Rosalind Franklin
Rosalind Franklin est une physicochimiste britannique, née le à Notting Hill et morte le à Chelsea. Pionnière de la biologie moléculaire, elle formule la première dans un rapport non publié la structure hélicoïdale de l'acide désoxyribonucléique (ADN), découverte spoliée par Watson et Crick qui accèdent à son travail. Elle a également joué un rôle majeur dans la découverte du virus de la mosaïque du tabac.
Pour les articles homonymes, voir Franklin.
Naissance | |
---|---|
Décès |
(à 37 ans) Royal Marsden Hospital (en) |
Sépulture |
Cimetière juif de Willesden (en) |
Nom dans la langue maternelle |
Rosalind Franklin |
Nom de naissance |
Rosalind Franklin |
Nationalité | |
Formation |
Norland Place School (en) St Paul's Girls' School (- Newnham College (baccalauréat universitaire) (- Université de Cambridge (Philosophiæ doctor) (jusqu'en ) |
Activités | |
Père |
Ellis Arthur Franklin (en) |
Mère |
Muriel Frances Waley |
A travaillé pour | |
---|---|
Distinction | |
Archives conservées par |
Biographie
Rosalind Elsie Franklin est née dans une famille juive britannique établie[1], fille d'Arthur Ellis Franklin[2], marchand londonien, et de Muriel Frances Waley. Rosalind est la deuxième enfant d'une fratrie de cinq enfants[3].
Elle fait ses études secondaires à la St Paul's Girls' School, puis s'inscrit au Newnham College où elle passe la deuxième partie des tripos de chimie en 1941[3]. Durant la Seconde Guerre mondiale, elle poursuit des recherches sur le charbon auprès de la British Coal Utilisation Research Association (BCURA) à partir de 1942, tout en exerçant les fonctions de garde ARP à Londres[3]. Elle obtient son doctorat en physique-chimie à Cambridge en 1945 en étudiant la porosité de structures de carbone. En 1947, elle obtient un poste de chercheuse au CNRS et poursuit ses recherches au Laboratoire central des services chimiques de l'État, où elle utilise les techniques de diffractométrie de rayons X[4],[1],[5] pour déterminer les structures amorphes du carbone[6].
King's College et l'ADN
En 1950, John Randall lui propose de créer un laboratoire de diffraction des rayons X pour étudier la structure de l'ADN à King's College de Londres. Elle prend ses fonctions en janvier 1951[3] et travaille avec le physicien Maurice Wilkins. En contrôlant précisément l'humidité des échantillons, elle parvient à distinguer la forme B de la forme A de l'ADN, plus rare mais souvent présente dans les échantillons déshydratés les plus souvent observés[6]. L'évolution de la structure de l'ADN avec l'humidité lui permet de réfuter les premiers modèles d'ADN établis par Maurice Wilkins, par James Dewey Watson, qui travaille également sur la structure de l’ADN à l’université de Cambridge, et par Linus Pauling de manière indépendante, qui considéraient que les groupements phosphates devaient se trouver au cœur de la molécule[4],[6],[7].
Les clichés d'ADN obtenus par diffraction des rayons X de Rosalind Franklin et de son élève Raymond Gosling, notamment le cliché 51, ont été déterminants dans la découverte de la structure à double hélice de l'ADN par James Dewey Watson et Francis Crick en 1953, publiée dans Nature[4],[1]. Franklin, en mauvais termes avec Wilkins qui avait cru voir en elle une assistante, refusait depuis longtemps de lui communiquer le résultat de ses travaux. Toutefois, en , ayant décidé de quitter le King's College, elle autorise Gosling à montrer le cliché 51 à Wilkins. D'autre part, son supérieur avait demandé que les résultats de ses travaux restent au King's College. Wilkins en donne connaissance à l'insu de Franklin à Watson et Crick, qui ont eu aussi accès à un rapport d'évaluation du département[4],[6]. Lorsqu'elle apprend que Watson et Crick d'un côté, et Wilkins de l'autre, vont publier dans Nature des articles sur la structure de l'ADN, Rosalind Franklin exige que l'un de ses articles[8], faisant état de la structure soit hélicoïdale, soit en forme de tire-bouchon de l'ADN[9], soit publié dans le même numéro[8]. Le , Nature publie donc les trois articles. Celui de Watson et Crick se contente d'indiquer qu'ils ont été « stimulés par une connaissance de la nature générale des résultats expérimentaux et des idées non publiés [de Wilkins et Franklin] »[10], et ils affirment dans le corps de l'article n'avoir pas eu connaissance des résultats présentés dans les deux autres articles de Nature qui confirment la structure hélicoïdale qu'ils proposent. Toutefois, Watson admettra par la suite dans The Double Helix que la connaissance de ces données était indispensable pour trouver la solution[11] et que personne, à King's College, n'avait réalisé que ces données étaient en leur possession[12]. Les trois articles parus dans Nature sont complémentaires, mais c'est celui de Watson et Crick qui est le plus mis en avant.
Birkbeck College
Du fait des mésententes avec ses collègues du King's College, elle quitte cette institution en , pour rejoindre le Birkbeck College dans le département de John Desmond Bernal. Elle y utilise la technique de la cristallographie sur les virus[4], et permet la découverte de la structure du virus de la mosaïque du tabac avec Aaron Klug. Elle entame de nombreuses collaborations avec des laboratoires aux États-Unis qui permettront d'entreprendre des travaux sur le virus de la poliomyélite[6].
Après sa mort
Elle meurt prématurément en 1958 d'un cancer de l'ovaire, probablement lié à l’exposition aux radiations lors de ses recherches[1],[5], sans savoir que les résultats qui vaudront à Watson et Crick le prix Nobel s'appuient sur ses travaux, dérobés à son insu[13].
Prix Nobel
En 1962, Franklin étant morte et alors que le prix Nobel peut encore être décerné à titre posthume[14], Watson, Crick et Wilkins obtiennent le prix Nobel de médecine pour cette découverte. Si Wilkins remercie Rosalind Franklin, ni Watson ni Crick ne la citent ni ne reconnaissent son rôle[15],[16].
Dix ans après la mort de Rosalind Franklin, James Dewey Watson, dans son livre La Double Hélice (en), minimise le rôle de celle-ci et la décrit comme une personne acariâtre. La famille de Rosalind Franklin, ainsi que Francis Crick, Aaron Klug et Linus Pauling s'élèveront contre la description du travail et de la personnalité décrite dans le livre[6].
Watson finit par reconnaître, lors d’une interview en 2003, « que Rosalind Franklin aurait également mérité le prix Nobel »[17].
Hommages et distinctions
En 2008, elle reçoit le prix Louisa-Gross-Horwitz à titre posthume[18].
Un prix Rosalind-Franklin a été créé en 2003 par la Royal Society.
L'astromobile martien de l'ESA, le rover ExoMars, baptisé le rover Rosalind Franklin[19], doit être lancé en 2022 par une fusée russe Proton[20].
Son nom est donné à des promotions de diplômés :
- promotion 2005-2006 des docteurs[21] de l'université Pierre-et-Marie-Curie ;
- promotion PACES 2019-2020 de la faculté de sciences médicales et pharmaceutique de Besançon ;
- promotion 2020-2021 des étudiants en médecine de la faculté de médecine de Tours ;
- promotion 2020-2023 de l'INSA Strasbourg[réf. nécessaire].
À Paris, le square Rosalind-Franklin lui rend hommage.
Notes et références
- « Rosalind Franklin, génie incompris réhabilitée par Google », sur Le Point.fr, (consulté le ).
- « Ellis, Arthur », dans Benezit Dictionary of Artists, Oxford University Press, (DOI 10.1093/benz/9780199773787.article.b00058478).
- Aaron Klug, « Franklin, Rosalind Elsie (1920–1958) », dans Oxford Dictionary of National Biography, (DOI 10.1093/ref:odnb/37431).
- Marcelle Rey-Campagnolle, « Rosalind Franklin et la découverte de la structure de l'ADN », notice biographique, 3 p. [PDF], sur sfp.in2p3.fr, Société française de physique (consulté le ).
- « Connaissez-vous Rosalind Franklin, héroïne du Doodle du jour ? », sur bfmtv.com, (consulté le ).
- Maddox 2012.
- Rosalind Franklin, à 2 brins du Nobel, La Méthode scientifique, France Culture, 5 avril 2018.
- (en) « Due credit », Nature, vol. 496, no 7445, , éditorial (DOI 10.1038/496270a, lire en ligne).
- Victoria Hernandez, « Molecular Configuration in Sodium Thymonucleate (1953), by Rosalind Franklin and Raymond Gosling », sur asu.edu, .
- « We have also been stimulated by a knowledge of the general nature of the unpublished experimental results and ideas of Dr. M. H. F. Wilkins, Dr. R. E. Franklin and their co-workers at King’s College, London. »
- (en) James Watson et Francis Crick, « Molecular structure of nucleic acids (version annotée) : a structure for deoxyribose nucleic acid », sur exploratorium.edu, Nature, , p. 737–738.
- Brenda Maddox, « The double helix and the 'wronged heroine' », Nature, no 421, , p. 407–408 (DOI 10.1038/nature01399, lire en ligne).
- Axel Kahn, « L’hélice de la vie », médecine/sciences, vol. 19, no 4, , p. 491–495 (ISSN 0767-0974 et 1958-5381, DOI 10.1051/medsci/2003194491, lire en ligne, consulté le ).
- (en) « The Nobel Peace Prize 1961 », sur Prix Nobel : « Dag Hammarskjöld was awarded the Nobel Peace Prize posthumously. From 1974, the Statutes of the Nobel Foundation stipulate that a Nobel Prize cannot be awarded posthumously. ».
- « L'effet Matilda ou le fait de zapper les découvertes des femmes scientifiques », L'Obs, (lire en ligne, consulté le ).
- « Rosalind Franklin, pionnière de l'ADN », France Culture, (lire en ligne, consulté le ).
- Lire en ligne, sur franceculture.fr.
- (en) « 2008 Horwitz Prize Awarded To Arthur Horwich and Ulrich Hartl For Cellular Protein Folding », sur Medical News Today, (consulté le ).
- (en-GB) esa, « ESA’s Mars rover has a name – Rosalind Franklin », sur European Space Agency (consulté le ).
- Brice Louvet, « L’Europe s’envolera pour Mars en septembre pour y chercher la vie », sur SciencePost, (consulté le ).
- « Cérémonie de remise des diplômes de doctorat », sur Sorbonne Université (consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Anne Sayre, Rosalind Franklin and DNA (en), W. W. Norton & Company, 1968, rééd. 2000, 240 p. (ISBN 0-393-32044-8).
- Brenda Maddox (trad. Samia Touhami), Rosalind Franklin : la « Dark Lady » de l'ADN, Paris, Éditions des Femmes, , 344 p. (ISBN 2721006185).
- Aurélie Jean, Femmes de science : à la rencontre de 14 chercheuses d'hier et d'aujourd'hui, Éditions de La Martinière Jeunesse, (ISBN 978-2-7324-9653-5 et 2-7324-9653-7, OCLC 1245191758, lire en ligne).
Articles connexes
Liens externes
- Ressource relative à la recherche :
- Ressource relative aux beaux-arts :
- Ressource relative à la bande dessinée :
- (en) Comic Vine
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Brockhaus Enzyklopädie
- Collective Biographies of Women
- Dictionnaire universel des créatrices
- Enciclopedia delle donne
- Enciclopedia De Agostini
- Encyclopædia Britannica
- Encyclopædia Universalis
- Encyclopédie Treccani
- Gran Enciclopèdia Catalana
- Hrvatska Enciklopedija
- Swedish Nationalencyklopedin
- Oxford Dictionary of National Biography
- Store norske leksikon
- Notices d'autorité :
- Fichier d’autorité international virtuel
- International Standard Name Identifier
- Bibliothèque nationale de France (données)
- Système universitaire de documentation
- Bibliothèque du Congrès
- Gemeinsame Normdatei
- Bibliothèque nationale de la Diète
- Bibliothèque nationale d’Espagne
- Bibliothèque royale des Pays-Bas
- Bibliothèque nationale de Pologne
- Bibliothèque nationale de Pologne
- Bibliothèque nationale d’Israël
- Bibliothèque nationale de Suède
- Réseau des bibliothèques de Suisse occidentale
- Base de bibliothèque norvégienne
- Bibliothèque universitaire de Zagreb
- Bibliothèque nationale tchèque
- Bibliothèque nationale de Grèce
- WorldCat
- « La molécule d'ADN a la forme d'une double hélice » sur Il était une fois… l'ADN. Ce chapitre contient une animation décrivant les expériences qui ont permis de découvrir la structure en forme de double hélice de l'ADN. La rubrique « Bio » contient les biographies de James Watson, Francis Crick, Rosalind Franklin et Maurice Wilkins.
- [vidéo] « Focus sur Rosalind Franklin » : vidéo de Tania Louis avec de nombreux liens biographiques, sur YouTube.
- [vidéo] Rosalind Franklin — la codécouvreuse de l'ADN donne son nom au nouveau rover martien sur YouTube, chaîne la fille dans la lune.
- Portail de la biologie cellulaire et moléculaire
- Portail de la chimie
- Portail du Royaume-Uni
- Portail des femmes et du féminisme
- Portail de l’histoire des sciences