René Martial

René Félix Martial, né le à Paris 5e et mort le à Vendôme[1], était un médecin français. Dans l'entre-deux-guerres, il fut un promoteur d'un colbertisme biologique, de nature eugéniste et fut désigné comme un spécialiste officiel de l'immigration, puis fut « l'un des principaux experts en matière de sélection raciale sous le régime de Vichy »[2].

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René Martial
Biographie
Naissance
Décès
(à 81 ans)
Vendôme
Nationalité
Activités

Il apparaît dans certains travaux sur l’histoire de Vichy ou sur l’antisémitisme comme un jalon « essentiel » du racisme scientifique « à la française »[3]. Pour Gérard Noiriel cependant, lui et le courant auquel il appartient avec son rival Georges Montandon, demeurent peu influents[4] dans le monde intellectuel français[5], même sous Vichy, alors que pour Claude Liauzu, l'influence de René Martial fut beaucoup plus importante[4]. Pour Frederick Cooper, Ann Laura Stoler[6] ou William H. Schneider[7], sa pensée se retrouve dans la définition de l'identité culturelle et la vision de l'immigration de Jean-Marie Le Pen.

Biographie

René Martial obtient son diplôme de médecine en 1900. Il se spécialise en santé publique, et participe au premier congrès d'hygiène des travailleurs en 1904. Il est nommé directeur du bureau de l’hygiène de Douai en 1908. Lors de la Première Guerre mondiale, il met en place un bureau de contrôle sanitaire des immigrants espagnols en France. En tant qu’inspecteur des conditions sanitaires, Martial contribue après-guerre à l’amélioration du cadre de vie des nombreuses populations d’étrangers venus travailler en France[réf. nécessaire], surtout dans les mines du Nord. En 1932, il devient directeur des services de santé publique à Fès, au Maroc.

Alors qu'en 1930, son Traité de l’immigration et de la greffe inter-raciale ne trouve un éditeur qu'en Belgique, en 1934 La race française est «favorablement commenté dans les revues médicales»[8] et récompensé par l'Institut de France[9]. Il établit des critères de sélection des immigrants fondés sur les groupes sanguins et ses thèses seront réutilisées lors de l’occupation allemande dans un ouvrage intitulé La Grande Découverte – Les Juifs et le sang B[10]. Selon Hervé Guillemain, les livres de René Martial sont racialistes[11].

René Martial donne un cours sur l’immigration à l’Institut hygiénique de la Faculté de médecine de Paris à partir de 1938[12].

Durant l'occupation nazie

Sous le régime de Vichy, René Martial devient professeur d'« anthropologie des races » à la Faculté de médecine de Paris, puis accède en 1942 à la codirection de l’Institut d’anthroposociologie (discipline raciste fondée par Lapouge[13]) dont le comité de direction, composé de membres de l’Institut Pasteur et de l’Académie de médecine, lui confère l’autorité des élites et des sommets de la médecine.

En 1943 il publie un fascicule du secrétariat général à la jeunesse de Vichy intitulé Notre race et ses aïeux. Ses ouvrages La Race française et Français qui es-tu ? appartiennent en 1943 aux dix livres de référence conseillés aux candidats au concours des inspecteurs de la Section d’enquête et de contrôle du Commissariat général aux questions juives[14].

Théories

Sur l'immigration

C'est dans les années trente, marquées par la crise économique et le chômage, que René Martial développe des propositions visant à sélectionner les immigrants en fonction de leur aptitude à s’assimiler.

Dès 1931, ses ouvrages, Traité de l’immigration et de la greffe inter-raciale et La Race française, deviennent des références accréditées et diffusées par les revues médicales[15],[16],[17]. Il devint rapidement l'un des spécialistes de l'immigration les plus réputés et consacra plus de quarante livres et articles à l'immigration. Il multiplia aussi les conférences et les communications aux colloques scientifiques, ce qui lui assura une grande notoriété.

Selon lui, le déclin démographique de la France ne pouvait être enrayé que par l'immigration. Cependant, il convenait de sélectionner les individus autorisés à s'installer en France selon des « critères infaillibles », dont le principal était selon lui le groupe sanguin et notamment la proximité de leur « indice biochimique du sang » avec l’indice moyen des Français. Dans les années 1930, il prône que seules les populations au groupe sanguin O soient acceptées en France[18]. Selon lui, ces peuples sont les seuls à avoir pu par le passé et à pouvoir encore s'intégrer harmonieusement parmi les Français[18]. Ainsi cette immigration sélective serait constituée de Belges, de Suisses, de Hollandais, de Tchécoslovaques, de Polonais, d'Italiens et de Berbères[18]. Toutefois, pour lui, le mélange idéal serait franco-allemand[19].

L'antisémitisme

Alors que ses premiers ouvrages n'évoquaient pas les Juifs, à la fin des années 1930 il leur applique aussi ses théories pour expliquer «la place qu'ils ont prise en France»[20].

L'immigration nord-africaine

Concernant l'immigration nord-africaine, Martial « prend aussi le contre-pied des préjugés de cette époque »[21]. Ainsi selon Gérard Noiriel, d'un côté Martial « prône la sélection raciale, mais d'un autre il défend les migrants issus de l'empire colonial »[21]. Ainsi, Martial pense que les Africain du Nord sont devenus « la proie de logeurs, alors qu'ils ont donné leur sang pour la France en 1870 et en 1914 » [22],[21]. Concernant les Berbères, il estime qu'ils font partie des peuples à avoir pu par le passé et à pouvoir encore s'intégrer harmonieusement parmi les Français[18]. Quant aux Arabes, il ne voit pas d'obstacle biologique au métissage avec eux, mais les recommande « sous réserve d'une sélection raciale et individuelle sévère, basée sur les groupements sanguins, d'une part, et sur l'étude des réactions humorales, de l'autre »[23],[24].

La « race française »

Martial n'a jamais adhéré au mythe de la « race aryenne pure »[25]. Selon lui, la « race française » était une « race résultat » issue d'une souche formée de Ligures, de Celtes et de Romains sur laquelle étaient venus se greffer au cours des siècles suivants des Germains, des Normands, etc[26].

Le métissage

Dans son livre Les métis, il tente de prouver que le choc des hérédités du métissage avec des groupes très différents, c'est-à-dire selon lui, présentant un « indice biochimique »[27] trop faible comme les Noirs d'Afrique et les Asiatiques, crée une instabilité psychique faisant du métis un être torturé et ingouvernable[28]. Pour lui « le bon métis est celui dont la psychologie personnelle s'encadre exactement dans le cadre de la psychologie de la race française »[29]. En 1942, il émet un avis très négatif sur le métis, « dissimulé, perfide, menteur, sa conscience du bien et du mal ne s'accorde pas avec nos critères », et conclut : « Dans le code de la famille interdiction du mariage d'un Français ou une Française avec un Jaune ou un Noir »[30].

Publications

  • Traits de l'immigration et de la greffe inter-raciale, Larose, 1931, ouvrage couronné par l'Institut de France
  • La Race française, Mercure de France, 1934, réédité en 1943, ouvrage couronné par l'Institut de France[9] (Académie des sciences morales et politiques et Académie française)
  • Race, hérédité, folie. Étude d’anthropo-sociologie appliquée à l’immigration, Paris, Mercure de France, 1938
  • Vie et constance des races, Mercure de France, 1939.
  • Français qui es-tu ? Mercure de France, 1942
  • Les Métis - Nouvelle étude sur les migrations, le mélange des races, le métissage, la retrempe de la race française et la révision du code de la famille, Flammarion, Bibliothèque de philosophie scientifique, 1942
  • Notre race et ses aïeux, Perqual, 1943
  • Les races humaines, Hachette, 1955

Notes et références

  1. Archives numérisées de l'état civil de Paris, acte de naissance no 5/473/1873, avec mention marginale du décès (consulté le 23 juin 2012)
  2. Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France; XIXe – XXe siècle, 700p, publié en 2007, (ISBN 9782012794146). Le cas de René Martial est évoqué, notamment, aux pages 328 et 330.
  3. William H. Schneider, Hérédité, sang et opposition à l’immigration dans la France des années trente, Ethnologie française, 1994, no 1, p. 104-117
  4. Claude Liauzu, L'obsession des origines : démographie et histoire des migrations, vol. 60, , 155-165 p. (lire en ligne), chap. 60, p. 159
  5. Noiriel (Gérard) [2007], p. 456 : «des universitaires se rassemblent à partir de 1937 autour de la revue Race et racisme [… qui] va jouer un rôle très important pour imposer l'équivalence entre nazisme, fascisme et racisme».
  6. Frederick Cooper, Ann Laura Stoler, Tensions of empire : colonial cultures in a bourgeois world, University of California Press, , 470 p. (ISBN 0-520-20605-3, lire en ligne), p. 225
  7. William H. Schneider, Quality and Quantity. The Quest for Biological Regeneration in Twentieth-Century France, Cambridge University Press, 1990, p. 352 : « The views on immigration stated by French politician Jean-Marie Le Pen fit well with Martial's earlier ideas ».
  8. Noiriel (Gérard) [2007], p. 421.
  9. Pierre-André Taguieff, L’antisémitisme de plume, 1940-1944, études et documents, Berg international, 1999, p.308
  10. Albert Jacquard, Moi et les autres : Incitation à la génétique, Paris, Le Seuil, coll. « Points / Point-Virgule », , 139 p. (ISBN 2-02-006428-6), chap. III (« Les gens de ma race et les autres »), p. 72.
  11. Hervé Guillemain, Schizophrènes au XXème siècle. Des effets secondaires de l'histoire. Alma éditeur · Paris, 2018. Prix de L’Évolution psychiatrique, Prix de la revue Prescrire.
  12. Noiriel (Gérard) [2007], p. 444.
  13. P.-A. Taguieff: Catégoriser les inassimilables : immigrés, métis, juifs. La sélection ethnoraciale selon le docteur Martial dans la revue Recherches sociologiques, 1997/2, pp57-83 puis dans Intégration, lien social et citoyenneté, (sous la direction de Gilles Ferréol), Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1998, pp. 101-134.
  14. Pierre-André Taguieff, « La science du Dr René Martial ou l’antisémitisme saisi par l’anthropo-biologie des races », in L’antisémitisme de plume, 1940-1944, études et documents, Berg international, 1999
  15. «Puisse cet ouvrage, écrit en bon français, accessible à tout honnête homme curieux de son destin, connaître la diffusion qu’il mérite, de par ses qualités propres non moins que par la grandeur de son objet. » A.Brousseau (Dr), « Analyses », L’hygiène mentale, 1935, no 3, p. 90-92
  16. « [...] c’est le travail d’une documentation considérable mais [...] qui se lit avec la plus grande facilité et le plus grand intérêt », cet ouvrage est qualifié d’« œuvre de novateur.», Morat (Dr), « Les idées et les hommes», L’hygiène sociale, 1935, no 147
  17. « [...] nous Français savons bien comme le dit notre confrère René Martial dans son beau livre sur la race française, que la vieille souche est encore bonne. » Paul Desfosses, « Le destin de la race blanche », Presse médicale, 1935, no 58, p. 1165-1666
  18. Ralph Schor, Français et immigrés en temps de crise (1930-1980), Paris/Budapest/Torino, L'Harmattan, , 240 p. (ISBN 2-7475-6798-2, lire en ligne), p. 97
  19. Claude Liauzu, Histoire des migrations en Méditerranée occidentale, Bruxelles/Paris, Complexe, , 274 p. (ISBN 2-87027-608-7, lire en ligne), p. 91
  20. Noiriel (Gérard) [2007], p. 466.
  21. Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France, Fayard,2007, p.330
  22. René Martial, La Race française (1934), éd. Mercure de France, 1934, p. 258
  23. Carole Reynaud Paligot, Races, racisme et antiracisme dans les années 1930, Puf, 2007. p. 140
  24. René Martial, La Race française (1934), Mercure de France, 1934, p. 321
  25. William H. Schneider, Quality and Quantity. The Quest for Biological Regeneration in Twentieth-Century France, Cambridge University Press, 1990, p. 242
  26. René Martial, La Race française, Mercure de France, 1934, p. 115
  27. René Martial définit l'indice biochimique comme le rapport de tous les groupes A et AB à tous les B et AB
  28. Réfléchir et agir, no 14, printemps 2003, Arthur, Georges, René, Jacques... et les autres "théoriciens du racisme", par Eugène Krampon, p. 48.
  29. René Martial, La Race française (1934), Mercure de France, 1934, p. 315
  30. René Martial, Les Métis, Paris, Flammarion, 1942, cité par Pierre Guillaume, Les métis en Indochine, in: Annales de démographie historique, 1995. Les réseaux de parenté. pp. 185-195

Annexes

Bibliographie

  • Benoit Larbiou, René Martial, De l'hygiénisme à la raciologie, une trajectoire possible, Genèses no 60, , p. 123-178. Accès à l'article : http://www.cairn.info/revue-geneses-2005-3-page-98.htm
  • Caroline Moriceau, Les douleurs de l’industrie. L’hygiénisme industriel en France 1860-1914, Paris, Editions de l’EHESS, 2009, chap. 7
  • Noiriel (Gérard) [2007], Immigration, antisémitisme et racisme en France, Paris, Fayard, 717 p.
  • William H. Schneider, Quality and Quantity. The Quest for Biological Regeneration in Twentieth-Century France, Cambridge University Press, 1990, p. 231 et sq.
  • Pierre-André Taguieff, L’antisémitisme de plume, 1940-1944, études et documents, Berg international, 1999, en particulier le chapitre « La science du Dr René Martial ou l’antisémitisme saisi par l’anthropo-biologie des races »

Articles connexes

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