Origine des termes féministe et féminisme

L'Origine des termes féministe et féminisme se trouve en France, au dix-neuvième siècle, et permet de nommer les idées préexistantes relatives à la condition de la femme.

Usage du mot féminisme avant 1870

Le terme « féminisme » est souvent attribué au philosophe français Charles Fourier (1772-1837). Cependant, s'il se montre bien par ses écrits un défenseur de la liberté des femmes et de l'égalitarisme, le terme n’apparaît pas sous sa plume[1].

Avant 1870, le terme féminisme est très rare et sert à parler des caractéristiques propres aux femmes. Ainsi, dans le Salon de 1861, il est dit « Une femme enfin, Mme Browne, a pénétré dans les harems, et nous en a rapporté de petits poèmes de grâce, d'afféterie, de féminisme qu'un homme n'eût jamais saisis[2]. ». On trouve aussi le mot avec ce sens dans un ouvrage de 1869 de Jean-Baptiste Fonssagrives qui indique « chaque sexe a, dès l'enfance son individualité bien tranchée (...) Voilà donc bien démontré, je l'espère, le féminisme physique de la petite fille ». En écrivant cela, Fonssagrives utilise le terme de féminisme physique pour montrer par des chiffres que la petite fille est sujette à des conditions physique différentes du petit garçon, avant de traiter les autres caractères attribués au genre féminin comme l'âme et l'esprit déjà présents chez la petite fille[3].

Le mot est aussi utilisé par quelques médecins pour désigner les sujets masculins dont le développement de la virilité s'est arrêté[4] ou pour parler de ceux chez qui des traits féminins s'expriment. Ferdinand-Valère Faneau de la Cour utilise en ce sens le mot féminisme lorsqu'il cherche à classer certains malades selon leur morphologie en trois sexes, masculin, féminin et neutre, dans sa thèse Du féminisme et de l'infantilisme chez les tuberculeux[5].

Redéfinition des termes féminisme et féministe

Alexandre Dumas fils, revendique l'invention du terme féministe dans L'Homme-femme en 1872 : « Les féministes, passez-moi ce néologisme, disent : Tout le mal vient de ce qu'on ne veut pas reconnaître que la femme est l'égale de l'homme, qu'il faut lui donner la même éducation et les mêmes droits qu'à l'homme »[6]. Le , Emile de Girardin, dans sa réponse dans La Liberté au livre de 180 pages de Dumas pour trancher une affaire d'adultère et de meurtre accepte d'être qualifié de féministe avec des hommes et penseurs tels que Gladstone, Jacob Bright, Stuart Mill, Stewart, Alexis de Tocqueville, Hippolyte Taine, Edouard Laboulaye même si les idées sont antérieures. Émile de Girardin reconnait à Dumas l'invention de ce néologisme[7]. Ainsi en , Dumas est affublé du terme féministe dans les colonnes de La Renaissance littéraire et artistique[8]ou Le Rappel[9]. Le sens actuel est donc présent mais avec une valeur péjorative.

Tract américain de 1914.

En 1881, on dit de la pièce de théâtre La Parisienne qu'elle est étincelante de féminisme[10], dans le sens ancien du terme.

Plus tard, sous la plume d'Hubertine Auclert, en 1882, le terme féminisme  et donc la doctrine associée  est défini explicitement comme la lutte pour améliorer la condition féminine[11],[12]. Le terme est popularisé par la presse à l'occasion d'un congrès « féministe » organisé à Paris en par Eugénie Potonié-Pierre[13]. Il apparaît ensuite aux Pays-Bas dans une lettre ouverte de Mina Kruseman à Dumas fils[14], en Grande-Bretagne en 1894[15], puis aux États-Unis en 1904[16],[4].

Dans un ouvrage en deux volumes intitulé Le Féminisme français (1902)[17],[18], Charles Turgeon distingue trois sortes de féminisme, le féminisme révolutionnaire ou de gauche, le féminisme catholique et le féminisme indépendant, dans lequel il inclut le féminisme protestant[19]. Dans les années 1910, aux États-Unis, le terme recouvre « deux idées dominantes », « l'émancipation de la femme tant comme être humain que comme être sexuel »[20].

Notes et références

  1. Geneviève Fraisse, « Féminisme : appellation d’origine », Vacarme, nos 04 et 05, , p. 52 (lire en ligne).
  2. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k122765b/f363.item
  3. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k104230x/f30.image
  4. « Histoire du féminisme », sur Encyclopedia Universalis
  5. https://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/medica/resultats/index.php?do=page&cote=TPAR1871x001&p=13
  6. Alexandre Dumas fils, L'Homme-femme : réponse à Henri d'Ideville, Paris, Michel Levy frères, (présentation en ligne), p. 91.
  7. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4778814p/f3.item
  8. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6268821r/f8.item
  9. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7533338v/f2.item
  10. Théodore de Banville, Contes pour les femmes : scènes de la vie, (lire en ligne), p. 205
  11. Françoise Lautman, Ni Eve ni Marie : luttes et incertitudes des héritières de la Bible, Labor et Fides, , 350 p. (ISBN 978-2-8309-0882-4, lire en ligne), p. 212.
  12. Isabelle Ernot, « Sociétés industrielles : un siècle de mutations », dans Geneviève Dermenjian, Irène Jami, Annie Rouquier et al., La place des femmes dans l'histoire : une histoire mixte, Paris, Éditions Belin, (ISBN 978-2-7011-5391-9).
  13. Karen Offen, « Defining Feminism: A Comparative Historical Approach », Signs, vol. 14, no 1, , p. 126 (JSTOR 3174664).
  14. (nl) Maria Grever, Strijd tegen de stilte : Johanna Naber (1859-1941) en de vrouwenstem in Geschiedenis, Hilversum, Verloren, , 427 p. (ISBN 90-6550-395-1, lire en ligne), p. 31.
  15. (en) Camilla Long, « What’s up sisters ? », The Sunday Times, (lire en ligne, consulté le ).
  16. (en) Paul Elmer More et Corra Harris, The Jessica Letters : An Editor's Romance, New York, G. P. Putnam’s Sons, (lire en ligne), p. 63.
  17. Charles Turgeon, Le Féminisme français : L'Émancipation politique et familiale de la femme, Larose, (lire en ligne).
  18. Charles Turgeon, Le Féminisme français : L'Émancipation individuelle et sociale de la femme, Larose, (lire en ligne).
  19. (en) Claire Goldberg Moses, « Debating the present, writing the past, feminism in French history and historiography », Radical history review, no 52, , p. 81 (DOI 10.1215/01636545-1992-52-79).
  20. (en) Nancy F. Cott, The Grounding of Modern Feminism, Yale University Press, (lire en ligne), p. 49.
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