Mur païen du mont Sainte-Odile

Le « mur païen » est le vestige d'un mur d'enceinte edifié entre les années 675 et 681 autour d´un couvent mérovingien fondé par sainte Odile, l'abbaye de Hohenbourg, sur le mont Sainte-Odile (Odilienberg en allemand), qui surplombe la plaine d'Alsace[1].

Mur païen du mont Sainte-Odile
Présentation
Patrimonialité
Localisation
Pays
Région
Collectivité territoriale
Département
Commune
Adresse
Mont Sainte-Odile
Coordonnées
48° 26′ 08″ N, 7° 23′ 47″ E
Localisation sur la carte du Bas-Rhin
Localisation sur la carte de France

Description

Le mur païen (en allemand : Heidenmauer, en alsacien d'Heidamür(a)[2]) est une enceinte d'une longueur totale de onze kilomètres faisant le tour du plateau du mont Sainte-Odile. Formé d'environ 300 000 blocs cyclopéens, il fait entre 1,60 m et 1,80 m de large et peut atteindre trois mètres de hauteur.

Histoire ancienne

Le mur païen, section nord.

À l'époque celtique, la montagne s'appelle Altitona, la « montagne haute ». C'est un lieu de culte celte. Proto-Celtes, Celtes, Romains et Alamans construisent une forteresse au sommet.

Les origines du mur païen sont longtemps restées obscures et controversées, tenant plus des contes et légendes que de faits historiques incontestables. Le qualificatif de « païen » lui a été donné par Léon IX.

La construction en appareil cyclopéen aux blocs liés par des tenons en bois, à double queue d'aronde, a suscité bien des interrogations[3],[4],[5],[6],[7]. On estimait que le mur avait été érigé à l'époque proto-celtique ou celtique, c'est-à-dire entre l'an 1000 et l'an 100 environ avant notre ère. Par contre, deux grandes campagnes de restauration étaient connues, au IVe et au Xe siècles de notre ère[réf. souhaitée].

Les chercheurs n'ont pu définir s'il s'agissait d'une enceinte défensive ou d'une enceinte cultuelle, et sa période de construction n'a pu être définie que récemment. Des analyses dendrochronologiques réalisées sur les tenons en bois, prélevés au XIXe siècle sur le mur, ont permis de le dater non plus du IIe siècle av. J.-C., voire d'une époque beaucoup plus ancienne (âge du bronze), mais beaucoup plus tardivement, du VIIe siècle. Vingt-deux des quarante-six échantillons analysés ont pu être datés et contre toute attente, les bois employés se sont avérés tous avoir été abattus et utilisés entre les années 675 et 681. Ces datations laissaient donc supposer que le mur païen avait été construit à l’époque mérovingienne, dans le dernier tiers du VIIe siècle, ou qu’il avait tout au moins subi une importante phase de réfection à cette période, portant sur la section de près de deux kilomètres de long qui a livré les tenons[8]

Le mur a été classé au titre des monuments historiques par la liste des monuments historiques de 1840[9] et « site archéologique d’intérêt national » en 1987 (à l'instar du site archéologique d'Alésia ou du mont Beuvray). La qualité de conservation du mur est assez variable. Il a en effet servi de carrière au Moyen Âge et a subi en outre diverses dégradations, outrages et vandalismes, notamment des fouilles archéologiques non autorisées.

Travaux de restauration

État après restauration et schéma de fixation des assises.
Traces des mortaises.

Les travaux de restauration, précédés d'une étude préalable[10], ont été programmés dans le cadre de la première « loi de programme relative au patrimoine monumental »[11].

À l'issue d'études minutieuses, la première campagne de travaux sur le « mur païen » a démarré en bénéficiant, au titre du mécénat, d'une participation de la Mutuelle d'assurance des artisans de France (MAAF). Elle a permis la restauration de la porte de Barr et du mur à proximité de la route nationale 426. L'étude a esquissé l'essentiel des travaux à réaliser sur les parties jugées prioritaires sur les 10,5 km de mur et inventorié les problèmes liés à sa sauvegarde. Les aspects techniques, doctrinaux et archéologiques ont été très soigneusement examinés.

Les travaux de restauration ont été précédés d'un dessouchage, du nettoyage de la végétation et d'un abattage d'arbres. Ils ont été réalisés avec précaution pour ne pas endommager les parements du mur, tandis que l'enlèvement des terres, nécessaire pour revenir aux niveaux anciens, a exigé un suivi archéologique méthodique. Après décrottage et dépose de pierres en conservation, les blocs ont été reposés à sec et leur fixation assurée à l'aide de tiges filetées. Pour la fixation de l'assise supérieure, les conditions d'exécution ont été les suivantes :

  • percement par rotopercussion des deux premières assises du mur (environ 80 cm), diamètre 18 mm ;
  • façon de lamage en tête de percement, longueur 80 mm, diamètre 36 mm ; pose de chevilles à expansion* ;
  • pose de tiges filetées 10 mm en inox, longueur 80 cm, avec écrou et rondelle en inox ;
  • calfeutrement supérieur du percement comprenant un bouchon de polystyrène, diamètre 36 mm, longueur 40 mm, et finition au ciment métallique aspect grès, diamètre 36 mm, longueur 40 mm.

Les percements des deux assises s'arrêtent à 10 cm du lit de pose de l'avant-dernière assise. Lors des travaux, l'entreprise veillait à limiter le serrage pour éviter l'éclatement de la pierre. L'assise supérieure est bloquée par un scellement au mortier de chaux (lit 50 % de la surface et joint à 50 % de la hauteur, le scellement devant rester invisible sur les parements extérieurs pour donner l'impression d'une pose à pierre sèche). Le garnissage à la terre végétale de l'assise supérieure (lit 20 % de la surface et joint à 50 % de la hauteur), exécuté de façon à imiter un encrassement naturel, a un intérêt esthétique certain, mais n'est pas sans inconvénient ; il demande un entretien suivi pour éviter la pousse d'arbustes ou d'arbres qui disloqueraient de nouveau le mur.

La réflexion a d'autre part été élargie à la signalisation de l'ensemble des monuments du massif permettant de poser les problèmes de circulation, de secteurs piétons, de parcs à voitures, d'exploitation forestière et du devenir des carrières d'Ottrott-Saint-Nabor (Vosges).

Le site bénéficie du soutien actif de l'Association des Amis du Mont Sainte-Odile (section du Club vosgien) et de l'Association des Amis du mur païen[12].

À l’issue des fouilles archéologiques menées de 1991 à 1994, un programme de restauration, en partenariat avec l’État, le Conseil général et la Région Alsace, a d’autre part été engagé.

Voir aussi

Il existe un autre mur dit païen en Alsace, de même construction (clés en queue d'aronde notamment), autour du château du Frankenbourg, dont la datation est aussi controversée (âge du fer, gallo-romaine ou d’époque mérovingienne).

Bibliographie

  • Madeleine Châtelet, Juliette Baudoux. Le “Mur païen” du Mont Sainte-Odile en Alsace: un ouvrage du haut Moyen Âge? L'apport des fouilles archéologiques. Zeitschrift fur Archéologie des Mittelalters, 2016, 43-2015, p. 1-27. HAL Id: hal-01717131
  • Marie-Thérèse Fischer, Le mur païen du Mont Saint-Odile. Promenade autour d'un mystère, Éd. du Signe, Strasbourg, 2008, 40 p. (ISBN 978-2-7468-2089-0)
  • Robert Forrer, Zum Ausfluge nach der Heidenmauer von St. Odilien, Strasbourg ?, 1907
  • Charles Grad, Le mur païen à Ste.-Odile, Strasbourg, 1868
  • (de) Friedrich Jakob Mampell, Die Heidenmauer auf dem Odilienberg im Elsass. Ein Beitrag zur Veranschaulichung altgermanischer und gallischer Sitten und Verhaeltnisse am Oberrhein, Strasbourg, 1886
  • Francis Mantz, Le Mur païen : histoire et mystères archéologiques autour du Mont Sainte-Odile, La Nuée bleue, Strasbourg, 1991, 143 p.
  • Francis Mantz et Éliane de Thoisy, « Une énigme archéologique : guide du Mur Païen », La Nuée bleue, Strasbourg, 1992, 32 p.
  • Auguste Thierry-Mieg, Note sur le mur celtique de Sainte-Odile et les découvertes du Dr R. Forrer, Mulhouse, 1901
  • Hans Zumstein, « Les portes du mur païen au Mont Sainte-Odile », in Cahiers alsaciens d'archéologie d'art et d'histoire, 1992, no 35, p. 31-40
  • G. Altenbach, B. Legrais, Lieux magiques et sacrés d’Alsace et des Vosges, « les hauts lieux vibratoires de la santé », Steinbrunn-le-Haut, Editions du Rhin, , 327 p. (ISBN 2 86339 012 0)
    * Le mont Sainte-Odile, le mont lumière : pp. 163 à 167; * Mur païen, enceinte sacrée : pp.168 à 176
  • Ensemble Fortifié dit Mur Païen

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. Mont sainte Odile : Histoire
  2. « journal L'Alsace « Heid » »
  3. Francis Mantz, Le mur païen du Mont Sainte-Odile, Strasbourg 1990.
  4. Selon la Revue Le Massif des Vosges, avril-mai 2007, éditée par Comemag, Mulhouse, 68945 : Le Mont Sainte-odile, p. 312-33 : 65 tenons en bois ont été prélevés et conservés durant les années 1873-1875. Ils seraient datés après le VIIe siècle.
  5. Jean-Robert Zimmermann, Le mur païen du Mont Sainte-Odile, Revue « Les Vosges », revue de tourisme trimestrielle éditée par la Fédération du Club Vosgien*, 4/2004 p. 8 à 10.
  6. Robert Will, Topographie historique du Mont Sainte-Odile, dans : Annuaire de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Dambach-Barr-Obernai.
  7. François Pétry, Robert Will, Le Mont Sainte-Odile, guide archéologique du patrimoine, Paris 1988.
  8. Madeleine Châtelet et Juliette Baudoux, « Le “ Mur païen ” du Mont Sainte-Odile en Alsace : un ouvrage du haut Moyen Âge ? L'apport des fouilles archéologiques », Zeitschrift für Archäologie des Mittelalters, vol. 43-2015, , p. 1–27 (lire en ligne, consulté le )
  9. Notice Mérimée
  10. Les études préalables ont été réalisées par Daniel Gaymard, architecte en chef des monuments historiques qui a également assuré la maîtrise d'œuvre des travaux
  11. René Dinkel, L'Encyclopédie du patrimoine (Monuments historiques, Patrimoine bâti et naturel : Protection, restauration, réglementation. Doctrines : Techniques : Pratiques), Paris, éditions Les Encyclopédies du patrimoine, , 1512 p. (ISBN 2-911200-00-4)
    Chapitre VII-2 La conservation intégrée, L’aménagement du territoire. Le site du Mont Sainte-Odile à Ottrott, Bas-Rhin : la restauration du mur païen, pp 164-165
  12. Les Amis du Mont Ste-Odile.
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