Pétrole contre nourriture

Pétrole contre nourriture est le nom d'un programme visant à satisfaire les besoins humanitaires du peuple irakien après la guerre du Golfe. Il est mis en place pour réduire les souffrances prolongées du peuple irakien dues aux sanctions économiques mises en place par l'ONU à la suite de l'invasion du Koweït par les troupes irakiennes en août 1990.

Conçu comme une « mesure temporaire destinée à couvrir les besoins humanitaires du peuple irakien », le programme « Pétrole contre nourriture » fonctionne de 1996 à 2003, brassant en tout 64 milliards de dollars. Il permet à l'Irak de vendre son pétrole et d'acheter en échange de la nourriture, des médicaments et de nombreux services, cela sous la supervision de l'ONU. Il est interrompu par l'ONU à la suite de la mise en place de l'Autorité provisoire de la coalition en 2003. Le secrétaire de l'ONU, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont toutefois demandé que la dernière commande approuvée soit livrée. Toutefois, après l'interruption du programme, il a été révélé que le gouvernement irakien avait mis en place un important réseau de corruption pour détourner une partie des fonds[1].

Prélude

Après la guerre du Golfe, l'ONU vote un embargo qui dura douze ans. Selon un rapport du Conseil économique et social des Nations unies, il cause entre 500 000 et 1,5 million de morts, dont une majorité d'enfants[2]. Cependant, ces chiffres sont contestés ; l'ONU réfute par la suite ses propres enquêtes qui, selon un rapport du London School of Economics — rédigés par les chercheurs Tim Dyson et Valerie Cetorelli et publié en — se basaient sur des bilans fournis et manipulés par le gouvernement irakien[3].

Déroulement et fonctionnement

Après un refus initial, l'Irak signe un accord en pour la mise en place du programme proposé dans la résolution. Le programme commence réellement en et les premières livraisons de denrées alimentaires ont lieu en .

Les revenus issus des exportations du pétrole sont placés sur un compte spécial géré par le Conseil de sécurité des Nations unies.

  • 30 % de ces revenus servent à dédommager le Koweït ;
  • 13 % sont affectés au Kurdistan irakien, où les États-Unis et le Royaume-Uni ont établi une zone dite de « sécurité » ;
  • 3 % servent à payer les fonctionnaires de l'ONU ;
  • les 54 % restants servent à l'achat de nourriture et de médicaments.

L'acceptation du moindre contrat est soumise à l'approbation du Conseil de sécurité qui bloque environ la moitié des contrats. Ce sont les États-Unis et le Royaume-Uni qui sont à l'origine de la quasi-totalité des vétos exercés. En septembre 1998, le coordinateur du programme humanitaire de l'ONU en Irak, Denis Halliday (en), démissionne pour cette raison. Début 2000, Hans-Christof von Sponeck, son successeur, et Jutta Burghardt, responsable du programme pour l'alimentation mondiale en Irak, démissionnent pour le même motif.

La Russie et la France sont, respectivement, les troisième et quatrième pays bénéficiaires financiers de « Pétrole contre nourriture »[réf. nécessaire].

Scandale

Ce système s'accompagne d'un important réseau de corruption, conçu par le régime irakien comme un réseau d'influence international. Il s'étend en France, en Russie, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Italie, en Australie, en Inde, et au sein même des rouages de l'ONU, en les personnes de la femme de Boutros Boutros-Ghali et le successeur de Kofi Annan[4].

En , un journal de Bagdad publie une liste de 270 personnes impliquées, dont 21 Français (entre autres Charles Pasqua, l'ambassadeur de France auprès de l'ONU Jean-Bernard Mérimée, Serge Boidevaix, le biographe de Saddam Hussein Charles Saint-Prot et Gilles Munier[4]). Cette dénonciation est le point de départ de l'Affaire Pétrole contre nourriture.

Des sociétés françaises ont également été impliquées dans ce système de corruption, notamment les groupes Total, Vitol, Renault et David Brown France.

À la suite de la publication du rapport de Paul Volcker impliquant des sociétés françaises, des investigations faites par la brigade financière de Paris ont donné lieu à des perquisitions, gardes à vue et mises en examen en France.

Le groupe Total a été mis en examen, notamment pour corruption, le par un juge en France dans cette affaire dite « pétrole contre nourriture » en Irak.

Paradoxalement, les montants de commissions occultes en jeu ne sont en rien proportionnels à la taille des sociétés ayant été impliquées. En effet, de petites structures avec un faible chiffre d'affaires, tel que David Brown France localisée à Thann, près de Mulhouse, ont tout de même versé des commissions occultes à hauteur de 1 000 000 de dollars.

Le Groupe Textron paie une amende de 1 500 000 USD à la justice américaine pour clore l'affaire de fraudes et de malversation de la société française David Brown France Engrenages de Thann[5].

Le , l'ensemble des prévenus dans l'affaire, y compris Charles Pasqua et le groupe Total, sont relaxés par le Tribunal Correctionnel de Paris. Aucun des chefs d'accusation n'a été retenu[6]. Cependant le , Total est condamné en appel, à Paris, à 750 000 euros d'amende, et le groupe suisse Vitol à 300 000 euros d'amende[7].

Annexes

Articles connexes

Notes et références

  1. http://www.washingtontimes.com/upi/20060822-104216-5171r.htm
  2. Marc Bossuyt, « Conséquences néfastes des sanctions économiques pour la jouissance des droits de l'homme », Conseil économique et social des Nations unies, (voir archive) [PDF]
  3. Liz Sly, Saddam Hussein said sanctions killed 500,000 children. That was ‘a spectacular lie.’, The Washington Post, 4 août 2017.
  4. [réf. incomplète] Laurent Chabrun et Franck Hériot, Les corrompus de Saddam Hussein, Édition Plon, 2006 (ISBN 2-2592-0249-7)
  5. http://skaddenpractices.skadden.com/fcpa//attach.php?uploadFileID=33
  6. Procès pétrole contre nourriture : Pasqua et Total relaxés Le Parisien, 8 juillet 2013
  7. « « Pétrole contre nourriture » : Total condamné à 750 000 euros d’amende en appel », Le Monde, (lire en ligne)
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