Sakine Cansiz
Sakine Cansiz (orthographié en kurde Sakîne Cansiz, en turc Sakine Cansız, [saˈkine ˈdʒɑnsɯz]), née le dans l'actuelle province de Tunceli[note 1] au Kurdistan de Turquie [2] et assassinée à Paris 10e le [3],[4], est une militante kurde de nationalité turque, et l'une des fondatrices du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
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Nom dans la langue maternelle |
Sakîne Cansiz |
Nom de naissance |
Sakîne Cansiz |
Surnom |
Sara[1] |
Pseudonyme |
Sara |
Nationalité | |
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Parti politique |
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Biographie
Membre fondatrice du PKK
Née à Tunceli (Dêrsim) dans une famille fortement imprégnée de la culture alévite[5], elle fait des études secondaires[6]. Après avoir terminé le lycée, elle se rend plusieurs fois, en 1975 et 1976, à Ankara pour y rencontrer des étudiants originaires de sa région, comme Ali Haydar Kaytan. Elle y fait la connaissance de ceux qui se désignent alors simplement comme les « révolutionnaires du Kurdistan » (Kürdistan devrimcileri), réunis autour d'Abdullah Öcalan, qu'elle rencontre alors. En 1977, elle commence à participer aux activités de l’embryon d’organisation. Quand il est décidé d'envoyer des groupes dans les villes du Kurdistan pour enquêter, organiser des réunions et établir des liens, elle est affectée, en compagnie de Kesire Yıldırım, à la ville d'Elazig. Début 1978, elles y organisent une réunion publique menée par Abdullah Öcalan[7].
Les 26 et , elle participe au congrès fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan, dans le petit village de Fis (district de Lice, province de Diyarbakir). Parmi les délégués, on dénombre deux femmes : elle-même et Kesire Yıldırım, alors mariée à Öcalan[8].
Détention à Diyarbakir
En 1979, elle est arrêtée à Elazig[9],[10]. Elle est jugée et condamnée à 24 ans de prison. Face au tribunal, elle ne donne aucune information sur l'organisation et adopte une défense politique, dont le texte atteint 300 pages[9]. Elle est aussi la première femme du PKK à choisir la stratégie de défense politique face au tribunal[11]. Sa peine est portée à 76 ans après qu'elle s'est exprimée en kurde devant le tribunal[10],[12]. En 1982, elle parvient à s'évader toute seule de la prison de Malatya, mais est reprise quelques jours plus tard. Elle est ensuite envoyée à la prison centrale de Diyarbakır, connue pour les méthodes de torture particulièrement impitoyables qui y sont alors appliquées[10]. Elle participe alors à la résistance des prisons lancée en 1982 par Mazlum Dogan. Elle passe douze ans en prison[13],[14],[9],[11].
Libération et activités depuis 1990
Libérée en 1990, elle se rend à l'Académie militaire Mahsum Korkmaz, le principal centre de formation du PKK, établi dans la Bekaa libanaise. Là, elle participe à la « Conférence des prisons » (Cezaevi konferansı) organisée du 23 au [15] à l'initiative d'Abdullah Öcalan, et à laquelle participent aussi d'autres dirigeants et fondateurs du PKK également libérés des geôles turques[16]. Au cours de cette conférence, elle est mise aux arrêts en raison de sa liaison avec Mehmet Şener[17], un ancien cadre ayant déserté l'Académie[18]. Après avoir fait son autocritique, elle est réintégrée dans le cursus de l'Académie[9].
Elle est ensuite envoyée au camp de Zelê, au Kurdistan irakien, où elle est chargée de l'organisation féminine de troupes de guérilla[11].
Représentante du PKK en Europe
En 1992, elle est envoyée en Europe, où elle exerce différentes responsabilités en France et en Allemagne[19]. Elle retourne ensuite dans les camps du PKK au Kurdistan irakien, où elle passe six ans[9]. En 1998, elle est à nouveau envoyée en Europe, et la France lui accorde le statut de réfugiée politique[20].
En 2007, les autorités américaines l'identifient comme l'un des principaux collecteurs de fonds du PKK en Europe et réclament son arrestation[21],[22]. Elle est alors arrêtée à Hambourg. La Turquie demande immédiatement son extradition, mais elle est remise en liberté, la Cour de Hambourg concluant à l'insuffisance de preuve[23].
Assassinat
Elle est assassinée à Paris dans les locaux du centre d'information du Kurdistan, au 147 rue La Fayette, dans le Xe arrondissement dans la nuit du 9 au avec deux autres militantes kurdes[24], Fidan Doğan et Leyla Söylemez. Dès le départ, selon la justice française, les soupçons se portent sur les services secrets turcs, le MİT[25]. L'assassin présumé, Omer Güney est un Turc de 34 ans, qui avait travaillé en tant qu'agent d'entretien à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle. Surtout, il est le chauffeur et l’homme à tout faire des trois victimes. Lors de l'enquête, les experts le désignent comme un « familier » et un « professionnel ». Un reportage de TFI montre qu’après l'assassinat il est l'une des premières personnes accourues au pied de l’immeuble[26].
Quelques mois après ces assassinats, un enregistrement audio d’une conversation entre Ömer Güney et des agents des services secrets turcs (MIT), ainsi que des notes, sont mis en ligne anonymement. Omer Güney avait également des photos de centaines de militants kurdes dans son téléphone .
La juge Jeanne Duyé est chargée de l’enquête. En , l'ordinateur de la magistrate est volé à son domicile lors d’un étrange cambriolage. De plus, un projet d'évasion d'Omer Güney est déjoué. Celui-ci incarcéré depuis le près de Paris, aurait compté s'évader «avec l'aide d'un membre du MIT». La magistrate, au-delà d'une possible implication des services secrets turcs, n'a pas réussi à établir qui étaient les commanditaires, ni s'ils avaient agi « avec l'aval de leur hiérarchie » ou « à l'insu de leur service afin de le discréditer ou de nuire au processus de paix » entamé à l'époque entre Ankara et le PKK .
Le , Ömer Güney est transporté d’urgence du centre pénitentiaire de Fresnes à l'hôpital de la Salpêtrière. Depuis longtemps atteint d’un cancer du cerveau, il a été contaminé par la légionellose et meurt d’une pneumonie le soit cinq semaines avant le début de son procès[27],[28].
Metin, le frère de Sakine Cansiz, tient la France pour responsable : « ma sœur a été tuée sur le sol français et celui qui a tué ma sœur est mort en prison, empêchant le procès d'avoir lieu »[26].
Notes et références
Notes
- « province de Dersîm » en kurde, et Dersim en turc jusqu'en 1937.
Références
- « Le décès d’Omer Guney était-il programmé ? », sur blogs.mediapart.fr, .
- (en) Nick Tattersall et Giles Elgood (éd.), Ayla Jean Yackley (Istanbul) et Nicholas Vinocur (Paris), « Slain Kurdish activist Cansiz leaves stamp on militant PKK », sur Reuters.com, .
- Relevé des fichiers de l'Insee
- (en) « Founder of Kurdish PKK among three women slain in Paris »
- (tr) « FEDA: Paris'te üç gülü kopardılar özgürlük dalından », sur ANF News, (consulté le )
- (tr) Selim Çürükkaya, « PKK yi Kimler kurdu 8 », sur Madiya, (consulté le )
- (tr) Mynet, « Sakine Cansız'dan Öcalan'la ilk karşılaşma », sur Mynet Haber, (consulté le )
- (de) Birgit Cerha, « Gewalt gegen Gewalt - Die PKK und ihr Führer Abdullah Öcalan », Neue Zürcher Zeitung - Folio, (lire en ligne).
- Selim Çürükkaya, Apo'nun AyetleriBeyrut Günlüğü, Istanbul, Doz, , 381 p., p. 56, 61, 141, 145
- Émilie Jehanno et Gaël Cogné, « Qui était la cofondatrice du PKK assassinée à Paris ? », sur FranceTV Info, .
- (tr) « PKK kurucusu Sakine Cansız ile Fidan Doğan ve Leyla Söylemez Paris'te öldürüldü - TÜRKİYE'DEN / DÜNYADAN Haberleri », sur Düzce Yerel Haber, (consulté le )
- (tr) Hürriyet, 6 février 1988 ; cité par (fr) Sabri Cigerli, Les Réfugiés kurdes d'Irak en Turquie : Gaz, exodes, camps, Paris, L'Harmattan, coll. « Comprendre le Moyen-Orient », , 318 p. (ISBN 978-2-7384-7009-6, lire en ligne), p. 171.
- (en) Avec AFP, « Assassinated Kurdish activist Sakine Cansiz was former PKK guerrilla », sur EKurd.net, .
- nevarneyok, « Kurdistan, la guerre des filles », sur nevarneyok.noblogs.org (consulté le )
- (ku) Serxwebun (organe du PKK) no 117, septembre 1991, p. 8.
- (ku) Serxwebun (organe du PKK) no 118, octobre 1991, p. 4.
- Les relations amoureuses sont interdites aux membres du PKK.
- Mehmet Cahit Şener (1958-1991) est un membre fondateur du PKK, membre du Comité central. Emprisonné à Diyarbakir en 1980, il s'engage dans la résistance des prisons. Il est libéré en 1980 et se rend à l'Académie Mahsum Korkmaz. Il devient un opposant à la ligne d'Abdullah Ocalan. Dans le même temps, il entretient une relation amoureuse avec Sakine Cansız. Il est aussi accusé d'avoir organisé un groupe d'opposition, le « PKK-Vejîn » (Renaissance). Mis aux arrêts, il s'évade. Considéré comme un traître et un « agent » par le PKK, il est assassiné en novembre 1991 dans la ville de Qamichli.
- (en-GB) Constanze Letsch, « Sakine Cansiz: 'a legend among PKK members' », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
- Agnes von Alvensleben & Anja Flach, « Who was Sakine Cansiz? », Pluto Press, (lire en ligne)
- (en) Associated Press, « Slaying Puts Spotlight On Kurdish Female Warriors », sur NPR.org, .
- (en) Ambassade des États-Unis à Ankara, « Blocking Money Flows To The PKK In Northern Iraq: Expanding Our Strategy », sur WikiLeaks, .
- (en) « Slain Kurdish activist Cansiz leaves stamp on militant PKK », Reuters, (lire en ligne, consulté le )
- Avec AFP, « Les trois militantes kurdes ont été assassinées de plusieurs balles dans la tête », Le Monde, .
- « Assassinat de militantes kurdes à Paris : la justice souligne l’implication des services secrets turcs », sur lemonde.fr, (consulté le )
- Ariane Bonzon, « L'impossible vérité sur l'assassinat de trois Kurdes à Paris », sur Slate.fr, .
- « Omer Güney, assassin présumé de trois militantes kurdes à Paris, meurt avant son procès », 20minutes.fr, consulté le 17 décembre 2016.
- « Militantes kurdes assassinées à Paris : le suspect renvoyé devant les assises », Le Parisien, .
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
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