Abla Pokou
Abla Pokou (ou Aura Poku, ou Abra Pokou) est une reine africaine qui, vers 1770, mena le peuple baoulé du territoire de l'actuel Ghana vers celui de l'actuelle Côte d'Ivoire. La légende raconte qu'elle aurait sacrifié son fils unique pour traverser une rivière. Le mot « Baoulé » par lequel on désigne désormais les descendants du peuple qu'elle conduisait provient de l'épisode du sacrifice de son fils unique. Après l'immolation de ce dernier, elle déclare « Ba-ouli », ce qui signifie « l'enfant est mort », d'où le nom « Baoulé ».
Vie et légende
L’origine et la fuite d'une reine
Née au début du XVIIIe siècle, Abla Pokou est la nièce du roi Osseï Tutu, fondateur de la Confédération ashanti du Ghana. À la mort de ce dernier, son neveu lui succède sur le trône, en vertu de la loi matrilinéaire, c'est-à-dire la loi de succession par lignée maternelle. En effet, chez les Ashanti[réf. à confirmer] [1], l'enfant issu de la sœur d'un roi défunt a plus de chance de succéder à ce dernier que l'enfant d'un frère dudit roi. Aussi, au décès du neveu de Osseï Tutu, le fils de sa sœur, une guerre de succession éclate entre Itsa — un vieil oncle issu de la famille régnante — et Dakon, le second frère d'Abla Pokou[2],[3],[4].
Une lutte fratricide s'engage dans la capitale du royaume, Kumasi ; au cours de celle-ci Dakon est tué. Dès lors, Abla Pokou sait le terrible sort qui l'attend si elle reste. Elle s'enfuit donc vers le nord-ouest avec sa famille, ses serviteurs, ses soldats fidèles et tous ceux du peuple qui se reconnaissent en elle ou en Dakon. Elle franchit le fleuve de la Comoé[2],[4],[1].
La légende du sacrifice du fils
Selon la légende, la reine Abla Pokou et ses partisans se retrouvent bloqués dans leur fuite par le fleuve mugissant de la Comoé, barrière naturelle entre leurs anciennes terres situées dans le Ghana actuel et le territoire devenu aujourd'hui Côte d'Ivoire, dont le niveau a monté en raison des pluies hivernales[2],[3],[4].
Or les poursuivants sont à leur trousse, à seulement quelques kilomètres. On décide de consulter alors les mânes. La reine Abla Pokou lève les bras au ciel et se tourne vers son devin : « Dis-nous ce que demande le génie de ce fleuve pour nous laisser passer ! » Et le vieil homme lui répond : « Reine, le fleuve est irrité, et il ne s'apaisera que lorsque nous lui aurons donné en offrande ce que nous avons de plus cher. »[2],[3],[4].
Aussitôt, les femmes tendent leurs parures d'or et d'ivoire ; les hommes avancent qui leurs taureaux, qui leurs béliers. Mais le devin repousse toutes ces offres et dit, de plus en plus triste : « Ce que nous avons de plus cher, ce sont nos fils ! ». Mais personne ne veut offrir son enfant en sacrifice. Dès lors, Abla Pokou comprend que seul le sacrifice de son fils unique peut satisfaire les génies du fleuve. Abla Pokou élève l'enfant au-dessus d'elle, le contemple une dernière fois et le précipite dans les flots grondants. Aussitôt, les eaux troublées de la Comoé se calment et se retirent jusqu'au genou, et toute la tribu franchit le fleuve sans encombre[2],[4].
Après la traversée, la reine se retourne et murmure dans un sanglot : « Bâ-ouli », ce qui signifie littéralement : « L'enfant est mort. » C'est ainsi qu'en souvenir de cet enfant, la tribu d'Abla Pokou aurait été appelée « Baoulé », et que le berceau du peuple Baoulé reçut le nom de Sakassou, autrement dit, « le lieu des funérailles »[2],[3],[4].
Littérature
De son berceau d'origine du Ghana à sa terre d'exil de Côte d'Ivoire, cette reine reste célébrée dans la littérature orale et écrite
La légende a connu de nombreuses versions et variantes, y compris par les colonisateurs français. L'écrivain Maximilien Quenum-Possy-Berry né à Cotonou et installé en france écrit « La légende des Baoulé » dans son livre pour enfants Trois légendes africaines: Côte d'Ivoire, Soudan, Dahomey publié en 1946[5]. L'écrivain ivoirien Bernard Dadié en donne une version sous forme de conte dans Légendes africaines en 1966. L'auteure Ivoirienne Véronique Tadjo s'en inspire dans son roman Reine Pokou. Concerto pour un sacrifice en 2005[6],[4].
Cinéma
Le film d'animation ivoirien Pokou, princesse ashanti de N’ganza Herman et Kan Souffle, sorti en Côte d'Ivoire en 2013, s'inspire librement de la vie légendaire d'Abla Pokou[7].
Bibliographie
- Véronique Tadjo, Reine Pokou, concerto pour un sacrifice, 2005.
- J.N. Loucou et A. Ligier, La Reine Pokou, Nouvelles éditions africaines, 1977.
- Denis Ferrando-Durfort (conception et texte), Bernard Johner (dessins), Pokou la fondatrice, EdiSavana, 1989.
- Guy Cangah et Simon-Pierre Ekanza, La Côte d'Ivoire par les textes, Nouvelles éditions africaines, 1978.
Notes et références
- « La civilisation Ashanti », sur Lisapo ya Kama, (consulté le )
- Corinne Sese, « Pokou, Abla [M. à Niamenou V. 1760] », dans Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Le dictionnaire universel des créatrices, Éditions des femmes, , p. 3485-3486
- « La légende d'Abla Pokou, reine des Baoulé », L'Arbre à Palabres, no 18, , p. 106-111 (lire en ligne)
- Bruno Gnaoulé-Oupoh, La littérature ivoirienne, Éditions Karthala, (lire en ligne), p. 361-370
- (en) Dorothy Blair, « Maximilien Quenum » dans African Literature in French: a history of creative writing in French from west and equatorial Africa, Cambridge University Press, 1976, p. 34-36 (ISBN 978-0-521-21195-6) Lire en ligne.
- Viti Fabio, « Les ruses de l'oral, la force de l'écrit. Le mythe baule d'Aura Poku », Cahiers d'études africaines, vol. 4, no 196, , p. 869-892 (lire en ligne)
- « Cinéma : Reine Pokou, Princesse Ashanti / Le tout premier film ivoirien d’animation en 3D bientôt sur les écrans », News Abidjan, (lire en ligne)
- Portail de la Côte d’Ivoire
- Portail de la mythologie