Oligo-élément

Un oligo-élément est un sel minéral nécessaire à la vie d'un organisme, mais en quantité très faible, inférieure à ppm (mg par kg de poids corporel)[1].

Les oligo-éléments possèdent une toxicité pour l'organisme lorsqu'ils sont présents à des taux trop élevés. L'effet d'un oligo-élément dépend de la dose d'apport. Lorsque l'oligo-élément est dit essentiel, une carence ou au contraire un apport excessif peuvent entraîner des troubles sérieux.

Définition

Le terme est introduit par le chimiste Gabriel Bertrand dont les travaux au début du XXe siècle montrent l'action de ces éléments sur les sols, les plantes et les animaux, et dont les besoins en quantités infimes les distinguent des « éléments majeurs » ou « macro-éléments »[2].

Les oligo-éléments essentiels répondent aux critères suivants[3] :

  • être présents à une concentration relativement constante dans les tissus d'un organisme ;
  • provoquer, par leur absence ou leur retrait, des anomalies structurelles et physiologiques proches, et ce de façon similaire dans plusieurs espèces ;
  • prévenir ou guérir ces troubles par l'apport du seul élément.

Classification des oligo-éléments

Chez l'humain

D'un point de vue nutritionnel, il est possible de distinguer deux types d'oligo-éléments selon le risque de carence :

À l'inverse, certains oligo-éléments sont toxiques à hautes doses. D'autres ne le sont pas vraiment, mais peuvent être à l'origine de déséquilibres entre les éléments : un excès de zinc entraîne par exemple une carence en cuivre.

Éléments nutritifs dans le tableau périodique
H He
LiBe BCNOFNe
NaMg AlSiPSClAr
KCaSc TiVCrMnFeCoNiCuZnGaGeAsSeBrKr
RbSrY ZrNbMoTcRuRhPdAgCdInSnSbTeIXe
CsBaLa*HfTaWReOsIrPtAuHgTlPbBiPoAtRn
FrRaAc**RfDbSgBhHsMtDsRgCnNhFlMcLvTsOg
 
 *CePrNdPmSmEuGdTbDyHoErTmYbLu
 **ThPaUNpPuAmCmBkCfEsFmMdNoLr
  • Les quatre principaux éléments essentiels
  • Autres macro-éléments essentiels
  • Éléments traces essentiels (micro-élément et oligo-élément)
  • Éléments jugés essentiels par les États-Unis et non par l'Union européenne
  • Action biologique suggérée
  • Preuves limitées d'action biologique chez les mammifères
  • Aune preuve d'action biologique chez les mammifères, mais essentiel chez les mammifères.
    (Dans le cas du lanthane, les preuves embryonnaires d'essentialité restent difficilement applicables car les autres éléments des lanthanides (Ce, Pr, Nd, Sm, Eu, Gd) sont chimiquement très similaires.)
Éléments présents dans le corps humain[4]
Élément Symbole

chimique

Pourcentage

de la masse

corporelle

Rôles
Oxygène O 65,0 Constituant des molécules organiques et inorganiques

Contribue à l'oxydation du glucose, de combustibles alimentaires

Participe donc à la production d'énergie cellulaire (ATP)

Carbone C 18,5 Constituant des molécules organiques (glucides, lipides, protéines, acides nucléiques)
Hydrogène H 9,5 Constituant des molécules organiques

Détermine le pH des liquides organiques

Azote N 3,2 Constituant des protéines et des acides nucléiques (matériel génétique)
Calcium Ca 1,5 Présent dans les os et les dents

Contribue à la contraction musculaire, la transmission de l'influx nerveux et la coagulation sanguine

Phosphore P 1,0 Présent dans les os et les dents

Constituant des acides nucléiques, des protéines et de l'ATP

Potassium K 0,4 Présent dans les cellules

Contribue à la propagation de l'influx nerveux et la contraction musculaire

Soufre S 0,3 Présent dans les protéines dont les protéines contractiles
Sodium Na 0,2 Présent dans les liquides extracellulaires

Contribue à l'équilibre hydrique, la propagation nerveuse et la contraction musculaire

Chlore Cl 0,2 Présent dans les liquides extracellulaires
Magnésium Mg 0,1 Présent dans les os

Contribue à l'activité enzymatique dans des réactions métaboliques

Iode I 0,1 Contribue à la production des hormones thyroïdiennes
Fer Fe 0,1 Constituant de l'hémoglobine et de plusieurs enzymes

Oligoéléments (représentant moins de 0,01%)

Chrome (Cr), cobalt (Co), cuivre (Cu), étain (Sn), fluor (F), manganèse (Mn), molybdène (Mo), sélénium (Se), silicium (Si), vanadium (V), zinc (Zn).

Ils entrent dans la composition d'enzymes ou sont nécessaires à leur activation.

Chez les végétaux

Pour les végétaux, les principaux oligo-éléments sont, par ordre alphabétique[5] : le bore, le cuivre, le fer, le manganèse, le molybdène et le zinc.

Pour avoir une idée des quantités nécessaires aux plantes : un hectare de vigne absorbe, par an (en moyenne et environ), 200 grammes de bore, 180 grammes de cuivre, 600 grammes de fer, 300 grammes de manganèse, 4 grammes de molybdène, et 250 grammes de zinc. Par comparaison, il faudra 80 000 grammes (80 kg) de potasse (K2O) ou de calcium[réf. souhaitée].

Mode d'action

Liaison métal/protéine

Sauf à de rares exceptions, les métaux ne sont jamais présents à l'état d'ions libres dans un organisme. Leur absorption, leur transport, ainsi que leur stockage et leur mode d'action, sont conditionnés par la liaison à une protéine.

On distingue deux types de liaisons possibles :

  • liaisons ioniques (métaux alcalins ou alcalinoterreux tels que sodium, potassium ou calcium) : le métal, chargé positivement, se lie à des protéinates très facilement dissociables dont les groupements acides sont chargés négativement ;
  • liaisons de coordination : tout oligo-élément métallique est apte à former ainsi des complexes de forme variable avec les protéines. Lorsque les deux éléments sont difficilement dissociables, on parle de métalloprotéines.

Utilisation tissulaire

Les oligo-éléments peuvent tout d'abord être stockés, en réserve. Lors de leur utilisation proprement dite, ils peuvent subir des réactions d'oxydation, de réduction ou de méthylation sous l'influence d'enzymes spécifiques. Leur rôle majeur est toutefois l'incorporation dans des enzymes, au fonctionnement desquelles ils sont alors essentiels.

Cofacteurs enzymatiques

En se liant aux enzymes, les oligo-éléments sont pour la plupart capables de changer la conformation de ces protéines au rôle de catalyseur. La liaison entre un métal et son enzyme (alors appelée apoenzyme) est généralement très spécifique du métal pour une enzyme donnée.

Un oligo-élément ainsi lié à une enzyme a un comportement de cofacteur enzymatique, indispensable au bon fonctionnement de l'enzyme.

Ces métallo-enzymes sont très nombreuses dans le règne animal. On a ainsi décrit plus de deux cents enzymes ayant le zinc pour cofacteur.

Certains oligo-éléments entrent également dans la structure des vitamines, comme le cobalt intégré à la vitamine B12. Ils n'ont alors pas directement une action de cofacteur, mais sont indispensables à la composition d'une coenzyme organique.

Dans le règne végétal, les oligo-éléments sont également capables de se lier à des apoenzymes pour former des holoenzymes catalysant la plupart des réactions vitales du métabolisme végétal (respiration, transport d'énergie, photosynthèse, etc.). Par exemple, l'un des rôles importants du magnésium est de permettre la fabrication de la chlorophylle.

Hormones

Certains oligo-éléments participent de manière indirecte à la constitution des signaux hormonaux par une action de coenzyme lors de la synthèse de l'hormone. Toutefois, les oligo-éléments peuvent intervenir directement dans le signal hormonal, que ce soit en participant à la structure moléculaire de l'hormone (comme l'iode et les hormones thyroïdiennes) ou à sa conformation spatiale (comme le zinc et l'insuline), ou encore en agissant au niveau du récepteur hormonal. Ils peuvent alors faciliter ou au contraire inhiber la reconnaissance de l'hormone par son récepteur.

Système immunitaire

Chez l'humain, certains oligo-éléments participent au bon fonctionnement du système immunitaire, par une action sur les enzymes, mais aussi par une interaction avec des molécules de l'expression et de la transformation des cellules lymphoïdes. Ils peuvent également concourir à la lutte contre les radicaux libres de l'oxygène, potentiellement toxiques.

Rôle structural

Bien que n'entrant dans la composition corporelle que dans une faible proportion, les oligo-éléments peuvent renforcer la solidité de certains tissus. C'est le cas notamment du fluor dans l'hydroxyapatite du tissu osseux et dentaire.

Métabolisme chez l'humain

Absorption

L'absorption est l'étape d'assimilation des nutriments lors de la digestion. Dans le cas des oligo-éléments, elle se révèle complexe, en raison de la diversité de leurs formes d'apport, sels minéraux ou complexes organiques : métalloprotéines, organométalliques, acides aminés, vitamines…

Le transport, à travers la muqueuse de l'intestin grêle, peut aussi bien être actif que passif, par transporteur protéique ou par un transporteur de molécules organiques. Le métal peut être substitué à un composant du transporteur (à la place d'un acide aminé, par exemple), mais aussi complexé à son transporteur. L'oligo-élément peut également être stocké dans la cellule intestinale où des protéines de transport peu spécifique le prendront en charge.

Transport sanguin

Les oligo-éléments, très rarement présents sous forme ionique dans le sang, sont liés à divers transporteurs :

  • protéines aspécifiques, comme l'albumine, capable de transporter de nombreux types de molécules ;
  • protéines spécifiques à chaque oligo-élément, ex. : transferrine et fer…

Stockage

Des réserves d'oligo-éléments existent, principalement au niveau du foie. Au niveau des tissus, les oligo-éléments peuvent se fixer à des protéines de stockage spécifiques (ferritine et fer…), mais aussi à des protéines non spécifiques comme les métallothionéines, dont les nombreux radicaux thiols sont capables de retenir de nombreux métaux grâce à leur forte teneur en cystéine.

Excrétion

De nombreux tissus de l'organisme humain sont aptes à excréter les métaux, qu'il s'agisse de la peau, des poumons, ou du rein et du foie. Ce sont toutefois ces deux derniers organes qui effectuent la quasi-totalité de cette excrétion. Chaque tissu n'est capable d'excréter que certains types d'oligo-éléments :

  • excrétion majoritairement biliaire : cuivre, fer, manganèse, nickel, strontium, vanadium, qui possèdent ainsi un cycle entérohépatique (excrétion biliaire et réabsorption dans le duodénum) ;
  • excrétion majoritairement urinaire : chrome, cobalt, sélénium, molybdène, prépondérante pour les métaux éliminés sous forme séquestrée (comme le cobalt dans la vitamine B12) ou anionique (comme le molybdate) ;
  • excrétion majoritairement sudorale : chrome, cuivre, zinc, sélénium, strontium.

Homéostasie

Assurée par la régulation de leur taux :

  • absorption intestinale ;
  • excrétion biliaire et urinaire.

Dans le génome le mécanisme régulant le métabolisme des oligo-éléments est l'induction des protéines de stockage intracellulaire.

Régulation de l'absorption intestinale

La régulation de l'absorption se fait principalement par l'induction de protéines de stockage intracellulaires. Un excès d'apport induira ainsi le gène de ces protéines, alors produites en plus grande quantité. Ces protéines de stockage vont fixer le métal en excès à l'intérieur de l'entérocyte, l'empêchant de traverser la cellule afin de gagner le flot sanguin. Les cellules intestinales composant un épithélium à renouvèlement rapide, elles desquameront rapidement dans la lumière digestive, entraînant avec elles l'excès de métal fixé.

Ce mécanisme possède toutefois certaines limites. Tout d'abord, il se dégrade de manière physiologique avec le vieillissement de l'individu. Ensuite, les métalloprotéines étant aspécifiques, elles peuvent aussi bien fixer des métaux toxiques ou en excès que des métaux utiles. Un apport excessif de zinc entraîne ainsi une synthèse accrue de métallothionéines, et par là une fixation plus importante de métaux tels que le cuivre, qui seront donc moins bien absorbés. Dans le cas du zinc et du cuivre, ce phénomène pourra induire des anémies par carence en cuivre.

Régulation du stockage

La synthèse des protéines de stockage spécifiques est régulée par rétrocontrôle, permettant ainsi le contrôle des taux d'oligo-éléments sériques. Certaines maladies génétiques vont être responsables d'un dérèglement de ce stockage, entraînant des maladies de surcharge comme la maladie de Wilson ou l'hémochromatose génétique.

Notes et références

  1. (en) Maria Antonietta Zoroddu, Jan Aaseth, Guido Crisponi, Serenella Medici, Peana Massimiliano et Nurchi Valeria Marina, « The essential metals for humans: a brief overview », Journal of Inorganic Biochemistry, vol. 195, , p. 120–129 (DOI 10.1016/j.jinorgbio.2019.03.013, lire en ligne, consulté le )
  2. Raymond Ferrando, Les bases de l'alimentation, Vigot, p. 98.
  3. (en) G.C. Cotzias, « Importance of trace substances in experimental health, as exemplified by manganese », Trace Subst Environ Health, vol. 1, , p. 5–19.
  4. Elaine N. Marieb, Biologie humaine : principes d'anatomie et de physiologie, Paris, Pearson Education, , 631 p. (ISBN 978-2-7613-2727-5), p. 28
  5. (en) He ZL, Yang XE, Stoffella PJ, « Trace elements in agroecosystems and impacts on the environment », J Trace Elem Med Biol, vol. 19, nos 2-3, , p. 125-40. (PMID 16325528)

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Chappuis, P. (1991) Les oligo-éléments en médecine et biologie, Lavoisier
  • Mertz, W. (1986) Trace elements in human and animal nutrition, Academic Press

Liens externes

  • Portail de la médecine
  • Portail de la chimie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.