Musée Verlaine
Le musée Verlaine est l'ancienne auberge du Lion d'Or, connue également sous le nom de café Prévôt. Situé dans la commune de Juniville (Ardennes), il entretient le souvenir du poète et écrivain Paul Verlaine qui vécut en face de à , s'y rendait quotidiennement et y écrivit.
Ouverture |
1994 |
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Surface |
1 500 m2 |
Collections |
photographies, dessins, mobiliers et objets de l'époque |
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Protection |
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Pays | |
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Région | |
Commune | |
Adresse |
1 rue du pont paquis |
Coordonnées |
49° 23′ 39″ N, 4° 23′ 10″ E |
Lieu de mémoire, il répond à deux objectifs complémentaires : perpétuer le souvenir du poète maudit en sauvegardant une bâtisse ardennaise aux murs de torchis et de bois, ancien lieu de vie rurale et asile de voyageurs. La transformation du bâtiment en musée puis en espace culturel s'est faite par étapes, grâce à l'initiative de plusieurs passionnés et avec l'aide financière des collectivités territoriales.
Histoire
Paul Verlaine et l'auberge du Lion d'Or
Le , à Bruxelles, Verlaine tire un coup de revolver sur Arthur Rimbaud au cours d'une dispute. Aussitôt arrêté et jugé, il est incarcéré durant 24 mois, à Bruxelles puis à Mons. C’est le temps de la conversion : coupé du monde, il se tourne vers Dieu.
À sa sortie de prison, transfiguré et mystique, il enseigne en Angleterre puis en France. C’est une pause dans sa vie d’errance. Dès la rentrée de 1877, il occupe un poste de répétiteur en littérature, histoire, géographie et anglais au collège Notre-Dame de Rethel, tenu par des Jésuites[1]. Il se prend d'une vive affection pour l'un de ses élèves âgé de 17 ans, Lucien Létinois[2]. La section Lucien Létinois du recueil Amour précise à maintes reprises le charme équivoque qu'exerce sur lui l'adolescent « fin comme une grande jeune fille / brillant, vif et fort, telle une aiguille, / la souplesse, l'élan d'une anguille »[3]... Il lui offre un exemplaire dédicacé de ses Romances sans paroles[4].
Mais en , le contrat de Verlaine n'est pas renouvelé au prétexte d'économies de gestion[5]. En septembre, Paul et Lucien partent pour l'Angleterre, où ils enseignent dans des villes différentes. Verlaine rejoint Lucien à Londres. Deviennent-ils amants durant la nuit de Noël ? La pièce VIII (O l'odieuse obscurité) de la section Lucien Létinois du recueil Amour semble explicite. Certains biographes nient cette liaison charnelle[6]. En tout état de cause, l'attachement de Paul Verlaine pour Lucien Létinois semble avoir été sincère et partagé. Verlaine reporte sur Lucien, dont il aime la douceur et admire la prestance, son amour paternel frustré[7]. Lucien, plus docile et prévenant que Rimbaud, paraît avoir accepté de bonne grâce les sentiments protecteurs du poète.
Ils rentrent en France et s'installent à Coulommes. Verlaine y découvre la campagne ardennaise, le bon sens paysan, le rythme lent des journées et les horizons apaisants. L'idée lui vient alors d'acquérir une exploitation rurale et d'y vivre en poète et paysan[8] :
« Verlaine a l'Ardenne infuse. »[9]
À Juniville, la ferme dite de la petite Paroisse est à vendre. Verlaine l'achète avec l'argent de sa mère et la fait enregistrer au nom du père de Lucien (en plein divorce, il craint que sa femme fasse saisir la ferme)[10]. Les Létinois s'y installent en . Verlaine loue une maison à 50 mètres de la ferme, face à l'auberge du Lion d'Or. Il se retire sur ses terres, ne communiquant pas son adresse et se prétendant aux Amériques[11]. Comme bien des villageois, Verlaine et Lucien fréquentent l'auberge après la messe du dimanche. L'aubergiste Prévôt appelle Verlaine le professeur ou l'Anglais de Coulommes.
À l'automne 1880, Lucien Létinois part à Reims accomplir son service militaire. Il en reviendra un an plus tard. Verlaine se rend chaque jour à l'auberge pour y prendre ses repas, discuter et boire son absinthe. L'aubergiste lui réserve même une petite pièce attenante, où il s'isole pour écrire et dessiner. C'est pendant cette période que le poète termine son recueil Sagesse et écrit Jadis et Naguère. Il collabore également au journal Le Courrier des Ardennes, auquel il envoie quelques articles. Séparé de son ami, Verlaine succombe quelquefois au démon de la chair et se forge une réputation locale de buveur invétéré. Au retour de Lucien, la situation ne s'améliore pas. Mal gérée et menacée de saisie, l’exploitation est vendue à perte en . À la fin de l'année, Verlaine rentre à Paris. Lucien s'installe avec ses parents à Ivry-sur-Seine. Le , Lucien meurt subitement de la fièvre typhoïde à l'hôpital de la Pitié. Verlaine en conçoit une peine profonde. Profondément désespéré par la perte de son « fils adoptif », il lui consacre 25 poèmes à la fin du recueil Amour (1888)[12].
De l'auberge au lieu culturel
Cette auberge est l'un des rares édifices qui ait échappé à la destruction de Juniville en 1940. Sur une initiative privée, elle est devenue un musée Verlaine.
En 1971, une éleveuse de volailles, Marcelle Ponsinet, achète l'auberge à la fille de son ancien propriétaire[13] et entreprend de la restaurer. De condition modeste, elle ne possède que trois tabliers et deux jupons. Mais Paul Verlaine la fascine. Avisée, elle conserve à l'auberge son état d'origine et son mobilier. En 1994, pour le 150e anniversaire de la naissance du poète, le musée s'ouvre au public. En 1996, l'inauguration officielle marque le centenaire de sa mort.
Après le décès de Marcelle Ponsinet, sa fille Marie-Josée Martellière poursuit l'entreprise[14]. Mais elle ne peut gérer seule le musée et le met en vente. Exerçant son droit de préemption, la commune de Juniville l'acquiert grâce à l’aide de l'association L’Auberge de Verlaine présidée par Pierre Couranjou[15] ,[16].
Le musée ferme début 2007 mais rouvre dès le mois de mai suivant grâce au soutien financier de la commune de Juniville, de l’office de tourisme du Pays Rethélois et de l’association L'Auberge de Verlaine[17]. Un bistrot est recréé mais des incertitudes subsistent quant à l'avenir[18]. Un ancien batteur de rock et artisan, Marc Gaillot, découvre l'endroit par hasard[19],[20]. Depuis, il en assume la fonction de guide passionné.
En , après 8 ans d'une constante implication à la présidence de l'Association L'Auberge de Verlaine, Pierre Couranjou quitte ses fonctions[21], reprises par Claude Létinois[22]. La communauté de communes s'investit à son tour dans le soutien financier[23]. Outre sa vocation de lieu de mémoire dédié à Paul Verlaine, le bâtiment devient un centre culturel. Dans le cadre des Verlainiennes[24] sont organisées des animations et des expositions permanentes d'artistes contemporains. En , Claude Létinois quitte la présidence de l'association[25] et transmet le relais à Laurie Rossignol[26]. Dans cette petite commune rurale, le lieu continue de vivre. Conformément à la citation de Mallarmé qui préface l'ouvrage de Guy Goffette consacré à Verlaine :
« Verlaine ? Il est caché parmi l'herbe, Verlaine. »[9]
Description
L'auberge a été maintenue dans son état d'origine, lorsqu'elle accueillait villageois et voyageurs de passage. Son mobilier a été conservé, enrichi d'objets de la fin du XIXe siècle. Le temps semble s'y être arrêté.
Le site s’étend sur 1 500 m2. Une riche collection iconographique, l'extrait d'un registre d'incarcération et une collection complète de ses œuvres (prose, poésie et correspondance) permettent au public de mieux connaître Paul Verlaine.
Agrémenté d'un ancien jardin de 1 000 m2, le lieu accueille des expositions et animations temporaires - les Verlainiennes[27],[28] - et abrite un bistrot.
Liens externes
Notes et références
- Lettre de Paul Verlaine à Edmond Lepelletier du 14 novembre 1877.
- « Lucien Létinois | Vu du Mont », sur vudumont.com (consulté le ).
- voir la pièce X (Il patinait merveilleusement) de la section Lucien Létinois du recueil Amour.
- Rédaction LM, « Lettres françaises », Le Monde, (lire en ligne).
- une lettre de remerciements pour son travail lui est adressée par l'abbé Léon Denis, directeur de l'Institution.
- tels Antoine Adam (pour qui Verlaine évoquerait la brève aventure de Lucien avec une jeune fille précédemment rencontrée à Boston) et Edmond Lepelletier.
- son épouse a obtenu la garde de leur fils Georges.
- Pierre Petitfils, Paul Verlaine, Éditions Julliard, 1994, (ISBN 2-260-01236-1).
- Guy Goffette, Verlaine d'ardoise et de pluie, Folio Éditions Gallimard,1998, (ISBN 2-07-040413-7).
- voir Edmond Lepelletier.
- Jean Jacques Lévêque, Paul Verlaine: le poète orageux, Editions ACR 1996, (ISBN 2-86770-082-5).
- Vannier 1993, p. 154-159.
- Journal l'Union - Site du journal le 9 août 2009 évoquant les débuts du musée.
- Revue Rimbaud Vivant, N°37, p.51, 1998.
- Souscription nationale relayée par le Site Paul-verlaine.com.
- Compte-rendu du conseil municipal de Juniville du 29 mars 2005 relatant les échanges en cours, sous l'égide du sous-préfet, sur les montages financiers possibles pour maintenir le musée.
- Annonce d'avril 2007 sur le site de la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Région Champagne-Ardenne.
- Journal l'Union -Site du journal le 9 septembre 2007.
- Site Come4News sur le Musée Verlaine et Marc Gaillot.
- Journal l'Union -Site du journal le 7 décembre 2007.
- Journal l'Union - Site du journal le 16 avril 2010 sur une conférence de Pierre Couranhou, ex-président de l'association, au Musée Verlaine.
- Journal l'Union -Site du journal le 20 août 2008 relatant le changement de présidence de l'association
- Page consacrée en 2009 au musée Verlaine sur le site des Archives Départementales des Ardennes.
- Journal l'Union - Site du journal le 30 juin 2010 présentant Les Verlainiennes.
- Journal l'Union -Site du journal le 6 février 2012 sur le changement de présidence de l'association.
- Journal l'Union - Site du journal du 26 mars 2012 avec l'article présentant la nouvelle présidente.
- Les Verlainiennes 2010 : vidéo sur dailymotion.
- Journal l'Union -Site du journal du 12 avril 2012 : article relatant le démarrage des Verlainniennes 2012.
Bibliographie
- Gilles Vannier, Paul Verlaine ou l'Enfance de l'art, éd. Champ Wallon,
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