Robert Nivelle

Robert Georges Nivelle, né le à Tulle et mort le à Paris, est un militaire français. Il est généralissime et commandant en chef des armées françaises pendant la Première Guerre mondiale en 1916-17, et relevé de ses fonctions en en raison des controverses encore vives aujourd'hui autour de ses options stratégiques, particulièrement meurtrières notamment au Chemin des Dames.

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Robert Georges Nivelle

Naissance
Tulle
Décès
Paris
Origine Français
Allégeance  France
Arme Armée française
Artillerie
Grade Général de division[1]
Années de service 1878 – 1921
Commandement 5e régiment d'artillerie
61e division d'infanterie de réserve
3e corps d'armée
IIe armée
Commandant en chef des armées
Conflits Révolte des Boxers
Première Guerre mondiale
Faits d'armes Bataille de Verdun
Bataille du Chemin des Dames
Distinctions Voir section « Distinctions »
Autres fonctions Membre du Conseil supérieur de la guerre

Biographie

La famille Nivelle est d'origine poitevine, de Pamproux dans les Deux-Sèvres. Le père du général, Marie-Jacques Nivelle (dont l'épouse Theodora Luisia Sparrow venait du Kent) était militaire. Artilleur de formation et diplômé de l'École polytechnique (X 1876), le 1er septembre 1880, il est affecte au 19e régiment d'Artillerie a Nîmes, au grade de Lieutenant Robert sert en Indochine en tant qu'officier d'artillerie, participe au corps expéditionnaire envoyé en Chine pour réprimer la révolte des Boxers en 1900, puis sert en Afrique, en Algérie.

Colonel commandant le 5e régiment d'artillerie (France) lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, promu général de brigade en même temps que Pétain, en octobre 1914, au début de la Première Guerre mondiale, il s’illustre d'abord dans la bataille de Dornach (), puis lors de la bataille de l’Ourcq (5-10 septembre 1914), où ses canons mettent en déroute le 4e corps de la 1re armée du général Alexander von Kluck.

En 1915, commandant la 61e division d’infanterie, il a mis au point un projet d’offensive pour enlever le saillant face à la ferme de Quennevières, près de Moulin-sous-Touvent (Oise), sur le front tenu par la 6e armée du général Dubois. L'opération de diversion est lancée le 6 juin 1915 afin de soulager le front de l’Artois. Le , après onze jours de combats acharnés, la bataille de Quennevières a entraîné des pertes françaises s’élevant à 134 officiers et 7 700 hommes, tandis que 4 000 Allemands ont été mis hors de combat pour des gains de terrains limités.

Le 19 avril 1916, Joffre qui trouve Pétain trop défensif à Verdun, décide de nommer Nivelle au commandement de la IIe armée. Tandis que Pétain est promu au commandement du Groupe d'armées du Centre, Nivelle prend son commandement le . Il échoue à reprendre aux Allemands le fort de Douaumont aux côtés du général Mangin, opération durant laquelle la critique lui attribuera peu de considérations pour la vie humaine[2] le fort sera quand même repris. Cette opinion est néanmoins aujourd'hui combattue par les travaux de Denis Rolland qui défend la thèse que cette réputation de boucher est le résultat de la construction du mythe du « sauveur de Verdun » où pour élever Pétain, il était politiquement plus facile de dévaloriser les autres généraux[3]. Nivelle perd le fort de Vaux en juin. Mais le fort sera repris aux allemands, dans la nuit du 2 au . À partir du , les Allemands sont obligés de retirer des troupes pour faire face à la bataille de la Somme. Nivelle stoppe leur dernière offensive près du fort de Souville.

Le 13 septembre 1916, tandis que la ville de Verdun reçoit la Légion d'Honneur, la Croix de Guerre et plusieurs décorations étrangères, le général Nivelle reçoit la plaque de grand officier de la Légion d'honneur. Jusqu'à décembre Nivelle conduit des offensives pour regagner le terrain perdu. En octobre le fort de Douaumont est repris et en novembre le fort de Vaux est abandonné sans combat par les Allemands.

Joffre note dans ses mémoires :

« Je fus heureux de ce collectif hommage justement rendu à tous ceux qui avaient combattu à Verdun, et de la récompense décernée au général Nivelle. Si l'histoire me reconnaît le droit de juger les généraux qui opérèrent sous mes ordres, je tiens à affirmer que le vrai sauveur de Verdun fut Nivelle, heureusement secondé par Mangin. Le général Pétain arrivé à Verdun au moment de la désorganisation dont il héritait du général Herr, remit de l'ordre avec l'aide d'un état-major bien composé, et au moyen de troupes fraîches qui affluaient. Ce fut là son mérite, dont je ne méconnais pas la grandeur. Mais dans la conduite de la bataille et particulièrement au moment de la crise de juin, le rôle le plus important a été joué par Nivelle qui eut le mérite rare de s'élever au-dessus de son champ de bataille, de comprendre ce que j'attendais de lui dans l'ensemble de mes combinaisons, et de garder intacts son sang-froid et sa volonté au moment où son chef adressait au ministre de la Guerre les comptes rendus angoissés dont j'ai parlé à plusieurs reprises. Quant à Mangin, il commanda pendant la plus grande partie de la bataille défensive de Verdun le secteur le plus menacé, et dans la deuxième phase il fut chargé des deux attaques victorieuses qui nous rendirent Douaumont et Vaux. C'est dire quel chef et quel exécutant il était[4] ! »

À la suite de ces victoires, le 25 décembre 1916, et parce que ses promesses d'une victoire rapide séduisaient la commission de l'Armée à la Chambre, il est choisi pour remplacer comme commandant en chef des armées le général Joffre, élevé à la dignité de maréchal de France, qui depuis la bataille de la Marne n'a obtenu aucun résultat décisif et est jugé trop statique.

Il décide de mettre fin à la guerre d'usure menée autour de Verdun et de revenir à « l'attaque brusquée » : il compte emporter la décision par des attaques frontales massives à l'abri d’un rideau de feu. De mère britannique, il parle couramment l'anglais. Lloyd George, à son poste depuis deux mois, accepte, sans le soutien de son gouvernement ou de son roi, de placer des troupes britanniques sous son commandement.

Nivelle ne bénéficie néanmoins pas de la liberté d'action de son prédécesseur. Autant Joffre montait ses offensives comme il l'entendait, autant Nivelle doit rendre des comptes et se voit imposer de nombreuses modifications. Il ne trouve une adhésion totale ni parmi les politiques ni parmi les militaires[5].

Fin , la date de l'attaque conjointe avec les troupes britanniques sur le front entre Vimy et Reims est fixée pour avril. Le front a la forme d'un angle droit : entre Vimy et Soissons, le front est d'orientation nord-sud et ouest-est entre Soissons et Reims. Tandis que les Anglais attaqueront sur la ligne entre Vimy et Soissons, les Français le feront entre Soissons et Reims afin d'affronter les Allemands selon deux directions différentes. Sûrement pour prévenir une telle offensive, dont l'ampleur ne permet pas de garder le secret absolu, les Allemands se replient du 15 au sur la ligne Hindenburg. Leur front est réduit de 70 kilomètres, permettant d'économiser de nombreuses divisions. L'angle droit de la ligne de front est gommé : la ligne de défense s'étend désormais dans une direction nord-ouest/sud-est de Vimy à Reims en passant par le Chemin des Dames. Les Alliés mettent une semaine à se rendre compte de l'ampleur de ce retrait. Le plan initial de l'offensive est désormais caduc. Nivelle et ses généraux adaptent leur projet à cette situation nouvelle et dissocient l'attaque anglaise sur Vimy de l'attaque française qui se centrera sur le Chemin des Dames.

Le , le gouvernement Briand est remplacé par celui d'Alexandre Ribot qui prend pour ministre de la Guerre Paul Painlevé, hostile à Nivelle[5]. Devant répondre aux critiques de militaires comme de politiques, Nivelle se sent discuté et offre sa démission début avril. Celle-ci est refusée et le pouvoir politique, inquiet d'un possible effondrement du front russe, décide de maintenir la date de l'offensive[5].

On a prétendu que garder un secret n’était pas le fort de Nivelle, et il aurait parlé de son offensive au cours d’un dîner. Il parlait également de son projet aux journalistes (sans toutefois en exposer le plan précis). Les Allemands saisirent plusieurs exemplaires de son plan d’attaque à Sapigneul dans la sacoche d'un sergent-major[6] et à Maison-de-Champagne dans une tranchée qu’ils avaient conquise. Les Allemands auront donc eu le temps de se préparer à accueillir les Français et leurs alliés[source insuffisante]. Le front allemand de 60 km, entre l'Ailette et le Nord de Reims, passe de 6 à 12 divisions, il y a en outre 12 divisions de réserve prêtes à être jetées sur le Chemin des Dames. L'offensive qu'il déclenche n’a donc aucun effet de surprise contre une très forte défense le , et la bataille du Chemin des Dames, également nommée « offensive Nivelle », se solde par un échec et est très coûteuse en vies humaines : les Alliés perdent 350 000 hommes (morts ou blessés) pour un gain de terrain minime. Elle n'est pas sans résultats car les Allemands perdent beaucoup d'hommes et de matériel. Néanmoins, c'est l'opération de trop[5]. Ce fut le début des fameuses mutineries de 1917. Painlevé, qui ne cessait de dénigrer Nivelle avec le soutien en coulisse de Pétain, le remplace très rapidement par Pétain le . Si l'échec de l'offensive d'avril est la première raison de cette disgrâce, Nivelle pâtit surtout du fait que chacun avait fondé ses espoirs sur lui[5].

Surnommé dès les premiers jours de la bataille du Chemin des Dames « le boucher » du fait de son obstination, cette prétendue obstination est encore une construction a posteriori avec les manœuvres de Painlevé[3]. Il est aujourd'hui démontré que la prise de commandement par le général Pétain a conduit à autant de pertes dans le secteur du chemin des Dames[7]. Finalement, l'offensive du Chemin des Dames s'est soldée par moins de pertes que les offensives de Champagne 1915 (179500), Somme en 1916 (194000) ou la défense de Verdun en 1915 (348300)[8] ; elle s'est déroulée dans un temps bien plus court aussi. Une commission d'enquête est instituée. Dirigée par le général de division Henri Joseph Brugère, elle statue sur la responsabilité du général Nivelle : « Pour la préparation comme pour l'exécution de cette offensive, le général Nivelle n'a pas été à la hauteur de la tâche écrasante qu'il avait assumée »[9].

Nivelle voit sa disgrâce amoindrie, en , lorsqu'il est nommé par Clemenceau[5] commandant en chef des troupes françaises d'Afrique du Nord. Toutefois, il est l'un des seuls généraux commandants en chef à ne pas avoir participé aux Fêtes de la Victoire, le .

Le retour en métropole vient une fois la paix revenue, lorsqu'il est nommé le au Conseil supérieur de la guerre puis inspecteur du gouvernement militaire de Paris et des 14e et 15e corps d’armée coloniale. Le , il est élevé à la dignité de Grand'croix dans l'ordre de la Légion d'honneur et décoré de la médaille militaire. En 1921, il est nommé président de la commission interalliée de Berlin. Atteint par la limite d’âge en , il quitte le conseil supérieur de la guerre et est maintenu en activité sans limite de durée. Mort dans son lit en 1924 aux no 33-35, rue de la Tour dans le 16e arrondissement de Paris (où une plaque lui rend hommage), son corps est inhumé au cimetière de Passy, suivi par un cortège, le [10]. Enfin il est transféré dans le caveau des gouverneurs aux Invalides le [3]. Une cérémonie protestante a lieu vers 8 h 30, puis le ministre de la Guerre André Maginot prononce l'éloge funèbre[11]. Sa seconde épouse, née Marie-Joséphine Glamard, est morte en 1950 à 87 ans.

États de services

Plaque aux no 33-35 rue de la Tour.

Distinctions

Françaises
Chevalier de la Légion d'honneur le ,
Officier de la Légion d'honneur le ,
Commandeur de la Légion d'honneur le ,
Grand officier de la Légion d'honneur le ,
Grand-croix de la Légion d'honneur le  ;
Étrangères

Notes et références

  1. Plus haut grade, général de corps d'armée et général d'armée étant des rangs et appellations, et maréchal de France une dignité dans l'Etat.
  2. Malcolm Brown évoque « le coruscant général Robert Nivelle, passé maître dans l'art de l'autopromotion et auréolé d'une vanité assez communicative » (Verdun 1916, Perrin, 2006, p. 121).
  3. Denis Rolland, Nivelle, L'inconnu du Chemin des Dames, Paris, Imago., , 350 p. (ISBN 978-2-84952-166-3).
  4. Mémoires du Maréchal Joffre, Volume 2, 1932
  5. Henri Ortholan, « 1917. La tragédie du Chemin des Dames », La Nouvelle Revue d'histoire, no 92, septembre-octobre 2017, p. 29-32.
  6. « L’affaire de Sapigneul, 1917 », Super forum.
  7. Denis Rolland dans Nivelle, L'inconnu du Chemin des Dames, p. 235).
  8. Denis Rolland dans Nivelle, L'inconnu du Chemin des Dames, p. 236).
  9. « Robert, Georges Nivelle (1856-1924) | Chemins de Mémoire - Ministère de la Défense », sur www.cheminsdememoire.gouv.fr (consulté le ).
  10. « Gallica », sur Bibliothèque nationale française.
  11. Rolland, p. 310.

Annexes

Bibliographie

  • (en) J. M. Winter, The experience of World War I, New York, Oxford University Press, (1re éd. 1988), 256 p. (ISBN 978-0-19-520776-7, OCLC 51312024).
  • Denis Rolland, Nivelle : L'inconnu du Chemin des Dames, Paris, Imago, , 356 p. (ISBN 978-2-84952-166-3, OCLC 796227388).
  • Peter Simkins, Michael Michael Hickey, Geoffrey Jukes et Hew Strachan, The First World War : The War To End All Wars, Oxford, Osprey, (ISBN 978-1-78200-280-2)

Articles connexes

Liens externes

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