Philosophie des sciences

La philosophie des sciences est la branche de la philosophie qui étudie les fondements philosophiques, les systèmes et les implications de la science, qu'il s'agisse de sciences naturelles (physique, biologie, etc.) ou de sciences sociales (psychologie, économie, etc.).

Ne doit pas être confondu avec Théorie de la connaissance.

Ne doit pas être confondu avec épistémologie.

Ampère, Essai sur la philosophie des sciences, 1838.
Philosophie des sciences
Pratiqué par
Philosophe des sciences (d)

La philosophie étant la science des énoncés, en parallèle la philosophie des sciences est la science des énoncés scientifiques (épuration des questions à poser à la science et à ses acteurs, clarifications du langage scientifique…) sans se préoccuper de les résoudre. D'ailleurs une question philosophique résolue entre dans l'histoire de la connaissance. Le travail philosophique consiste à s'interroger sur les modalités de passage des significations aux dénotations (processus plus difficile en sciences humaines). La philosophie des sciences questionne la Science, et aussi l'épistémologie, l'ontologie des objets de la science, l'histoire de la science… toutes les disciplines qui interagissent avec la connaissance scientifique.[réf. nécessaire]

L'histoire de la philosophie de la science s'appuie sur l'histoire de la science.

La philosophie des sciences se divise, en pratique, en deux mouvements[1][source insuffisante] :

  1. la philosophie analytique
  2. l'épistémologie historique

À titre préliminaire, il est possible de distinguer une philosophie "générale" des sciences, s'intéressant à la nature même de l'activité scientifique, et une autre philosophie des sciences, particulièrement attachée à une science en particulier, cherchant alors à en dégager les spécificités. Par exemple, la physique est une science expérimentale, ce qui ne saurait être le cas de la logique. La distinction préliminaire entre philosophie "générale" et "spéciale" n'a que peu de teneur philosophique compte tenu de la liaison inextricable des questionnements que l'on y trouve, la valeur de cette distinction est uniquement pédagogique.

Philosophie générale des sciences

Sont abordées en philosophie générale des sciences, entre autres problématiques :
  • la nature de la pensée scientifique, de son discours et de ses concepts ;
  • les processus par lesquels la science devient une activité ;
  • le rapport entre science et nature ;
  • les manières de juger la validité des théories en sciences ;
  • la méthode scientifique ;
  • les raisonnements scientifiques et leurs portées philosophiques ;
  • les implications réciproques entre méthode scientifique et société…

Nota : Sur "le continent", par singularité avec le monde anglo-saxon, l'épistémologie fait partie de la philosophie des sciences… Mais le "consensus" est discuté !

[réf. nécessaire]

Philosophie des sciences spéciales

Le précis de philosophie des sciences détaille le tronc commun à toutes les sciences et les spécificités des sciences spéciales suivantes[2][source insuffisante] :

Besoin de philosophie et utilité

Longtemps la science, en tant que corpus de connaissances et de méthodes, était l'objet d’étude de la Philosophie des sciences, qui étudiait le discours scientifique relativement à des postulats ontologiques ou philosophiques, c'est-à-dire non-autonomes en soi. Les analyses de la science (l'expression de « métascience » est parfois employée) ont tout d’abord porté sur la science comme corpus de connaissance, et ont longtemps relevé de la philosophie. C'est le cas d'Aristote, de Francis Bacon, de René Descartes, de Gaston Bachelard, du cercle de Vienne, puis de Popper, Quine, Lakatos enfin, parmi les plus importants.[réf. nécessaire]

L’épistémologie, au contraire, s'appuie sur l'analyse de chaque discipline particulière relevant des épistémologies dites « régionales ». L'épistémologie permettra la reconnaissance de la science et des sciences comme disciplines autonomes par rapport à la philosophie[réf. nécessaire].

Aurel David explique ainsi que « La science est parvenue à se fermer chez elle. Elle aborde ses nouvelles difficultés par ses propres moyens et ne s'aide en rien des productions les plus élevées et les plus récentes de la pensée métascientifique »[3].

Pour le prix Nobel de physique Steven Weinberg, auteur de Le Rêve d'une théorie ultime (1997)[4] la philosophie des sciences est inutile car elle n'a jamais aidé la connaissance scientifique à avancer.

Nature du discours et des concepts scientifiques

La science est à la fois l'énoncé d'hypothèses concernant la nature du monde, et la vérification de ces théories comme adéquates à la réalité selon une méthode expérimentale, qui diffère selon les domaines.[réf. nécessaire]

Jean-Michel Besnier se demande[5] : "quelles sont l'origine et la nature des structures que le sujet doit solliciter pour décrire l'objet auquel il est confronté ?"

Les structures pourront appartenir Théorie
au sujet idéalisme
à l'objet empirisme
au sujet et à l'objet constructivisme
exclusivement à la relation entre le sujet et l'objet structuralisme
ni au sujet ni à l'objet idéalisme platonicien

Rationalisme

Le rationalisme pose comme principe la dépendance de règles scientifiques établies par la raison, principalement les règles mathématiques, physiques, chimiques, éventuellement appuyées par des vérifications expérimentales.[réf. nécessaire]

On considère[Qui ?] le plus souvent que le fondateur du rationalisme est René Descartes, qui dans le Discours de la méthode (1637) exposa sa conception de la méthode scientifique, et développa, dans les Principes de la philosophie (1644), sa vision de la philosophie des sciences. La méthode proposée est très personnelle et déductive, la classification des sciences se rapporte à la situation du XVIIe siècle. Les conditions dans lesquelles Descartes a élaboré son système ne sont plus exactement celles de notre époque.(Cf. Vuillemin)[source insuffisante].

Dans une conception plus radicale, Auguste Comte fonda le positivisme, pensant que le monde pouvait se réduire à des phénomènes explicables par des "lois" exprimées en langage mathématique. Cette position a été discréditée par la critique épistémologique. Elle est souvent critiquée pour son parti pris subjectif.[réf. nécessaire]

Empirisme

L'empirisme pose comme principe la dépendance aux évidences. C'est un des piliers de la philosophie des sciences, qui s'est surtout développé dans le monde anglo-saxon. L'empirisme indique que la connaissance dérive directement de l'expérience humaine du monde, de sorte que l'énoncé scientifique vient et reste tributaire de nos expériences et observations. Les théories scientifiques sont construites et mises à l'épreuve à travers l'expérimentation, manipulation méthodique de l'expérience, grâce à des méthodes empiriques. Ces informations tirées de l'expérience, une fois rassemblées en nombre suffisant, peuvent devenir une base consensuelle pour la communauté scientifique qui pose comme évidence ses principes, et établit que ces évidences serviront de bases de l'explication scientifique. Toute science est donc un attachement à l'expérience empirique, à la loi invariante, ce qui reviendrait à dire selon certaines écoles de pensées que la science est fondamentalement une croyance réflexive a priori.[réf. nécessaire]

L'observation implique la perception, ce qui en fait un acte cognitif, action de pensée également tributaire de la manière dont nous pouvons construire une compréhension rationnelle du monde. Si cette compréhension venait à changer, alors nos observations également, au moins au stade de l'apparence.[réf. nécessaire]

Les scientifiques[Qui ?] essayent d'utiliser l'induction, la déduction, des méthodes quasi-empiriques, ou encore des métaphores conceptuelles pour transformer ce flux d'observations en un système à la cohérence propre.[réf. nécessaire]

Réalisme scientifique et instrumentalisme

Le réalisme scientifique, ou empirisme naïf, consiste à prendre le discours scientifique comme réalité du monde. Le terme naïf n'est pas péjoratif, mais indique qu'il s'agit de s'en tenir au discours scientifique pour appréhender la réalité - ce qui est le point de vue de nombreux scientifiques. Ainsi, un adepte du réalisme tiendra pour existants les électrons et les champs magnétiques.[réf. nécessaire]

Contrairement au réalisme, l'instrumentalisme avance que nos perceptions, les idées et théories scientifiques ne reflètent pas nécessairement la parfaite réalité du monde, mais qu'ils sont d'utiles moyens pour expliquer, prévoir et contrôler nos expériences. Selon le point de vue d'un instrumentaliste, les électrons et les champs magnétiques sont des idées commodes, dont l'existence est contingente. L'instrumentalisme vient en partie[pas clair] du pragmatisme selon John Dewey[source insuffisante].

En fait ce courant analyse que[pas clair] la science utilise des "hypothèses explicatives", autrement dit des théories qui ont permis "jusqu'à présent" de prévoir les observations.

Prenons un exemple :

Lorsque nous lâchons un objet, notre expérience nous apprend qu'il tombe dans une certaine direction.

Une première théorie pourrait postuler (contrairement à celle en vigueur aujourd'hui) qu'une force attire les objets sans variation quant à leur taille et toujours dans la direction donnée par notre premier essai.

Tant que les expériences ne s'appliquent qu'à des objets de masse identique et dans un espace réduit (un jardin par exemple) qui ne laisse pas supposer que la direction change en fonction des masses des objets alentour, il est possible d'utiliser avec succès cette première hypothèse explicative, pourtant fausse.

[réf. nécessaire]

Constructivisme

Dans le champ de l'épistémologie, les constructivismes sont des courants de pensée reposant sur l'idée que nos représentations, nos connaissances, ou les catégories structurant ces connaissances et ces représentations sont le produit de l'entendement humain. Le constructivisme rejoint dans son approche l'instrumentalisme et le pragmatisme[pas clair].[réf. nécessaire]

Pierre Bourdieu réfute l'analyse de la science faite par des constructivistes qu'il considère comme étant idéalistes, et hors du réel : « il s'ensuit que, contrairement à ce que laisse croire un constructivisme idéaliste, les agents font les faits scientifiques et, même, pour une part, le champ scientifique, […]" »[6]

Constructivisme social

En sociologie, le constructivisme social est au croisement de différents courants de pensée et fut présenté par Peter L. Berger et Thomas Luckmann dans leur livre The Social Construction of Reality (1966). Il cherche à découvrir la manière dont la réalité sociale et les phénomènes sociaux sont « construits » c’est-à-dire la manière dont ces phénomènes sont créés, institutionnalisés et transformés en traditions[source insuffisante].

Analyse et réductionnisme

L'analyse consiste à scinder une observation ou une théorie en des étapes ou des concepts plus simples, afin de la comprendre. L'analyse est essentielle à la science, tout comme à n'importe quelle entreprise rationnelle. Il serait par exemple impossible de décrire mathématiquement le mouvement d'un projectile sans séparer la force de la gravité, l'angle de projection et la vitesse initiale du corps mis en mouvement. Seule l'analyse distincte de ces composantes, puis leur regroupement en un système, permet de formuler une théorie du mouvement pratique.[réf. nécessaire]

Le réductionnisme en science peut avoir différents sens. Un type de réductionnisme scientifique consiste en la croyance que tous les domaines d'études peuvent se ramener finalement à une explication purement scientifique. Ainsi, un évènement historique peut certainement être expliqué en des termes sociologiques ou psychologiques ; du point de vue réductionniste, cette explication peut-être décrite sans perte de sens en termes de physiologie humaine, elle-même pouvant se décrire comme le résultat de processus chimiques ou physiques, de sorte que l'évènement historique se trouve ramené à un évènement de la science physique. Cela impliquerait donc que l'évènement historique n'était rien d'autre que le fruit d'un schéma physique, ce qui nie l'existence de phénomènes spontanés indépendants. Le physicalisme est la réduction de tous les phénomènes à des phénomènes explicables par les lois physiques.[réf. nécessaire]

Au plus simple et au plus court le réductionnisme, par le suffixe "isme" qui désigne une doctrine, consiste à ramener le "complexe" au simple, comme une photographie bidimensionnelle d'une statue tridimensionnelle, la complexité biologique à la simplicité mécanique. Le réductionnisme n'est pas la règle d'économie d'explication du rasoir d'Occam.[pas clair]

  • "[…] Réductionnisme : Pour rendre compte des données connues, tout savant doit fournir l’explication la plus simple possible, la plus économique et (généralement) la plus élégante possible. Mais le réductionnisme devient un défaut si l’on accorde une importance excessive au principe que l’explication la plus simple est la seule possible. Il arrive qu’on doive envisager les données dans une Gestalt plus grande". (Gregory Bateson, p. 235, La Nature et la Pensée, Seuil, Paris, 1984).

Daniel Dennett a montré qu'un réductionnisme total était possible, tout en soulignant qu'il s'agirait d'une « mauvaise science », cherchant à démontrer trop à partir de trop peu. Les arguments avancés à l'encontre d'un tel réductionnisme reposent sur l'idée que des systèmes auto-référencés contiennent en effet plus d'information pouvant être décrite par des comportements individuels, ou participants à celui d'un groupe, que les autres systèmes. Des exemples concrets sont les organisations fractales ou les systèmes auto-évolutifs découverts en chimie. Mais l'analyse de telles organisations est nécessairement destructive d'informations, parce que l'observateur doit d'abord sélectionner un échantillon du système étudié, qui peut être partiellement représentatif de l'ensemble cohérent. La théorie de l'information peut être mise à profit pour calculer l'ampleur de la perte d'information ; c'est d'ailleurs une des techniques appliquées dans la théorie du chaos[source insuffisante].

Réalisme scientifique et métaphysique des sciences

La métaphysique des sciences est le projet de développer une vision cohérente et complète de la nature sur la base des théories scientifiques[7]. La science ne se construit pas sur un socle fondationnaliste - un point de vue absolu - mais elle est en perpétuelle constitution (le bateau de Neurath)[8].

La métaphysique des sciences, qui appartient à la philosophie analytique, ne consiste plus uniquement en l'analyse du langage mais plus largement en un discours systématique et argumentatif visant à la compréhension du monde et la position que l'être humain y occupe. Poursuivant ainsi Platon et Aristote elle développe des catégories générales qui cherchent à saisir l'être du monde empirique (cf. Aristote, Métaphysique, livre 4) à partir d'un ancrage puissant dans les sciences[7].

Ce projet est une forme de réalisme scientifique caractérisé par :

  • une proposition métaphysique : L'existence et la construction de la nature sont indépendantes (ontologie et causalité) des théories scientifiques.
  • une proposition sémantique : la constitution de a=la nature dit lesquelles des théories scientifiques sont fiables (terme préféré à "vraies" car la science est en perpétuelle construction) et donc lesquelles ne sont pas vraies (ici le terme est opportun).
  • une proposition épistémique : Les sciences sont, en principe, capables de donner un accès cognitif à la constitution de la nature. Il existe deux discussions : une relative à la sous détermination de la théorie par l'expérience (Pierre Duhem, 1906, Willard Van Orman Quine, 1951). L'autre relative aux bonds cognitifs liés aux grandes avancées que l'on a constaté dans l'histoire des sciences (XXe siècle)[9].

Ce projet de métaphysique des sciences a à sa disposition les théories universelles et fondamentales acquises depuis Newton dont certaines sont déterministes et d'autres probabilistes (position privilégiée de la physique). Les théories des sciences spéciales ne sont pas universelles et dépendent de la théorie de la physique fondamentale. Contrairement à la théorie de la physique fondamentale pour laquelle un principe de complétude causale, nomologique et explicative s'applique, les théories des sciences spéciales ne sont pas complètes[10].

Quatre positions métaphysiques sont possibles liées à 2 distinctions (David Lewis)[11] :

  • Propriétés intrinsèques (atomisme) ou relations dans une structure (holisme).
  • Propriétés catégoriques (purement qualitatives) ou Propriétés causales (engendrant par leur nature même certains effets)

Deux autres distinctions ont été aussi examinées[Qui ?] : propriétés comme universaux et propriétés comme modes.

Après avoir examiné les distinctions, les sciences spéciales comme la mécanique quantique et la biologie notamment ainsi que les courants philosophiques des sciences comme le réalisme scientifique, Michael Esfeld conclut en prenant soin de rappeler la vassalité de la philosophie sur l'état des connaissances de la science en train de se faire et de conseiller l'évitement des dynamiques qui conduisent « à des engagements ontologiques fort douteux (comme celui postulant l'existence d'une infinité de branches parallèles de l'univers) [et qui empêche] d'aboutir à une vision cohérente de la physique fondamentale et des sciences spéciales[pas clair][12].

La justification des résultats scientifiques

Les énoncés scientifiques les plus puissants sont généralement ceux offrant le plus large cadre d'application ; la troisième loi de Newton (sur l'attraction réciproque égale des corps pesants) en est l'exemple parfait.

Mais il n'est évidemment pas possible pour les scientifiques de tester chaque cas particulier que cette théorie permet d'envisager. Comment dès lors affirmer que la troisième loi de Newton est, en un sens, vraie ? Comment être sûr que, malgré tous les précédents ayant confirmé la loi, l'expérience suivante ne viendra pas la contredire et la tenir cette fois pour fausse de façon certaine ?

[réf. nécessaire]

Rasoir d'Ockham

Le rasoir d'Ockham est une pierre de touche en philosophie des sciences. Guillaume d'Occam énonça qu'il faut toujours préférer la manière la plus simple d'expliquer un phénomène si on a le choix entre plusieurs possibilités valides. Lui-même ne dit rien sur la véracité intrinsèque d'un tel énoncé, mais souvent la manière la plus simple d'expliquer parfaitement un phénomène s'est révélée être finalement plus exacte que les propositions plus « complexes ».

Le rasoir d'Ockham est généralement[Qui ?] mis à profit comme un critère performant et rationnel dans le choix entre plusieurs théories s'affrontant sur un même sujet scientifique. Cependant, il est rare que deux théories fournissent des explications véritablement similaires, ie. aussi satisfaisantes en tout point l'une que l'autre. De fait, l'usage du Rasoir d'Ockham est resté limité. Il existe maintenant des approches mathématiques, basées sur la théorie de l'information, qui confrontent simplicité et portée théorique.[réf. nécessaire]

Le rasoir d'Ockham est souvent mal utilisé ou invoqué[Qui ?] dans des cas où il se révèle en fait inadapté. Ce principe ne dit pas qu'il faille préférer l'explication la plus simple au détriment de sa capacité à expliquer des exceptions ou des phénomènes annexes. Le principe de réfutation requiert du scientifique qu'à partir du moment où une exception est constatée expérimentalement, et qu'elle peut être répétée pour infirmer la théorie, il doit construire une nouvelle explication, la plus simple possible, rendant compte de ce nouveau phénomène, et que cette nouvelle explication doit être préférée à l'ancienne.[réf. nécessaire]

Guillaume Lecointre[13] juge nécessaire de rappeler : « le principe de parcimonie ou principe d'économie d'hypothèses, implique que lorsque nous faisons une inférence sur le monde réel, le meilleur scénario ou la meilleure théorie sont ceux qui font intervenir le plus petit nombre d'hypothèses ad hoc, c'est-à-dire non documentées ».

Induction

Une des réponses à la problématique de la « justification des résultats scientifiques » repose sur la notion d'induction. Un raisonnement inductif consiste à tenir pour vraie une assertion ou une théorie dans certains cas généraux, sous la condition que l'assertion ou théorie ait été montrée comme vraie dans tous les cas observés adéquats, c'est-à-dire conformes à la situation générale. De fait, après avoir mené avec succès une série d'expérimentations sur la troisième loi de Newton, il est justifié de maintenir cette loi pour vraie - quand bien même elle peut être infirmée.

Comprendre pourquoi l'induction est viable la plupart du temps a été longtemps source d'interrogations. On ne peut pas y utiliser la déduction, ce processus logique qui part des prémisses pour aboutir à la conclusion, parce qu'il n'y a pas en induction de syllogismes qui le permettraient. Quel que soit le nombre de fois que les biologistes du XVIIe siècle ont observé des cygnes blancs, quelle que soit la variété des lieux de ces observations, il n'existe pas de voie purement logique pour arriver à la conclusion que tous les cygnes sont blancs. Ce qui revient grosso modo à dire que cette conclusion peut être tout à fait fausse. De la même manière, rien n'interdit de penser que demain, il pourra être observé une action n'entraînant pas de réaction ; la même expérience de pensée peut être faite pour n'importe quelle loi scientifique.

Donner une réponse concernant l'induction nécessite de changer de logique relationnelle, d'adopter d'autres arguments rationnels. La déduction autorise à formuler une vérité particulière en s'appuyant sur une vérité générale (par exemple « tous les corbeaux sont noirs ; ceci est un corbeau ; donc il est noir »), tandis que l'induction permet d'énoncer une vérité générale - ou non - avec le soutien d'une très forte probabilité de vérité, tirée d'une série d'observations suffisante (par exemple « ceci est un corbeau et il est noir ; cet autre oiseau est un corbeau et il est noir ;… ; tous nos exemples montrent que les corbeaux sont noirs en général »).

Le problème de l'induction a engendré un débat considérable et reste d'une importance capitale en philosophie des sciences : l'induction est-elle justifiée comme méthode scientifique, et si oui, comment et pourquoi ?

[réf. nécessaire]

Réfutabilité

Karl Popper, dans Conjectures et réfutations, utilise la réfutabilité comme critère de scientificité. Une théorie qui n'est pas réfutable, c'est-à-dire dont les prédictions ne peuvent être prises en défaut par l'expérimentation, n'est pas scientifique. Une science indépassable ne prouve rien[source insuffisante].

Il n'est pas possible de déduire un énoncé général d'une série d'énoncés particuliers, mais il est tout à fait possible d'infirmer un énoncé général si un seul cas particulier est démontré faux. Trouver un cygne noir est une raison suffisante de dire que l'énoncé « tous les cygnes sont blancs » est faux.

La réfutabilité évince habilement le problème de l'induction, parce qu'elle n'utilise précisément pas de raisonnement inductif. Cependant, elle introduit une autre difficulté. Lorsqu'une observation vient contredire une loi, il est presque toujours possible d'introduire une extension théorique qui lui rendra son caractère de vérité scientifique. Par exemple, les ornithologistes ayant trouvé un cygne noir en Australie n'auraient eu qu'à dire que ce cygne n'était pas vraiment un cygne en construisant une nouvelle espèce ad hoc.

[réf. nécessaire]

Cohérence

L'induction et la réfutation essayent toutes deux de justifier le discours scientifique en mettant en perspective plusieurs énoncés scientifiques les uns par rapport aux autres. Ces deux méthodes écartent le problème du critère de justification, chaque justification devant elle-même être justifiée, cela entraînant un mouvement de recul illimité. Pour échapper à ce problème, on se tourne vers le fondationnalisme ou principe de certitude. Le fondationnalisme avance qu'il existe des énoncés fondamentaux qui ne requièrent pas de justifications. En fait, l'induction et la réfutation sont des formes de fondationnalisme en ce qu'elles reposent sur des énoncés qui dérivent directement des observations.

Mais la manière dont ces énoncés fondamentaux dérivent de l'expérience dévoile un problème : l'observation est un acte cognitif, reposant sur notre compréhension réflexive, nos croyances, nos habitudes. Une observation telle que le passage de Vénus devant le Soleil requiert un déballage technique non négligeable, ce qui implique des croyances auxiliaires en grand nombre : certitudes en la valeur de l'optique des télescopes, de la mécanique des télescopes, compréhension de la mécanique céleste… À première vue, l'observation n'a rien de « simple ».

Le critère de cohérence est une solution qui vient comme un principe de mise en relation des faits et des explications. Selon le principe de cohérence, des énoncés peuvent être justifiés par leur appartenance à un système cohérent déjà érigé selon le même procédé. Dans le cas de la science, le système considéré est généralement constitué de l'ensemble des croyances dites scientifiques d'un individu ou d'un groupe de scientifiques. W. V. Quine[source insuffisante] a défendu cette approche de la science, qui est celle majoritairement[Qui ?] adoptée aujourd'hui, notamment en physique où le souci d'unité et de généralité des lois est primordial. L'observation d'un passage de Vénus devant le Soleil se justifie ensuite comme énoncé scientifique par son adéquation cohérente avec nos croyances usuelles sur l'optique, les télescopes et la mécanique céleste. Si cette observation venait à être en discordance avec l'une de ces composantes nécessaires à l'établissement d'un énoncé scientifique la concernant, alors un ajustement du système serait nécessaire pour évincer la contradiction.

[réf. nécessaire]

Contrat tacite du chercheur en sciences

Guillaume Lecointre, reprenant les travaux de Pierre Bourdieu[14] : "La profession des scientifiques a pour but collectif de produire des connaissances objectives sur le monde réel"[15]. Une nouvelle connaissance, dûment éditée, publiée dans un journal spécialisé à comité de relecture, doit être corroborée par au moins une équipe indépendante pour pouvoir faire partie du corpus des connaissances objectives. "Ce principe est valide pour toutes les sciences, histoire, sociologie, psychologie comprises. Toutes sont appelées à produire des discours à portée universelle parce qu'ils sont vérifiables." [15].

Termes du contrat tacite

Guillaume Lecointre[16] juge nécessaire de rappeler les termes du contrat tacite qui conditionne la possibilité de reproductibilité des expériences scientifiques :

  1. Scepticisme initial sur les faits,
  2. Réalisme de principe,
  3. Matérialisme méthodologique
  4. Rationalité [et logique].

Science face aux créationnismes

Guillaume Lecointre affirme « Les créationnistes, ne peuvent être scientifiques, car ils commettent de fréquentes entorses au contrat tacite énoncé ci-dessus (notamment au principe de parcimonie ou Rasoir d'Ockham évoqué ici) en guise de socle à toutes les sciences »[17].

« Depuis la charnière XVIIe-XVIIIe siècles, nos inférences et hypothèses doivent faire référence à des entités que nous pourrons appréhender expérimentalement, tout de suite, ou à terme ; donc des entités naturelles ; cela est la condition scientifique moderne […] » [18]. « […] le registre des savoirs- qui sont du domaine public et donc potentiellement universels, dont la contestation doit être instruite et méthodologiquement caractérisée […] »[19]

Beaucoup de personnes ignorent que : « les [différentes] sphères de l'espace public [donc celui de la science] décrites par Caroline Fourest[20] [… ne peuvent pas être confondues avec] la sphère du sens et de la symbolique des pouvoirs publics et la sphère de liberté maximale (la sphère privée) »[19]. « La validation croisée des résultats scientifiques est un espace laïque au sens français du terme, sans que, pour autant, nous ne nous formulions les choses comme cela. Nos options métaphysiques restent aux vestiaires de nos laboratoires et n'interviennent pas dans nos comptes rendus d'expériences »[21].

B. Latour confie que « [les conditions de… et le contrat tacite de] la recherche n'est pas au programme des formations scientifiques » (p. 93)[22]. Guillaume Lecointre pense qu'« il serait temps d'enseigner aux futurs chercheurs une explication de leur contrat tacite, autant dans ses attendus épistémologiques que dans ses composantes sociologique, économique et politique »[23].

Guillaume Lecointre appelle de ses vœux une évolution de la notion de distinction-séparation entre les sphères publique et privée[19],[20] : les sphères de sens.

Responsabilité sociale

Critiques de la science

Paul Feyerabend dans son ouvrage[24] a voulu montrer qu'il n'y a pas une seule description de la méthode scientifique qui puisse être suffisamment large et générale pour englober l'ensemble des méthodes et approches utilisées par les scientifiques. Il a critiqué l'établissement d'une méthode scientifique normative, au titre qu'un tel procédé ne pourrait que ralentir, voire réprimer le progrès scientifique. Pour lui, le seul principe qui ne gêne pas l'activité scientifique est le laisser-faire. En effet aucune méthodologie (ni l'inductivisme, ni le réfutationnisme) ne s'accorde avec l'histoire de la physique.

Toutes les méthodologies ayant leurs limites, une seule règle survit, c'est « Tout est bon ». Mais cette affirmation ne veut pas dire faire n'importe quoi ! La méthodologie selon lui « peut » fournir des critères d'évaluation qui permettent aux scientifiques de prendre des décisions (ie: les Programmes de recherches chez Imre Lakatos)[source insuffisante], mais, en général, ils ne contiennent pas de règles qui leur disent ce qu'il « faut faire ».

L'infaillibilité scientifique

Une question cruciale en sciences est d'essayer de déterminer dans quelle mesure le bagage actuel des connaissances scientifiques peut être pris comme une explication véridique du monde physique dans lequel nous vivons. L'acceptation sans conditions de cette connaissance comme un savoir absolument vrai, c'est-à-dire non critiquable positivement, s'appelle le scientisme. La science se rapproche alors d'une théologie rationnelle.

Le qualificatif "scientifique" a longtemps été considéré par le grand public comme un gage de fiabilité absolue. Dans cette perception de la science qui se rapproche du scientisme, de nombreuses personnes ont été amenées à croire que les scientifiques font quotidiennement, dans leur travail, la preuve de l'infaillibilité.

Dans les sociétés laïques et imprégnées de techniques, la science dans sa diversité peut sembler apporter un arbitrage. Cela conduit malheureusement à des abus sur le langage scientifique et la valeur objective de la science, à des fins politiques ou commerciales. La science ne peut apporter des garde-fous que seule la cohésion sociale peut apporter selon des critères éthiques sur la nature de la réalité perçue.

Le décalage croissant entre le travail des scientifiques et la manière dont leurs travaux et résultats sont perçus par la société a conduit à effectuer des campagnes de communication ciblées, pour expliciter la notion de scepticisme scientifique et expliquer la méthode scientifique.

Par ailleurs, il faut distinguer les sciences et leurs applications pratiques. Autant une théorie scientifique peut sembler apporter des critères fiables de vérité, autant aujourd'hui les risques sont grands lorsque les applications techniques sont complexes et touchent un large public.

[réf. nécessaire]

Responsabilité sociétale

Le philosophe Hans Jonas (Le Principe responsabilité, 1979) pointe la responsabilité que portent toutes les personnes de la société vis-à-vis des conditions d'application technique des sciences[source insuffisante]. De là découle le principe de précaution, dont l'application est si controversée.[réf. nécessaire]

Cette philosophie a engendré les principes de développement durable, qui entrent progressivement dans les mœurs.[réf. nécessaire]

Les incidences de la science sur la société incitent la philosophe Isabelle Stengers à poser la question de la pertinence des savoirs scientifiques. Pour elle la réponse ne peut émaner que d’un débat démocratique[25]

On considère[Qui ?] désormais que les entreprises ont le devoir de rendre compte des conséquences environnementales et sociales de leur activité auprès de la société civile (parties prenantes).[réf. nécessaire]

Pierre Bourdieu : "Puisque les savants sont censés produire de la vérité sur le monde [… il leur faut] restituer les acquis de la science dans les domaines où ces acquis pourraient contribuer de manière positive à résoudre des problèmes qui ont accédé à la conscience publique. Mais la fonction la plus utile, en plus d'un cas, serait de dissoudre les faux problèmes ou les problèmes mal posés. [… À la télévision], les faux philosophes [… prennent] au sérieux les faux problèmes [scientifiques proposés dans l'émission]. [… ⇒] il faudrait des commandos d'intervention philosophique rapide pour détruire les faux problèmes [scientifiques], pour faire du Wittgenstein dans la vie de tous les jours et spécialement dans les médias" [26]. La sociologie ? un sport de combat ? ! "Face à la TV, il faudrait une sorte de mouvement de résistance civique […] contre l'imposition généralisée de problématiques [aller voir directement les qualificatifs évoqués !][27].

Guillaume Lecointre pense utile de rappeler : Les connaissances empiriques, universellement testables, constituent la partie de nos savoirs qui unissent les hommes, et c'est pour cela qu'elles sont politiquement publiques (p. 130). "On peut mettre cette posture [les options métaphysiques sont personnelles et politiquement privées : la laïcité au sens français du terme] au nom d'un priorité donnée dans le champ public au droit à l'indifférence (ici métaphysique) sur le droit à la différence selon une formule présentée par Caroline Fourest (p. 239)[20] " (p. 130). "Sur un plan plus politique qu'épistémologique, la meilleure arme contre le créationnisme reste la laïcité française [… + ] les différentes sphères de contraintes et de libertés […] (p. 133 ). En conclusion : "Expliciter vers le public le périmètre des méthodes qui caractérisent le[.] métier [de chercheur], et écrire vers le public pour expliquer pourquoi et comment les créationnistes philosophiques utilisent les sciences à d'autres fins que les leurs (p. 134)[13].

Notes et références

  1. (dir) A. Barberousse, D. Bonnay et M. Cozic, Précis de philosophie des sciences, Paris, Vuibert, , 709 p. (ISBN 978-2-7117-2070-5).
  2. Collectif, Précis de philosophie des sciences, Paris, Vuibert, , 709 p. (ISBN 978-2-7117-2070-5)
    sous la direction de Anouk Barberousse; Denis Bonnay, Mickaël Cozic
    .
  3. Aurel David, p. 22.
  4. Steven Weinberg, Le Rêve d'une théorie ultime, 1997, Odile Jacob.
  5. Jean-Michel Besnier, Les théories de la connaissance, Paris, PUF Que sais-je?, , 128 p. (ISBN 978-2-13-059021-7).
  6. Bourdieu 1997, p. 18.
  7. Collectif 2011, p. 141.
  8. Collectif, Matériaux philosophiques et scientifiques pour un matérialisme contemporain, t. 2, Paris, Éditions matériologiques, , 1014 p. (ISBN 978-2-919694-25-9), p. 8.
  9. Collectif 2011, p. 142.
  10. Collectif 2011, p. 145.
  11. Collectif 2011, p. 147.
  12. Collectif 2011, p. 169 et 170.
  13. Lecointre 2012, p. 114.
  14. Bourdieu 1997, p. 36.
  15. Lecointre 2012, p. 102.
  16. Lecointre 2012, p. 102 à 111
  17. Lecointre 2012, p. 111.
  18. Lecointre 2012, p. 120
  19. Lecointre 2012, p. 125.
  20. Fourest Caroline, La dernière utopie. Menaces sur l'universalisme, Paris, Grasset Fasquelle, , 288 p. (ISBN 978-2-246-70971-8), § distinguer les sphères de contraintes et de libertés p 272 à p 280.
  21. Lecointre 2012, p. 127.
  22. Le métier de chercheur,
  23. Lecointre 2012, p. 129.
  24. Contre la méthode : Esquisse d'une théorie anarchiste de la connaissance, Pris, Éditions du Seuil, , 350 p. (ISBN 978-2-02-009995-0).
  25. Isabelle Stengers, Sciences et pouvoirs, La Découverte, 1997, p. 112 et 107
  26. Bourdieu 1997, p. 71.
  27. Bourdieu 1997, p. 76.

Voir aussi

Sources utilisées dans cet article

  • (dir) A. Barberousse, D. Bonnay et M. Cozic, Précis de philosophie des sciences, Paris, Vuibert, , 709 p. (ISBN 978-2-7117-2070-5). 
  • Gregory Bates, "La Nature et la Pensée", Seuil, Paris, 1984
  • Pierre Bourdieu, Les usages sociaux de la science : Pour une sociologie du champ scientifique, Paris, QUAE Inra Éditions, , 80 p. (ISBN 978-2-7380-0793-3, lire en ligne). .
  • Guillaume Lecointre, Les sciences face aux créationnismes : Ré-expliciter le contrat méthodologique des chercheurs, Versailles, QUAE, , 172 p. (ISBN 978-2-7592-1686-4, lire en ligne). .
  • Bruno Latour, Le métier de chercheur, . 
  • Hans Jonas, Le Principe responsabilité, 1979
  • Caroline Fourest, La dernière utopie. Menaces sur l'universalisme, Paris, Grasset Fasquelle, 2009, 288 p. (ISBN 978-2-246-70971-8)
  • Paul Feyerabend, Contre la méthode : Esquisse d'une théorie anarchiste de la connaissance
  • Aurel David (préf. Louis Couffignal), La cybernétique et l'humain, Éditions Gallimard, coll. « Idées », (ISBN 978-2-07-035067-4). 
  • Isabelle Stengers, Sciences et pouvoirs, La Découverte, 1997

Sources complémentaires

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  • Lecourt D. (2001) La philosophie des sciences, 5e réed. PUF/Que sais je ?, Paris, 2010.
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  • Jean C. Baudet, Mathématique et vérité, L'Harmattan, Paris, 2005.
  • Erwin Chargaff : "Le feu d'Héraclite: scène d'une vie devant la nature", Ed V. Hany, 2006, (ISBN 2-87858-185-7)
  • Pierre Ginésy, « Mécanique quantique, psychanalyse… Vers des sciences conjecturales ? », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses lire en ligne, 2012.

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