Quercétine

La quercétine ou le quercétol est un composé organique de la famille des flavonoïdes, plus précisément du sous-groupe des flavonols. C'est un métabolite secondaire présent dans plusieurs plantes communes, comme le sarrasin ou les oignons rouges[5]. La quercétine se présente à l'état pur comme une poudre jaune au goût très amer. Elle est notamment utilisée dans les compléments alimentaires, même si aucune étude scientifique de qualité ne démontre de bienfaits chez l'être humain[6],[7].

Quercétine
Identification
Nom UICPA 3,3',4',5,7-pentahydroxy-2-phénylchromén-4-one ou 2-(3,4-dihydroxyphényl)-3,5,7-trihydroxy-4H-chromén-4-one
Synonymes

3,3',4',5,7-pentahydroxyflavone
xanthaurine
quercétol
quercitine
quertine

No CAS 117-39-5
dihydrate : 6151-25-3
hydrate : 849061-97-8
No ECHA 100.003.807
No CE 204-187-1
DrugBank DB04216
PubChem 5280343
SMILES
InChI
Apparence Poudre jaune[1]
Propriétés chimiques
Formule C15H10O7  [Isomères]
Masse molaire[2] 302,235 7 ± 0,014 8 g/mol
C 59,61 %, H 3,33 %, O 37,06 %,
Propriétés physiques
fusion 316 °C[3]
Solubilité 60 mg·L-1[3]
Masse volumique 1,799 g·cm-3
Précautions
Directive 67/548/EEC

T


Classification du CIRC
Groupe 3 : Inclassable quant à sa cancérogénicité pour l'Homme[4]
Écotoxicologie
DL50 161 mg·kg-1, rat, oral
159 mg·kg-1, souris, oral[3]
Composés apparentés
Autres composés

Rutoside, Kaempférol


Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Source

La quantité de quercétol trouvée varie considérablement suivant la variété cultivée, les conditions de croissance, l'époque de la récolte. Voici quelques valeurs moyennes[5] :

Plantes alimentaires riches en quercétol
d'après USDA[5] et Phenol Explorer[8]
Forme consomméeNom scientifique de la planteTeneur
CâpreCapparis spinosa1 808 - 328 mg·kg-1
LivècheLevisticum officinale1 700 mg·kg-1
Piment fort, jaune, cruCapsicum506 mg·kg-1
Sureau noirSambucus nigra420 mg·kg-1
Chocolat, noirTheobroma cacao250 mg·kg-1
Oignon cru, rougeAllium cepa var. cepa199 - 12,9 mg·kg-1
Myrtille sauvageVaccinium myrtillus177 - 12,7 mg·kg-1
CassisRibes nigrum57 mg·kg-1
Brocoli cruBrassica oleracea var. italica32 mg·kg-1
Thé vertCamellia sinensis27 mg·kg-1
CerisePrunus cerasus12 mg·kg-1
Vin rougeVitis vinifera8,3 mg·l-1
Pomme crue, avec sa peauMalus domestica1,3 mg·kg-1
Thé noirCamellia sinensis0,036 mgl-1

L'oignon rouge est plus riche que l'oignon jaune. La plus forte teneur en quercétine est dans la couche la plus extérieure[9],

Le vin rouge contient quelques dizaines de mg/L, suivant les cépages et la macération. La pellicule de la baie de raisin contient de 4 à 10 mg·kg-1 MS.

Selon une étude de l'université du Queensland en Australie, on a aussi trouvé de la quercétine dans des variétés de miel fait de fleurs d'eucalyptus et de Melaleuca.

Les oignons sont une source majeure de glycosides ayant la particularité d’avoir des substitutions en position 4’. Dans l’échalote, la forme hétéroside est très dominante puisqu’on la trouve pour 99,2 %, avec seulement 0,8 % d’aglycone.

Structure et propriétés

Le quercétol est un flavonoïde de type flavonol.

Propriété sensorielle

Il possède une saveur amère intense, du même ordre que la naringine, avec un seuil de reconnaissance de l'amertume de 50 ppm et 65 ppm respectivement[1].

Hétéroside de quercétol

Le quercétol se trouve dans les plantes sous forme hétéroside (ou glycoside c'est-à-dire associé à un glucide) dans lequel il joue le rôle de l'aglycone. Le groupe hydroxyle peut être substitué en position 3 par un rhamnose, un galactose, un glucose, un robinose ou un rutinose pour donner respectivement le quercitroside, l'hypéroside, l'isoquercitroside, le 3-robinosidequercétol et le rutoside.

3-O-Glycosides de quercétol
R Formule
Quercétol H
Quercitroside O-rhamnosyl
Hypéroside O-β-D-galactosyl
Isoquercitroside O-β-D-glucosyl
3-robinosidequercétol O-β-D-robinosyl
Rutoside O-β-D-rutinosyl

Absorption et métabolisme

Les glycosides sont hydrolysés par des enzymes de l'intestin grêle et sont ensuite absorbés sous leur forme aglycone[10]. Ce n'est toutefois pas ce dernier que l'on retrouve dans le sang mais les métabolites produits durant leur transfert intestinal et durant leur passage dans le foie :

  • par glucuronidation (3’-O-D-glucuronide du quercétol, 4’-O-D-glucuronide du quercétol, 3-O-D-glucuronide du quercétol, etc.) ;
  • par sulfatation (3'-O-sulfate de quercétol) ;
  • par O-méthylation (4'-O-méthylquercétol, 3'-O-méthylquercétol à savoir l'isorhamnétol).

Les métabolites ont une moindre activité anti-inflammatoire que le quercétol[11]. Le 3-O-glucuronide de quercétol n’a pratiquement pas d’activité jusqu’à la concentration de 10 μM. La bioactivité anti-inflammatoire se fait dans l’ordre décroissant suivant :

quercétol > 3’-O-méthylquercétol > 3’-O-sulfate de quercétol >> 3-O-glucuronide de quercétol.

L’activité anti-oxydante moindre des métabolites se fait dans un ordre un peu différent :

quercétol > 3’-O-méthylquercétol > 3-O-glucuronide de quercétol > 3’-O-sulfate de quercétol > 3’-O-méthylquercétin-3-O-glucuronide

Une fois dans la circulation sanguine, les métabolites du quercétol peuvent circuler plus d'une dizaine d'heures.

Propriétés médicinales

Une étude effectuée en 2008 pour l'Autorité européenne de sécurité des aliments réfute un quelconque effet antioxydant du quercétol chez l'être humain[6]. Cependant, in vitro, plusieurs études ont montré que le quercétol était un antioxydant. De tous les flavonoïdes, c’est le plus puissant capteur d’espèces réactives oxygénées ERO (ou radicaux oxygénés libres)[réf. nécessaire]. Le quercétol inhibe la production de TNFα (cytokine impliquée dans l’inflammation) dans les macrophages, de IL8 dans les cellules pulmonaires, et de deux cytokines (TNFα et IL-1a) dans les neurones. Ce processus passe par l’inhibition du facteur de transcription NF-kB jouant un rôle essentiel dans la régulation du système immunitaire. Le piégeage des ERO évite le stress oxydant et atténue les inflammations. Dans une étude de 2008, Kampkotter et collaborateurs[12] montrent que le traitement par le quercétol des nématodes Caenorhabditis elegans accroît leur résistance au stress oxydant et allonge leur durée de vie de 15 %. Le quercétol serait en mesure de réguler l’expression des gènes puisqu’il augmente la translocation du facteur de transcription DAF-16 dans le noyau[N 1]. Les nombreux effets bénéfiques (comme l'activité antimutagénique[13]) qui ont été mis en évidence sur les lignées cellulaires cultivées, les invertébrés ou les rongeurs ne peuvent être extrapolées in vivo chez l’homme[14].

Par ailleurs, la quercétine, comme les flavonoïdes de structure voisine, sont cancérogènes selon le test d'Ames, ce qui montre la complexité de ces composés, en raison de leurs interactions avec de nombreuses autres substances masquant les réactions spécifiques[15].

Jusqu’à maintenant, très peu d’études de qualité sur les effets du quercétol sur l'homme ont été menées. Edwards et al (2007)[16] notent une amélioration de la tension de sujets hypertendus après une prise quotidienne de quercétol durant quatre semaines. Une étude de Baugman et al. (2003[17]) portant sur des patients souffrant de sarcoïdose, une inflammation chronique des poumons s’accompagnant d’un stress oxydant (avec augmentation du TNFα et IL-8), a montré une amélioration du système anti-oxydant après une prise de quercétol.

La quercétine inhibe l'activité de l'endopetidase neutre (NEP) qui engendre un effet natriurétique[18]. Pour l’instant, seuls des effets anti-oxydants et anti-inflammatoires ont été prouvés in vivo notamment dans le cas de la rhinite allergique[réf. nécessaire].

La quercétine a fait l'objet de recherche fondamentale et d'essais cliniques réduits[7]. Même si les compléments alimentaires contenant la molécule ont de prétendus bienfaits thérapeutiques, aucune étude scientifique de qualité ne montre que la quercétine (en compléments ou dans la nourriture) ne peut soutenir le traitement du cancer[19] ou celui de quelque maladie que ce soit[7],[6]. En 2010, aux États-Unis, la FDA (l'agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux) a dû sévir contre des manufacturiers de compléments alimentaires à base de quercétine, qui prétendaient à tort que leur produit avait un intérêt thérapeutique[20],[21].

Notes et références

  1. c’est un facteur de transcription homologue des FOX0 des mammifères, connus pour être des régulateurs de la durée de vie et de la résistance au stress oxydant
  1. (en) Consumer Product Safety Commission - Study on Aversive Agents, 11/92 Final Report. [PDF]
  2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. (en) ChemIDplus, « Quercetin - RN: 117-39-5 », sur chem.sis.nlm.nih.gov, U.S. National Library of Medicine (consulté le )
  4. IARC Working Group on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans, « Évaluations globales de la cancérogénicité pour l'Homme, Groupe 3 : inclassables quant à leur cancérogénicité pour l'Homme », sur http://monographs.iarc.fr, CIRC, (consulté le )
  5. (en) Département de l'Agriculture des États-Unis, « USDA Database for the Flavonoid Content of Selected Foods », sur http://www.nal.usda.gov, National Agricultural Library, (consulté le ), p. 1-78 [PDF]
  6. « Scientific Opinion on the substantiation of health claims related to quercetin and protection of DNA, proteins and lipids from oxidative damage (ID 1647), “cardiovascular system” (ID 1844), “mental state and performance” (ID 1845), and “liver, kidneys” (ID 1846) pursuant to Article 13(1) of… », sur www.efsa.europa.eu (consulté le )
  7. (en) « Flavonoids », sur Linus Pauling Institute, (consulté le )
  8. « Phenol Explorer INRA »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?)
  9. Genetic Analysis of Quercetin in the `Lady Raider' Onion \(Allium cepa L
  10. (en) Thomas Walle, « Absorption and metabolism of flavonoids », Free Radical Biology & Medicine, vol. 36, no 7, , p. 829-837
  11. (en) Wai Mun Loke, Julie M. Proudfoot, Scott Stewart, Allan J. McKinley, Paul W. Needs, Paul A. Kroon, Jonathan M. Hodgson, Kevin D. Croft, « Metabolic transformation has a profound effect on anti-inflammatory activity of flavonoids such as quercetin: Lack of association between antioxidant and lipoxygenase inhibitory activity », Biochemical Pharmacology, vol. 75, , p. 1045-1053
  12. (en) Andreas Kampkötter, Claudia Timpel, Ruben Felix Zurawski, Sven Ruhl, Yvonni Chovolou, Peter Proksch et Wim Wätjen, « Increase of stress resistance and lifespan of Caenorhabditis elegans by quercetin », Comparative Biochemistry and Physiology, vol. 149, , p. 314-323
  13. (en) Akira Murakami, Hitoshi Ashida et Junji Terao, « Multitargeted cancer prévention by quercetin », Cancer Letters, vol. 269,
  14. (en) Kathrin Pallauf, Nils Duckstein et Gerald Rimbach, « A literature review of flavonoids and lifespan in model organisms », Proceedings of the Nutrition Society, vol. 76, no 2, , p. 145–162 (ISSN 0029-6651 et 1475-2719, DOI 10.1017/S0029665116000720, lire en ligne, consulté le )
  15. (en) Joseph Vercauteren, Catherine Chèze, Janine Triaud, Polyphenols 96, Editions Quae, , p. 188-191
  16. (en) R. L. Edwards, T. Lyon, S.E. Litwin, A. Rabovsky, J.D. Symons et T. Jalili, « Quercetin reduces blood pressure in hypertensive subjects. », J. Nutr., vol. 137,
  17. (en) A.W. Boots, M. Drent, V.C.J. de Boer, A. Bast et G.R.M.M., Haenen, « Quercetin reduces markers of oxidative stress and inflammation in sarcoidosis », submitted for publication,
  18. Zi-Jiang Chen, Michael Vetter, Geen-Dong Chang et Shiguo Liu, « Quercetin, a phytoestrogen and dietary flavonoid, activates different membrane-bound guanylate cyclase isoforms in LLC-PK1 and PC12 cells », The Journal of Pharmacy and Pharmacology, vol. 55, no 3, , p. 353–358 (ISSN 0022-3573, PMID 12724041, DOI 10.1211/002235702685, lire en ligne, consulté le )
  19. Internet Archive, American Cancer Society complete guide to complementary & alternative cancer therapies, Atlanta, Ga. : American Cancer Society, (ISBN 978-0-944235-71-3, lire en ligne)
  20. (en) « Cape Fear Naturals - 512768 - 03/02/2017 », sur U.S. Food and Drug Administration, (consulté le )
  21. (en) Center for Food Safety and Applied Nutrition, « DoctorVicks.com - 512642 - 04/17/2017 », sur FDA, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Bruneton, J., Pharmacognosie - Phytochimie, plantes médicinales, 4e éd., revue et augmentée, Paris, Tec & Doc - Éditions médicales internationales, , 1288 p. (ISBN 978-2-7430-1188-8)
  • (en) Agnes W. Boots, Guido R.M.M. Haenen et Aalt Bast, « Health effects of quercetin : From antioxidant to nutraceutical », European Journal of Pharmacology, vol. 585, nos 2-3,
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