Pierre Desse

Pierre Desse (-) est un marin bordelais, capitaine de navire marchand, corsaire, et négrier qui, de 1787 à 1817, participe à plusieurs opérations de traite ou les commande.

Pierre Desse
Naissance
Saint-Lambert (Pauillac, Gironde)
Décès (à 78 ans)
Lormont
Nationalité Française
Profession
Capitaine au long cours

À la tête de l'équipage de son brick la Julia, il se signale en par le sauvetage des 92 passagers du trois-mats hollandais le Colombus, désemparé après une tempête au large du cap de Bonne Espérance. En 1829, répondant à une commande publique, le peintre Théodore Gudin représente la scène sous le titre : Trait de dévouement du capitaine Desse, de Bordeaux, envers le Colombus, navire hollandais[1].

Biographie

Né à Saint Lambert (Pauillac) en , Pierre Desse, fils cadet d'un propriétaire de Pauillac, entre au séminaire d'Aire- sur-l'Adour à 18 ans. Il apprend à piloter et à naviguer en cachette[2]. Il entre dans la marine à vingt ans comme pilotin sur le Duc-de-Penthièvre, à destination de la Martinique. Il sert comme lieutenant sur des navires qui commercent avec Saint-Domingue (Les Deux-Chéries, le Chêne- Vert, le Comte-de-Fumel) mais aussi vers la Côte d'Or, dans le cadre du commerce triangulaire. Il devient capitaine de navire le et prend le commandement de l'Union, qu'il conduit à la côte d'Afrique vers laquelle il fait plusieurs voyages, de à , sur le Joujou, vers le Sénégal et la Côte d'Or, sur le Henry en 1794. Dans une note manuscrite où il retrace les principaux événements de sa vie jusqu'en 1823, Pierre Desse raconte ce voyage vers le Sénégal où il aide le gouverneur de la colonie à rétablir l'ordre dans la ville de Saint-Louis.

Nommé lieutenant de vaisseau, il doit rejoindre Rochefort pour y recevoir un commandement. Mais, ainsi qu'il l'écrit, « il ne lui convenait pas de servir sous le gouvernement de ce tems là». Durant la Révolution française, il accueille et protège deux propriétaires de Saint Christoly dans le Médoc, accusés devant la commission militaire du crime «d'avoir voulu favoriser les projets des royalistes dans une descente sur nos côtes ». Desse les cache pendant six mois et les aide à recouvrer la liberté.

Il attend deux ans et demi pour reprendre la mer. Le , il reçoit le commandement du corsaire trois-mâts l'Incroyable, navire bordelais de trente-deux canons portant trois cents hommes d'équipage. Mais à son départ de la Gironde, il est fait prisonnier par les Anglais, mais il réussit à s'évader des pontons. Le , il s'embarqua à Bordeaux, en qualité de second capitaine, sur le navire trois-mâts la Diane, armé en guerre, chargé de porter des marchandises à l’Île-de-France. Il est de nouveau arraisonné par un vaisseau anglais et gardé prisonnier à Tiverton, dans le Devon. Durant sa captivité, en , il sauve dans une inondation plusieurs personnes, dont ses geôliers, sur le point de se noyer, s'attirant la sympathie des autorités anglaises qui négocient son échange en [3].


Comme capitaine négrier, Pierre Desse commande, de à , la Jeune-Eliza, armée par Saurin, rue de la Grande-Taupe (Bordeaux), vers le Sénégal puis jusqu'à Pointe-à-Pitre. D' à , toujours avec la même armateur, il commande le Marcelin, vers le Sénégal puis Santiago à Cuba et Port-au-Prince. Desse a une participation de 3000 francs dans cette expédition[2] à propos de laquelle il fait un procès à l'armateur. De à , à bord de l'Union, il repart pour un voyage triangulaire, vers Saint-Louis-du-Sénégal - Les Antilles, trente deux ans après son premier voyage négrier sur un bateau portant le même nom[2].

En , il commande la Julia à destination de Bourbon et sauve les 91 passagers du Colombus, navire hollandais en détresse au large du Cap de Bonne-Espérance .

En 1828 et 1829, il commande les transports du roi la Truite et le Robuste. En il est nommé lieutenant du port de Bordeaux.

Le capitaine Desse demeure à Bordeaux au 72, rue de la Grande-Taupe. Il acquiert à Lormont le château des Iris. Il épouse, le , Marguerite de Fillietas de Fretas qui meurt en l'an X (1801/1802), et dont il a deux enfants. Il se remarie le 8 messidor an XIII (27 Juin 1805) avec Marie-Anne Ladurantie dont il a également deux enfants. Il meurt le .

La famille Desse est une famille de marins. Jacques, frère de Pierre, est officier de marine militaire de 1795 à 1814, puis capitaine de port à Pauillac. Laurent-Paul Desse, fils de Jacques et neveu de Pierre, capitaine au long cours comme son oncle, est l'auteur d'un sauvetage en mer en 1839 dans la mer des Philippines, puis devient, à partir de 1842, l'un des principaux armateurs de Bordeaux, siégeant au tribunal de commerce et au conseil municipal[4]. Jean Desse, fils de Pierre, né à Bordeaux en 1796[5], devient en 1852 le premier directeur de la future Banque de la Réunion. Au XXe siècle, un descendant homonyme Pierre Desse est président du port autonome et de la Chambre de commerce de Bordeaux (1950-1955).

Sauvetage du Colombus

Trait de dévouement du capitaine Desse, de Bordeaux, envers Le Colombus, navire hollandais, 1829, par Théodore Gudin (Musée des Beaux-Arts de Bordeaux)

En , Pierre Desse prend, à Bordeaux, le commandement de la Julia à destination de Bourbon. En , il sauve l'équipage du trois mats le Colombus en détresse au large de Cap de Bonne Espérance. Ce trois mats hollandais de 800 tonneaux, parti de Batavia et se rendant en Hollande avec un équipage de quarante hommes, transportant un détachement de cinquante et un militaires, chargé de café et de sucre, a perdu deux de ses mats et l'usage de son gouvernail. Le capitaine Desse abandonne les marchandises transportées pour recueillir à bord de son brick, de seulement 200 tonneaux, les quatre-vingt-douze personnes composant l'équipage et les passagers du Colombus.

Il dépose une partie des rescapés à Saint-Denis-Bourbon et l'autre partie, au nombre de cinquante-quatre, à Bordeaux, le .

La célébration de l'exploit

Son action lui vaut d'être décoré le sur la proposition du ministre de la Marine et des Colonies de l'Ordre royal de la Légion d'honneur. Le roi des Pays-Bas lui fait remettre par le consul de Hollande de Bordeaux la décoration de l'Ordre du Lion-Belgique.

La Chambre de commerce de Bordeaux fait frapper, en 1823, une médaille en son honneur.

En 1824 un long poème lyrique d’Édouard Delprat[6] célèbre la bravoure du capitaine, reprenant la formule secourable utilisée par Pierre Desse :

« ...L'ouragan promenait les deux nefs vagabondes
Des cieux aux cavernes profondes
Sombres royaumes du trépas
Et toujours s'élevait de la vague écumante
Ces mots qui se mêlaient au bruit de la tourmente
JE NE VOUS QUITTERAI PAS ! ... »
Passeport de Pierre Desse, 23 avril 1823, "allant à Amterdam pour affaire particulière", Archives départementales de la Gironde.


En 1828, le ministre de l'Intérieur Martignac, dans une lettre adressée au baron d'Haussez, préfet de la Gironde, ordonne «qu'un tableau dont le sujet devra être pris dans les fastes de la gloire française sera calculé au frais du ministère de l'Intérieur »[7]. Le tableau[8] réalisé par Théodore Gudin (2,40m de haut sur 3,25m de large), terminé en 1829, payé 6000 francs à l'artiste, est exposé à Paris au Salon de 1831 sous le titre «Trait de dévouement du capitaine Desse, de Bordeaux, envers le Colombus, navire hollandais ». Don du gouvernement au Musée de Bordeaux en 1832[9].

Cependant, l'indemnisation obtenue à la suite d'une sentence arbitrale prononcée à Bourbon le , est invalidée par la décision du tribunal de commerce d'Amsterdam en date du , confirmée en appel à La Haye le [10]. Pierre Desse se trouve redevable d'une somme totale de 87 550 francs. Malgré une aide de 20 000 francs du roi de Hollande, il doit vendre la Julia, dont il était propriétaire, pour s'acquitter de sa dette et éviter la contrainte par corps.

Une rue de Bordeaux porte de nom de Desse.

Trait de dévouement du neveu, Laurent-Paul Desse

Dans des conditions comparables, Laurent-Paul Desse, (1808-1862), neveu de Pierre Desse, commandant l'Asie de la maison Balguerie, sauve le dans la mer de Mindoro, avec l'aide de trois prêtres missionnaires de Chine qu'il transportait comme passagers[11], les 112 hommes d'équipage du Marquis de Campden[12]. Pour cette action, et pour avoir dressé une carte précise des récifs de la zone, il obtient une médaille d'or de la reine d’Angleterre et la légion d'honneur[3].


Bibliographie

Notes et références

  1. « mba - Affichage d'une notice », sur collections-musees.bordeaux.fr (consulté le )
  2. Eric Saugera, Bordeaux, port négrier, XVIIe-XIXe siècle, Karthala, , 382 p. (ISBN 978-2-84127-042-2), p. 156, 157, 158, 227, 228, 256
  3. Edouard Féret, Personnalités & Notables Girondins, de l'Antiquité à la fin du XIXe siècle., Féret éd., (ISBN 978-2-35156-052-5 et 2-35156-052-3)
  4. Féret, Édouard (1844-1909). Auteur du texte, « Statistique générale, topographique, scientifique, administrative, industrielle, commerciale, agricole, historique, archéologique et biographique du département de la Gironde. Tome 3,Partie 1 / par Édouard Feret,... », sur Gallica, 1878-1889 (consulté le )
  5. « Généalogie de Jean DESSE », sur Geneanet (consulté le )
  6. Édouard Delprat (1802-1877), avocat au barreau de Bordeaux, Sur le dévouement de Pierre Desse, commandant le brick français La Julia, Paris, impr. de J. Pinard, (lire en ligne)
  7. Archives nationales, F 21 3
  8. exposé au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux.
  9. Pierre Lacour et Jules Delpit, Catalogue des tableaux, statues, etc., du musée de Bordeaux, Bordeaux, , 306 p. (lire en ligne), p. 135-136.
  10. La procédure judiciaire engagée à la suite de la perte du Colombus est résumée dans le commentaire de l'arrêt de la 3e chambre de la Cour d'appel de La Haye en date du 5 novembre 1824, cf. Pasicrisie, recueil général de la jurisprudence des Cours de France et de Belgique, deuxième série, 1814 - 1840, Bruxelles, 1845, p. 215 et suiv.
  11. René Volot, L’aventurier de la Foi, Éditions Saint-Léger, (ISBN 978-2-36452-064-6, lire en ligne)
  12. L'ami de la religion journal et revue ecclesiastique, politique et litteraire, (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

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