Parlement du Cambodge

Le Parlement du Cambodge (en khmer : សភាតំណាងរាស្ត្រកម្ពុជា romanisé : Saphea Kâmpŭchéa) est l'organe législatif bicaméral du royaume du Cambodge. L'Assemblée nationale constitue la chambre basse, tandis que le Sénat constitue la chambre haute.

Parlement du Cambodge
(km) Saphea Kâmpŭchéa
សភាតំណាងរាស្ត្រកម្ពុជា

VIe législature (Assemblée nationale)
IVe législature (Sénat)

Présentation
Type Bicaméral
Chambres Assemblée nationale
Sénat
Création
Lieu Phnom Penh
Présidence
Assemblée nationale Heng Samrin (PPC)
Élection
Sénat Say Chhum (en) (PPC)
Élection
Structure
Membres 187 membres :
125 députés
62 sénateurs
Composition actuelle.
Groupes politiques
(Assemblée nationale)

Gouvernement (125)

Composition actuelle.
Groupes politiques
(Sénat)

Gouvernement (58)

Nommés (4)

Élection
Système électoral
(Assemblée nationale)
Proportionnel plurinominal
Dernière élection 29 juillet 2018
Système électoral
(Sénat)
Dernière élection 25 février 2018



Bâtiment de l'Assemblée nationale (Assemblée nationale)



Bâtiment du Sénat (Sénat)

Divers
Site web Assemblée nationale
Sénat
Voir aussi Politique au Cambodge

Historique

Les premières traces d’un embryon de parlement datent du protectorat, plus précisément de l’ordonnance du 18 mars 1913 signé par le roi Sisowath et créant une assemblée consultative de 39 membres chargés de représenter les provinces et les municipalités. Le statut changera après la seconde Guerre mondiale avec la volonté d’octroyer une constitution au Cambodge et de créer une assemblée constituante élue au suffrage universel et qui, une fois la constitution adoptée, se transforme en Assemblée nationale[1]. Dans le même temps un conseil du royaume est créé. Ses membres ont l’initiative des lois, examinent également les textes adoptés en première lecture par les députés et peuvent proposer des amendements qui doivent toutefois être finalement approuvés par l’Assemblée[2].

Concernant les formations représentées, la plupart se contentent de soutenir les réseaux de clientélisme mis en place par leurs dirigeants respectifs. Seul le parti démocrate se démarque par un réel programme politique incluant la mise en place d’un État indépendant claqué sur la quatrième République française. De telles vues ne peuvent qu’irriter le pouvoir colonial peu enclin à se retirer[3]. Ces derniers bénéficient d’un allié de poids en la personne du jeune roi Norodom Sihanouk, peu enthousiasmé par le rôle de pure figuration qu’on veut lui faire jouer. Si finalement la formation démocrate obtient la majorité absolue dans toutes les assemblées élues pendant près de dix ans, son action est contrariée par des dissolutions à répétition du parlement et la mise en place à plusieurs reprises de l’état d'urgence qui permet au roi de gouverner sans en référer aux députés[4]. Finalement le monarque coupera l'herbe sous le pied des démocrates en faisant sienne leurs idées autonomistes mais sans les associer à son action. Ce sera en définitive lui qui obtiendra seul l’indépendance de son pays en 1953[5].

Mais dès 1955, Norodom Sihanouk abandonne son trône pour mieux se consacrer à la politique et créer sa propre formation, le Sangkum Reastr Niyum, qui monopolisera les sièges à l’assemblée et le pouvoir pendant une quinzaine d’années. Même si dans les textes l’opposition reste tolérée, dans les faits ses militants sont soit fortement incités à rejoindre le parti majoritaire soit condamnés au silence ou à la clandestinité[6]. Ce régime prend fin le 18 mars 1970, quand Norodom Sihanouk est déposé par les députés élus en 1966 et essentiellement issus de l’aile droite de son mouvement[7]. Ces derniers proclament, le 9 octobre de la même année, la république khmère[8]. L'Assemblée reste en place jusqu'aux élections législatives du 3 septembre 1972. Alors qu’il parait clair que le scrutin a toutes les chances d’être émaillé d’irrégularités visant, avec le soutien de l’armée, à assurer la victoire du parti du président Lon Nol, les deux principales formations d'opposition décident de se retirer de la course et seules 10 des 126 circonscriptions présentent plusieurs candidats. Il s'ensuit une victoire écrasante du parti au pouvoir[9].

À la suite de la chute de la république khmère le 17 avril 1975, les chambres du parlement sont suspendues par les dirigeants khmers rouges jusqu'à l'élection, le 20 mars 1976 d'une Assemblée des Représentants du peuple où seuls peuvent se présenter des candidats justifiant de « bons états de service dans la lutte révolutionnaire pour la libération du peuple et de la nation ». Elle ne sera convoquée qu'une seule fois, du 11 au 13 avril 1976[10].

Les sessions parlementaires reprendront sous la République populaire du Kampuchéa, après les élections législatives du 1er mai 1981 où le Parti révolutionnaire du peuple khmer est le seul autorisé à présenter des candidats[11].

Cette assemblée va siéger jusqu’en 1993, date à laquelle, conformément aux accords de Paris devant mettre fin à la guerre civile, sont organisées sous l’égide de l’Organisation des Nations unies des élections législatives qui consacrent le retour du multipartisme qui avait cessé d’exister de jure depuis 1975, mais de facto depuis 1955[12].

Le 4 mars 1999, une seconde chambre - l'actuel sénat - est créée. Toutefois, il semble communément admis que cette mise en place répond moins à un manque législatif qu'au besoin de créer des postes à responsabilité pour régler les troubles consécutifs aux élections de 1998[13].

Assemblée nationale

L’assemblée nationale vote l’impôt[14] et les lois[15].

Elle peut révoquer le gouvernement par une motion de censure adoptée par au moins la moitié de ses membres[16]. En contrepartie, elle peut être dissoute par le roi sur proposition du premier ministre et après accord de son président, si le gouvernement a été renversé au moins deux fois dans les dix-huit derniers mois[17].

Sénat

Le Sénat a été créé par la révision constitutionnelle de [18].

Son rôle est d’examiner les lois adoptées en première lecture par l’Assemblée nationale et d’émettre au besoin des propositions d’amendement qui devront être à nouveau approuvés par la chambre basse avant que le texte ne soit définitivement promulgué[19].

Son président est le deuxième personnage de l’État et remplace le roi dans ses fonctions officielles quand il en est empêché[20].

Rôles et responsabilités

Mise à part la prépondérance de l’Assemblée dans le domaine législatif et le contrôle du gouvernement que la constitution réserve aux seuls députés, les rôles des membres des deux chambres restent globalement similaires[21].

Assemblée nationale Sénat
Article
Constitution
Article
Constitution
Mandat
Nombre de membres Au moins 120
(123 en 2017
[23])
76 Inférieur à la moitié du nombre des députés
(61 en 2017
[24])
99
Désignation Élection au scrutin de liste proportionnel à la plus forte moyenne[25] 2 sénateurs choisis par le roi
2 élus à la majorité relative par l'Assemblée nationale
Les autres, élus au scrutin indirect
100
Éligibilité Avoir le droit de vote
Être âgé d'au moins 25 ans
Avoir la nationalité khmère de naissance
76 Avoir le droit de vote
Être âgé d'au moins 40 ans
Avoir la nationalité khmère de naissance
99
Durée normale du mandat 5 ans 78 6 ans 102
Possibilité de renouvellement du mandat Illimitée 76 Illimitée 99
Dissolution Par le roi, sur proposition du premier ministre et avec l'accord du président de l'Assemblée nationale
Uniquement si le gouvernement a été renversé deux fois dans les douze derniers mois.
78
Dissolution interdite pendant l'état d'urgence. 86
Prolongation Prolongation d'un an renouvelable en cas de circonstances exceptionnelles empêchant le tenue d'élections
Proposée par le roi et approuvée par deux tiers des députés.
78 Prolongation d'un an renouvelable en cas de circonstances exceptionnelles empêchant le tenue d'élections
Proposée par le roi et approuvée par deux tiers des sénateurs.
102
Cumul avec d'autres fonctions publiques Interdit, sauf ministre 79 Interdit, même ministre 103
Cumul avec des emplois dans le secteur privé Pas de limitation[26],[note 1] Pas de limitation
Sessions
Session ordinaire Deux fois par an pour une durée minimale de trois mois (pas de limite maximale) 83 Deux fois par an pour une durée minimale de trois mois (pas de limite maximale) 107
Session extraordinaire À la demande du roi sur proposition du premier ministre ou d'un tiers des députés 83 À la demande du roi sur proposition du premier ministre ou d'un tiers des sénateurs 107
Comité permanent
(chargé du fonctionnement de la chambre en dehors des sessions)
Le président, les deux vice-présidents et les présidents des commissions 84 Le président, les deux vice-présidents et les présidents des commissions 108
État d'urgence L'Assemblée siège de manière permanente 86 Le sénat siège de manière permanente 102
Aspect législatif
Initiative des lois Partagée avec le sénat et le premier ministre 91 Partagée avec l’Assemblée nationale et le premier ministre 91
Approbation du budget de l'État, de la création, modification ou suppression d'un impôt Vote à la majorité absolue 90
Approbation d'une loi Vote à la majorité absolue en première lecture avant examen par le Sénat 90 Examen des textes de lois adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale
S'il est accepté en l'état la loi est promulguée
Sinon il repasse devant les députés pour un nouvel examen et promulgation.
113
Sauf si elle remet en cause l'indépendance, la souveraineté, l'intégrité territoriale, l'unité politique ou l'administration du pays 92
Proposition d'amendement d'une loi Sauf si la loi tend à diminuer les recettes publiques ou à augmenter les charges des citoyens 91 L’amendement doit être approuvé par l’Assemblée nationale 113
Approbation d'un traité international Vote à la majorité absolue 90
Sauf s'il remet en cause l'indépendance, la souveraineté, l'intégrité territoriale, l'unité politique ou l'administration du pays 92
Proclamation de l'état d'urgence Après accord du président 22 Après accord du président 22
Levée de l'état d'urgence Uniquement par l'Assemblée 86 Impossible si le sénat ne peut se réunir 102
Déclaration de guerre Vote à la majorité absolue 90 Après accord du Sénat 24
Contrôle du gouvernement
Désignation du premier ministre Choisi par le roi parmi les députés du parti vainqueur des élections 119
Vote de confiance au gouvernement À la majorité absolue 90
Révocation d'un ministre ou du gouvernement Motion de censure déposée par au moins trente députés.
Vote à la majorité absolue.
98
Question au gouvernement Obligation d'une réponse sous sept jours
Possibilité de débat
96
Convocation d'un ministre devant une commission Autorisée 97
Convocation d'une personnalité devant l’Assemblée pour éclaircir un point important Sur demande d'au moins un dixième des membres 89
Aspect constitutionnel
Composition du conseil constitutionnel Désignation de trois des neuf membres par l'Assemblée nationale 137
Possibilité de saisie du conseil constitutionnel Par le président de l'Assemblée nationale ou un dixième des députés 140 & 141 Par le président du sénat 140 & 141
Par un quart des sénateurs pour les lois pas encore promulguées 140
Initiative d'une révision constitutionnelle Le président de l'Assemblée nationale sur proposition d'un quart des députés 151
Adoption d'une révision constitutionnelle Vote à la majorité des deux tiers 151
Immunité
Levée de l'immunité parlementaire Après accord de l'Assemblée nationale, sauf pour les cas de flagrants délits 80 Après accord du sénat, sauf pour les cas de flagrants délits 104
Rétablissement de l'immunité parlementaire Accord de trois quarts des membres de l'Assemblée nationale 80 Accord de trois quarts des membres du sénat 104
Relation avec la monarchie
Ordre d'attribution de la régence en cas d'indisponibilité du roi 2) Président
4) Premier vice-président
6) Second vice-président
11 1) Président
3) Premier vice-président
5) Second vice-président
11
Nombre de membres du conseil du trône 3 (le président et les 2 vice-présidents) 13 3 (le président et les 2 vice-présidents) 13
Communication du roi Messages royaux ne faisant pas l'objet d'un débat 18 Messages royaux ne faisant pas l'objet d'un débat 18

Notes et références

Notes

  1. Seule la fonction de ministre est « incompatible avec une activité professionnelle commerciale et industrielle »[27].

Références

  1. « Histoire de l'Assemblée Nationale », Ambassade royale du Cambodge en France (consulté le ).
  2. André Holleaux, « Le gouvernement du Cambodge contemporain », Politique étrangère, no 4, , p. 417 (DOI 10.3406/polit.1958.2443, lire en ligne).
  3. Pierre-Lucien Lamant, « Les partis politiques et les mouvements de résistance khmers vus par les services de renseignement français (1945-1952) », Guerres mondiales et conflits contemporains, no 148, , p. 79-96.
  4. Marie-Alexandrine Martin, Le mal cambodgien : histoire d'une société traditionnelle face à ses leaders politiques, 1946-1987, vol. 4, Hachette, coll. « Histoire des gens », , 304 p. (ISBN 978-2-01-012251-4), p. 65-67.
  5. Philippe Richer, Le Cambodge de 1945 à nos jours, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Sciences Po Mondes », , 213 p. (ISBN 978-2-7246-1118-2, présentation en ligne), chap. 2 (« L'internationalisme à rude épreuve »), p. 55-58.
  6. David Porter Chandler (trad. de l'anglais par Christiane Lalonde), Une histoire du Cambodge, Paris, Les Indes savantes, coll. « Asie », , 240 p. (ISBN 978-2-84654-287-6), chap. 11 (« De l'indépendance à la guerre civile »), p. 181-191.
  7. William Shawcross (trad. Françoise Bonnet), Une Tragédie sans importance : Kissinger, Nixon et l'anéantissement du Cambodge Sideshow »], F. Adel, , 438 p. (ISBN 9782715802186), chap. VIII (« Le coup d'État »), p. 120-125.
  8. (en) Elizabeth Becker, When the War Was Over : Cambodia and the Khmer Rouge Revolution, PublicAffairs, coll. « History / Asian Studies », , 632 p. (ISBN 978-1-891620-00-3), p. 145.
  9. Peh Buntong, Le développement socio-économique au Cambodge, Paris, L'Harmattan, coll. « Points sur l’Asie », , 338 p. (ISBN 978-2-336-29045-4, présentation en ligne), p. 58.
  10. Solomon Kane (trad. de l'anglais par François Gerles, préf. David Chandler), Dictionnaire des Khmers rouges, IRASEC, , 460 p. (ISBN 9782916063270), « Élections du 20 mars 1976 », p. 125-126.
  11. (en) Wim Swann, 21st century Cambodia : view and vision, Global Vision Publishing House, , 372 p. (ISBN 978-81-8220-278-8), p. 110-115.
  12. Raoul-Marc Jennar, 30 ans depuis Pol Pot : Le Cambodge de 1979 à 2009, Paris, L'Harmattan, coll. « Points sur l'Asie », , 330 p. (ISBN 978-2-296-12345-8, lire en ligne), p. 138-139.
  13. Gregory Mikaelian et Alain Forest (dir.), Cambodge contemporain, Les Indes savantes, , 525 p. (ISBN 9782846541930), partie II, chap. 2 (« Pour une relecture du jeu politique cambodgien : le cas du Cambodge de la reconstruction (1993-2005) »), p. 157.
  14. Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. VII (« De l'Assemblée nationale »), article 90
  15. Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du roi »), article 28
  16. Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. VII (« De l'Assemblée nationale »), article 98
  17. Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. VII (« De l'Assemblée nationale »), article 78
  18. Jean-Marie Cambacérès, Sihanouk : le roi insubmersible, Le Cherche midi, coll. « Documents », , 459 p. (ISBN 9782749131443, présentation en ligne), « Le retour de Sihanouk : renouveau et reconstruction du pays », p. 384-385.
  19. Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. VIII (« Du Sénat »), article 113
  20. Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. II (« Du Roi »), article 30
  21. Jean-Marie Crouzatier, Transitions politiques en Asie du Sud-Est : les institutions politiques et juridictionnelles du Cambodge, Toulouse, Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, , 182 p. (ISBN 9782361701048, présentation en ligne), partie II, chap. 3 (« Un régime politique ambigu - Un parlementarisme déséquilibré »), p. 116.
  22. Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource).
  23. « Cambodge », Les membres, Assemblée parlementaire de la francophonie (consulté le ).
  24. « Cambodge: le Sénat », Europe & International * Sénats d'Europe - Sénats du Monde, Sénat français, (consulté le ).
  25. Jean-Marie Crouzatier, Transitions politiques en Asie du Sud-Est : les institutions politiques et juridictionnelles du Cambodge, Toulouse, Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, , 182 p. (ISBN 9782361701048, présentation en ligne), partie II, chap. 3 (« Un régime politique ambigu - Un parlementarisme déséquilibré »), p. 106.
  26. Jean-Marie Crouzatier, Transitions politiques en Asie du Sud-Est : les institutions politiques et juridictionnelles du Cambodge, Toulouse, Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, , 182 p. (ISBN 9782361701048, présentation en ligne), partie II, chap. 3 (« Un régime politique ambigu - Un parlementarisme déséquilibré »), p. 107.
  27. Constitution du Royaume du Cambodge du 24 septembre 1993 : Amendée en février 2008 (lire sur Wikisource), chap. X (« Du gouvernement royal »), article 120

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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