Nabuchodonosor II

Nabuchodonosor II (sumérien : AG.NIG.DU-URU et PA.NIG.DU-PAP ; babylonien : Nabû-kudurrī-uṣur Nabû, protège mon fils aîné ») ; araméen : ܢ ܵܒܘ ܟܘ ܕܘ ܼܪܝ ܼܘܨܘ ܪ ; hébreu : נבכדנאצר / Nəḇūḵhaḏnatṣṣar ; grec ancien : Ναβουχοδονόσωρ / Naboukhodonósôr ; arabe : نبوخذنصر / nibūḫaḏniṣṣar) est le roi de l'Empire néo-babylonien entre 605 et 562 av. J.-C.

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Nabuchodonosor II

Inscription sur un cylindre d'argile commémorant la reconstruction d'un temple par Nabuchodonosor II, musée d'Israël.
Titre
Roi de l'Empire néo-babylonien
605 av. J.-C.562 av. J.-C.
Prédécesseur Nabopolassar
Successeur Amêl-Marduk (Evil-Merodach)
Biographie
Dynastie Dixième dynastie de Babylone (Chaldéenne)
Date de naissance av. J.-C.
Date de décès av. J.-C.
Lieu de décès Babylone
Conjoint Amytis de Médie ?
Enfants Amêl-Marduk (fils)
Mušêzib-Marduk (fils)
Marduk-nâdin-ahi (fils)
Kaššaia (fille)
Ba'u-asītu (fille)

Il régna sur le plus vaste empire qu'ait dominé Babylone, ville où il fit ériger de nombreux monuments (dont la porte d'Ishtar et Etemenanki). Pendant un temps, on lui a imputé les jardins suspendus de Babylone, l'une des Sept Merveilles du monde, bien qu'aucune trace n'en ait été conservée[1]. Nabuchodonosor est mentionné dans la Bible hébraïque et l'Ancien Testament, notamment comme destructeur du Temple de Salomon.

Étymologie

Son nom vient de l'akkadien Nabou-kudurri-usur, signifiant : « Ô Nabû, protège mon fils aîné ! », Nabû étant la divinité babylonienne de la sagesse, et le fils du dieu Marduk. Dans une inscription, Nabuchodonosor s'annonce comme « bien-aimé » et « favori » de Nabû[2],[3]. Son nom a autrefois été interprété à tort comme « Ô Nabû, défends mon kudurru[4] ! », « kudurru » étant pris ici au sens de « stèle gravée ». Toutefois, lorsqu'il est contenu dans le titre du souverain, « kudurru » se rapproche de « fils aîné[5] ».

Biographie

La constitution de l'Empire babylonien

Dédicace de Nabuchodonosor pour la porte d'Ishtar.

Après avoir abattu l'Empire assyrien entre 612 et 609 av. J.-C., le roi de Babylone Nabopolassar (626-605 av. J.-C.), désormais âgé, confie la direction des opérations militaires à son fils aîné, Nabuchodonosor, qui avait sans doute déjà combattu lors de la lutte contre l'Assyrie, menée avec l'appui des Mèdes. Dans le cadre de la politique de son père, il aurait d'ailleurs épousé la fille (ou petite-fille) du roi mède Cyaxare, celle que les sources grecques nomment Amytis, pour laquelle il aurait fait construire plus tard les jardins suspendus de Babylone.

Après la victoire contre les Assyriens, Nabuchodonosor mène les armées babyloniennes en Syrie où l'armée égyptienne a pénétré pour essayer de dominer la région à la place de l'empire déchu. Il lui faut deux ans pour renforcer ses lignes arrières, puis il passe à l'action en 605 av. J.-C. et écrase la coalition adverse à la bataille de Karkemish, puis soumet les royaumes côtiers dont celui de Juda. Il doit rentrer à Babylone à la mort de son père vers l'équivalent calendaire du 15 août ou 1er septembre de la même année et est couronné comme roi lui succédant vers le 25 septembre[6].

Campagnes en Syrie et en Judée

Lorsqu'il devient roi, Nabuchodonosor II ne manque ni d'expérience ni d'ambition. Aussitôt sa prise de pouvoir officialisée, il retourne sur les bords de la Méditerranée, où le souverain d'Ascalon s'est révolté et où il veut aussi affirmer sa domination sur les souverains des royaumes de Phénicie, et également sur le roi de Juda. Mais les Égyptiens sont toujours présents dans la région pour soutenir les révoltes de ces derniers. En 601, le choc entre les opposants, Babyloniens d'un côté, Égyptiens et alliés de l'autre, a lieu. Nabuchodonosor essuie une défaite, et doit se retirer dans ses forteresses de Syrie. Il décide d'attaquer en Arabie l'année suivante. Puis il retourne au Levant pour recevoir le tribut des souverains de la région. Celui de Juda, Joakim, refuse de payer, et subit la répression : sa capitale Jérusalem est assiégée puis prise en 597, il perd la vie, et son fils Joachin et les autres notables et lettrés du royaume sont déportés à Babylone. Pour mieux contrôler la région, Nabuchodonosor bâtit un fort à Riblah, au Liban. Mais cela n'empêche pas les rois locaux de continuer à se révolter, et d'être le principal souci du souverain. Une révolte a lieu en Babylonie même en 593, et est vite réprimée avec violence.

Nabuchodonosor fait tuer les enfants de Sédécias sous ses yeux. Tableau de François-Xavier Fabre, 1787.

En 589 av. J.-C., les Égyptiens s'emparent de Gaza, et assiègent Tyr et Sidon. Puis ils forment une coalition avec les Phéniciens, à laquelle se rallie Sédécias, le nouveau roi de Juda, en poste aux ordres de Nabuchodonosor II. Celui-ci revient donc à Riblah, d'où il prépare sa contre-attaque. Il assiège Jérusalem en 588, et après environ deux ans de siège, la ville tombe. Les fils de Sédécias sont tués, alors que lui est mutilé et déporté à Babylone avec la majorité des élites de son royaume. Jérusalem est ensuite brûlée. Parallèlement, Tyr est aussi assiégée. La situation met plus de temps à se résoudre, et ce n'est qu'au bout de treize années que Nabuchodonosor II peut faire entrer ses troupes dans la ville. En 585, le roi babylonien arbitre un conflit opposant son allié le Mède Cyaxare au roi Alyatte de Lydie, et en profite pour s'emparer de quelques villes en Cilicie. Peu après, la Judée se révolte (582) ce qui oblige les Babyloniens à y retourner. La situation au Proche-Orient ne s'arrange qu'en 568, lorsque Nabuchodonosor II met en déroute les Égyptiens près de Gaza.

Fin de règne et succession

La fin du règne de Nabuchodonosor II est obscure. On sait qu'il meurt en 562 av. J.-C. à Babylone, peut-être de maladie. Son fils Amel-Marduk (ou Evil-Merodach) n'occupe le trône que deux ans avant d'être renversé par le beau-fils de Nabuchodonosor, Nériglissar. Le sommet du pouvoir babylonien après Nabuchodonosor II est caractérisé par une instabilité chronique qui se manifeste par deux coups d'État en 560 et 556 av. J.-C., et la contestation à laquelle fait face le dernier roi Nabonide. Pour autant, l'empire hérité des conquêtes de Nabuchodonosor et de son père ne se disloque pas, ce qui semble témoigner de la solidité de leur construction politique. En 539 av. J.-C., Cyrus II de Perse s'empare de Babylone et, par là, de tout son empire. Sur la longue durée, le règne de Nabuchodonosor participe donc au renforcement et à la stabilisation des empires de plus en plus vastes qui dominent le Moyen-Orient à partir du Ier millénaire av. J.-C., entre celui des Assyriens et celui des Perses achéménides.

Descendance

On lui connaît cinq enfants (attestés par des documents contemporains), de mère(s) inconnue(s) : deux filles, Kaššaia (probablement l'aînée de la fratrie, mariée à Nériglissar) et Ba'u-asītu[7], et trois fils : Amêl-Marduk (son successeur), Mušêzib-Marduk et Marduk-nâdin-ahi[8].

La capitale et les autres villes : un grand bâtisseur

Plan de la ville intérieure de Babylone au VIe siècle av. J.-C. après les chantiers entrepris par Nabuchodonosor et son père.

Nabuchodonosor reprend les immenses travaux de restauration et d'embellissement de Babylone initiés par son père : sanctuaire de Marduk, ziggourat, un grand nombre de temples de la ville, reconstruction de l'enceinte avec deux murs parallèles, porte d'Ishtar, etc. La ville forme un rectangle grossier de 1,5 km sur 2,4 km. Construite primitivement sur la rive orientale de l'Euphrate, elle est reliée à ses quartiers populaires sur la rive occidentale par un pont. L'organisation intérieure (fouilles du quartier du Merkès) repose essentiellement sur un plan quadrillé, ce qui suppose un plan d'urbanisme. Certaines rues sont assez larges pour permettre le passage de chars et de chariots. Une grande artère nord-sud, la voie processionnelle, au sol recouvert de dalles cuites jointoyées au bitume, passe par la porte d'Ishtar pour desservir le palais et les principaux sanctuaires. Le palais s'étend au nord entre la voie processionnelle et un énorme bastion aux murs larges de 25 m. Les jardins suspendus dont la construction est attribuée à Nabuchodonosor par Bérose, qui n'ont pas été retrouvés au cours des fouilles, ont pu être situés à cet endroit s'ils ont effectivement existé. De 300 m sur 150 m environ, composé de cinq unités allongées nord-sud et juxtaposées, avec des bâtiments de part et d'autre d'une grande cour, il est unique par sa structure et son organisation (il faut, pour atteindre la dernière unité, franchir d'abord les quatre premières).

Le temple de Marduk (Esagil, la maison à tête élevée), forme le cœur religieux de la cité en étroite relation avec la ziggurat dont le sépare la rue qui dessert le pont. Presque carré (79 m sur 85,80 m), il suit le plan dit « babylonien », disposé autour d'une grande cour rectangulaire. La célèbre ziggurat (Etemenanki, la maison du fondement du ciel et de la terre) est installée à l'intérieur d'une vaste cour rectangulaire de 458 m sur 312 m, sur une base de 91 m. Le pont est constitué de piles en forme de navettes longues de 21 m, larges de m, à des intervalles de m, construites en briques et en pierres scellées au plomb, avec des cavités destinées à recevoir l'extrémité des poutres, qui supportent le tablier.

En dehors de Babylone, Nabuchodonosor a entrepris des travaux dans les autres villes majeures de la Babylonie, où il restaure les murailles et surtout les sanctuaires : son œuvre est attestée à Sippar, Borsippa, Akkad, Kish, Dilbat, Uruk, Larsa, Ur, etc. Il met aussi en chantier la construction ou la restauration de canaux servant à l'agriculture irriguée de la Basse-Mésopotamie, contribuant ainsi à la réorganisation et à l'expansion de l'économie agricole de cette région. Ses différents projets ont pour cohérence le fait qu'ils visent à restaurer la prospérité et la grandeur de la Babylonie qui a retrouvé son indépendance et sa puissance.

Organisation de l'empire

La structure administrative de l'Empire babylonien est en grande partie calquée sur celle de l'Empire assyrien qu'il supplante, les charges de la cour étant souvent identiques entre l'un et l'autre. Nabuchodonosor s'appuie sur un groupe d'aristocrates, les « Grands du pays d'Akkad », disposant des plus hautes charges administratives et militaires, comme Neriglissar, général et gouverneur qui épouse sa fille Kashaya, et qui monte sur le trône peu après sa mort fort de ce lien matrimonial. L'armée de Nabuchodonosor reste mal connue, et ne semble pas beaucoup différer de celle de l'Assyrie.

Les grands temples jouent un rôle économique et administratif important en Babylonie. Celui d'Uruk a fourni une ample documentation écrite. Son administration hiérarchisée se retrouvait, semble-t-il, dans les autres sanctuaires, à Babylone ou à Borsippa. Le roi y a ses représentants dont l'action paraît être devenue plus stricte avec l'arrivée de Nabonide au pouvoir. Ces organismes semblent avoir été favorisés par les premiers souverains ; ils forment en effet une structure administrative préexistante qui contrôle la production économique, donc les revenus, du territoire qui en dépendent et allègent la charge administrative qui relève directement du palais.

L'essentiel de la vie économique est fondé sur l'agriculture. Les terres sont affectées selon leurs qualités et les possibilités d'irrigation, à l'élevage, aux palmeraies et aux céréales. Elles sont concédées contre redevance à ceux qui les exploitent. Certains exploitants sont propriétaires, mais ils restent soumis au temple pour leurs redevances.

Littérature religieuse

Figure de Nabuchodonosor II sur la façade ouest de l'église Notre-Dame la grande de Poitiers.
  • Nabuchodonosor II est un personnage de la Bible hébraïque et de l'Ancien Testament. Plus précisément, il est évoqué dans le deuxième livre des Rois, le deuxième livre des Chroniques, le livre de Jérémie, le livre de Daniel et le livre de Judith. Dans le livre de Judith, son général en chef est Holopherne. L'image qu'il a laissée dans la culture juive et chrétienne est souvent négative, du fait des sièges de Jérusalem et de la déportation des Juifs en Babylonie qu'il a organisée. Mais il apparaît aussi comme l'instrument de Dieu, un de ceux qui connaît Dieu, et qui accomplit sa volonté en étendant son empire.
  • La tradition musulmane (arabe et iranienne) a également préservé le souvenir de ce roi, sous le nom de Bukht-Naṣ(ṣ)ar, largement tributaire de la tradition biblique. Il apparaît avant tout sous l'aspect d'un chef militaire puissant et conquérant. Certains textes le décrivent cependant comme s'intéressant à des questions à la fois spirituelles et morales dans la vie et cherchant l'inspiration divine[9]. Selon Tabari, Nabuchodonosor, dont le nom persan était Bukhtrashah, était d'origine persane, de la descendance de Jūdharz[10][réf. incomplète].

Dans les arts

Opéra

  • L'opéra Nabucco de Giuseppe Verdi reflète cette vision du personnage, présenté (au départ) comme brutal, belliciste et despotique.

Cinéma

  • Nabuchodonosor est l'un des personnages du film muet allemand Jeremias, réalisé par Eugen Illés (en) en 1922 ; le roi de Babylone est incarné par Theodor Becker.
  • Le vaisseau dans lequel l'équipage de Morpheus prend place dans le film Matrix s'appelle le Nebuchadnezzar, qui est le nom anglais de Nabuchodonosor.

Littérature

Gastronomie

  • Une bouteille de champagne remplie avec le volume équivalant à 20 bouteilles standards (15 litres) est appelée Nabuchodonosor.

Politique

  • Saddam Hussein se considérait lui-même comme étant un successeur de Nabuchodonosor et avait placé l'inscription « Du roi Nabuchodonosor dans le règne de Saddam Hussein » dans les briques des murs de l'ancienne cité de Babylone durant un projet de reconstruction de la ville qu'il a initié. Il a également nommé l'une de ses Gardes républicaines d'après Nabuchodonosor.

Musique

  • Fred Locks (chanteur de reggae jamaïcain) accompagné du groupe The Creation Steppers, le cite dans la chanson Born in Slavery (disponible sur l'album Love & Harmony, 1978).

Jeux vidéo

  • Nabuchodonosor II est le dirigeant de l'empire babylonien dans le jeu vidéo Civilization V par Firaxis Games, sorti en 2010.

Notes et références

  1. Selon l'assyriologue Stephanie Dalley (en) d'Oxford, les jardins suspendus auraient en fait été construits à Ninive par son souverain Sennacherib, un siècle avant Nabuchodonosor.
  2. R.F. Harper cité dans Stephen Denison Peet (édition), Editorial Notes, The American Antiquarian and Oriental Journal, New York: Doubleday, vol. XXII, mai et juin 1990, p. 207.
  3. Harold Lamb, Cyrus the Great, New York: Doubleday, 1960, p. 104.
  4. Eberhard Schrader, The Cuneiform Inscriptions and the Old Testament, Londres: Williams et Norgate, 1888, p. 48.
  5. Chicago Assyrian Dictionary sub Kudurru Ca5'.
  6. « 25 septembre -605. Neboukadnetsar (ou Nabuchodonosor) est couronné roi de Babylone », sur www.croirepublications.com (consulté le )
  7. Paul-Alain Beaulieu, « Ba'u-asītu et Kaššaya, Daughters of Nebuchadnezzar II » dans Orientalia vol. 67.
  8. Francis Joannès, « Kaššaia, fille de Nabuchodonosor II » dans Revue d'Assyriologie no 74, p. 184.
  9. (en) D. J. Wiseman, Nebuchadrezzar and Babylon. Oxford, 1985.[réf. incomplète]
  10. Muḥammad Ibn-Ǧarīr Aṭ-Ṭabarī, The History of Al-Tabarī. State Univ. de New York Pr., 1987, p. 43–70.

Voir aussi

Bibliographie

  • F. Joannès, « Nabuchodonosor II », dans F. Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris, 2001, p. 554-556.
  • (de) Michael P. Streck, « Nebukadnezar II. A. Historisch. », dans Reallexicon der Assyriologie und Vorderasiatischen Archäologie, vol. IX (3/4), Berlin, De Gruyter, , p. 194-201
  • F. Joannès, La Mésopotamie au Ier millénaire avant J.-C., Paris, .
  • (en) D. J. Wiseman, Nebuchadrezzar and Babylon, Londres, 1985.
  • (en) D. J. Wiseman, « Babylonia 605-539 B.C. », dans John Boardman et al. (dir.), The Cambridge Ancient History, volume III part 2: The Assyrian and Babylonian Empires and other States of the Near East, from the Eighth to the Sixth Centuries B.C., Cambridge, Cambridge University Press, , p. 229-251
  • D. Arnaud, Nabuchodonosor II, Roi de Babylone, Paris, 2004.
  • B. André-Salvini (dir.), Babylone, Le catalogue de l'exposition, Paris, 2008.
  • B. André-Salvini, Babylone, Paris, 2009.
  • Georges Vajda, « Bukht-naṣ(ṣ)ar », dans Encyclopédie de l'Islam I, Louvain, 1960.

Articles connexes

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