Minium

Le minium est une forme minérale naturelle de l'oxyde de plomb(II,IV) (tétroxyde de plomb), et un pigment toxique de formule Pb3O4. C'est un des pigments synthétiques les plus anciens, un rouge orangé fabriqué à partir du blanc de plomb, utilisé comme apprêt antirouille et secondairement dans la peinture d'art jusqu'à son interdiction.

Minium
Catégorie IV : oxydes et hydroxydes[1]

druse de minium sur de la cérusite, extraite de l'Old Yuma Mine, Monts Tucson, Arizona
Général
Classe de Strunz
Classe de Dana
Formule chimique O4Pb3 Pb3O4
Identification
Masse formulaire[2] 685,6 ± 0,3 uma
O 9,33 %, Pb 90,67 %,
Couleur écarlate à rouge-brun
Classe cristalline et groupe d'espace ditétragonal dipyramidal (4/mmm)
(4/m 2/m 2/m)
Système cristallin tétragonal
Clivage 110 et 010

Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

Historique

Le minium fait partie des pigments artificiels les plus anciens.

Un texte chinois du Ve siècle av. J.-C. indique que l'on fabrique un pigment rouge à partir du métal et certains affirment que la production aurait commencé dans l'ancienne Mésopotamie, avant même le travail du métal (PRV3).

Selon Pline l'Ancien et Vitruve, on découvrit accidentellement le minium à la suite de l'incendie d'une villa. Pline explique également que le blanc de plomb était chauffé dans des plats et brassé jusqu'au changement de couleur. Ce pigment calciné a été utilisé pour imiter le cinabre et la sinopia.

À l'époque de Pline l'Ancien, le terme de minium a désigné en premier le cinabre (sulfure de mercure de formule HgS) puis le carbonate de plomb (céruse). D'où de fréquentes confusions entre céruse, minium, vermillon, cinabre. Au cours du Moyen Âge, la dénomination de minium doit se rapporter à la céruse. Le moine Théophile, à la fin du XIe siècle, décrit sa préparation à partir de la calcination de la céruse.

Avec l'élaboration d'autres pigments, le minium va perdre progressivement de son importance dans la peinture à partir de la Renaissance. En 1688, Claude Boutet ne cite que le massicot, le jaune de plomb, dans son Traité de peinture en miniature[3]. Le minium, appelé aussi mine orange et rouge de Saturne, reste cependant utilisé jusque dans les années 1930[4].

Vers 1930, le minium disparaît comme pigment rouge orangé, mais, en dépit de sa toxicité, il sera utilisé comme peinture antirouille et parfois comme sous-couche protectrice du bois (jouant le double rôle de fongicide et d'insecticide). Le ponçage ou brûlage de ces bois et les incendies de bâtiments en contenant est source de pollution par le plomb entraînant un risque de saturnisme. Le minium n'est pas biodégradable.

Utilisation

Arts

Le minium de plomb a servi en tant que pigment dans la peinture murale, les manuscrits enluminés, la peinture à l'huile, la tempera, etc.[5]. Comme tous les pigments de plomb, il est siccatif pour l'huile, et sujet à noircir avec le temps, par une réaction avec l'hydrogène sulfuré contenu dans l'air en petite quantité.

Les doreurs l'ont utilisé dans certaines recettes de composition de l'assiette utilisée pour la dorure sur bois… (sa toxicité protège aussi le bois d'attaques par les insectes et champignons)[réf. souhaitée].

Construction mécanique

Minium de plomb utilisé comme peinture anti-rouille (orange) sur une rambarde de pont.

Le minium a été largement utilisé pour la protection contre la corrosion des métaux ferreux. La Tour Eiffel a ainsi bénéficié d'un traitement de surface au minium de plomb[6]. Le terme minium est alors devenu, dans la construction mécanique, un synonyme de peinture anticorrosion. La toxicité des peintures au plomb les ont fait interdire, en France à partir de 1946 ; l'interdiction absolue de mise sur le marché date de 1993. On dit maintenant minium de fer ou minium d'aluminium, selon le métal pour lequel la peinture est formulée, et minium de plomb seulement quand la formule contient du plomb et quand on veut attirer l'attention sur la toxicité. En effet, les risques liés au minium subsistent lors des opérations de décapage, notamment de peintures antirouille datant d'avant 1970[7].

Autres

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On retrouve aussi du minium dans la fabrication des plaques de cathode des batteries d'accumulateur[réf. nécessaire].

Il est utilisé en pyrotechnie civile pour la production d'effets crépitants dans les feux d'artifice, mais alors aussi source de pollution[réf. nécessaire].

Il a aussi servi à produire des onguents et remèdes traditionnels (très toxiques, susceptibles d'induire un saturnisme aigu), dont l'azarcon[réf. souhaitée].

L'ouvrier chargé de la fonte du minium est appelé minionneur[réf. souhaitée].

Le minium fut également utilisé par l'administration S.S. des camps de concentration et d'extermination. Les détenus en tenue civile (du fait d'une pénurie de textile les pyjamas rayés furent peu à peu remplacés par les vêtements des déportés gazés) étaient marqués d'une grande croix peinte au minium dans le dos de leurs vêtements, d'une cible rouge pour les détenus qui avaient tenté une évasion ou des initiales N.N. pour les détenus Nacht und Nebel[réf. souhaitée].

Altération

Ce pigment se dégrade sous l'effet du temps et de la lumière[8],[9],[10],[11] ; noircissement, blanchissement ou verdissement selon les pigments et les contextes, notamment sur les fresques ; par exemple l'hydrocérusite se décompose en présence de chaux, et Pb3O4 se transforme en plattnérite (b-PbO2) en milieu acide dilué. Après 25 ans de vieillissement naturel en peinture murale, le noircissement du minium se montre induit par formation de plattnérite « par un mécanisme possible de disproportionnation de Pb3O4 en milieu acide »[9], alors que le blanchiment correspond à une recristallisation du plomb divalent sous forme de cérusite (PbCO3) et d'anglésite (PbSO4) « causée par l'absorption de polluants gazeux (CO2, SO2) »[9]. L'activité microbienne peut aussi contribuer à des changements chimiques dans les composés du plomb présent dans certains pigments utilisés en peinture murale[12].

Le noircissement d’œuvre d'art dû à la présence de plomb, pourrait dans une certaine mesure être combattu par une technique de restauration par irradiation laser[13].

La tenue du minium serait meilleure avec l’huile et la tempera à l’œuf [réf. nécessaire].

Autres oxydes de plomb

  • Litharge (monoxyde de plomb), oxyde rouge de plomb, rouge de plomb, etc.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • J. R. Gavarri et D. Weigel, « Oxydes de plomb. I. Structure cristalline du minium Pb3O4, à température ambiante (293 K) », Journal of Solid State Chemistry, vol. 13, no 3, , p. 252-257.
  • Jean Petit, Jacques Roire et Henri Valot, Encyclopédie de la peinture : formuler, fabriquer, appliquer, t. 3, Puteaux, EREC, , p. 89-91 « Minium »

Liens externes

  • Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
  • Altération chromatiques des pigments au plomb dans les œuvres du patrimoine - Étude expérimentale des altérations observées sur les peintures murales, thèse de doctorat de l'université d'Aix-Marseille, 2005.

Notes et références

  1. La classification des minéraux choisie est celle de Strunz, à l'exception des polymorphes de la silice, qui sont classés parmi les silicates.
  2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. La miniature tire son nom du minium.
  4. (PRV3)
  5. Fitzhugh E.W (1986) Red lead and minium. In Artists' pigments ; A handbook of their history and characteristics (Vol. 1, pp. 109-139). National Gallery of Art.
  6. Gérard Miquel, Les effets des métaux lourds sur l'environnement et la santé : Rapport d'information à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, (lire en ligne).
  7. « Risque plomb chez les peintres en bâtiment », sur direccte.gouv.fr.
  8. Aze S, Detalle V, Vallet JM & Pingaud N. (2008) L'altération des pigments au plomb: Étude du minium et de sa possible reconversion. L'Actualité chimique, (318), 9-15 (résumé).
  9. Aze, S. (2005). Altérations chromatiques des pigments au plomb dans les œuvres du patrimoine - Étude expérimentale des altérations observée sur les peintures murales (Doctoral dissertation, Université de droit, d'économie et des sciences-Aix-Marseille III) (résumé.
  10. Higgitt, C., Spring, M., & Saunders, D. (2005). Pigment-medium interactions in oil paint films containing lead-based pigments. WAAC newsletter, 27(2), 12-16.
  11. Cotte, M., Checroun, E., Susini, J., & Walter, P. (2007). Micro-analytical study of interactions between oil and lead compounds in paintings. Applied Physics A, 89(4), 841-848 (résumé).
  12. Petushkova, J. P., & Lyalikova, N. N. (1986). Microbiological degradation of lead-containing pigments in mural paintings. Studies in Conservation, 31(2), 65-69 (résumé).
  13. Aze, S., Delaporte, P., Vallet, J. M., Detalle, V., & Grauby, O. (2008). Le noircissement du minium dans les œuvres peintes : vers une technique de restauration par irradiation laser. Techné, 147-149.
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