Posidonios
Posidonios d'Apamée (en grec ancien Ὁ Ποσειδώνιος ὀ Ἀπαμεύς, O Poseidốnios o Apameús), philosophe stoïcien grec, surnommé « l'athlète »[1], fut aussi un savant, géographe et historien. Il est le brillant représentant de l'esprit hellénistique, à la fois empirique et spéculatif, curieux de tout. Né à Apamée sur l'Oronte (nord de la Syrie actuelle) vers -135, et mort à Rome vers , il devint le sixième scolarque du Portique, à la mort de son maître, Panétios de Rhodes, en Selon les transcriptions du grec ancien ou du latin, son nom peut apparaître sous les formes Poseidonios ou Poseidônios, Posidonios ou Posidonius d'Apamée, Posidonios ou Posidonius de Rhodes.
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Biographie
Dans sa jeunesse, il quitte Apamée. De passage à Athènes, il devient le disciple et l'ami de Panétios, le chef de l'école stoïcienne. Vers il fonde une école à Rhodes, dont il devient citoyen et exerce, du fait de sa grande réputation, une charge de haut magistrat au Prytanée de cette ville. La brillante renommée de son enseignement attire des auditeurs célèbres tels que Cicéron en 78-77 et Pompée en 67 et Un de ses disciples, Phanias, édite ses cours[2].
Antérieurement, il avait voyagé, d'abord à Rome pour une première ambassade vers , et à cette occasion aurait été reçu, aux dires de Plutarque, par le consul Marius[3]. Les liens d'étroite amitié qu'il entretient avec les dirigeants de Rome — dont Pompée — lui permettent de voyager dans tout l'Empire romain. Ainsi il se rend en Afrique du Nord, en Espagne, en Sicile et en Gaule jusqu'à l'estuaire de la Gironde. Il est un de ceux par qui le stoïcisme se latinisa. Peu après une seconde ambassade à Rome, il meurt dans cette ville vers , à 84 ans. Son petit-fils, Jason de Nysa, devint scolarque de son école à Rhodes. Selon le témoignage de Sénèque, il eut comme disciples Asclépiodos et le stoïcien Phanias.
Son œuvre
Œuvre philosophique
Selon le témoignage de Galien, il écrivit qu'il aurait préféré trahir la secte des Stoïciens plutôt que la vérité[4].
Posidonios adhère au moyen-stoïcisme. Ce courant de pensée est emprunté à Platon et à Aristote pour faire face aux attaques des sceptiques[5].
En cosmologie, il soutient que l'univers des choses et des individus est pénétré par une force cosmique unificatrice qui s'exerce au moyen d'une sorte d'attraction qu'il appelle sympathie[6]. Dans cette optique, Dieu est un souffle purifiant qui pénètre toute substance et peut se manifester sous n'importe quel aspect.
« Dieu est un souffle igné doué d'intelligence, sans forme, se transformant en ce qu'il veut et se rendant semblable à tout. »
— (Stobée, Eclogues, I, 58)
Œuvre métaphysique : la sympathie, le destin
L'unité du monde tient, non pas à deux facteurs comme chez Chrysippe (Dieu, la sympathie), mais trois : Dieu, la nature, le destin[7].
L'idée la plus importante et la plus célèbre de Posidonios est celle de sympathie cosmique. « L'univers est un corps unifié » fait de parties qui collaborent. Tout conspire, tout sympathise. « Le monde est un tout sympathique à lui-même. » « Dans le cas de corps unifiés, il existe une certaine sympathie, puisque, lorsque le doigt est coupé, le corps entier en est affecté. L'univers est donc lui aussi un corps unifié. » Selon Émile Bréhier[8], « le principe de sympathie est destiné à montrer soit l'action réciproque universelle de toutes choses, soit l'influence des causes éloignées et en apparence négligeables ». C'est de lui, selon toute vraisemblance, que provient la théorie de l'influence des climats, telle qu'elle se trouve exposée au début du VIe livre de Vitruve. Exemple de cette interaction entre les mœurs des hommes et la nature : « À Athènes l'atmosphère est subtile, d'où vient la finesse d'esprit des Athéniens » : il n'y a pas causalité simple, mais affinité entre l'atmosphère délicate et la mentalité déliée ; exemple d'action à distance : celui d'une victime sacrificielle qui indique l'avenir.
Posidonios défend un déterminisme universel spiritualisant, qui annonce le néoplatonisme émanatiste, mais qui rend compte aussi de la divination. Zeus est l'âme omnisciente, le destin est l'enchaînement causal des phénomènes, qui obéissent à des lois nécessaires dont on trouve l'expression dans le mouvement des astres. Posidonios distingue trois types de divination : celle qui vient directement de Dieu par la bouche d'un prophète inspiré, celle qui vient du destin et qui est liée à l'observation astrologique, enfin celle qui vient de la nature (les songes)[9].
Œuvre scientifique
Posidonios est l'auteur de traités de physique et de météorologie. C’est un savant complet, nourri de toute l'érudition des écoles d'Asie Mineure : scientifique, il se passionne pour la mesure (longueur du méridien, hauteur de l’atmosphère, distance des astres).
Dans le domaine de l'astronomie, selon Cléomède dans son Mouvements des objets célestes livre II, Posidonios théorisa le concept d'une force vitale du Soleil agissant sur le Monde. De plus il tenta de déterminer la distance entre la Terre et la Lune. Il s'attacha à préciser la taille de la lune, ainsi qu'à découvrir les lois du mouvement des cinq planètes connues, et du soleil. Il proposa une méthode de calcul de la longueur du méridien terrestre en comparant la hauteur de l'étoile Canopus à Rhodes et à Alexandrie. Sénèque rapporte dans le livre VII de ses Questions naturelles un témoignage de Posidonios selon lequel une comète rasante, invisible en temps normal, aurait été observée près du Soleil pendant une éclipse[10].
Il émet l’hypothèse dans son traité De l'Océan, que les marées sont dues à une influence lunaire. En s'appuyant sur de longues observations au sud de l'Espagne, près de Cadix, Posidonios parvint à établir que la triple périodicité des marées, journalière, mensuelle et annuelle, correspond aux positions de la Lune et du Soleil[11].
Selon le témoignage de Cicéron[12], il construisit un globe en réduction reproduisant les mouvements conjoints des planètes du système solaire.
La découverte en 1900, dans une épave de navire au large d'Anticythère, d'un étonnant objet connu sous le nom de Machine d'Anticythère, pourrait apporter une lumière inattendue sur la sphère de Posidonios. D'une part la fouille de cette épave révéla que le navire sombra vers , et d'autre part que sa cargaison d'amphores provenait de Rhodes. L'objet, découvert en plusieurs fragments de bronze, semble bien être un vestige similaire à la sphère construite par Posidonios. Récemment, en analysant ces fragments, des scientifiques ont découvert l'inscription grecque chrysoun spheron, soit Sphère d'or (voir le site Antikythera Mechanism Research Project).
Œuvre historique et géographique
Historien, il prend la suite du récit de Polybe et traite des événements allant de 145 à 86 av. J.-C. Seulement quelques fragments de son œuvre nous sont parvenus. Son Histoire en 52 livres (dont aucun ne nous est parvenu) mentionnait au-delà des événements diverses considérations sur les mentalités et les usages militaires des peuples, ainsi qu'une étude de l'émergence du pouvoir romain. Il étudie les vertus des anciens Romains et l’émergence de leur pouvoir, la question du pouvoir dominé/dominant, les guerres entre les Parthes et les Séleucides[13]. L'action des hommes à ses yeux était dictée par les ressorts de l'ambiguïté de la psychologie humaine. Plutarque semble avoir beaucoup puisé dans cette œuvre pour rédiger sa biographie de Marius, ainsi que vraisemblablement celle de Pompée. Par ailleurs Trogue Pompée semble l'avoir aussi suivi dans ses récits sur la conquête romaine de l'Espagne.
Posidonios pratique une géographie descriptive et raisonnée, ordonnée selon les subdivisions de la Terre : zones, continents, pays, provinces, villes. Chaque élément est présenté d'après sa situation, son relief, son réseau hydrographique, ses ressources. Après son voyage en Gaule, 50 ans avant la conquête de César, il définit les frontières de ce pays, faisant intervenir tous les facteurs possibles pour bien le comprendre ; les dernières découvertes archéologiques confirment d'ailleurs la véracité de sa description des sanctuaires. Il vit dans une période où l’astronomie, la géométrie et la mécanique sont en plein essor. Ainsi, il n’est pas impossible qu’il ait été en contact avec de grands géographes, car le déclin d’Athènes dans ce domaine entraîna le succès de Rhodes, ville où il vécut. Attachant autant d'importance aux facteurs économiques qu'aux voies de communication ou à l'histoire du pays, il essaie de prendre en compte tous les aspects de la géographie physique et humaine. Ses vastes enquêtes ethnologiques et géographiques lui ont ainsi permis de décrire les mœurs et la structure sociale des Gaulois[14]. Il est à l’origine des développements sur les coutumes celtiques. Il s’intéresse aux mouvements des eaux, surtout ceux de la Mer intérieure, aux causes des secousses sismiques et des éruptions volcaniques, et pratique l'astronomie afin de fixer les coordonnées des points de la terre et de la cartographier[15].
Œuvre mathématique
Mathématicien, il cherche à fonder la géométrie comme une partie de la physique. Proclos dans le premier livre de son Commentaire d'Euclide, mentionne les recherches de Posidonios sur :
- la distinction entre théorème et problème mathématique
- un procédé de division dichotomique de la division du quadrilatère
- la définition des droites parallèles
- la définition des figures mathématiques.
En outre Posidonios engagea avec l'épicurien Zénon de Sidon une polémique où il prenait la défense de la démonstration géométrique établie par Euclide. Selon Héron d'Alexandrie, il avait établi une définition du centre de gravité, ainsi qu'une défense de la géométrie comme partie intégrante de la physique.
Liste de ses œuvres
Plusieurs sources anciennes mentionnent les traités écrits par Poseidonios, dans divers domaines :
en éthique
en physique
en géographie
- De l'Océan[29]
Notes et références
- Souda, s.u. Ποσειδώνιος, Π 2107 Adler.
- Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres [détail des éditions] (lire en ligne), VII, 41.
- Plutarque, Marius, XLV, 7.
- Galien dans son Traité des Passions et de l'âme, II.
- (en) Ludwig Edelstein, The meaning of stoïcism, Martin Classical Lectures, , vol. XXI
- (de) Karl Reinhardt, Kosmos und Sympathie, niere Untersuchung über Poseidnios, compte-rendu, pp. 327-328.
- Victor Goldschmidt, Le Système stoïcien et l'idée de temps, Vrin, 1979, p. 106.
- Émile Bréhier, Chrysippe, p. 184.
- Cicéron, De divinatione [détail des éditions] [lire en ligne] (I).
- Janet Borg et Anny-Chantal Levasseur-Regourd (préf. Hubert Reeves), L'Exploration cométaire : De l'Antiquité à Rosetta, Paris, Nouveau Monde éditions, coll. « Histoire des sciences », , 231 p. (ISBN 978-2-36942-524-3), chap. 1 (« Aux origines de l'astronomie cométaire »), p. 20.
- Strabon, Géographie [détail des éditions] [lire en ligne], L.III, 5, 9 et Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne], L.II, 99.
- Cicéron, De la nature des dieux, II, 88.
- « Les guerres parthiques de Démétrios II et Antiochos VII dans les sources gréco-romaines, de Posidonios à Trogue/Justin », Journal des Savants, 2005.
- Dossier pour la science, no 61, oct. 2008.
- Chevallier Raymond, « La géographie dans le monde antique », Revue des Études grecques, , pp. 115-116.
- Diogène Laerce, Vies et doctrines..., VII, 54.
- Plutarque, Sur l'âme dans le "Timée" C, 22.
- Papyrus PMil vogliano 11 du IIe siècle apr. J.-C.
- Diogène Laerce, Vies et doctrines..., VII, 87.
- Diogène Laerce, Vies et doctrines..., VII, 129.
- Diogène Laerce, Vies et doctrines..., VII, 39.
- Papyrus PRoss Georg I 23 du IIIe siècle apr. J.-C.
- Galien, De placitis Hippocratis.
- Cité par Galien in L'Âme et ses passions, II, édition La roue à livres, Les Belles-Lettres, traduction Vincent Barras, 2004.
- Diogène Laerce, Vies et doctrines..., VII, 134.
- Diogène Laerce, Vies et doctrines..., VII, 135.
- Diogène Laerce Vies et doctrines... VII, 142
- Diogène Laerce, Vies et doctrines..., VII, 138.
- Cité par Strabon, Géographie, livre II, 2-1.
Bibliographie
Sources antiques sur Posidonios
- Cicéron, De la nature des dieux, livre II, 9 § 23 - 13 § 36 et 38 § 98 - 61 § 153, et 55 § 139, 61 § 153, 61 § 153 (selon K. Reinhardt, Poseidonios p. 224-234, l'exposé de Cléanthe revient en réalité à Posidonios)
- Cicéron, De divinatione [détail des éditions] [lire en ligne].
- Sénèque, Lettres à Lucilius, no 88-90.
- Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres [détail des éditions] (lire en ligne) (VII).
Fragments de Posidonios
- (grc) W. Theiler (éd.), Posidonius. Die Fragmente, Berlin de Gruyter, 1982, 2 vol. (Recueil maximaliste : retient même des textes où le nom de Posidonios d'Apamée ne figure pas).
- (grc)(en) L. Edelstein et I. G. Kidd (trad.), Posidonius, Cambridge University Press
- vol. I : The Fragments, Cambridge University Press, 1972, LIV-336 p. ;
- vol. II en 2 t. : The commentary, 1988. T. 1 : Testimonia and Fragments 1-149, 564 p. . T. 2 ; 2e éd. en 1 vol., 1989, 1088 p. ;
- vol. III : The Translation of the Fragments, 1999, XIV-432 p. Recueil minimaliste : fragments où Posidonios d'Apamée est nommément désigné.
Études sur Posidonios
- Lambros Couloubaritsis, Histoire de la philosophie ancienne et médiévale. Paris, Grasset, 1998, p. 484-490.
- Encyclopédie d'archéologie sous-marine Phéniciens et Grecs. Londres, éd. Periplus, 2003 (pour la Machine d'Anticythère).
- Marie Laffranque, Poseidonios d'Apamée, Essai de mise au point, Paris, 1964.
- Stéphane Toulouse, « Poseidonios, les sciences et l'âme », dans Les Stoïciens. Paris, J. Vrin, 2005.
- Jean-Louis Brunaux, Voyage en Gaule. Paris, Seuil, 2011.
Posidonios dans la littérature contemporaine
- Le savant Posidonios joue un rôle-clé dans le roman jeunesse L'Incubateur de rêves, tome 3 de la série Princesse Cléo écrite par Emmanuelle Dupal.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
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