Piège évolutif
En biologie de l'évolution, l'expression « piège évolutif » désigne, chez des populations ou des taxons, un type de spécialisation trop étroite[1] ou de maladaptation (en) des traits d'histoire de vie à des changements environnementaux, conduisant à leur déclin ou leur disparition[2].
Les pièges écologiques font partie des pièges évolutifs[3].
L'anthropisation trop intense peut conduire à des pièges évolutifs[4]. L'ampleur et la vitesse des impacts humains sur l'environnement pourrait générer de nombreux pièges évolutifs mais paradoxalement les exemples clairs sont rares car cette notion est récente (M.A. Schlaepfer, 2002)[5] et l'identification de tels pièges reste difficile[6].
Exemples
Les tortues marines se déplacent en s'orientant vers l'horizon le plus lumineux qui, dans les conditions naturelles, est généralement la mer. L'anthropisation a pour conséquence le développement de lumières artificielles (éclairages de bord de route, éclairages, extérieurs de maison …) vers lesquelles elles se dirigent. Les tortues courent alors de graves risques d'hyperthermie et de mort au cours des heures chaudes de la journée dans ces milieux urbanisés[7].
Chez près de la moitié des 800 espèces de figuiers dioïques, jusqu'à 95 % de la population de pollinisateurs de blastophages est éliminée chaque année dans les figues des pieds femelles longistyles (la longueur du style excède celle de l'ovipositeur des blastophages). La diécie est une stratégie évolutive qui détourne ces insectes au profit de la seule reproduction du figuier[8].
Un piège peut être l'impact de la lumière artificielle sur les invertébrés, notamment sur les pollinisateurs nocturnes, mais aussi sur les espèces clés de voûte diurnes. La pollution lumineuse urbaine réduirait en effet le succès reproducteur de plantes sur lesquelles ces derniers viennent se nourrir, ce qui pourrait entraîner, à terme, une diminution des ressources alimentaires[9],[10],[11].
Le parasitisme semble conduire à un piège évolutif lorsque le parasite est inféodé à un hôte, voire à plusieurs successivement pour certains, mais cette interaction biologique reste développée car elle apporte de nombreux avantages évolutifs[12].
Notes et références
- Ernst Mayr, La biologie de l'évolution, Hermann, , p. 32
- (en) Martin A. Schlaepfer, Paul W. Sherman, Bernd Blossey & Michael C. Runge, « Introduced species as evolutionary traps », Ecology Letters, vol. 8, no 3, , p. 241–246 (DOI 10.1111/j.1461-0248.2005.00730.x).
- (en) Martin A.Schlaepfer, Michael C.Runge, Paul W.Sherman, « Ecological and evolutionary traps », Trends in Ecology & Evolution, vol. 17, no 10, , p. 474 (DOI 10.1016/S0169-5347(02)02580-6).
- Jean-Nicolas Beisel et Christian Lévêque, Introduction d'espèces dans les milieux aquatiques, Quae, , p. 87
- (en) M.A. Schlaepfer et al., « Introduced species as evolutionary traps », Trends Ecol. Evol., 2002, 17: 474-480
- (en) Bruce A Robertson, Richard L. Hutto, « A framework for understanding ecological traps and evaluating existing evidence », Ecology, vol. 87, no 5, , p. 1075-1085 (DOI 10.1890/0012-9658(2006)87[1075:AFFUET]2.0.CO;2)
- (en) Blair E. Witherington, « The problem of photopollution for sea turtles and other nocturnal animals », in J.R. Clemons, R. Bucholz, Behavioral approaches to conservation in the wild, Cambridge University Press, 1997, p. 303–328
- (en) Nazia Suleman, Steve Sait, Stephen G. Compton, « Female figs as traps: Their impact on the dynamics of an experimental fig tree-pollinator-parasitoid community », Acta Oecologica, vol. 62, , p. 1–9 (DOI 10.1016/j.actao.2014.11.001)
- (en) Bruce A. Robertson, Daniel T. Blumstein, « How to disarm an evolutionary trap », Conservation Science and Practice, vol. 1, no 11, (DOI 10.1111/csp2.116)
- (en) Charlotte Bruce-White, Matt Shardlow, A Review of the Impact of Artificial Light on Invertebrates, Buglife The Invertebrate Conservation Trust, , 32 p.
- (en) Eva Knop, Leana Zoller, Remo Ryser, Christopher Gerpe, Maurin Hörler & Colin Fontaine, « Artificial light at night as a new threat to pollination », Nature, vol. 548, , p. 206–209 (DOI 10.1038/nature23288)
- (en) J. K. Konopka, T. D. Gariepy, T. Haye, J. Zhang, B. D. Rubin, J. N. McNei, « Exploitation of pentatomids by native egg parasitoids in the native and introduced ranges of Halyomorpha halys: a molecular approach using sentinel egg masses », Journal of Pest Science, vol. 92, no 2, , p. 609–619 (DOI 10.1007/s10340-018-01071-8))
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Schlaepfer M.A. et al., « Introduced species as evolutionary traps », Trends Ecol. Evol., 2002, 17: 474-480
- (en) Schlaepfer M.A. et al., « Introduced species as evolutionary traps », Ecol. Lett., 2005, 8: 214-246
- (en) B.A. Robertson & R.L. Hutto, « A framework for understanding ecological traps and an evaluation of existing evidence », Ecology, 2006, 87: 1075-1085