Rhodes

Rhodes (en grec ancien : Ῥόδος / Rhódos, grec moderne : Ρόδος / Ródos) est une île grecque, la plus grande du Dodécanèse.

Pour les articles homonymes, voir Rhodes (homonymie).

Rhodes
Ρόδος (el)

Vue satellite de Rhodes.
Géographie
Pays Grèce
Archipel Dodécanèse
Localisation Mer Égée et mer Méditerranée
Coordonnées 36° 10′ 00″ N, 28° 00′ 00″ E
Superficie 1 398 km2
Point culminant Mont Attavyros (1 216 m)
Géologie Île continentale
Administration
Périphérie Égée-Méridionale
Districts régionaux de Grèce Rhodes
Démographie
Population 115 490 hab. (2011)
Densité 82,61 hab./km2
Plus grande ville Rhodes
Autres informations
Découverte Préhistoire
Fuseau horaire UTC+02:00
Site officiel http://www.rhodes.gr
Géolocalisation sur la carte : Grèce
Rhodes
Îles en Grèce
Porte d'entrée du palais des Grands Maîtres, à Rhodes.

Bordée au nord-ouest par la mer Égée et au sud-est par la mer Méditerranée, elle est située entre l'île de Karpathos (Grèce) et les côtes turques, à 17,7 km de ces dernières. Sa population en 2011 est estimée à 115 490 habitants. Rhodes est aussi le nom de la ville principale de l'île qui est peuplée de 50 000 à 60 000 habitants. Elle est le siège d'un évêché orthodoxe, la Métropole de Rhodes.

Le colosse de Rhodes, l'une des Sept Merveilles du monde, était une statue gigantesque située à l'entrée du port de la ville de Rhodes, si on en croit la tradition.

Mythologie

Selon Pindare, Hélios, le Soleil, est le premier à voir l'île sortir des eaux et la trouve si belle qu'il la prend sous sa protection. Quelque temps après, il s'unit à une nymphe locale appelée Rhodé qui lui donne sept fils et une fille. Kerkafos (en) ou Cercaphus, le deuxième fils, devient père de trois enfants, trois garçons dont les noms sont Camiros, Ialissos et Lindos, qui fondent les trois premières cités de l'île[1].

Les descendants d'Hélios sont les Héliades, mais d'après Strabon, avant eux l'île aurait porté les noms d'Ophiusse (« à serpents »), de Stadie puis de Telchinis (« des Telchines », divinités endémiques du lieu).

Selon le Catalogue des vaisseaux, Rhodes fournit aux Achéens neuf navires pendant la guerre de Troie. Ils sont menés par Tlépolème, fils d'Héraclès[2].

Géographie

Présentation

L'île de Rhodes a la forme d'un fer à repasser d'une superficie d'environ 1 400 km2, avec 79,7 kilomètres de long pour 38 kilomètres de large et 220 kilomètres de côtes. Rhodes culmine à 1 216 mètres au mont Attavyros. Tandis que les rivages sont rocheux, l'intérieur est constitué de terres arables où sont cultivés agrumes, vignes, légumes et olives ; l'élevage est surtout ovin et caprin[3].

La ville de Rhodes est située à l'extrémité nord de l'île, emplacement des ports commerciaux antiques et modernes. L'aéroport principal[4] est situé 14 kilomètres au sud-ouest de la ville, à Diagoras.

En dehors de la ville de Rhodes, l'île est parsemée de petits villages et stations balnéaires, dont Faliráki, Lindos, Afántou, Kremasti, Haraki, Pefkos, Archangelos, Afantou, Koskinou, Kiotari, Lalyssos, Embona (Attavyros), Paradisi et Trianta (Ialysos).

Climat

Relevé météorologique de Rhodes
Mois jan. fév. mars avril mai juin jui. août sep. oct. nov. déc. année
Température minimale moyenne (°C) 8,8 8,8 10,1 12,5 15,8 19,9 22,3 22,7 20,5 16,9 13,2 10,4 15,2
Température maximale moyenne (°C) 15,1 15,2 16,8 20 24,2 28,4 30,5 30,7 28,2 24,5 20,1 16,6 22,5
Précipitations (mm) 149 105 75 27 18 2 0 0 5 65 94 157 696
Nombre de jours avec précipitations 15 12 10 7 4 1 0 0 1 6 9 15 80
Source : Le climat à Rhodes (moyennes mensuelles)
Courbes du climat de Rhodes.

Faune et flore

Pour ce qui est de la biodiversité, Rhodes compte des forêts de pins et de cyprès qui abritent des cerfs élaphes (elaphos veut justement dire « cerf » en grec). La vallée humide de Petaloudes (« vallée des papillons » en grec) accueille en été un grand nombre de papillons de la sous-famille des Arctiinae, comme l'Écaille chinée (Euplagia quadripunctaria). De plus, l'Hespérie de Lederer (Thymelicus hyrax) est signalée dans cette île. Ladigesocypris ghigii, une espèce de poisson endémique du Dodécanèse et menacée, est présente en particulier dans la zone de sources d'Eptá Pigés.

Tremblements de terre

Rhodes a subi de nombreux séismes au cours de son histoire. Parmi les plus importants, on peut noter celui de ou qui a détruit le célèbre colosse de Rhodes, et celui du qui a détruit une grande partie de la ville de Rhodes. Dans l'histoire récente, on se souvient des séismes qui ont frappé l'île le et le , ce dernier d'une magnitude de 6,3.

Histoire

Période grecque archaïque

Ruines de Camiros.

Selon les sources antiques, l'île était initialement peuplée de Lélèges et de Pélasges et les artefacts montrent qu'elle se trouvait dans la sphère d'influence de la civilisation minoenne et avait des échanges avec l'Anatolie et l'Égypte antiques. L'hellénisation commence au XIIe siècle av. J.-C. avec l'arrivée d'hypothétiques "Doriens"[5] qui auraient assimilé les populations antérieures. L'île connut une période de prospérité et de puissance dès la période archaïque. Les anciens appelaient l'île Atabyria, à une époque où Zeus est surnommé Atabyrios sur l'île, dont il est la plus ancienne divinité. Les trois principales cités de Rhodes à cette époque étaient : Lindos sur la côte méditerranéenne de l'île, Camiros ou Kamiros et Ialyssos sur la mer Égée. Camiros fut la première à frapper sa monnaie.

Naissance de la cité-Etat et émergence de la puissance rhodienne (411-228)

Sous supervision d'Athènes jusqu'alors, Lindos, Camiros et Ialysos s'en détachent à la suite d'une rébellion en 411 av. J.-C. En 408 ou , ces trois cités s'unirent pour former la cité-État de Rhodes, peut-être sous la supervision d'Hippodamos[6].

Elle rejoint en 470 av. J.-C. la ligue Athénienne et reste une puissance mineure durant cette période. En 357 av. J.-C., à la suite d'une révolte, Rhodes passe sous l'influence du roi Mausole de Carie. On ne sait plus ensuite ce qui arrive à la cité jusqu'à sa conquête par Alexandre le Grand en 334 av. J.-C.

À la mort d'Alexandre en , l'île retrouva son autonomie et expulsa sa garnison macédonienne, puis entretint des relations commerciales étroites avec le royaume égyptien des Lagides. Sa prospérité économique était très importante : ses vins étaient exportés jusque dans les cités grecques du Pont Euxin, comme le montrent de nombreux timbres amphoriques. Pendant les guerres des Diadoques, l'île résista au siège que Démétrios Poliorcète leur a fait subir en , qu'elle commémora par l'édification d'une statue colossale qui s'effondra 77 ans plus tard lors du tremblement de terre de

Si on sait que pour Rhodes, le IIIe siècle est une période de prospérité, on ne sait paradoxalement que peu de choses sur ses activités. Rhodes y acquiert une partie de la Pérée qu'elle fortifie, ainsi que la cité de Stratonicée, et de Caunes (en 191 auprès des Lagides). Ces acquisitions permettent un gain financier très important, à hauteur de 120 talents annuels selon Polybe[7].

Culturellement, la cité de Rhodes, est aussi connue à cette époque pour son influence culturelle. En effet, les écoles rhodiennes de rhétorique et de philosophie avaient la capacité de rivaliser avec les écoles athéniennes (considérées comme les plus prestigieuses)[8]. L'apogée de ces écoles a lieu principalement au IIe et au Ier siècle av. J.-C. Ce qui est notamment observable dans le Dialogue des orateurs de Tacite, où il fait l’éloge des orateurs rhodiens. La philosophie rhodienne quant à elle, se concentre sur l’école péripatéticienne. Les écoles rhodiennes ont accueilli plusieurs personnalités importantes de l’époque hellénistique de diverses origines (Romains et Grecs) comme Eschine, Andronicos, Eudème, Hiéronymos, Pisandre, Simmias, Posidonius et Apollonios[9]. Rhodes fut aussi connue pour sa maîtrise des arts et notamment de la sculpture. Elle rayonne notamment grâce à Charès de Lindos (artiste à l’origine du Colosse de Rhodes)[10], ou la statue du Groupe du Laocoon, réalisée par Hagésandros, Anthanadoros et Polydoros, tous artistes rhodiens[11].

Militairement, Rhodes participe à la seconde guerre de Syrie contre les Lagides, afin de brider leur puissance et permettre d'éviter l'apparition d'une puissance hégémonique dans la région. Si cette décision nuit à court terme aux revenus de la cité, il apparaît qu'elle s'en remet très vite[12].

Rhodes face au séisme et à ses conséquences (228-188)

En 228 av. J.-C. un séisme frappe lourdement la cité : le Colosse se fracture et tombe. Les murailles et les arsenaux sont, entre autres, détruits. Ce qui aurait dû être un désastre pour Rhodes se transforme pourtant en un immense gain de puissance grâce à la réaction rapide des grandes puissances hellénistiques qui investissent massivement pour la restauration de la cité.

L'événement du séisme est notamment raconté par l'historien grec Polybe dans ses Histoires aux chapitres 88 à 90 du livre V. Celui-ci apporta beaucoup de détails, en particulier concernant les dons que reçut la cité de la part des grands royaumes hellénistiques. Il semble important de noter que dans le cas du séisme de Rhodes, Polybe eu l'obligation de consulter des ouvrages sur le sujet puisque lui-même ne fut pas un contemporain de l'événement. Cependant, nous ne trouvons aucune mention à ses sources de la part de l'auteur dans son livre. Nous ne savons donc pas sur quelles sources Polybe se base pour parler de l'épisode du séisme. Au XXe siècle, les historiens s'accordaient sur l'idée que ces dons pour la cité de Rhodes étaient désintéressés. Maintenant, notamment grâce aux travaux de Maurice Holleaux[13], nous savons que ces dons étaient réfléchis et sous-entendaient une contrepartie avec la cité.

Le royaume lagide fut le plus gros donateur lors de la crise. Rhodes et l'Égypte lagide entretenaient alors un partenariat économique important. Ptolémée III donna notamment une immense quantité de blé, denrée majeure dans l'Antiquité, 1 000 talents de pièce de bronze et 300 de pièces d'argent et beaucoup de bois pour la reconstruction des bateaux. Au milieu du IIIe siècle av. J.-C., les relations entre les royaumes séleucide et antigonide avec le royaume lagide sont tendues. Ptolémée III craignait une coalition contre lui, il devait donc garder son alliance avec la cité rhodienne pour ne pas perdre en puissance. Parmi la longue liste des donateurs, les principaux sont les trois grands royaumes hérités de l'empire d'Alexandre, soit les royaumes antigonide, séleucide et lagide, ainsi que le royaume de Syracuse plus détaché du monde grec. D'autres donateurs, certes plus petits ont tout de même aidé Rhodes comme les royaumes du Pont et de Bythinie[14]. À titre d'exemple, Antigone a donné 100 000 médimnes de blé[15], soit 5 000 tonnes[16]. Cet évènement met en valeur le rôle de transport et de redistribution du grain qu'avait Rhodes dans la région, essentiel pour de nombreux royaumes[17]. De plus, la peur d'une crise bancaire provoquant une crise économique a également probablement joué dans l'importance des dons effectués[18].

En plus des dons matériels, la cité de Rhodes reçut des exemptions de droit dans les ports syracusains et séleucides. Ces avantages étaient en réalité plutôt profitables aux bienfaiteurs puisque cela leur permettait d'ouvrir leur commerce grâce à la puissance rhodienne. Le séisme qui a frappé Rhodes fut en réalité l'occasion pour les royaumes alentours d'affirmer leurs partenariats économiques avec la cité ou bien de développer et renforcer leurs relations grâce à l'évergétisme.

Lors du séisme, les nombreux dons relatifs aux bateaux et à leur construction témoignent de l'importance de la flotte rhodienne pour le monde hellénistique. Ptolémée III donna par exemple « une quantité de bois suffisante pour construire dix pentères et dix trières »[19].

Durant cette période, Rhodes joue également un grand rôle contre la piraterie qu'elle combat activement. Elle est d'autant mieux reconnue pour cela que les autres puissances hellénistiques, notamment les Lagides, lui ont délégué ce rôle contre rémunération et ne s'investissent pas dans ce combat. Ce rôle conduit à une guerre maritime entre Rhodes et la Crète, île connue pour sa large pratique de la piraterie.

La flotte rhodienne acquiert par conséquent une grande réputation qui lui vaut d'être appelée à l'aide en 220 av. J.-C. contre Byzance[20] qui voulait mettre en place un péage dans le détroit du Bosphore. Cette guerre révèle les nombreux liens diplomatiques qu'a tissés Rhodes : elle appelle à ses côtés la Bithynie et les Lagides, lui permettant de signer un traité de libre circulation dans le Bosphore sans même déployer son armée.

Par la suite Rhodes participe à plusieurs négociations de traités de paix notamment entre Ptolémée et Antiochos. Ce rôle de diplomate permet à Rhodes d'exercer une grande influence dans la région.

Institutions rhodiennes

Les institutions rhodiennes sont peu connues mais Diodore a décrit Rhodes comme étant la cité grecque la mieux gouvernée[21]. La cité de Rhodes était une démocratie. Elle possédait une Ecclésia, c’est-à-dire une assemblée composée des citoyens de la cité. Le rôle de cette assemblée était de discuter, d’étudier les textes proposés par le Conseil et de les voter à mains levées. Elle se réunissait une fois par mois au théâtre.

Le Conseil, élus par les membres de l’assemblée pour six mois, avait plusieurs fonctions. Comme dit précédemment, il préparait les textes discutés à l’assemblée. Il gérait aussi les affaires courantes, la diplomatie de la cité et pouvait avoir des fonctions judiciaires. Le Conseil était dirigé par cinq pytranes, élus eux aussi par les membres de l’assemblée pour six mois. Les pytranes avaient aussi des pouvoirs militaires.

En ce qui concerne la justice, la cité avait des jurés indemnisés qui rendaient la justice. La justice rhodienne avait d’ailleurs une très bonne réputation dans le monde grec[22].

Apamée et la domination romaine

En 188 av. J.-C., la bataille d'Apamée, opposant les Romains, Pergame, la Macédoine et Rhodes contre les Séleucides d'Antiochos III, s'achève par une victoire romaine. L'Asie mineure est libérée de l'influence séleucide, et les alliés de Rome obtiennent d'importantes récompenses. Rhodes obtient la Carie et la Lycie, étendant donc sa Pérée considérablement. Son territoire est d'une taille équivalent à celui d'un roi mineur, chose rarissime pour une cité.

De plus, l'influence reçu par cette victoire sur les cités grecques d'Asie Mineure est très importante, lui permettant une grande ingérence dans leurs affaires : Milet est par exemple quasiment co-gérée par Rhodes[23]. Rhodes devient un arbitre auprès des cités grecques, allant négocier la paix entre l'Étolie et les romains, établir des alliances avec plusieurs cités, se présentant comme garante de la liberté grecque. L'apogée de ces relations diplomatique est la re-création de la Ligue des Insulaires dont elle prend la présidence comme seul chef véritable. Il s'agissait d'une confédération d'états payant tribus à Rhodes et patrouillant contre les pirates. Cette ligue permit à Rhodes un champ d'opérations navales bien plus étendu, et une flotte beaucoup plus puissante[12].

Cependant Apamée n'a pas eu que des conséquences positives sur Rhodes. Si l'annexion de la Carie, depuis longtemps sous influence rhodienne, ne pose pas de problème, la Lycie, possédant déjà une forte identité (car regroupant auparavant une majorité de leurs cités dans une confédération), se voit comme alliée de Rhodes et non sujette. Cela provoque un refus de l'annexion et une rébellion permanente contre les Rhodiens dès 188 av. J.-C. Il faut à Rhodes d'importantes troupes et beaucoup d'argent pour la réprimer en 178 av. J.-C.

Mais cette révolte redémarre presque immédiatement grâce à la reconnaissance de leur statut "d'amis et d'alliés des Rhodiens" par les Romains à la suite d'une ambassade lycienne à Rome. Ce revirement est du à l'influence grandissante des Rhodiens dans la région, gênant les Romains qui commençaient à vouloir gérer personnellement l'Asie Mineure. De plus Rhodes restait indépendante vis-à-vis de Rome, contrairement à Pergame, deuxième grande puissance de la région. La révolte ne fut matée qu'en 168 av. J.-C.

Les actions romaines provoquèrent la montée d'un sentiment anti-romain très important, et le rapprochement de la cité avec la Macédoine et les Séleucides pour faire barrage aux ambitions romaines dans la région. Ces mesures lui valurent une forte hostilité romaine.

Lors de la 3e guerre macédonienne, Rhodes tenta ainsi d'intervenir à Rome en faveur de Persée, ce qui conduisit Rome à la considérer comme alliée des Macédoniens. Ainsi la défaite de Persée entraîna de très lourdes sanctions sur Rhodes : ils perdirent la Carie et la Lycie, y compris les cités détenues avant Apamée. De plus la Ligue des Insulaires fut dissoute, l'influence extérieure rhodienne très fortement réduite. Pour finir, la création du port franc de Délos détourna une partie du trafic maritime de la cité, provoquant une chute de ses revenus.

En 164 av. J.-C., après de multiples ambassades, Rhodes obtient le pardon de Rome en signant une alliance, provoquant la perte de l'indépendance de la cité. Afin d'éviter toute sanction, la cité suivit à la lettre toute demande de Rome et leur demandant l'autorisation pour toute intervention extérieure, comme le montrent les ambassades envoyés à Rome pour avoir l'autorisation d'importer du blé de Sicile ou d'annexer la cité de Calynda en Carie.

Militairement, Rhodes en est très affaiblie, Polybe rapportant les difficultés de l'île à affronter les Crétois en 133 av. J.-C., et doit demander des fonds et de l'aide extérieure pour en sortir[24]. Enfin, le tremblement de terre de 142 av. J.-C. touche fortement la cité et lui fait abandonner la cité de Camiros. Elle sera redécouverte au XIXe siècle par Alfred Biliotti (en) et Auguste Salzmann et étudiée par des archéologues danois, français, anglais, italiens et grecs. Ces fouilles révèlent une culture orientalisante, exprimée notamment à travers une orfèvrerie exubérante[25], assimilée dans un premier temps à de l’art phénicien[26].

Le statut de Rhodes s'améliore en 88 av. J.-C., lors de l'offensive de Mithridate VI suivi par de nombreuses cités d'Asie Mineure. Rhodes reste fidèle à Rome et repousse le siège de Mithridate, lui permettant d'obtenir après la guerre le statut de ville libre et immune[27]. De plus, Rome n'ayant pas de flotte permanente dans la région, Rhodes reste importante pour fournir flotte et équipage en cas de besoin, et son savoir-faire naval reste très réputé.

Pourtant, Rhodes est dévastée en par les troupes de Cassius, pour avoir soutenu César. Rattachée à la province romaine d'Asie (Asie Mineure), l'île passe à l'Empire romain d'Orient lors du partage de l'Empire. C'est dans cette île que Cicéron viendra rencontrer Molon, pour devenir sénateur romain. Au Ier siècle, Paul de Tarse évangélisa l'île, qui devint le siège d'un évêché.

Période byzantine

Attaquée par les Arabes sous Muʿāwiya en 654, elle fut occupée par eux en 673 et utilisée comme une base pendant le premier siège de Constantinople en 674-678. Sa population s'expatria alors sur le continent, en Anatolie. Après la paix de 678-679 entre l'Empire byzantin et le Califat omeyyade, l'île fut rendue à Byzance, ses habitants y revinrent et elle fut rattachée au thème des Cibyrrhéotes.

Après la prise de Constantinople par les croisés en 1204 et la dislocation de l'empire, l'aristocrate local Léon Gabalas transforme l'île en État indépendant. Sa diplomatie consiste à garder l'équilibre entre Venise et l'empire de Nicée. En 1243, son frère Jean Gabalas lui succède. Les Génois envahissent Rhodes en 1248 mais en sont chassés deux ans plus tard par les Byzantins qui lui rendent le statut de province.

Période hospitalière

La cité médiévale de Rhodes avec le château des grands maîtres au fond.

Après l'expulsion des croisés de Terre sainte (1291), les Hospitaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem s'installèrent à Chypre avant de conquérir l'île de Rhodes. Les Hospitaliers débarquèrent sur Rhodes en 1307 et en achevèrent la conquête en 1310. Rhodes devint le siège de l'Ordre et deviendra puissance maritime pour continuer à être le rempart de la chrétienté contre les Sarrasins. Ils garderont l'île plus de deux siècles, jusqu'en 1522.

Les Hospitaliers fortifièrent la ville, laissant les impressionnantes murailles actuelles. Une section du rempart construite au début du XIVe siècle est appelée "muraille des Juifs"[28]. En effet, l'assignation de cette communauté (les Rhodiotes) à un quartier particulier est attestée dès le règne des Chevaliers de l'ordre de Saint Jean.

Dans la partie basse de la cité de Rhodes, le Collachium, les Hospitaliers édifièrent le palais des grands maîtres et les « auberges », résidences organisées par langues et servant aux Hospitaliers venus d'Occident. Leur architecture est remarquable, par ses volumes, par la beauté de la pierre, par les éléments de modénature tels les caissons[29]. L'Auberge de la Langue de France située sur la rue des Chevaliers a été restaurée par Albert Gabriel à partir de 1910[30].

L'île résista à un premier siège en 1480 mené par Mehmed II, avant de tomber aux mains des Turcs de Soliman le Magnifique le , après un siège de cinq mois. Les Hospitaliers s'installèrent, après sept ans d'itinérance, à Malte, à l'invitation de Charles Quint.

Période ottomane

Troupes ottomanes au siège de Rhodes.

La population grecque rhodienne est placée sous la protection du patriarche grec de Constantinople selon le système des milliyets en vigueur dans l'Empire ottoman.

Rhodes, terre d'asile des Juifs d'Espagne

Aux XVIe et XVIIe siècles, l'île, qui comptait déjà des Juifs romaniotes, accueillit tant de Juifs séfarades rejetés d'Espagne, qu'elle prit le surnom de « petite Jérusalem ».

Époque contemporaine

Au XIXe siècle, une grande partie de la communauté juive rhodienne s'expatrie pour raisons économiques, ou non (accusation de crime rituel contre les Juifs de Rhodes (1840)), notamment vers l'Anatolie. Au début du XXe siècle, les États-Unis, le Brésil, l'Argentine, l'Afrique du Sud et le Congo belge attirent d'autres émigrants, recherchant une vie meilleure. Parmi les descendants connus de ces Juifs séfarades ayant quitté l'île, le couturier belge Olivier Strelli et l'homme politique congolais Moïse Katumbi.

Rhodes sous domination italienne

Le , l'Italie s'empare de l'île et du reste du Dodécanèse qui appartenaient jusqu'alors à l'Empire ottoman : le général Giovanni Ameglio commande les troupes italiennes et ne rencontre pas de résistance sérieuse[31].

La communauté juive à Rhodes : épilogue au cours de la Seconde Guerre mondiale

À son apogée, la communauté juive compte pour un tiers de la population totale de l'île[32].

À partir de 1936, la présence fasciste italienne sur l'île se fait plus oppressante. En 1938, les lois raciales fascistes sont appliquées mais la vie de la communauté juive continue sans trop de difficultés.

En 1943, les bombardements britanniques sur l'île commencent mais aucune mesure antisémite n'est encore imposée. Tout change le lorsque les Allemands, qui occupent l'île, décident de regrouper tous les Juifs de Rhodes dans une caserne. Les derniers Juifs séfarades de Rhodes sont immédiatement déportés, le , pour Le Pirée puis Auschwitz-Birkenau[33] où ils sont exterminés à leur arrivée.

Une île grecque

Placée sous protectorat britannique après la capitulation allemande, l'île passe sous souveraineté grecque en 1948.

En 1961, Rhodes partage le prix de l'Europe avec Schwarzenbek. Elle voit ensuite le développement d'une importante industrie touristique, favorisée par celui du transport aérien.

Administration

La municipalité de Rhodes est le résultat de la fusion, en 2011, des dix anciennes municipalités de l'île, lesquelles deviennent des districts municipaux. Ils regroupent 43 villes et villages.

Ville/VillagePopulationDistrict municipalVille/VillagePopulationDistrict municipal
Rhodes50,636Rhodes/Gennadi671Rhodes sud
Ialyssos11,331Ialyssos/Salakos576Kameiros
Afántou6,329Afántou/Kritinía503Attavyros
Archangelos5,476Archangelos/Kattavia307Rhodes sud
Kremastí5,396Petaloudes/Dimylia465Kameiros
Kalythies4,832Kallithea/Kalavarda502Kameiros
Koskinou3,679Kallithea/Pylona627Lindos
Pastida3,641Petaloudes/Istrios291Rhodes sud
Paradeisi2,667Petaloudes/Damatría641Petaloudes
Maritsa1,808Petaloudes/Laerma361Lindos
Emponas1,242Attavyros/Apolakkia496Rhodes sud
Soroní1,278Kameiros/Platania196Kameiros
Lartos1,380Lindos/Kalathos502Lindos
Psínthos853Kallithea/Lachania153Rhodes sud
Malona1,135Archangelos/Monolithos181Attavyros
Lindos3,087Lindos/Mesanagros155Rhodes sud
Apóllona845Kameiros/Profilia304Rhodes sud
Massari1,004Archangelos/Arnitha215Rhodes sud
Fanes858Kameiros/Siana152Attavyros
Theologos809Petaloudes/Vati323Rhodes sud
Archipoli582Afántou/Agios Isidoros355Attavyros
Asklipiío646Rhodes sud/

Personnages importants originaires de Rhodes

Avant J.-C. :

Arts et littérature

Rhodes est le théâtre d'une grande partie du roman Heather Mallender a disparu de l'écrivain anglais Robert Goddard.

Notes et références

  1. Pindare, « Olympique pour Diagoras de Rhodes », sur Wikisource.org
  2. Homère, Iliade [détail des éditions] [lire en ligne] (Chant II, vers 653-670).
  3. Descriptif de Rhodes sur
  4. L'aéroport international de Diagoras, dont le Code AITA est « RHO ».
  5. « Hypothétiques » : ref. Histoire de l'art, Alain Schnapp dir., 2011, (ISBN 978-2-0812-4425-2), p. 344
  6. (en) Nigel Wilson, Encyclopedia of Ancient Greece, Routledge, , 832 p. (ISBN 9781136787997, lire en ligne), p. 709.
  7. Polybe, XXXI, 7
  8. Coqueugniot Gaëlle, « Rhodes », sur http://nimrod.huma-num.fr/sites/rhodes/, (consulté le )
  9. « Les écoles rhodiennes hellénistiques – NimRoD » (consulté le )
  10. Encyclopædia Universalis, « CHARÈS DE LINDOS », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  11. Sabrina Ciardo et Tania Falone, « Le groupe du Laocoon », sur ArteHistoire (consulté le )
  12. (en) Richard M. Berthold, Rhodes in the hellenistique Age, Cornell University Press, , 251 p., p. 91
  13. Maurice Holleaux, « Polybe et le tremblement de terre de Rhodes », Revue des Études Grecques, vol. 36, no 168, , p. 480–498 (ISSN 0035-2039, DOI 10.3406/reg.1923.7848, lire en ligne, consulté le )
  14. Polybe, V, 90
  15. Polybe, V, 88
  16. Un médimne vaut approximativement 53 litres et un litre de grains de blé pèse un peu moins d'un kilo.
  17. Laronde André, « Séisme et diplomatie : Rhodes en 228 av. J.-C. », Actes du 16e colloque de la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer, 14-15 octobre 2005, p. 66-71 (www.persee.fr/doc/keryl_1275-6229_2006_act_17_1_1120)
  18. (en) Richard Berthold, Rhode in the hellenistique age, Cornell University Press, , 251 p., p. 93
  19. Polybe, V, 89
  20. Polybe, IV, 12
  21. Diodore 20,81,2
  22. Catherine Grandjean, 2017
  23. Alain BRESSON, Raymond DESCAT, Les cités d’Asie Mineure occidentale au IIe siècle, Ausonius Edition, , 329 p.
  24. Polybe, XXXIII, 15
  25. Sideris A., « La rosette dans l'orfèvrerie grecque orientalizante », Græcolatina Pragensia 11, 1987, p. 121-132.
  26. Exposition « Rhodes, une île grecque aux portes de l’Orient », musée du Louvre, au .
  27. FAUCHERRE Nicolas (éd.), PIMOUGUET-PÉDARROS Isabelle (éd.), Les sièges de Rhodes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 306 pages
  28. Pierre Sintès, "(Re)construire la Djuderia de Rhodes" in Ethnologie française, 2013/1 volume 43 sur cairn :
  29. Jean-Bernard de Vaivre, "Sur quelques monuments de Rhodes", 2009 in Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 153-1, avec photos et dessins. Sur Persée :
  30. Pierre Pinon, « Albert Gabriel et la restauration de l'Auberge de France à Rhodes », Bulletin monumental, vol. 175, no 3, , p. 245-251 (ISBN 978-2-901837-68-8).
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  32. https://www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/vjw/Greece.html.
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Voir aussi

Bibliographie

Antiquité
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  • Catherine Grandjean et alli., Le monde hellénistique, Paris, Armand Colin, 2017, p.188 à 191
  • Claude Orrieux, Pauline Schmitt-Pantel, Histoire grecque, 2013, p. 369 à 459
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  • Jacques-Henri Michel, « Rhodes ou le dynamisme de l’État-cité à l’époque hellénistique », Chronique d’Égypte, vol.60, n°119-120, 1985, pp. 204 – 213.
  • Laurianne Martinez-Sève, Atlas du monde hellénistique, Paris, Autrement, 3e édition, « Atlas/Mémoires », 2017, 96p.
  • Ludovic Thély, « Le redressement de la cité » dans THÉLY Ludovic, Les Grecs face aux catastrophes naturelles : Savoirs, histoire, mémoire, Athènes : École française d’Athènes, 2016, pp.187 – 216.
  • Maurice Holleaux, « Polybe et le tremblement de terre de Rhodes », Paris, Revue des Études Grecques, tome 36, n°168, 1923, pp.480 – 493.
  • Pierre Cabanes, Le monde hellénistique : de la mort d’Alexandre à la paix d’Apamée, 323 – 188, Paris, Seuil, « Nouvelle histoire de l’Antiquité », n°4, 1995, 276p.
Histoire moderne
  • Nicolas Vatin, Rhodes et l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, Paris, CNRS éditions, 2000, 119 p.

Articles connexes

Antiquité romaine

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