Séquençage de l'ADN

Le séquençage de l'ADN consiste à déterminer l'ordre d'enchaînement des nucléotides pour un fragment d’ADN donné.

Résultat du séquençage par la méthode de Sanger. L'ordre de chaque bande indique la position d'un nucléotide A,T,C ou G

La séquence d’ADN contient l’information nécessaire aux êtres vivants pour survivre et se reproduire. Déterminer cette séquence est donc utile aussi bien pour les recherches visant à savoir comment vivent les organismes que pour des sujets appliqués. En médecine, elle peut être utilisée pour identifier, diagnostiquer et potentiellement trouver des traitements à des maladies génétiques et à la virologie. En biologie, l'étude des séquences d'ADN est devenue un outil important pour la classification des espèces.

Historique

Plusieurs séquenceurs automatiques d'ADN
Résultats donnés par un séquenceur automatique

Le séquençage de l'ADN est inventé dans la deuxième moitié des années 1970. Deux méthodes sont développées indépendamment, l'une par l'équipe de Walter Gilbert, aux États-Unis, et l'autre par celle de Frederick Sanger (en 1977), au Royaume-Uni. Ces deux méthodes sont fondées sur des principes diamétralement opposés : l'approche de Sanger est une méthode par synthèse enzymatique sélective, tandis que celle de Maxam et Gilbert est une méthode par dégradation chimique sélective. Pour cette découverte, Gilbert et Sanger sont récompensés par le prix Nobel de chimie en 1980.

Initialement, la méthode de Sanger nécessitait de disposer d'un ADN simple brin qui servait de matrice pour la synthèse enzymatique du brin complémentaire. Pour cette raison, le premier organisme biologique dont le génome a été séquencé en 1977 est le virus bactériophage φX174[1]. Ce virus a la propriété d'avoir un génome constitué d'ADN simple brin qui est encapsulé dans la particule virale.

Au cours des 25 dernières années, la méthode de Sanger a été largement développée grâce à plusieurs avancées technologiques importantes :

  • la mise au point de vecteurs de séquençage adaptés, comme le phage M13 développé par Joachim Messing au début des années 1980[2] ;
  • le développement de la synthèse chimique automatisée des oligonucléotides qui sont utilisés comme amorces dans la synthèse ;
  • l'introduction de traceurs fluorescents à la place des marqueurs radioactifs utilisés initialement. Ce progrès a permis de sortir le séquençage des pièces confinées nécessaires à l'usage de radio-isotopes[3] ;
  • l'adaptation de la technique PCR pour le séquençage ;
  • l'utilisation de séquenceurs automatiques de gènes[3] ;
  • l'utilisation de l'électrophorèse capillaire pour la séparation et l'analyse[4].

La méthode de Maxam et Gilbert nécessite des réactifs chimiques toxiques et reste limitée quant à la taille des fragments d'ADN qu'elle permet d'analyser (< 250 nucléotides). Moins facile à robotiser, son usage est devenu aujourd'hui confidentiel.

Méthodes

Méthode de Sanger (1977)

Structure du dATP (haut) et du ddATP (bas). Dans le ddATP, le groupement 3'-OH (en jaune) est remplacé par un hydrogène. Cette modification empêche la poursuite de la synthèse de l'ADN qui continue normalement sur le 3-OH
Mécanisme de polymérisation de l'ADN. La matrice (en blanc) est recopiée par la polymérase qui allonge le brin complémentaire à partir de l'amorce
Principe du séquençage par la méthode de Sanger. Les didésoxyribonucléotides (ici, le ddGTP, en jaune) sont incorporés mais bloquent statistiquement l'allongement de la chaîne là où les G sont normalement incorporés. Un traceur fluorescent (en vert clair) est attaché à l'extrémité de l'amorce de polymérisation et permet de détecter les fragments d'ADN synthétisé

Cette méthode est utilisée classiquement pour effectuer un petit séquençage ponctuel. Pour le séquençage d’un génome entier, on utilise plutôt le séquençage nouvelle génération. Le principe de cette méthode consiste à initier la polymérisation de l’ADN à l'aide d'un petit oligonucléotide (amorce) complémentaire à une partie du fragment d’ADN à séquencer. L’élongation de l’amorce est réalisée par le fragment de Klenow (une ADN polymérase I dépourvue d’activité exonucléase 5’→3’) et maintenue par des ADN polymérases thermostables, celles qui sont utilisées pour la PCR. Les quatre désoxyribonucléotides (dATP, dCTP, dGTP, dTTP) sont ajoutés, ainsi qu’une faible concentration de l'un des quatre didésoxyribonucléotides (ddATP, ddCTP, ddGTP ou ddTTP)[5].

Ces didésoxyribonucléotides agissent comme des « poisons » terminateurs de chaîne : une fois incorporés dans le nouveau brin synthétisé, ils empêchent la poursuite de l’élongation car ils ne possèdent pas d'extrémité 3'-OH (seulement un hydrogène à la place du groupement hydroxyle). Cette terminaison se fait spécifiquement au niveau des nucléotides correspondant au didésoxyribonucléotide incorporé dans la réaction. Pour le séquençage complet d'un même fragment d'ADN, on répète cette réaction quatre fois en parallèle, avec les quatre didésoxyribonucléotides différents.

Par exemple, dans la réaction où on a ajouté du ddGTP, la synthèse s'arrête au niveau des G. Le mélange réactionnel contenant, à la fois du dGTP et un peu de ddGTP, la terminaison se fait de manière statistique suivant que l'ADN polymérase utilise l'un ou l'autre de ces nucléotides. Il en résulte un mélange de fragments d’ADN de tailles croissantes, qui se terminent tous au niveau d'un des G dans la séquence. Ces fragments sont ensuite séparés par électrophorèse sur un gel de polyacrylamide[6], ce qui permet ainsi de repérer la position des G dans la séquence.

La détection des fragments ainsi synthétisés se fait en incorporant un traceur dans l'ADN synthétisé. Initialement ce traceur était radioactif ; aujourd'hui, on utilise des traceurs fluorescents, attachés soit à l'oligonucléotide, soit au didésoxyribonucléotide.

Méthode de Maxam et Gilbert

Cette méthode est basée sur une dégradation chimique de l'ADN et utilise les réactivités différentes des quatre bases A, T, G et C, pour réaliser des coupures sélectives[7]. En reconstituant l'ordre des coupures, on peut remonter à la séquence des nucléotides de l'ADN correspondant. On peut décomposer ce séquençage chimique en six étapes successives :

  • Marquage : Les extrémités des deux brins d'ADN à séquencer sont marquées par un traceur radioactif (32P). Cette réaction s'effectue en général au moyen d'ATP radioactif et de polynucléotide kinase.
  • Isolement du fragment d'ADN à séquencer. Celui-ci est séparé au moyen d'une électrophorèse sur un gel de polyacrylamide. Le fragment d'ADN est découpé du gel et récupéré par diffusion.
  • Séparation de brins. Les deux brins de chaque fragment d'ADN sont séparés par dénaturation thermique, puis purifiés par une nouvelle électrophorèse.
  • Modifications chimiques spécifiques. Les ADN simple-brin sont soumis à des réactions chimiques spécifiques des différents types de base. Walter Gilbert a mis au point plusieurs types de réactions spécifiques, effectuées en parallèle sur une fraction de chaque brin d'ADN marqué : par exemple, une réaction pour les G (alkylation par le sulfate de diméthyle), une réaction pour les G et les A (dépurination), une réaction pour les C, ainsi qu'une réaction pour les C et les T (hydrolyse alcaline). Ces différentes réactions sont effectuées dans des conditions très ménagées, de sorte qu'en moyenne chaque molécule d'ADN ne porte que zéro ou une modification.
  • Coupure. Après ces réactions, l'ADN est clivé au niveau de la modification par réaction avec une base, la pipéridine.
  • Analyse. Pour chaque fragment, les produits des différentes réactions sont séparés par électrophorèse en conditions dénaturantes et analysés pour reconstituer la séquence de l'ADN. Cette analyse est analogue à celle que l'on effectue pour la méthode de Sanger.

Séquençage de génome entier

La connaissance de la structure d'un génome dans son entièreté peut passer par son séquençage. Cependant, la taille des génomes étant de plusieurs millions de bases (ou mégabases), il est nécessaire de coupler les approches de biologie moléculaire avec celle de l'informatique pour pouvoir traiter un nombre aussi important de données.

Deux grands principes de séquençage de génome entier sont utilisés. Dans les deux cas, l'ADN génomique est préalablement fragmenté par des méthodes enzymatiques (enzymes de restriction) ou physiques (ultrasons) :

  • la méthode de séquençage par ordonnancement hiérarchique consiste à classer les fragments génomiques obtenus avant de les séquencer ;
  • la méthode globale (ou whole-genome shotgun) ne fait pas de classement des fragments génomiques obtenus mais les séquence dans un ordre aléatoire. Une analyse bio-informatique faisant appel à un assembleur permet ensuite de réordonner les fragments génomiques par chevauchement des séquences communes.

La principale différence entre ces deux principes est que l'ordonnancement hiérarchique essaie d'aligner un jeu de clones de grande taille (~ 100 kb) alors que dans la méthode globale le génome entier est réduit en fragments de petite taille qui sont séquencés puis alignés.

Ordonnancement hiérarchique

Après extraction, l'ADN génomique est découpé par sonication en fragments de 50 à 200 kb puis cloné dans un vecteur adapté comme les chromosomes artificiels bactériens ou BAC. Le nombre de clones doit permettre une couverture de 5 à 10 fois la longueur totale du génome étudié. Le chevauchement et l'ordonnancement des clones est réalisé soit par hybridation de sondes spécifiques, soit par analyse des profils de restriction, soit plus fréquemment par un ordonnancement après séquençage et hybridation des extrémités des BAC. Après ordonnancement des clones, ils sont fragmentés et séquencés individuellement, puis assemblés par alignement bio-informatique.

Les avantages de cette méthode sont une plus grande facilité d'assemblage des fragments grâce aux chevauchement des BAC, la possibilité de comparer les fragments aux banques de données disponibles, et la possibilité de partager le travail de séquençage entre plusieurs laboratoires, chacun ayant en charge une région chromosomique.

L'inconvénient majeur est la difficulté de cloner des fragments contenant des séquences répétées très fréquentes dans certains génomes, comme ceux des mammifères, ce qui rend difficile l'analyse bio-informatique finale.

Méthode globale ou Shotgun

Il s'agit d'une méthode de séquençage d'ADN génomique initialement imaginée dans le laboratoire de Frederick Sanger à Cambridge à la fin des années 1970 pour séquencer les premiers génomes de virus[8].

Cette méthode a été popularisée par Craig Venter pour le séquençage des grands génomes, en particulier au sein de la société Celera Genomics. La première application fut le séquençage de génomes bactériens, puis du génome de la drosophile et enfin du génome humain et murin. Pour réaliser un séquençage de génome complet à l'aide de cette technique, deux à trois banques composées de fragments aléatoires d'ADN génomique sont réalisées. Entre les banques, les fragments divergent aussi bien en taille qu'en localisation sur le génome. À partir de ces banques, de nombreux clones sont séquencés puis assemblés. La séquence totale est obtenue en traitant l'ensemble des banques à l'aide d'outils bio-informatiques, en alignant les fragments à l'aide des séquences chevauchantes.

Les avantages par rapport au séquençage par ordonnancement hiérarchique sont la rapidité de la technique et un coût plus faible. L'inconvénient est que le traitement informatique ne permet pas d'aligner des fragments comportant des séquences répétées de grande taille qui sont fréquemment présentes dans les génomes des mammifères.

Cette méthode est couramment désignée sous le nom de shotgun (fusil à canon scié), ou encore Whole Genome Shotgun (WGS). Cette métaphore illustre le caractère aléatoire de la fragmentation initiale de l'ADN génomique : on arrose tout le génome, un peu comme se dispersent les plombs de ce type d'arme à feu.

Autres méthodes

Séquençage par hybridation

Le séquençage par hybridation repose sur l’utilisation de puces à ADN contenant de plusieurs centaines (pour les puces de première génération) à plusieurs milliers d’oligonucléotides. L’ADN à analyser est coupé en de multiples fragments qui sont ensuite incubés sur la puce où ils vont s’hybrider avec les oligonucléotides dont ils sont complémentaires. La lecture de la puce (la détection des oligonucléotides hybridés), permet d’obtenir le spectre de la séquence d’ADN, c’est-à-dire sa composition en sous-séquences de n nucléotides, où n est la taille des sondes sur la puce utilisée. Le traitement informatique du spectre permet ensuite de reconstituer la séquence entière[9].

Séquençage haut débit (HTS)

Une adaptation de la technique de Sanger qui utilise la fluorescence à la place de la radioactivité. Les didésoxynucléotides incorporés sont marqués spécifiquement par des molécules fluorescentes ou fluorophores « fluorochromes » (ddATP-JOE, ddCTP-5-FAM, ddGTP-TAMRA et ddTTP-ROX).

La réaction de séquence est réalisée par PCR. La Taq polymerase effectue l’élongation jusqu’à l’incorporation d’un didésoxynucléotide marqué par fluorescence. Les fragments synthétisés sont ensuite séparés par électrophorèse.

Un automate prélève la réaction de séquence et l’injecte dans un capillaire contenant un polymère de polyacrylamide. Lors de la migration, un système optique laser détecte la fluorescence passant devant la fenêtre du laser et qui est émise par le ddNTP terminateur du fragment sous l’excitation (lumière verte pour JOE « ddATP », bleue pour 5-FAM « ddCTP », jaune pour TAMRA « ddGTP » et rouge pour ROX « ddTTP ».

En séparant ces molécules par électrophorèse en fonction de leur taille, on peut lire les lettres successives qui apparaissent sous forme de courbes sur un électrophorégramme (ou fluorogramme) dont la fluorescence correspond à la base de ce ddNTP terminateur. Un logiciel d’analyse permet de faire la correspondance entre les courbes de fluorescence et le nucléotide incorporé.

L’information fait l’objet d’un enregistrement électronique, et la séquence interprétée est stockée dans la banque de données de l’ordinateur. Ce type de séquençage est dit à haut débit car de nombreuses séquences peuvent être réalisées dans le même temps. En effet, selon les modèles de séquenceur, 1, 6, 12 voire 36 capillaires peuvent fonctionner en parallèle, sachant que l’automate peut injecter successivement 96 réactions de séquences, contenues dans une plaque, dans chacun des capillaires. La longueur de lecture est d’environ 1kb par séquence. Le temps d’un passage (« run ») d’une séquence est d’environ 10 minutes. En une nuit, avec 12 capillaires, le séquenceur permet d’obtenir de manière automatique la lecture d’1 Mb.

Comparaison des méthodes de séquençage nouvelle-génération[10],[11]

Méthode Longueur de la lecture précision Lecture par expérience temps d'expérience coût par 1 million de bases (en dollar américain $) Avantages Inconvénients
Séquençage d'une seule molécule en temps réel (Pacific Biosciences) 10,000 pb à 15,000 pb en moyenne (14,000 pb N50); longueur de lecture maximale >40,000 bases[12],[13],[14] 87%[15] 50,000 par cellule, ou 500–1000 megabases[16],[17] 30 minutes à 4 heures[18] $0.13–$0.60 lectures longues. Rapide. Détecte 4mC, 5mC, 6mA[19] débit modéré, l'équipement peut être très coûteux
Ion semiconductor (Séquençage Ion Torrent) jusqu'à 400 pb 98 % jusqu'à 80 millions 2 heures $1 l'équipement le moins cher, rapide erreurs d'homopolymères
Pyroséquençage (454) 700 pb 99,9 % 1 million 24 heures $10 lectures longues, rapide l'expérience coûte cher, erreurs d'homopolymères
Séquençage par synthèse (Illumina) 50 à 300 pb 99,9 % jusqu'à 6 milliards 1 à 11 jours[20] $0.05 à $0.15 Potentiel de rendement élevé de séquence, selon le modèle de séquenceur et l'application souhaitée L'équipement peut être très coûteux. Nécessite des concentrations élevées d'ADN.
Séquençage par ligation (séquençage SOLiD) 50+35 ou 50+50 bp 99,9 % NA 20 minutes à 3 heures $2400 lectures longues. Utile pour de nombreuses applications. Plus cher et peu pratique pour les grands projets de séquençage. Cette méthode nécessite aussi du temps pour l'étape de clonage de plasmide ou PCR.
Séquenceur Ion Proton
Séquenceur MiSeq

Nombre de machines mises en service par plate-forme[21]

Nom Nombre de machines (dans le monde)
Illumina HiSeq 2000 5490
Illumina Genome Analyser 2x 411
Roche 454 382
ABI SOLiD 326
Ion Torrent 301
Illumina MiSeq 299
Ion Proton 104
Pacific Biosciences 50
Oxford Nanopore MinION 14
Illumina NextSeq 3


Technologies en développement : Nanopore

Le séquençage Nanopore est une méthode en cours de développement depuis 1995[22],[23] pour le séquençage d'ADN.

Un nanopore est simplement un petit trou d'un diamètre intérieur de l'ordre de 1 nanomètre. Certaines protéines cellulaires transmembranaires poreuses agissent comme des nanofils, des nanopores ont également été réalisés par gravure d'un trou légèrement plus grand (plusieurs dizaines de nanomètres) dans un morceau de silicium.

La théorie derrière le séquençage des nanopores est la suivante: lorsqu'un nanopore est immergé dans un fluide conducteur et qu'un potentiel (tension) est appliquée à travers lui, un courant électrique dû à la conduction des ions à travers le nanopore peut être observée. La quantité de courant est très sensible à la taille et la forme du nanopore. Si les nucléotides simples (bases), des brins d'ADN ou d'autres molécules passent à travers ou à proximité du nanopore, cela peut créer une variation caractéristique de l'amplitude du courant à travers le nanopore.

Baisse du prix de séquençage

évolution temporelle du prix du séquençage. Échelle logarithmique.

Au début de la seconde moitié du XXe siècle, le rapport de l’être humain à la médecine était encore dominé par la volonté de comprendre et de soigner les maladies et différentes menaces pour l’organisme. Cependant, la compréhension du fonctionnement de celui-ci s’est largement approfondie ces dernières décennies, notamment grâce à l’amélioration et l’apparition de différentes techniques. Le concept même de santé, signifiant alors plutôt une absence de pathologie, a été naturellement redéfini pour désormais plutôt signifier une sensation de bien-être global d’un individu, à la fois physique et moral. Ainsi, de nouvelles stratégies commerciales se sont démocratisées pour proposer à chaque individu de prendre soin lui-même de son intégrité physique. (médicaments sans prescription médicale, nourriture saine, etc.)[24].

Le séquençage de l’ADN est une technique au cœur même de cette redéfinition de la conception de la santé et du rapport au “vivant” en général, puisqu’elle suggère un traitement optimal et personnalisé pour chacun. Le marché des données génétiques s’est très rapidement développé et de nombreux investissements depuis sa création ont permis une très forte baisse des prix.

Le premier séquençage complet d’un génome humain s’est achevé en 2003 et a nécessité une dizaine d'années de travail, avec un investissement total de 2,7 milliards de dollars[25]. À l’époque, la méthode de Sanger était encore massivement employée pour décrypter les quelque 3 milliards de paires de nucléotides qui composent notre ADN. De nombreux projets sont ensuite apparus, (notamment 1000 Génomes, ENCODE…) et de nouvelles machines (citées au-dessus) ont été développées avec pour objectif de générer la séquence complète d’un génome humain pour moins de 1000 dollars[26]. Avec l’amélioration des méthodes de séquençage, le prix du séquençage partiel d’un génome humain en haute qualité était estimé à 14 millions de dollars en 2006[27], relativement moins coûteux par rapport au projet achevé en 2003. Fin 2015, le prix pour générer une même séquence était de 1500 dollars environ.

Avec l’apparition de ces nouvelles méthodes bien plus efficaces, regroupées sous l’acronyme des NGS, plus rapides et moins couteuses, le marché du séquençage de l’ADN a explosé et de nombreuses applications dans des domaines variés sont aujourd’hui disponibles. Certaines sociétés comme Illumina proposent maintenant un service de séquençage d'ADN, financièrement accessible pour les particuliers[28].

Applications

Le séquençage de l’ADN peut être utilisé pour déterminer la séquence de gènes individuels, de grandes régions génétiques, des chromosomes complets ou des génomes entiers, de n'importe quel organisme. Le séquençage de l'ADN est devenu une technologie clé dans de nombreux domaines de la biologie et d'autres sciences telles que la médecine, la médecine légale ou l'anthropologie.

Biologie moléculaire

En biologie moléculaire, le séquençage du génome permet l’étude des protéines encodées, les chercheurs identifient les changements dans les gènes et les associent avec certaines maladies afin de cibler de potentiels médicaments.

Le séquençage a permis d’appréhender l’origine génétique de certains cancers qui surviennent en raison de l'accumulation de mutations dans des gènes critiques qui modifient les programmes normaux de prolifération, de différenciation et de décès cellulaire. La kinase RAS-RAF-MEK-ERK-MAP fait appel aux réponses cellulaires aux signaux de croissance et dans environ 15 % du cancer humain le gène RAS est muté provoquant une forme oncogène[29].

Biologie évolutive

Étant donné que l'ADN est une macromolécule informative en termes de transmission d'une génération à l'autre, le séquençage de l'ADN est utilisé en biologie évolutive pour étudier la manière dont les différents organismes sont liés et comment ils ont évolué, basée sur des études collaboratives entre paléogénétitiens et anthropologues. L’analyse de l’ADN de tissus humains principalement osseux et dentaires, inhumés dans des nécropoles, permet de définir des haplogroupes et d’estimer leur origine biogéographique ainsi que les voies de migration qu’ils ont pu emprunter il y a des centaines ou milliers d’années, de comparer leurs caractéristiques génétiques avec celles des populations actuelles, ou encore d’établir certains de leurs traits physiques[30]. En raison de la baisse du prix du séquençage du génome, des entreprises proposent au public, en service payant, de retracer les origines d'une personne à partir d’un simple kit à utiliser chez soi.

Génétique médicale

Les généticiens médicaux peuvent séquencer les gènes des patients pour déterminer s'il existe un risque de maladies génétiques. Il s'agit d'un examen des caractéristiques génétiques de la personne. Le diagnostic est classiquement pré ou post-natal. Par exemple, le diagnostic prénatal peut détecter une maladie héréditaire responsable d'un handicap grave ou de troubles comportementaux et psychiques et donner le choix aux parents dont l'enfant est diagnostiqué de poursuivre ou non la grossesse. L’information sur les variations génétiques (single nucleotide polymorphisms) guide également la prise en charge thérapeutique et permet de faire du conseil génétique pour les personnes de la famille.

De plus en plus, l'examen des caractéristiques génétiques se fait par séquençage à haut débit de l'ADN (NGS). En général à l'heure actuelle, on séquence plutôt seulement les parties codantes des gènes, dans lesquels les 2/3 des mutations sont décrites. Le NGS permet donc de séquencer en une seule fois l'ensemble des parties codantes des gènes d'une personne, ce que l'on appelle un exome.

En diagnostic prénatal, le DPNI est en train de s'implanter comme une technique de dépistage précoce et sans danger de la trisomie 21 ou d'autres anomalies chromosomiques, ou même de certaines mutations ponctuelles. Ce n'est pas un diagnostic, mais seulement un dépistage. Il consiste à prélever du sang à la maman pendant la grossesse. Ce sang contient naturellement une petite quantité de fragments d'ADN du fœtus, et les généticiens ne peuvent pas le séparer des fragments d'ADN appartenant à la mère, que l'on peut également trouver dans le sang. Le DPNI est donc un séquençage haut débit de tous les fragments d'ADN circulant dans le sang maternel, puis une analyse informatique des résultats. DPNI signifie Dépistage Prénatal par technique Non-Invasive. En fonction des résultats, une confirmation de l'anomalie est indiquée, qui implique une amniocentèse[31].

Médecine reproductive

La médecine de la reproduction est la branche de la médecine étudiant la physiologie de la reproduction ainsi que sa pathologie, l'infertilité. Cette approche de la médecine vise à améliorer la santé de la reproduction.

Le séquençage de l’ADN, notamment des cellules sexuelles, a permis d’appréhender le modifications génétiques causant un dérèglement de la fertilité. De futurs traitements génétiques sont envisagés visant à se prémunir des maladies héréditaires, par exemple la trisomie 21 est due à la non-expression d’un gène responsable de l'inactivation du chromosome X lors de la fécondation[32]. Cependant, des questions bioéthiques se posent sur le traitement de l’ADN pour la procréation.

Microbiologie médicale

Le séquençage à haut débit a également fait son entrée dans le domaine de la microbiologie médicale[33]. En bactériologie par exemple, même si on peut retrouver la même espèce bactérienne (ex : Staphylocoque doré) dans deux prélèvements de patients différents, il ne s'agit pas forcément d'une transmission directe de patient à patient. En effet, sous la même espèce bactérienne sont regroupées de nombreuses souches très différentes et possèdent ainsi des génomes différents. Le séquençage du génome entier permet par exemple de déterminer à quel point ces génomes sont différents en quantifiant le nombre de mutations (SNPs) entre les organismes. Lors de transmission directe d'une bactérie d'un patient à un autre, le nombre de mutation de différence est donc très faible.

Globalement, le séquençage à haut débit de génomes bactériens entiers peut être utile pour :

  • Investiguer des épidémies et confirmer une transmission (directe de patient à patient[34] ou d'une source environnementale commune à des patients[35]).
  • Détecter des gènes de résistance aux antibiotiques et / ou des mutations dans des gènes cibles des antibiotiques qui confèrent des résistances[36].
  • Détecter des gènes codant des facteurs de virulence (en détectant le pathotype de Escherichia coli par exemple[37]).
  • Développer ou perfectionner de nouveaux outils de diagnostic moléculaire (ex : PCR)[38].

Médecine légale

L’ADN d’une personne peut être transféré par contact sur des objets ou sur des personnes. Cet ADN provient des cellules issues de différentes matrices, le sang, le sperme, les éléments pileux, les cellules épithéliales[39]. (Le séquençage de l'ADN peut être utilisé avec des méthodes de profilage de l'ADN pour l'identification médico-légale et les tests de paternité. Il faut toutefois préciser qu'un test de paternité n'a de valeur juridique en France que si c'est un juge qui l'a ordonné.

Notes et références

  1. (en) F. Sanger, G.M. Air, B.G. Barrell, N.L. Brown, A.R. Coulson, C.A. Fiddes, C.A. Hutchison, P.M. Slocombe et M. Smith, « Nucleotide sequence of bacteriophage phi X174 DNA », Nature, vol. 265, , p. 687-695 (PMID 870828)
  2. (en) Joachim Messing, « New M13 vectors for cloning », Methods Enzymol., vol. 101, , p. 20-78 (PMID 6310323)
  3. (en) L.M. Smith, J.Z. Sanders, R.J. Kaiser, P. Hughes, C. Dodd, C.R. Connell, C. Heiner, S.B. Kent et L.E. Hood, « Fluorescence detection in automated DNA sequence analysis », Nature, vol. 321, , p. 674-679 (PMID 3713851)
  4. (en) H. Swerdlow, J.Z. Zhang, D.Y. Chen, H.R. Harke, R. Grey, S.L. Wu, N.J. Dovichi et C. Fuller, « Three DNA sequencing methods using capillary gel electrophoresis and laser-induced fluorescence », Anal. Chem., vol. 63, , p. 2835-2841 (PMID 1789449)
  5. (en) F. Sanger, S. Nicklen et A.R. Coulson, « DNA sequencing with chain-terminating inhibitors », Proc. Natl. Acad. Sci. USA, vol. 74, , p. 5463-5467 (PMID 271968)
  6. (en) F. Sanger et A.R. Coulson, « The use of thin acrylamide gels for DNA sequencing », FEBS Lett., vol. 87, , p. 107-110 (PMID 631324)
  7. (en) Allan M. Maxam et Walter Gilbert, « A new method for sequencing DNA », Proc. Natl. Acad. Sci. USA, vol. 74, , p. 560-564 (PMID 265521)
  8. (en) Roger Staden, « A strategy of DNA sequencing employing computer programs. », Nucleic Acids Res., vol. 6', , p. 2601-2610 (PMID 461197)
  9. (en) Ji-Hong Zhang, Ling-Yun Wu et Xiang-Sun Zhang, « Reconstruction of DNA sequencing by hybridization », Bioinformatics, vol. 19, no 1, , p. 14–21 (PMID 12499288, lire en ligne [PDF])
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Articles connexes

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