Néocolonialisme

Le néocolonialisme décrit une politique impérialiste menée par une ancienne puissance coloniale vis-à-vis de son ancienne colonie, utilisant diverses méthodes d'influence et de domination, à son propre intérêt ainsi que celui de ses entreprises. Le terme, qui trouve son origine chez Jean-Paul Sartre en 1956[1], fut repris pour la première fois dans un discours par Kwame Nkrumah, en 1965[2]. Ce terme prolonge ainsi la notion de colonie entre les XVIe et XIXe siècles, pour décrire les relations de domination post-coloniales.

Méthodes du néocolonialisme

Le néocolonialisme se décline en plusieurs approches. En lieu et place d’un contrôle militaire officiel, les puissances néocolonialistes utilisent des prétextes humanitaires et démocratiques pour justifier la présence militaire. Les révoltes sont écrasées par des méthodes de contre-insurrection. L'usage de la propagande de guerre permet d'obtenir le consentement des populations occidentales[3], et de fait, les médias liés aux intérêts des grandes entreprises exploitantes et de vente d'armes taisent en grande partie les événements où la responsabilité des grandes puissances est directement concernée[4].

D'autre part, des accords commerciaux avec les dirigeants faisant usage de la corruption (voir notamment la Françafrique), des méthodes financières pour générer ou entretenir une dette odieuse que dénonce le CADTM (Comité pour l'abolition des dettes illégitimes), et de façon relativement officielle des politiques économiques et culturelles (appelé aussi impérialisme culturel) afin de dominer des pays moins puissants. Selon certains, la simple domination économique revient à contrôler de facto les nations visées (voir la théorie de la dépendance).

Présence après décolonisation

Les anciens États colonisateurs, et d'autres États économiquement forts, continuent de maintenir leur présence dans les économies des anciennes colonies, particulièrement pour ce qui concerne les matières premières. Ainsi de nombreuses entreprises étrangères exploitent les gisements de minerais et de pétrole en Afrique (Elf, Areva…), ainsi que les plantations (par exemple Socapalm). Après un processus accéléré de décolonisation du Congo belge, la Belgique a continué à contrôler, à travers la Société générale de Belgique, approximativement 70 % de l'économie congolaise. La partie du pays qui a connu le plus de contestation fut la province de Katanga où l'Union minière du Haut Katanga, appartenant à cette société, avait le contrôle sur cette province riche en minéraux et ressources. Après qu'une tentative de nationaliser l'industrie minière échoua dans les années 1960, celle-ci a été rouverte à l'investissement étranger.

Néocolonialisme et finance internationale

Les critiques du néocolonialisme dépeignent le choix d’accorder ou de refuser des prêts (en particulier ceux devant financer une dette d’un pays du tiers monde qui ne pourrait pas être remboursée autrement), particulièrement par des institutions financières internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), comme une forme de contrôle décisif. Ils allèguent que, afin de se qualifier pour ces prêts (aussi bien que pour d'autres formes d'aide économique), des nations plus faibles sont forcées de prendre des mesures (des ajustements structuraux) favorables aux intérêts financiers du FMI et de la BM, mais nuisibles à leurs propres économies et souvent à leur sécurité, augmentant leur pauvreté plutôt que de l'alléger.

Certaines critiques soulignent que le néocolonialisme permet à des organisations internationales, tels la BM, de contrôler et d’exploiter des pays (habituellement) moins développés (PMD) en entretenant leur endettement. En effet, les dirigeants du tiers monde accordent des concessions et des monopoles aux sociétés étrangères en échange de la consolidation de leur pouvoir personnel et de pots-de-vin. Dans la plupart des cas, une grande partie de l'argent prêté à ces PMD est retournée aux sociétés étrangères privilégiées. Ainsi donc, ces prêts étrangers seraient, en fait, des subventions aux sociétés qui sont liées d’amitié avec les dirigeants de l’État emprunteur. Cette connivence est parfois désignée sous le nom de « corporatocratie ». Les organismes accusés de participer au néo-impérialisme incluent la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce, le G8 et le Forum économique mondial. Divers États parmi les « pays riches », notamment les États-Unis, seraient impliqués[5].

Les critiques du néocolonialisme tentent également de démontrer que l'investissement fait par des sociétés multinationales enrichit quelques personnes dans les pays sous-développés, et occasionne pour les populations qui habitent ces « néocolonies », une catastrophe humanitaire, environnementale et écologique. Ceci, argumente-t-on, a comme conséquence un développement insoutenable et un sous-développement perpétuel ; une dépendance qui permet d’exploiter ces pays devenus des réservoirs de main d'œuvre à bon marché et de matières premières, et qui restreint l'accès aux techniques avancées de production qui leur permettraient de développer leur propre économie.

Les défenseurs du néocolonialisme disent que, si les pays riches profitent de la main-d'œuvre à bon marché et des matières premières des nations sous-développées, en fin de compte, cela devient un élément modernisateur positif pour le développement du tiers monde.

Néocolonialisme : fait suite à la décolonisation

L'utilisation du terme néocolonialisme s’est répandue pour la première fois, particulièrement en référence à l'Afrique, peu après le processus de décolonisation qui a suivi la fin de la seconde guerre mondiale, qui a fait suite à la lutte menée par plusieurs mouvements nationaux d'indépendance dans les colonies. En gagnant leur indépendance, certains dirigeants et certains groupes d'opposition nationaux ont déclaré que leurs pays étaient soumis à une nouvelle forme de colonialisme, imposée par les anciennes puissances coloniales et par d’autres nations développées. En Afrique, l'État français a joué un rôle de premier plan dans l’instauration d’une politique néocolonialiste[6], et les troupes françaises en Afrique et les services secrets sont souvent impliquées[7] dans des coups d’État ayant pour résultat l’instauration d’un régime agissant dans l'intérêt des multinationales françaises.

Les dénonciations du néocolonialisme sont également devenues nombreuses chez quelques mouvements d'indépendance nationales alors même qu'ils menaient encore leur lutte armée anticoloniale. Pendant les années 1970, dans les colonies portugaises du Mozambique et de l'Angola, par exemple, la rhétorique embrassée respectivement par les mouvements marxistes Front de libération du Mozambique (FRELIMO) et Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA), qui devaient assumer par la suite le pouvoir lors de l'indépendance de ces nations, rejetaient à la fois le vieux colonialisme et le néocolonialisme.

Certains polémistes qualifient également de néocolonialisme l'attitude actuelle qui consiste à s'ingérer dans les affaires politiques d'un pays du tiers-monde au nom de la paix, démocratie, droits de l'homme… L'expansion des ONG humanitaire nées du droit d'ingérence humanitaire reconnu par l'ONU est parfois perçu par les théoriciens du complot comme une stratégie des pays occidentaux d'étendre leur influence et d'imposer leurs idées à l'ensemble du monde. Les réseaux d'ONG, directement au contact de la population auraient le rôle non avoué de galvaniser le peuple contre certains régimes despotiques des pays en développement.

Afrique : allégations de néocolonialisme contre le FMI

Ceux qui soutiennent que le néocolonialisme a historiquement remplacé ou complémenté le colonialisme, mettent en avant le fait que l'Afrique aujourd'hui paie chaque année (en paiement des intérêts sur prêts) au FMI et à la BM cinq fois plus qu'elle n'en reçoit sous forme d'aide au développement sous forme de prêts, privant souvent, de ce fait, les habitants de ces pays des nécessités de base. Ils maintiennent que cette dépendance permet au FMI et à la BM d’imposer des plans d'ajustements structurels à ces nations, consistant en grande partie de programmes de privatisation qui résultent en une détérioration de la santé, de l’éducation, en une incapacité de développer l'infrastructure, et, en général, en un niveau de vie plus bas.

Ils mentionnent également des rapports récents faits par le conseiller spécial en matières économiques du Secrétaire général des Nations unies, le Dr. Jeffrey Sachs, qui demandait vivement que la dette africaine tout entière (~200 milliards de dollars US) fût effacée et recommandaient que les nations africaines cessent simplement de payer si le FMI et la Banque mondiale ne donnent pas leur accord : « Le temps est venu de mettre fin à cette situation burlesque. Les dettes sont exorbitantes. S’ils refusent d’effacer les dettes je suggérerais l'obstruction ; vous le faites vous-mêmes. L’Afrique devrait dire : "merci beaucoup mais nous avons besoin de cet argent pour répondre aux besoins des enfants qui meurent en ce moment, alors nous allons utiliser le service du paiement de la dette à des investissements sociaux urgents dans la santé, l’éducation, l'eau potable, le contrôle du SIDA et autres besoins". » (Professeur Jeffrey Sachs, directeur du Earth Institute à l'université Columbia et conseiller économique spécial auprès du Secrétaire Général de l'Organisation des Nations unies).

Les critiques du FMI ont mené des études sur les effets de sa politique qui exige des dévaluations des devises. Ils posent l'argument que le FMI exige celles-ci comme condition à des prêts de refinancement, tout en insistant simultanément pour que le prêt soit remboursé en dollars ou autres devises de pays riches par rapport auxquelles la devise du pays moins développé a été dévaluée ; ceci, disent-ils, augmente la dette correspondante du même pourcentage duquel la devise a été dévaluée, ceci équivalent à un plan pour maintenir les nations du tiers monde dans un endettement, un appauvrissement et une dépendance néocoloniale perpétuels.

Notes et références

  1. Philippe Ardant, « Le néo-colonialisme : thème, mythe et réalité », Revue française de science politique, 15e année, no 5, 1965, p. 837-855.
  2. Kwame Nkrumah, Le néo-colonialisme - Derier stade de l'impérialisme, 1965.
  3. Walter Lippmann, Public opinion, 1922
  4. Noam Chomsky, Edward Herman, La Fabrication du consentement, De la propagande médiatique en démocratie, Éditions Agone
  5. John Perkins, Les Confessions d'un tueur à gages économique
  6. François-Xavier Verschave, De la Françafrique à la Mafiafrique, Tribord (2004), p. 9
  7. François-Xavier Verschave, De la Françafrique à la Mafiafrique, Tribord (2004), p. 23-24

Sources

  • Ankerl, Guy, Coexisting Contemporary Civilizations. Arabo-muslim, Bharati, Chinese, and Western. (INUPress, Geneva, 2000) (ISBN 2-88155-004-5)
  • Mongo Beti, Main basse sur le Cameroun. Autopsie d'une décolonisation (1972), nouvelle édition La Découverte, Paris 2003 [Raymond Marcellin, le ministre français de l’Intérieur de l’époque, a tenté d’interdire le livre.]
  • Kwame Nkrumah, Le néo-colonialisme - Dernier stade de l'impérialisme, Présence africaine, 2009
  • Suret-Canale, Jean. Essays on African history: From the slave trade to neocolonialism (Hurst, Londres 1988).
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  • Hooker, M. B. Legal pluralism; an introduction to colonial and neo-colonial laws (Clarendon Press, Oxford, 1975).

Films

Annexes

Articles connexes

Études théoriques

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