise par de nombreuses interprètes, dont Juliette Gréco en 1963 dans l'album Les Grandes Chansons de Juliette Gréco.

Adaptée en anglais, elle est chantée par Fanny Brice[7] et par Aileen Stanley en 1921, Ella Fitzgerald[8], Billie Holiday[9] en 1952, Peggy Lee en 1959, Sarah Vaughan en 1967, Barbra Streisand en 1968 (dans le film Funny Girl), Diana Ross en 1970 et Shirley Bassey en 1972[10].

Mireille Mathieu l'interprète en français dans les années 1970 dans un registre comique, puis en anglais pour la première fois lors de ses concerts au palais des congrès de Paris en . Sa version anglaise devient ensuite un titre incontournable de ses concerts à travers le monde : en Chine en 1986, en URSS et à Berlin-Est en 1987. Mireille Mathieu cesse d'interpréter ce titre dans les années 2000 et 2010, comme d'autres titres de son répertoire. La version anglaise de Mireille Mathieu reste inédite en CD.[réf. nécessaire]

Colette Renard la reprend en 1997, Nicole Martin l’incorpore à son album Cocktail de douceur paru en 2010, Lea Michele la chante dans la saison 2 de Glee en 2011, de même que Carmen Maria Vega fin 2014, dans la comédie musicale Mistinguett, reine des années folles, au Casino de Paris.

Analyse

Les paroles évoquent la passion démesurée d'une femme pour « [son] homme[11]». La première strophe est répétée au début de la chanson

«  Sur cette terre, ma seule joie, mon seul bonheur
C'est mon homme
J'ai donné tout ce que j'ai, mon amour et tout mon cœur
À mon homme... »

Dès la quatrième strophe le texte indique que, même si l'interprète qui déclare son amour est battue, spoliée, elle reste très attachée, en précisant « Je l'ai tellement dans la peau - Qu'j'en suis dingo », répétant de très nombreuses fois la petite phrase à la façon d'un leitmotiv : « C'est mon homme, c'est mon homme, c'est mon homme ».

Pour la chercheuse Kelley Conway, « la chanson raconte l'histoire, si typique de la chanson réaliste, d'une femme sous la coupe de son homme[12] ». Celle-ci fait toutefois remarquer que « bien que les paroles de la chanson soient tout à fait dans la tradition de la chanson réaliste, l'interprétation de Mistinguett occupe un registre différent, plus comique que [par exemple] l'interprétation de La Sérénade du pavé de Buffet ou de Où sont mes amants de Fréhel[12] ». De même, Lucienne Cantaloube-Ferrieu affirme que, dans les chansons de Mistinguett, « la vérité et la satire sociale affleurent sous le sourire qui raille. Lorsqu’elle chante J’en ai marre ou Mon homme, sa voix, le ton, la démarche font naître un sourire qui écarte le mélodrame facile et c’est alors peut-être que, plus durement et le mieux, Mistinguett représente, comme le pensait Mac Orlan, "l’expression stylisée pour le music-hall d’un subconscient infiniment tragique"[13] ». Cantaloube-Ferrieu cite ici le poète et parolier Pierre Mac Orlan qui a également écrit à propos des interprétations de Misstinguett :

« Si, dans ses chansons — fort bien faites d’ailleurs —, Mlle Mistinguett évoque, le plus souvent, une silhouette de pauvresse sous la bise, c’est avec les mains violettes d’avoir tenu les premiers brins de muguet et la voix douloureuse pour avoir crié L’Intran qu’elle nous offre le cœur toujours inédit d’une fillette de Belleville à qui rien n’interdit un avenir doré. »[14]

 Pierre Mac Orlan

Pour Conway, l'interprétation de Mistinguett « distante du matériel musical et textuel » s'explique par le souci d'entretenir « son image de star[12] ». Selon la chercheuse, « sa personnalité était toujours "plus grande" que n'importe quelle chanson ou revue individuelle qui mettait en valeur son talent[12] ». Le décalage entre le contenu des chansons du répertoire faubourien et la starification des chanteuses est critiqué à la fin des années 1920[12], notamment par Pierre Bost ciblant notamment Mon homme de Mistinguett[15].

Dans les autres arts

Le roman La Femme de Gilles de Madeleine Bourdouxhe en 1937, qui fait une comparaison entre Victorine, un des personnages principaux, et Mistinguett, a été rapproché du texte de Mon homme[16] qui, selon le chercheur Sorin C. Stan, « compte plus d᾿une ressemblance avec la trame romanesque [du roman en question] », ayant en commun « la dénonciation d᾿un amour tyrannique qui rend la femme prisonnière de l᾿homme aimé[17] ». La chanson est utilisée dans l'ouverture du film La Femme de Gilles adapté du roman en 2004 par Frédéric Fonteyne[18],[19].

Le 30 décembre 1975, Françoise Giroud est l'invitée de Bernard Pivot dans une émission intitulée Encore un jour et l'année de la femme, ouf ! C'est fini diffusée sur Antenne 2. Celui-ci la fait réagir à plusieurs séquences en lien avec l'« année de la femme » mise en place par l'ONU en 1975 et qui vient donc de s'écouler. Parmi ces séquences, une interprétation en direct de Mon homme par Marie-Therèse Orain accompagnée au piano par Jean Bertola. La réaction de Françoise Giroud, consistant à déclarer « Mais c’est une chanson d’amour ! » et à proposer à Bertola de chanter une version où les paroles « Mon homme » sont remplacées par « Ma môme », afin d'inverser le rapport des sexes, a fait polémique dans les milieux féministes[20],[21]. La séquence, montée avec d'autres interviews de Giroud, sert notamment de base au film Maso et Miso vont en bateau réalisé par Nadja Ringart, Carole Roussopoulos, Delphine Seyrig et Ioana Wieder quelques semaines après. Dans ce film, Delphine Seyrig, « qui a enregistré l’émission sur son magnétoscope, appelle ses copines ; ensemble elles prennent rapidement la décision de faire un film en guise de réponse[22] » afin de « démontrer que "le secrétariat d’État à la condition féminine est une mystification"[23] ». Le film consiste en un montage de séquences télévisuelles où apparaît Giroud en « boucles répétitives jusqu’à une dizaine de fois, [avec] ajout de cartons soulignant le grotesque ou la grossièreté des propos [...]. Le montage procède aussi par l’ajout de mélodies populaires ou par la répétition en boucle de refrains chantés et ce afin de scander des assertions qui nous laissent sans voix, assourdis par le bruit des lieux communs[24] », refrains parmi lesquels celui de Mon homme qui est ainsi omniprésent dans le film[25].

La chanson est interprétée par Denis D'Arcangelo dans le film Les Nuits fauves de Cyril Collard en 1992[réf. nécessaire].

Notes et références

Références

  1. (en) Kelley Conway, Chanteuse in the City - the Realis Singer in French Film., Los Angeles, University of California Press, (ISBN 0-520-24019-7 et 978-0-520-24019-3, OCLC 1058015494, lire en ligne), p. 88
  2. (en) Kelley Conway, Chanteuse in the City - the Realis Singer in French Film., Los Angeles, University of California Press, (ISBN 0-520-24019-7 et 978-0-520-24019-3, OCLC 1058015494, lire en ligne), p. 72
  3. Eric Jean-Jean, Tous les secrets des chansons de légende, City Édition, (ISBN 9782824634951, lire en ligne)
  4. « Exposition Mon Homme. À la fois sensuel et antipathique, il a conquis l’Amérique ! », sur Musée de la SACEM
  5. « Albert Willemetz », sur www.auteurscompositeurs.com (consulté le )
  6. « ASP Test Page », sur www.www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net (consulté le )
  7. (en) « “My Man” », sur National Museum of American History (consulté le )
  8. Jezo-Vannier, Steven, Ella Fitzgerald : Il était une voix en Amérique, Le Mot et le reste, (OCLC 1268664844, lire en ligne)
  9. en 1941 Site christinawehner.wordpress.com, page "Billie Holiday Sings My Man".
  10. Thomas S. Hischak, Tin Pan Alley, Oxford University Press, coll. « Oxford Music Online », (lire en ligne)
  11. « Paroles Mon Homme par Mistinguett », sur www.paroles.net (consulté le )
  12. (en) Kelley Conway, Chanteuse in the City - the Realist Singer in French Film., Los Angeles, University of California Press, (ISBN 0-520-24019-7 et 978-0-520-24019-3, OCLC 1058015494, lire en ligne), p. 68-70
  13. Lucienne. Cantaloube-Ferrieu, Chanson et poésie des années 30 aux années 60 : Trenet, Brassens, Ferré--, ou, Les "enfants naturels" du surréalisme, Paris, Nizet, (OCLC 8679047, lire en ligne), p. 48
  14. Mac Orlan, Pierre, 1883-1970., La lanterne sourde : suivi de Le livre de la guerre de cent ans ; La chanson des rues ; L'argot et la poésie ; L'argot dans la littérature ; Histoires montmartroises ; Images de Paris ; Surprenants visages de Paris, Gallimard, (OCLC 405596886, lire en ligne), « Mademoiselle Mistinguett », p. 72
  15. Pierre Bost, Le Cirque et le music-hall (OCLC 1124723767, lire en ligne), p. 142
  16. Cécile Kovácsházy, « Relire Madeleine Bourdouxhe: », Roman 20-50, vol. n° 45, no 1, , p. 159–172 (ISSN 0295-5024, DOI 10.3917/r2050.045.0159, lire en ligne, consulté le )
  17. Sorin C. Stan, « Le corps et son image. Éveil tragique d’une conscience dans La femme de Gilles de Madeleine Bourdouxhe » », dans Vanda Mikšić et Sarah Yigit, Des prémices à la maturité : quelques jalons du champ culturel francophone belge, Zadar, Morepress, (ISBN 978-953-331-258-3, lire en ligne).
  18. Viviane Thill, « La tentation de l’absolu. “La femme de Gilles“ de Frédéric Fonteyne », forum für Politik, Gesellschaft und Kultur, Luxembourg, , p. 41-44 (lire en ligne [PDF])
  19. Alain Lorfèvre, « L'amour dans l'âme », sur La Libre.be, (consulté le )
  20. Ludivine Bantigny, « « Histoires d’elles »: Groupes femmes et expériences sensibles du politique dans la France des années 1970 », Sensibilités, vol. N° 7, no 1, , p. 54–66 (ISSN 2496-9087, DOI 10.3917/sensi.007.0054, lire en ligne, consulté le )
  21. « Encore un jour et l'année de la femme ouf c'est fini | INA » (vidéo intégrale de l'émission), sur ina.fr (consulté le )
  22. Delphine Chedaleux, « Usages de la vidéo dans les luttes féministes », sur Vidéo des premiers temps, (consulté le )
  23. Hélène Fleckinger, « Une révolution du regard. Entretien avec Carole Roussopoulos, réalisatrice féministe », Nouvelles Questions Féministes, vol. 28, no 1, , p. 98 (ISSN 0248-4951 et 2297-3850, DOI 10.3917/nqf.281.0098, lire en ligne, consulté le )
  24. Valérie Vignaux, « Le devoir d’image ou le droit à la parole. Caméra militante, Luttes de libération des années 1970, Carole Roussopoulos », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze. Revue de l'association française de recherche sur l'histoire du cinéma, no 64, , p. 210–213 (ISSN 0769-0959, lire en ligne, consulté le )
  25. « Maso et Miso vont en bateau - Carole ROUSSOPOULOS - 1976 » (analyse séquence par séquence du film), sur base.centre-simone-de-beauvoir.com (consulté le )

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