Nuton
Le nuton (ou lûton, nûton, kabouter en néerlandais) est une petite créature du folklore et des croyances populaires des Ardennes françaises et de la Belgique, très proche du lutin avec lequel il partage son origine linguistique. Il s'en différencie toutefois par son habitat, formé de cavernes à l'instar du nain germanique.
Groupe | Folklore populaire |
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Sous-groupe | Petit peuple |
Caractéristiques | Humanoïde artisan de petite taille |
Habitat | Cavernes |
Proches | Nain, sottai, lutin, gobelin, gnome |
Origine | Folklore belge |
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Région | Belgique |
Étymologie et terminologie
Ce mot wallon a poursuivi une évolution parallèle au terme français « lutin », les formes dialectales « lûton » (la plus rare, signalée entre autres à Huy, Durbuy et Ellezelles) et « nûton » (la plus courante, signalée dans tout le pays de Namur) mènent au terme moderne nuton[1],[2].
Origine
À Celles, non loin de Dinant, on retrouve une pierre votive vouée à une divinité populaire du nom de « NVTTO » dont elle est la seule évocation connue[réf. nécessaire][3]. Si sa dédicace demeure controversée, elle permet de risquer l’hypothèse que les nutons seraient en Ardenne belge liés à la mythologie populaire, et cela dès la période gallo-romaine[3]. Du côté de Malmedy (est de la Belgique) on retrouve la trace de très anciennes toponymies avec son trô dès dûhons (trou des duhons), dont l'étymologie est issue des duses[4],[5],[6]. Dans le carnaval de Malmedy (Cwarmê), on retrouve d'ailleurs un personnage nommé « sotê » qui est plus que probablement le nuton local[7].
Description
Le nuton partage la même origine que le lutin, mais les grottes, cavernes et souterrains forment l'essentiel de son habitat selon le folklore local[8], à l’instar des nains du monde germanique[9]. Il était jadis d'usage de lui déposer des objets endommagés le soir, avec un peu de nourriture, et la tradition veut qu'ils soient retrouvés réparés au matin, comme dans les contes de Grimm. Bien que le nuton soit rarement différencié du lutin français, Pierre Dubois insiste aussi sur le fait que les lutins forment « une race à part entière », à ne pas confondre avec les nutons dont l'habitat et les légendes sont différents.
Les nutons prennent peu la parole, et toujours pour livrer des messages désagréables, à tel point que « nuton » est devenu un synonyme de « misanthrope » et « taciturne »[10]. Leurs sortilèges sont particulièrement craints dans les Ardennes. Un récit bien connu parle d'un paysan wallon fauchant son blé pour le rentrer avant l'orage, lorsqu'il voit le nuton de son foyer l'aider en portant un épi à la fois. Énervé par ce qu'il juge comme une aide inutile, il s'en moque. Le nuton sort de son mutisme, et lui lance cette malédiction :
« Paume à paume (Épi par épi), je t'ai enrichi, paume à paume je te ruinerai ! »
— Collecté par Jérôme Pimpurniaux[11],[Note 1]
La variante « Épi par épi, je t'ai enrichi, gerbe par gerbe je te ruinerai » est citée par Albert Doppagne[12] et surtout Pierre Dubois, qui en a fait le symbole du lien du petit peuple avec la Nature, et de l'importance à le respecter, ajoutant que rien n'est jamais acquis ou définitif avec eux[13]. Dans la suite du récit en effet, le paysan wallon perd toutes ses possessions et finit ruiné[14].
Croyances, toponymes et expressions
Dans les années 1970, Albert Doppagne s'intéresse à ces créatures et recueille le témoignage d'une femme wallonne de 60 ans qui affirme avoir vu les nutons courir sur l'appui de fenêtre de sa maison[15].
Si les croyances populaires ont largement reculé, les expressions liées aux nutons demeurent, en général pour désigner la misanthropie ou, à Warmifontaine, la gourmandise. Les coings de Comblain-au-Pont sont nommés « pommes de nutons ». Des tours et des « trous de nutons » sont toujours visibles dans les toponymes belges, tout comme les « étrons de nuton », des blocs de pyrite dans l'entre-Sambre-et-Meuse[16],[17].
Notes et références
- Il y a des variantes à cette formule, comme « Pâte à pâte, t'as flouri, djâbe à djâbe tu d'flourihrès » (« Pâte à pâtes, tu as fleuri, gerbe à gerbe tu défleuriras ! »). Voir Lecouteux 2010, p. 273
- Sterckx 1994, p. 51, citant entre autres O. Colson dans Wallonia X, 1902, p. 35-36
- Évolution du terme d'après Émile Dantinne : Neptunus, neptuni, netum, nuiton (qui donne nuton), luiton (qui donne luton), luitin et enfin lutin. Voir Dantinne 1958-1960, p. 173-199
- Duvivier de Fortemps 2007, p. 5
- Enquêtes du Musée de la vie wallonne, Volume 12, numéros 133 à 142, Liège, Belgique, Le Musée, 1971, p. 29
- Sterckx 1994, p. 49
- Doppagne 1977, p. 12
- « Les masques traditionnels », sur www.malmedy.be (consulté le )
- « Nutons, Sotais et autres petits hommes de chez nous », sur sonuma.be, (consulté le )
- Duvivier de Fortemps 2007, p. 3
- Martineau 2003, p. 98
- Jérôme Pimpurniaux, Guide du voyageur en Ardenne, t. 2, 1858, p. 258
- Doppagne 1977, p. 19
- Dubois 1992, p. 6, le cite très souvent lors de ses contes oraux
- Ce récit est très fréquemment cité, entre autres par André Dhôtel dans Lointaines Ardennes, Arthaud, 1979, (ISBN 2700302699 et 9782700302691), p. 126 ; Anne Martineau : Martineau 2003, p. 103, et Claude Lecouteux : Lecouteux 2010, p. 273
- Albert Doppagne cité par Martineau 2003, p. 85
- Dubois 1992, p. 132-133
- Brasey 2008, p. 23-24
Annexes
- Émile Dantinne, « Les mystérieux habitants de nos cavernes : les Nutons de Wallonie et leur origine », Les Chercheurs de la Wallonie, t. XVII, 1958-1960, p. 173-199
- Albert Doppagne, Esprits et génies du terroir, vol. 1 de Usages & croyances populaires, Paris/Gembloux, J. Duculot, , 192 p. (ISBN 2-8011-0129-X et 9782801101292)
- Pierre Dubois (ill. Roland et Claudine Sabatier), La grande encyclopédie des lutins, Paris, Hoëbeke, , 191 p. (ISBN 978-2-84230-325-9).
- Céline Menoncin (ill. Adeline Vachez), Oligo le nuton ardennais, Les mondes sylvestres, 2018
- Céline Menoncin (ill. Adeline Vachez), Oligo et le sapin de Noël, Les mondes sylvestres, 2019
- Céline Menoncin (ill. Adeline Vachez), Oligo et le mystère des ardoisières, Les mondes sylvestres, 2020
- Claude Sterckx, « Nûton, lûtons et dieux celtes », Zeitschrift für celtische Philologie, no 46, , p. 39-79 (ISSN 1865-889X, lire en ligne)
- Claude Lecouteux, Nos bons voisins les lutins : Nains, elfes, lutins, gnomes, kobolds et compagnie, Paris, José Corti éditions, coll. « Merveilleux », , 335 p. (ISBN 978-2-7143-1013-2 et 2-7143-1013-3)Recueil précédé de 26 pages d'analyse
- Anne Martineau, « La grande tribu des lutins », dans Le nain et le chevalier: Essai sur les nains français du moyen âge, Presses Paris Sorbonne, coll. « Traditions et croyances », (ISBN 9782840502746, lire en ligne), p. 83-138. Thèse recensée et critiquée par Bernard Ribémont dans les Cahiers de recherches médiévales et humanistes en 2003, [lire en ligne]
- Jean-Luc Duvivier de Fortemps, « Le nuton, nain de l'Ardenne fantastique », sur Les Chemins de la Pierre, La Maison du Tourisme du Pays de la Haute-Lesse, (consulté le ), p. 3
- Édouard Brasey, Le petit livre des lutins, Paris, Le pré aux clercs, , 60 p. (ISBN 978-2-84228-333-9).
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