Socialisme mélanésien
Le concept du socialisme mélanésien est une doctrine élaborée par Walter Lini, qui devint Premier ministre du Vanuatu (anciennes Nouvelles-Hébrides) lorsque son pays accéda à l'indépendance en 1980. La pensée socialiste de Lini fut inspirée des expériences de Julius Nyerere en matière de socialisme africain en Tanzanie.
Histoire
Selon Lini, le socialisme est éminemment compatible avec les sociétés et coutumes mélanésiennes, et notamment avec la valeur qui y est accordée au bien-être collectif (qui prime sur l'individu), et à la possession et au travail en commun des terres. L'influence de Nyerere est perceptible dans le sens où celui-ci insista sur les similarités entre le socialisme et les manières de vivre traditionnelles en Afrique.
Lini, un pasteur anglican, affirmait également que le socialisme est très similaire aux valeurs chrétiennes, et chercha à combiner ces deux éléments au sein d'un "mode de vie mélanésien" (Melanesian Way). Ce socialisme ne se concevait pas comme révolutionnaire, mais au contraire comme relevant pleinement du respect des traditions ni-vanuatu.
Bien qu'il admirât Nyerere, et bien que son gouvernement ait cherché à se rapprocher de pays tels Cuba ou la Libye, Lini pensait que le socialisme ne devait pas nécessairement impliquer une alliance avec l'Union soviétique ni avec le bloc de l'Est. En effet, il souhaitait que le Vanuatu demeure un pays non-aligné, et qu'il établisse des relations plus étroites avec les autres nations mélanésiennes (telles la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Îles Salomon). En 1982, il exprima le souhait que s'établisse un jour une union fédérale de Mélanésie.
En Nouvelle-Calédonie, le principe de recherche d'une synthèse entre valeurs socialistes, chrétiennes et mélanésiennes est repris par Jean-Marie Tjibaou, lui-même un ancien prêtre catholique et un artisan du renouveau culturel et identitaire kanak dans les années 1980. Il fait du socialisme mélanésien la ligne politique principale de son parti, l'Union calédonienne (UC), à partir du congrès de Bourail de 1977. Il a reçu le soutien d'États mélanésiens souverains, et tout particulièrement du Vanuatu. Il s'agit donc de l'un des aspects du socialisme qui s'exprime au sein de la coalition indépendantiste du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) créée en 1984, et qui s'oppose souvent au socialisme scientifique et laïc du Parti de libération kanak (Palika).
Principes
D'après Eric Wittersheim, le socialisme mélanésien « était une mixture de valeurs mélanésiennes parfois idéalisées (consensus, égalitarisme) et d'une vision planifiée du développement basée sur l'agriculture et les coopératives. Montrant rapidement ses limites, elle a subi de nombreuses critiques, l'accusant notamment de n'être qu'un instrument de domination au service des nouvelles élites mélanésiennes[1]. » Il s'appuie donc à la fois sur une vision traditionaliste, chrétienne, ruraliste, nationaliste et anticolonialiste du monde et des rapports sociaux, avec pour point central un mode de vie idéalisé (la Kastom vanuataise ou la « Coutume » kanak), voulu comme autosuffisant et égalitaire. Pour Alain Babadzian, le socialisme mélanésien « a un contenu [...] flou » et « consiste pour l'essentiel en une rhétorique antioccidentale et (vaguement) anticapitaliste faisant l'apologie du "communalisme" mélanésien comme mode d'organisation sociale et économique égalitaire devant servir de modèle à un développement équitable, sorte de troisième voie entre coutume et capitalisme. » Plus encore, il estime que le véritable point commun entre les mouvements de Walter Lini et de Jean-Marie Tjibaou est de porter « en profondeur la marque d'une vision du monde chrétienne : la définition de la modernité comme tentatrice et corruptrice, la nature profondément morale du « choix de valeurs » devant permettre de trier le bon grain de l'ivraie et d'opérer les justes choix politiques (et éthiques) entre « tradition » et « modernité », l'indépendance comme rédemption et parousie de la culture ». Mais ce « socialisme [...] n'est pas porteur d'un projet politique d'affranchissement des inégalités sociales : l'idée même d'une représentation de la société en termes de clivages socio-économiques, et a fortiori de classes sociales aux intérêts antagonistes, est absente du discours de Lini[2]. »
Partis politiques
Les partis politiques de tendance socialiste mélanésienne sont aujourd'hui :
- au Vanuatu : le Vanua'aku Pati (VP) historiquement, ainsi que le Parti national unifié (NUP).
- en Nouvelle-Calédonie : l'Union calédonienne (UC).
- en Papouasie occidentale : l'Organisation pour une Papouasie libre (OPM).
Références
Sources
- Élise Huffer, Grands Hommes et Petites Îles : La Politique extérieure de Fidji, de Tonga et du Vanuatu, Paris : Orstom, 1993, (ISBN 2-7099-1125-6)
- Donald Denoon & alii (éd.), The Cambridge History of the Pacific Islanders, Cambridge : Cambridge University Press, 1997, (ISBN 0-521-00354-7)
- Tabani, Marc. 2000. Walter Lini, la coutume de Vanuatu et le Socialisme Mélanésien. Journal de la Société des Océanistes 111(2): 173-195
- Tabani, Marc. 2002. Les pouvoirs de la coutume à Vanuatu : traditionalisme et édification nationale. Paris : L’Harmattan, collection Connaissance des Hommes.
Voir aussi
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