Schwesternbuch

Les Schwesternbuch (également désignées par le terme allemand Nonnenviten et, dans la littérature en anglais, Sister Books et Convent Chronicles) désignent un genre littéraire monastique germanophone proche des Vitae et d'autres récits hagiographiques, produit dans les couvents de dominicaines du Sud de l'Allemagne et de la Suisse au cours de la première moitié du XIVe siècle. Ce sont de courts récits des vies des moniales ou des expériences mystiques vécues par les religieuses.

Manuscrit du Tösser Schwesternbuchs

Œuvres

En l'état actuel des connaissances, l'inventaire des Schwesternbuch est exhaustif et comprend neuf œuvres : Les Schwesternbuch

Pour certaines de ces œuvres, le nom de l'auteure est connu :

  • Adelhausen : Anne de Munzingen (de), † après 1327;
  • Engelthal : Christine Ener (de), † 1356;
  • Kirchberg : Elisabeth von Kirchberg, † 1. H. 14. Jh.;
  • Töss : Elsbeth Stagel, † um 1360;
  • Unterlinden : Katharina de Gebersweiler, † 1330/45.

La notion d'auteur n'est alors pas la même qu'aujourd'hui. La plupart de ces œuvres, à l'exception de Engelthal et Unterlinden ont une forme ouverte, de telle sorte que le texte originel puisse être complété. Par conséquent, un collectif de rédactrices pourrait se cacher derrière l'auteure.

Les autres Schwesternbuch sont anonymes. Dans certains cas, il existe plusieurs versions d'un même Schwesternbuch dans lesquelles l'inventaire de base des vitae a été élargi ou raccourci. Plusieurs récits de révélations ou de vies de grâces de nonnes auparavant indépendants y sont incorporés en abrégé. La plupart des manuscrits qui existent encore à ce jour datent du XVe siècle, lorsque les textes ont été copiés, partiellement modifiés et transmis, en particulier dans les monastères réformés tels que le Monastère de Pillenreuth, le Couvent d'Inzigkofen et le Monastère de Catherine à Nuremberg. Le moine réformateur dominicain Johannes Meyer (1422-1482), notamment, a particulièrement encouragé la copie des Schwesternbuch, parfois avec une intention différente de l'original[2].

Style et forme littéraire

Les Schwesternbuch se présentent le plus souvent sous la forme de courts récits de vies de femmes, des vitae, qui ne racontent pas leurs vies entières, mais seulement leur relation à Dieu et leur action dans la communauté monastique. Les Vitae fratrum des ordres dominicains masculins pourraient leur avoir servi d'inspiration[3], eux-mêmes inspirés des Vitae patrum (de).

Ces œuvres, tout comme les Vies de Grâces (de), présentent les caractéristiques structurelles et stylistiques des narrations légendaires. Le choix des mots et des motifs, en revanche, appartient au langage de la mystique féminine, tant en ce qui concerne leur vision cistercienne de l'amour de Dieu que par les concepts de la théologie spéculative dominicaine[4] .

L'imagerie des textes est à considérer de manière littérale, notamment les récits de phénomènes de transsubstantiation. Ainsi, lorsqu'elles décrivent une scène dans laquelle une religieuse a une vision de l'enfant Jésus dans une hostie, il s'agit d'une vision de l'ordre du miracle eucharistique et de la présence réelle de Jésus-Christ dans le sacrement de l'eucharistie[5].

Réception

Souvent dévalorisées par le passé et perçus comme l'expression du mysticisme superficiel de nonnes naïves, les Schwesternbuch reçoivent aujourd'hui une nouvelle attention pour leur caractère de preuve authentique d'une culture d'écriture monastique. Puisque les tracts théologiques n'étaient autorisés que pour les hommes, les femmes très instruites utilisèrent des formes narratives, en particulier sous la forme de récits de vision, pour présenter ou discuter des concepts de pensée et d'action religieuses.

En même temps, ces livres sont des documents importants pour l'histoire de la mystique rhénane et de la mystique féminine. Ils montrent que le mysticisme dans les monastères de femmes n'était pas seulement une conséquence du sermon dominicain, mais qu'il l'a plutôt précédé dans certains monastères. À la suite de ces discours sur les expériences religieuses des femmes, Maître Eckhart, Jean Tauler, Henri Suso et d'autres ont ensuite développé leur théologie mystique et leur pastorale[6].

La recherche historique aussi bien que théologique a été pendant longtemps très critique vis-à-vis des témoignages autobiographiques de vies de grâce monastiques. Les textes des Schwesternbuch du Moyen Âge tardif étaient en particulier considérés comme des témoignages superficiels d'une mystique de l'expérience qui transférait maladroitement dans le corporel des métaphores théologiques et témoignait ainsi d'une ignorance spirituelle. D'après la thèse d'Herbert Grundmann, la raison de l'importante expansion de la mystique féminine est une augmentation de la littérature d'édification religieuse populaire écrite pour les femmes, les mystiques féminines interprétant simplement les textes théologiques (écrits par des théologiens masculins) trop littéralement[7]. Des études plus récentes, en revanche, mettent la description de l'expérience physique de la présence du Christ au premier plan et la présentent comme une particularité du mysticisme féminin[8] ou examinent le caractère littéraire des textes, qui seraient potentiellement purement métaphoriques[9].

Notes et références

Bibliographie

  • Béatrice W. Acklin-Zimmermann: Gott im Denken berühren. Die theologischen Implikationen der Nonnenviten (= Dokimion 14). Freiburg (Schweiz) 1993.
  • Walter Blank: Die Nonnenviten des 14. Jahrhunderts. Eine Studie zur hagiographischen Literatur des Mittelalters unter besonderer Berücksichtigung der Visionen und Lichtphänomene. Diss. Freiburg i. Br. 1962
  • Hester McNeal Reed Gehring: The Language of Mysticism in South German Dominican Convent Chronicles of the XIVth Century. Phil. Diss. Michigan 1957
  • Georg Kunze: Studien zu den Nonnenviten des deutschen Mittelalters. Ein Beitrag zur religiösen Literatur im Mittelalter. Diss. (masch.) Hamburg 1953
  • Otto Langer: Mystische Erfahrung und spirituelle Theologie. Zu Meister Eckharts Auseinandersetzung mit der Frauenfrömmigkeit seiner Zeit (= Münchener Texte und Untersuchungen zur deutschen Literatur des Mittelalters 91). Artemis, München/Zürich 1987 (Table des matières).
  • Gertrud Jaron Lewis: Bibliographie zur deutschen Frauenmystik des Mittelalters. Mit einem Anhang zu Beatrijs van Nazareth und Hadewijch von Frank Willaert und Marie-Jose Govers (= Bibliographien zur deutschen Literatur des Mittelalters, Heft 10). E. Schmidt, Berlin 1989.
  • Gertrud Jaron Lewis: By Women, for Women, about Women. The Sister-Books of Fourteenth-Century Germany (= Studies and Texts 125). Toronto 1996.
  • Ruth Meyer: Das St. Katharinentaler Schwesternbuch. Untersuchung, Edition, Kommentar (= Münchener Texte zur deutschen Literatur des Mittelalters, Band 104). Niemeyer, Tübingen 1995, (ISBN 3-484-89104-1), zugleich Dissertation Universität München, 1994 (Edition der Handschrift Kantonsbibliothek Thurgau, Y 74).
  • Walter Muschg (Hrsg.): Mystische Texte aus dem Mittelalter.[n 1] Sammlung Klosterberg, Schweizerische Reihe. Verlag Benno Schwabe, Basel 1943; wieder Diogenes, Basel 1986, (ISBN 3-257-21444-8) (Notamment, « Ausgewählte Proben der schweizerischen Mystik »).
  • Ursula Peters: Religiöse Erfahrung als literarisches Faktum. Zur Vorgeschichte und Genese frauenmystischer Texte des 13. und 14. Jahrhunderts (= Hermaea NF 56). Niemeyer, Tübingen 1988.
  • Siegfried Ringler: Viten- und Offenbarungsliteratur in Frauenklöstern des Mittelalters. Quellen und Studien (= Münchener Texte und Untersuchungen zur deutschen Literatur des Mittelalters 72). Artemis, München 1980, S. 7–15; 257–259; 358f. u. ö. (s. Register: Nonnenviten) Compte-rendu
  • Hans-Jochen Schiewer: Möglichkeiten und Grenzen schreibender Ordensfrauen im Spätmittelalter. – In: Bettelorden, Bruderschaften und Beginen in Zürich: Stadtkultur und Seelenheil im Mittelalter, hrsg. von Barbara Helbling u. a. – Verlag Neue Zürcher Zeitung, Zürich 2002, S. 179–187. – (ISBN 3-85823-970-4) (en particulier sur Elsbeth Stagel)
  • Wolfram Schneider-Lastin: Literaturproduktion und Bibliothek in Oetenbach. – In: Bettelorden, Bruderschaften und Beginen in Zürich: Stadtkultur und Seelenheil im Mittelalter, hrsg. von Barbara Helbling u. a. – Verlag Neue Zürcher Zeitung, Zürich 2002, S. 188–197. – (ISBN 3-85823-970-4) (en particulier sur l'Oetenbacher Schwesternbuch).

Articles connexes

Notes

  1. Sélection de textes médiévaux, parmi lesquels: Bernard de Clairvaux: Predigt am Oberrhein. Aus dem lateinischen Protokoll seiner Reise im Winter 1146. * Adelheid von Rheinfelden: Aus der lateinischen Chronik des Klosters Unterlinden in Kolmar, verfasst von der Priorin Katharina von Gebweiler. * Sophia von Rheinfelden: Aus der Chronik des Klosters Unterlinden in Kolmar. * Elsbeth von Beckenhofen: Aus der Chronik des Klosters Ötenbach in Zürich. * Henri Suso: Zwei Briefe. * Elsbeth Stagel: Sophia von Klingnau. Aus dem Buch vom Leben der Schwestern zu Töss. * Arnold der Rote: Von der Geburt des Herrn. Predigtfragment. (14. Jh.) online. * Barthlome Fridöwer: Predigt über die Zehn Staffeln der göttlichen Liebe. * Bruder Klaus: Drei Visionen. * Anonyme: Von einer Heidin. À partir d'un manuscrit zurichois de 1393.

Références

(de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Schwesternbuch » (voir la liste des auteurs).
  1. (de)Martina Wehrli-Johns: Geschichte des Klosters Adelhausen.
  2. (de)Wolfram Schneider-Lastin: Meyer, Johannes [Nachtr.]. In: Verfasserlexikon Bd. 11 (2004) p. 1003–1004; Peter Ochsenbein, « MEYER, Johannes », dans Biographisch-Bibliographisches Kirchenlexikon (BBKL), vol. 5, Herzberg, (ISBN 3-88309-043-3, lire en ligne), col. 1427–1429.
  3. (la)Géraud de Frachet: Vitae fratrum Ordinis Praedicatorum necnon Cronica ordinis ab anno MCCIII usque ad MCCLIV. Hrsg. v. Benedictus Maria Reichert, Löwen, 1896, Monumenta Ordinis Fratrum Praedicatorum Historica I.
  4. (en)Hester McNeal Reed Gehring: The Language of Mysticism in South German Dominican Convent Chronicles of the XIVth Century. Phil. Diss. Michigan 1957, p. 18.
  5. (de)Siehe Ringler Siegfried Ringler: Viten- und Offenbarungsliteratur in Frauenklöstern des Mittelalters. Quellen und Studien (= Münchener Texte und Untersuchungen zur deutschen Literatur des Mittelalters 72). Artemis, München 1980, S. 7–15; 257–259; 358f. u. ö. (s. Register: Nonnenviten) Rezension online, p. 187–189 et Register p. 479: Kindgestalt.
  6. (de)Otto Langer: Mystische Erfahrung und spirituelle Theologie. Zu Meister Eckharts Auseinandersetzung mit der Frauenfrömmigkeit seiner Zeit (= Münchener Texte und Untersuchungen zur deutschen Literatur des Mittelalters 91). Artemis, München/Zürich 1987 (Table des matières).
  7. (de) Herbert Grundmann: Religiöse Bewegungen im Mittelalter. Dr. Emil Ebering, Berlin 1935, S. 439 ff., 457.
  8. (de)Ursula Peters: Vita religosa und spirituelles Erleben. Frauenmystik und frauenmystische Literatur im 13. und 14. Jahrhundert. In: Gisela Brinker-Gabler (Hrsg.): Deutsche Literatur von Frauen. Band 1, C.H. Beck, München 1988, (ISBN 3-406-33118-1), S. 88–109.
  9. (de)Das Gnaden-Leben des Friedrich Sunder, Klosterkaplan zu Engelthal. In: Siegfried Ringler: Viten- und Offenbarungsliteratur in Frauenklöstern des Mittelalters. Quellen und Studien. Artemis, München 1980, (ISBN 3-7608-3372-1), p. 391–444 (Text), p. 144–331 (Kommentar).

Liens externes

(de) Schwesternbuch (Wikisource germanophone)

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