Rétrofuturisme

Le rétrofuturisme (de l'adjectif rétrofuturiste ou rétrofutur) est une tendance réelle, fictive ou humoristique, en design, et dans les arts créatifs (mode, technologie, architecture, littérature, cinéma…), caractérisée par un mélange des imageries rétro et futuristes, inspiré de la façon dont le futur, le progrès et la science-fiction étaient imaginés dans le passé[1], avec pour perspective que toutes choses futuristes du présent deviennent, avec le temps, rétrofuturiste.

Pour les articles homonymes, voir Rétro, Futur (homonymie) et Futurisme.

Rétrofuturisme
La voiture du futur (car of the future) du designer Raymond Loewy, directeur du style de Studebaker, du magazine Science and Mechanics d'août 1950.
Présentation
Type
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Histoire qui se déroule dans un futur déjà passé (d)

Étymologie

Le mot « retrofuturism » a été inventé par Lloyd Dunn[2] en 1983[3], dans le magazine artistique de niche Retrofuturism, publié de 1988 à 1993[4].

Caractéristiques

Projet visionnaire de vis aérienne et d'ornithoptère, de Léonard de Vinci, emblème rétrofuturiste des années 1490.

La première tendance, rétrofuturisme approprié, est le futur imaginé par l'esprit futurologue visionnaire des écrivains, des artistes et des cinéastes avant les années 1960, qui ont tenté de prédire l'avenir, que ce soit dans les projections graves du développement de la technologie existante (par exemple dans des magazines comme Science and Invention (en)) ou dans les romans et les histoires de science-fiction. Ces visions futuristes sont toujours comparées au présent et offrent une nostalgie, l'image contrefactuelle de ce que le futur aurait pu être, mais n'est pas. Il explore, entre autres, les thèmes de la tension entre passé et futur, et les effets éventuellement aliénants de l'autonomisation et de la technologie.

Bateau hélicoptère volant « albatros », du roman de science-fiction Robur-le-Conquérant, de Jules Verne (1886).

Le rétrofuturisme intègre deux tendances qui se chevauchent, qui peuvent se résumer ainsi « l'avenir tel qu'on le voit dans le passé » et « le passé tel qu'on le voit du futur ». La deuxième tendance est à l'inverse de la première : rétro futuriste. Elle mélange les styles artistique et vestimentaire, ainsi que les mœurs, du passé aux technologies modernes ou futuristes, ce qui crée un ensemble d'éléments à la fois passés, présents et futurs. Le steampunk (et dieselpunk) est un terme désignant la projection de la technologie futuriste dans une ère victorienne alternative du XIXe siècle, et l'application de styles Néo-Victoriens à la technologie moderne. C'est une version très répandue de cette seconde tendance. On peut citer également le film Space Station 76 de 2014, où la civilisation humaine semble s'être répandue dans les étoiles, mais où les costumes, les objets du quotidien, l'électronique domestique et les mœurs renvoient directement au milieu des années 1970.

Dans la pratique, les deux tendances ne peuvent pas être nettement distinguées, comme elles contribuent mutuellement à des visions similaires. Le premier type de Rétrofuturisme est inévitablement influencé par la prise de conscience scientifique, technologique et sociale actuelle, moderne. Ainsi, les créations Rétrofuturistes ne sont jamais simplement des copies de leurs inspirations pré-1960. Le rétrofuturisme s'inspire toujours du contexte historique de l'époque à laquelle il est pensé. Le futur tel qu'il est imaginé de nos jours diffère du futur tel qu'on l'imaginait dans les années 1960. Un exemple flagrant : dans les futurs imaginés dans les années 1960, on ne voit jamais la moindre trace d'un système permettant l'inter-connexion entre tous les êtres humains, alors que depuis l'avènement d'Internet, on aurait tendance à voir ça comme un élément central de toute société future.

Œuvre d'art Raygun Gothic Rocketship (en) de la région de la baie de San Francisco (2009).

Dans un sens, le rétro-futurisme doit beaucoup de sa saveur au début de la science-fiction (par exemple les œuvres de Jules Verne et H. G. Wells), et dans une quête d'authenticité stylistique il s'inspirera toujours des artistes et écrivains de la période pendant laquelle ce monde futuriste est imaginé.

Ces deux tendances rétrofuturistes ne renvoient jamais à un moment précis. Lorsqu'un délai est fourni pour une histoire, il pourrait être un présent contrefactuel avec une technologie unique, une version fantastique du futur, ou un passé alternatif dans lequel les inventions imaginées par le passé sont devenues bien réelles (comme le zeppelin en tant que moyen de transport répandu). Les exemples incluent le film Capitaine Sky et le Monde de demain, situé dans un 1939 imaginaire, ou de Rocketeer, se déroulant en 1938.

Thèmes

Représentation rétrofuturiste d'une locomotive volante, de style dieselpunk, du début des années 1940.

Le rétrofuturisme, en raison de la variation des époques et des visions futuristes associés à celles-ci, ne propose pas un but ou une expérience thématique unique, le fil conducteur étant l'insatisfaction ou le malaise du temps présent, à laquelle le rétrofuturisme nostalgique offre un contraste.

Concept car Ford Volante (1958).

Un des thèmes souvent employé est l'insatisfaction vis-à-vis du futurisme moderne. Une extrapolation du présent dans le futur produit souvent un résultat mauvais, où les défauts de notre société ont pris le dessus et ont empiré. Illustré par le cyberpunk, cela se caractérise par la surpopulation, la dégradation de l'environnement, et le transfert de pouvoir vers des entités privées ou des gouvernements totalitaires. Face à un tel avenir, le rétrofuturisme propose un monde plus confortant ou du moins plus susceptible d'être compris.

Un thème similaire : l'insatisfaction du monde moderne lui-même. Un monde de transports aériens à très grande vitesse, d'ordinateurs et de stations spatiales est (selon toute norme antérieure) « futuriste ». Pourtant, la recherche d'un futur alternatif plus prometteur suggère un sentiment de déception quant au futur que l'on a espéré voir et qui ne s'est jamais concrétisé. Le rétrofuturisme suggère une voie alternative, et en plus d'être pure nostalgie, il peut agir comme un rappel d'anciens idéaux, aujourd'hui oubliés.

Airliner Number 4, du designer Norman Bel Geddes (années 1930).

Le rétrofuturisme implique également une réévaluation de la technologie. Contrairement au rejet total de la technologie post-médiévale dans le genre fantastique, ou l'étreinte de tout et de toutes les technologies possibles dans la science-fiction, le rétrofuturisme se rapporte plus à une échelle humaine, une technologie plus compréhensible.

Le rétrofuturisme n'est pas universellement optimiste, et quand ses points de référence touchent des périodes sombres, comme la Seconde Guerre mondiale, ou les peurs de la Guerre froide, il peut lui-même devenir pessimiste. Dans de tels cas, la réalité alternative inspire la peur, non l'espoir, même si elle peut encore être couplée avec la nostalgie d'un monde plus moral.

Dessins et arts graphiques

Motel et enseigne Googie, du Roy's Motel and Café (en) sur la route 66 à Amboy en Californie, en direction de Los Angeles.

Une grande attention est portée sur les machines fantastiques, les bâtiments, les villes, et les systèmes de transport. La conception esthétique futuriste du début du XXe siècle tend vers des couleurs unies, des formes simplifiées, à une échelle immense. On pourrait dire que la vision futuriste du XXe siècle a trouvé son expression ultime dans le développement du design de Googie ou Populuxe. Tel qu'il est appliqué à la fiction, cette marque de style visuel rétrofuturiste est également défini comme le Raygun Gothic (en), un terme fourre-tout qui désigne un style visuel qui intègre les différents aspects du Googie, style « paquebot » et des styles architecturaux Art déco lorsqu'il est appliqué à un environnements rétrofuturiste de la science-fiction.

Bien que le Raygun Gothic est le plus semblable, et parfois même défini comme un synonyme, au style Googie ou Populuxe, le nom est principalement appliqué à des images de science-fiction. Ce style est également toujours un choix populaire pour la science-fiction rétro dans les films et les jeux vidéo. Les premières influences du style Raygun Gothic sont les décors de Kenneth Strickfaden (en) et Fritz Lang.

Le terme a été inventé par l'écrivain William Gibson dans son histoire The Gernsback Continuum (en) :

« Cohen nous présente Dialta (un historien notoire du pop art) et nous dit qu'il était l'inspiration pour le projet Barris Watford, — une histoire illustrée de ce qu'elle appelle American Streamlined Modern. Cohen l'appelle "Raygun Gothic". Leur titre du projet était The Airstream Futuropolis: The Tomorrow That Never Was[5]. »

Mode

Les vêtements futuristes sont une vision particulière imaginé des vêtements qui pourraient être portées dans un avenir lointain, on les trouve généralement dans la science-fiction littéraire et les films de science-fiction des années 1940, mais aussi dans le journalisme et les autres cultures populaires. Les vêtements ont été le plus souvent envisagés soit comme une seule pièce de vêtements, ou comme des vêtements moulants, ou bien les deux, finissant généralement par ressembler à une combinaison ou un justaucorps, souvent portées avec des bottes en plastique. Dans de nombreux cas, il y a une hypothèse selon laquelle les vêtements de l'avenir seront uniformisés.

Le cliché des vêtements futuriste fait désormais partie de l'idée même de rétrofuturisme. La mode futuriste joue sur ces stéréotypes désormais galvaudé, et les recycle comme des éléments de mode vestimentaire dans le monde réel.

« Nous avons effectivement vu ce look se répandre dès 1995, pourtant ça n'a pas été une mode vestimentaire largement populaire ou même acceptable, même en 2008 », a déclaré Brooke Kelley, rédacteur en chef de mode et écrivain dans Glamour. « Au cours des 20 dernières années, la mode a examiné les temps du passé, décennie par décennie, et ce que nous voyons maintenant, c'est une combinaison de différentes époques dans un look complet. La Mode du Future est un style au-delà de tout ce que nous n'avons pas encore osé porter, et ça va être un paradis pour le trend setter. »

Architecture

Le rétro-futurisme est apparu dans quelques exemples de l'architecture postmoderne. Par exemple, la partie supérieure d'un immeuble n'est pas destinée à être intégrée au bâtiment, mais plutôt à apparaître comme un objet séparé - une énorme soucoupe volante ou un vaisseau spatial seulement « attaché » à un building conventionnel. Cela semble destiné à ne pas évoquer un avenir possible, mais plutôt un imaginaire passé de cet avenir, ou un clin d'œil à l'architecture futuriste Googie.

Objets

Voitures

Les constructeurs automobiles américains créent en particulier dans les années 1950, une importante série de concept cars (pour leur publicité et image innovante) inspirés des prémisses et perspectives futuristes et de science-fiction de l'ère du jet et de l'ère spatiale américaine des années 1950, avec entre autres des solutions design et techniques innovantes pour l'époque, en fibre de verre, avec ailerons inspirés de l’aéronautique, en forme de réacteur d'avion, ou cockpit et portes papillon en plexiglas..., éléments en parti repris dans le design de nombreux modèle de série de l'époque, dont les Ford Thunderbird ou Cadillac Eldorado...

Cinéma

De très nombreux scénarios de films sont inspirés de thèmes « rétrofuturistes », et de nombreux films avantgardistes et futuristes pour leur époque, sont devenus avec le temps rétrofuturistes, dont :

Jeux vidéo

Quelques jeux vidéo sont fortement inspirés du thème rétro-futuriste, dont :

  • 2000 : Crimson Skies est un autre exemple de rétrofuturisme basée sur aéronefs de l'époque des années 1930. Des pirates dominent le ciel d'Amérique du nord avec des avions et des zeppelins, dans l'ère des avions à hélice des années 1930.
  • 2002 : Rétrofutur
  • 2007 : BioShock est un jeu se déroulant dans les années 1950, et est un parfait exemple de ce qu'est le rétro-futurisme : l'idée même d'une cité sous-marine, les bâtiments aux styles arrondis, la machinerie imposante en cuivre, certains ennemis dans d'énormes scaphandres et la mentalité d'une société américaine des années 1950, tout cela allié à une technologie inexistante à l'époque et parfois même encore aujourd'hui ainsi que l'introduction d'un produit appelé « plasmide » donnant des pouvoirs surnaturels.
  • 2008 : Fallout 3 (et ses prédécesseurs dont Fallout en 1997) est un jeu qui, bien que situé dans l'année 2277, est comme la manifestation de la paranoïa de la guerre nucléaire des années 1950. Diverses caractéristiques et la conception des éléments architecturaux sont d'excellents exemples de dessins de l'« ère spatiale » des années 1950. Cela comprend les voitures, les objets tel que les armes, les affiches et de nombreux bâtiments du jeu.
  • 2011 : Cosmic Patrol.

Bibliographie

  • (en) Robert Sheckley, Futuropolis: Villes Impossible de science-fiction et fantastique Futuropolis: Impossible Cities of Science Fiction and Fantasy »], New York, A&W Visual Library, , 120 p. (ISBN 0-89104-123-0).
  • Astrofuturism: Science, Race, and Visions of Utopia in Space (ISBN 0-8122-1847-7)
  • Future Perfect (ISBN 3-8228-1566-7)
  • Out of Time: Designs for the Twentieth Century Future (ISBN 0-8109-2939-2)
  • Yesterday's Tomorrows: Past Visions of the American Future (ISBN 0-8018-5399-0)
  • The History of the Future: Images of the 21st Century (ISBN 2-08-013544-9)
  • Retrofuturism: The Car Design of J Mays (ISBN 0-7893-0822-3)
  • Where's My Jetpack?: A Guide to the Amazing Science Fiction Future that Never Arrived (ISBN 1-59691-136-0)
  • Future Primitive and Other Essays by John Zerzan (ISBN 1-57027-000-7)
  • Onosko[Qui ?], Wasn't the Future Wonderful (ISBN 0525475516)

Notes et références

  1. Jenkins, Henry, « The Tomorrow That Never Was: Retrofuturism in the Comics of Dean Motter », Confessions of an Aca-Fan, 2007.
  2. (en) Paul McFedries, « retrofuturism », Word Spy, (consulté le )
  3. Rétrofuturisme
  4. (en) « PSRF Retrograde Archive : p28 », Psrf.detritus.net (consulté le )
  5. « The Gernsback Continuum », (en) William Gibson, Burning Chrome, New York, Arbor House, (ISBN 978-0-87795-780-5, LCCN 85030791).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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