Préhistoire des Balkans
La préhistoire de l'Europe du Sud-Est couvre le territoire de la péninsule balkanique élargie (ou Europe du Sud-Est), à savoir les territoires des pays actuels d'Albanie, de Bosnie-Herzégovine, de Bulgarie, de Croatie, de Grèce, du Kosovo, de Macédoine du Nord, de Roumanie, de Moldavie, de Serbie et de Thrace orientale. Elle s'ouvre avec la première trace laissée par l'Homme dans la région, il y a environ 1,5 million d'années (Ma), à Kozarnika, en Bulgarie, et s'achève avec l'apparition des premiers documents écrits en Grèce, au VIIIe siècle av. J.-C. (Époque archaïque).
Le Néolithique fait son apparition dans la région à partir d'environ 6400 av. J.-C. avant de s'étendre progressivement vers l'Ouest.
Paléolithique archaïque
Dans les couches profondes de la grotte de Kozarnika, en Bulgarie, datées de 1,6 à 1,4 million d'années par le paléomagnétisme et la paléofaune, les archéologues ont découvert une molaire humaine, considérée comme le plus ancien vestige fossile humain connu à ce jour en Europe. Elle est associée à une industrie lithique à éclats de type oldowayen. On a trouvé un peu plus haut dans la séquence stratigraphique des ossements fossiles d'animaux de plus d'un million d'années portant des incisions régulières, qui pourraient être les plus anciens témoignages connus de comportement symbolique humain[1].
Paléolithique moyen
À Kozarnika, les couches du Paléolithique moyen, datées d'environ 300 000 à 50 000 ans AP, ont livré des nucléus Levallois, des racloirs et de rares pointes moustériennes, présentant des affinités avec l'est des Balkans, ainsi que quelques pointes foliacées bifaciales[2]. Ces industries sont possiblement liées à la présence de groupes de Néandertaliens.
Paléolithique supérieur
Au début du Paléolithique supérieur, il y a 45 000 ans, l'Europe est peuplée par Homo sapiens. La migration en Europe a probablement suivi deux routes principales: le long de la Méditerranée et le long du couloir fluvial du Danube. Les montagnes des Carpates dans la Roumanie actuelle sont situées à proximité de la deuxième route suggérée, et certains des plus anciens restes d'hommes anatomiquement modernes d'Europe ont été trouvés dans cette région. Les vestiges trouvés dans des grottes du sud-ouest de la Roumanie, tels que « Peștera cu Oase », « Peștera Muierilor » ou « Peștera Cioclovina Uscată », font partie de la poignée d'individus anatomiquement modernes européens âgés de plus de 30 000 ans qui ont été découverts à ce jour[3]. Les vestiges humains trouvés dans la grotte de Bacho Kiro, en Bulgarie, datés par le carbone 14 entre 46 790 et 42 810 ans avant le présent (AP), en font le plus ancien site connu du peuplement moderne de l'Europe[4],[5].
Comme dans le reste de l'Europe, Homo sapiens entre en contact avec des populations de Néandertaliens en déclin et les remplace[6].
Les couches du Paléolithique supérieur de la grotte de Kozarnika ont livré les plus anciens assemblages d'outils lithiques gravettiens connus en Europe, datés de 43 000 à 39 000 ans AP. Le Gravettien, produit par Homo sapiens, parvient en Europe de l'Ouest vers 31 000 ans AP, où il succède progressivement à l'Aurignacien.
Au plus fort de la glaciation de Würm, vers 20 000 ans AP, une grande partie de l'Europe est dépeuplée. Elle est recolonisée à partir d'environ 17 000 ans AP depuis les péninsules refuges d'Espagne, d'Italie et des Balkans.
Mésolithique
Au Mésolithique, à partir de 11 700 ans AP, les populations conservent un mode de vie semi-nomade. Cependant l'abondance et la diversité des ressources par rapport à l'âge glaciaire favorisent des déplacements sur des territoires plus restreints, selon des rythmes saisonniers. L’emploi de l’arc et de la flèche, en particulier, se généralise sur le continent européen.
La fin du Mésolithique est caractérisée par le passage d'une économie de chasse et de cueillette à une économie agro-pastorale. Le Mésolithique s'achève avec le début de la culture d'Argissa en Thessalie, vers
Néolithique
L'agriculture et l'élevage ont été apportés en Europe par des populations venues d'Anatolie, qui se sont établies en Grèce et dans les Balkans à partir d'environ , avant de s'étendre progressivement vers l'Ouest[7]. Les deux courants principaux de néolithisation de l'Europe sont issus d'une seule et même source commune ayant connu un mélange mineur avec les chasseurs-cueilleurs rencontrés sur le chemin, probablement dans les Balkans, en amont de leur séparation vers un courant danubien et un courant méditerranéen[8]. Il existe ainsi des preuves directes de mélange entre les deux groupes dans les gorges du Danube en Serbie[9].
Le courant danubien correspond à l’extension progressive vers l’Ouest de la culture rubanée. Ce courant est issu des Balkans, notamment du nord de la Serbie (site de Lepenski Vir) et de la Bulgarie, et du sud de la Roumanie, autour de .
Les cultures archéologiques du bassin inférieur du Danube ont fourni la base génétique des premiers agriculteurs d'Europe centrale. Ainsi, la culture de Starčevo (-6200 à -5600) du début du néolithique est un jalon majeur de la néolithisation de l'Europe centrale[10]. Sur le site de Lepenski Vir, il existe une phase d'interaction pendant laquelle les populations de chasseurs-cueilleurs et d'agriculteurs utilisent le site simultanément. Cette phase est appelée phase de transformation et est caractérisée notamment par l'apparition de statues à forme de poisson. Petit à petit, les caractères agricoles augmentent sur le site jusqu'à la période pleinement Néolithique entre 5 950 et 5 550 av. JC[9].
Par la suite, les analyses génétiques soutiennent une diffusion des agriculteurs danubiens dans l'ouest de la Hongrie, qui figure sur le couloir de l'expansion néolithique vers l'Ouest[10].
Le second courant, la culture de la céramique imprimée, apparaît dans le site de Sidari sur l'île grecque de Corfou dans la mer Ionienne vers 6 200 av. J.-C.[11], puis à partir de 6000-5900 av. J.-C. dans des sites du sud de la Dalmatie[12], ainsi qu'en Albanie[13].
Parmi les principales cultures archéologiques de la région on peut citer :
- la culture de Karanovo entre 6 200 et 4 000 av. J.-C. ;
- la culture de Butmir entre 5 100 et 4 500 av. J.-C. ;
- la culture de Hamangia au cinquième millénaire avant notre ère ;
- la culture de Vinča, datée de 5 500 à 3 500 ans av. J.-C. ;
- la culture de Cucuteni-Trypillia (environ 5100-2800 avant notre ère), localisée autour du Dniestr, entre les Carpates et le Dniepr, donna naissance aux agglomérations proto-urbaines les plus importantes à l'époque ;
- la culture de Varna, datée environ 4400-4100 avant notre ère ;
- la culture de Cernavodă, datée entre 4 000 et 3 200 ans avant notre ère ;
- la culture d'Usatovo, qui s'est épanouie entre 3500 et
Dès , dans la phase tardive de la culture de Cucuteni-Trypillia, des populations issues de la culture Yamna s'installent dans les territoires agricoles d'Europe de l'Est. On observe ainsi une période de contacts continus et de mélanges progressifs entre les éléments venant de la steppe et les populations locales[14].
D'un point de vue génétique, l'Europe du sud-est est caractérisée par une certaine hétérogénéité en raison de la conservation de la composante chasseurs-cueilleurs dans certaines populations des Balkans jusqu'à l'Âge du Bronze. Ainsi les individus du site chalcolithique de Bodrogkeresztúr en Hongrie possèdent 12 % d'ascendance chasseur-cueilleur et ceux des sites de l'Âge du Bronze de Cârlomăneşti, Ploiești et Târgșoru Vechi en Roumanie entre 24 et 30 %. Ces résultats suggèrent une préservation substantielle de cette ascendance dans le nord des Balkans après l'arrivée des fermiers d'Anatolie et des pasteurs des steppes. Ce pourcentage élevé contraste avec le sud des Balkans où aucune population du Néolithique ou de l'Âge du Bronze ne possède autant d'ascendance chasseur-cueilleur[15]. Cette hétérogénéité est également mise en évidence par la composante chasseurs-cueilleurs de l'Est (EHG) qui peut être élevée dans certaines populations (31 à 44 % en Moldavie à l'âge du bronze) et plus faible dans d'autres (seulement 4 % chez les Mycéniens)[15].
Âge du bronze
L'âge du bronze dans les Balkans est divisé comme suit :
- début de l'âge du bronze : du XXe au XVIe siècles avant notre ère ;
- Âge du bronze moyen : XVIe au XIVe siècles avant notre ère ;
- Âge du bronze tardif : XIVe au XIIIe siècles avant notre ère.
L'âge du bronze commence dans l'aire gréco-égéenne vers , en Crète, avec la civilisation minoenne, en Grèce continentale, avec l’Helladique, par exemple à Lerne, dans le Péloponnèse, et dans les Cyclades avec la culture des Cyclades[16].
Le « complexe de l'Est des Balkans » (Karanovo VII, culture Ezéro) couvre toute la Thrace (la Bulgarie moderne). Les cultures de l'âge du bronze des Balkans centraux et occidentaux sont moins clairement définies et s'étendent jusqu'à la Pannonie, les Carpates et la Hongrie.
En Grèce, la civilisation mycénienne (1600-1100 av. J.-C.) offre les premières traces écrites de la langue grecque, mais sous la forme de simples relevés comptables. La Grèce mycénienne est dominée par une société d'élite guerrière. Cette civilisation est notamment caractérisée par ses palais-forteresses, ses différents types de poterie peinte, que l'on retrouve tout autour de la mer Égée.
Âge du fer
L'Âge du fer émerge en Grèce progressivement au cours du XIIIe siècle av. J.-C.
Notes et références
- Nikolay Sirakov, Jean-Luc Guadelli, et al., An ancient continuous human presence in the Balkans and the beginnings of the settlement of western Eurasia. The Lower Pleistocene example of Lower Palaeolithic in Kozarnika cave (North-western Bulgaria), Quaternary International, vol. 223-224, p.94-106, 2010
- Nikolay Sirakov, Tsenka Tsanova, Svoboda Sirakova, Stanimira Taneva, Ivaylo Krumov, Irena Dimitrova et Natalia Kovatcheva, « Un nouveau faciès lamellaire du début du Paléolithique supérieur dans les Balkans », PALEO, 19 | 2007, [17] mis en ligne le 23 avril 2009. URL : http://paleo.revues.org/565
- (en) Emma Svensson, Torsten Günther et al., Genome of Peştera Muierii skull shows high diversity and low mutational load in pre-glacial Europe, Current Biology, 18 mai 2021, doi.org/10.1016/j.cub.2021.04.045
- Laurent Sacco, « Les plus anciennes traces d'Homo sapiens en Europe », sur futura-sciences.com, Futura Sciences, (consulté le )
- « Les plus anciens vestiges d'Homo sapiens d'Europe découverts en Bulgarie », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
- (en) Jean-Jacques Hublin et al., « Initial Upper Palaeolithic Homo sapiens from Bacho Kiro Cave, Bulgaria », Nature, (lire en ligne)
- (en) Nuno M. Silva, Susanne Kreutzer et al., Ancient mitochondrial diversity reveals population homogeneity in Neolithic Greece and identifies population dynamics along the Danubian expansion axis, nature.com, Scientific Reports, volume 12, Article numéro: 13474, 2022, doi.org/10.1038/s41598-022-16745-8
- (en) I. Olalde et al, A common genetic origin for early farmers from Mediterranean Cardial and Central European LBK cultures, Molecular Biology and Evolution, Volume 32, Numéro 12, 2015
- (en) Zuzana Hofmanová, Carlos S. Reyna-Blanco, Daniel Wegmann et al., Between fishing and farming: palaeogenomic analyses reveal cross-cultural interactions triggered by the arrival of the Neolithic in the Danube Gorges, biorxiv.org, 28 juin 2022, doi.org/10.1101/2022.06.24.497512
- (en) Anna Szécsényi-Nagy et al., « Tracing the genetic origin of Europe's first farmers reveals insights into their social organization », Proceedings B, 2015 apr 22
- Tiné V., 2009, Favella. A Neolithic Village in the Sybaris Plain, in Tiné V., Favella, Un villaggio neolitico nella Sibaritide, Istituto Poligrafico e Zecca dello Stato, Roma, p. 581-602
- (en) Radić D., Vela Spila : Preliminary Analysis of Early Neolithic and Mesolithic Strata in Test Pit Examined in 2004, Opuscula Archaeologica, vol. 29, 2005, p. 323-348
- (en) Guilaine J., Prendi F., Dating the Copper Age of Albania, Antiquity, vol. 65, 1991, p. 574-578
- (en) Alexander Immel et al., Gene-flow from steppe individuals into Cucuteni-Trypillia associated populations indicates long-standing contacts and gradual admixture, biorxiv.org, 21 novembre 2019
- (en) Iosif Lazaridis, Songül Alpaslan-Roodenberg, Ayşe Acar et al., The genetic history of the Southern Arc: A bridge between West Asia and Europe, Science, Vol 377, Numéro 6609, 26 août 2022, DOI: 10.1126/science.abm4247
- (en) Florian Clemente, Martina Unterländer et al., The genomic history of the Aegean palatial civilizations, Cell, 29 avril 2021, doi.org/10.1016/j.cell.2021.03.039
Annexes
Articles connexes
- Steppe pontique, Steppe eurasienne
- Liste des cultures pontiques
- Tableau synoptique des principales cultures préhistoriques de l'Ancien Monde
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