Adoma

Adoma (anciennement Sonacotra) est une société d'économie mixte, filiale du groupe CDC Habitat (Caisse des Dépôts) a été créée en 1956 par les pouvoirs publics pour accueillir les travailleurs migrants.

Adoma
Création 1956[1]
Fondateurs État
Personnages clés Eugène Claudius-Petit (président) (1956-1977)
Forme juridique Société anonyme d'économie mixte à conseil d'administration
Slogan L'insertion par le logement
Siège social Paris
 France
Direction Emmanuel BALLU[2]
Activité Logement social
Société mère CDC Habitat, État
SIREN 788058030[3]
Site web adoma.cdc-habitat.fr

Places d’hébergement

Adoma compte 3 779 places d’hébergement généraliste réparties au sein de différents dispositifs :

  • HUAS : Dispositif Hébergement d’Urgence et d’Accompagnement Social (HUAS) créé en 2016 par le Ministère du Logement qui vise à l’hébergement et à l’accompagnement social de personnes en situation de grande précarité et sans-abri ou mal logées[4] ;
  • CHS : Centres d’hébergement et de stabilisation (CHS) destinés à l’accueil d’un public très éloigné de l’insertion et en rupture avec les structures classiques. Ces centres proposent un accompagnement social leur permettant de se stabiliser et de favoriser leur orientation ultérieure vers des structures adaptées à leur situation[4] ;
  • CHRS : Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) qui offrent aux personnes connaissant de graves difficultés d’ordre économique et social, un hébergement ainsi qu’un projet de prise en charge socio-éducatif individualisé et global (logement, travail, formation, santé…)[4] ;
  •  CHU : Centres d’hébergement d’urgence (CHU) destinés à apporter des solutions immédiates et de courte durée à des demandes urgentes en offrant des prestations de première nécessité (abri de nuit, couvert, hygiène...) à des personnes sans-abri ou brutalement confrontées à une absence de logement[4] ;
  • L’hébergement asile : à leur arrivée une grande majorité des demandeurs d’asile sont sans ressources, ni logement et sont admis sur le territoire français au titre de l’asile dans le cadre du Dispositif National d’Accueil (DNA). L’équipe Adoma organise l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile, ainsi que le suivi socio-administratif pendant toute la durée de la procédure. Derrière des acronymes nombreux (CADA, HUDA, CPH…) se cache une vocation unique : mettre à l’abri les personnes et les accompagner dans leur demande de protection[4].

Chiffres-clé

270 000 logements[5] dont :

Histoire

Loger les travailleurs

La Sonacotral (SOciété NAtionale de COnstruction de logements pour les TRAvailleurs ALgériens) est créée en 1956 pour régler le problème de l'habitat insalubre des travailleurs originaires d'Algérie (environ 150 000 Algériens (actifs ou non) vivant dans des bidonvilles, en particulier autour de Paris, ou dans d'autres logements précaires). Pour faire face à la pénurie de logements, elle construit son premier foyer en 1959 à Argenteuil.

Son premier président, de 1956 à 1977, a été une personnalité importante de la politique de l'après-guerre ; ancien ouvrier venu à la politique par la résistance, Eugène Claudius-Petit, théoricien et militant de l'aménagement du territoire, fut le principal ministre de la reconstruction sous la IVe République, avant que son opposition à De Gaulle ne l'éloigne des fonctions gouvernementales. Par la suite, le PDG est toujours désigné par le gouvernement français et a le statut de préfet.

Devenue Sonacotra à l'indépendance de l'Algérie, l'entreprise se développe particulièrement à partir du milieu des années 1960, du fait de la demande en main-d'œuvre de l'industrie d'une part et, d'autre part, de la politique de l'État après le vote de la loi Debré en 1964 pour la résorption des bidonvilles. Si la Sonacotra loge aussi des familles, elle se spécialise dans l'accueil des travailleurs « isolés » (mais le plus souvent mariés avec une femme restée au pays) qui représentent 96 % de sa clientèle en 1973.

Jusqu'à la fin des années 1960, la situation faite aux travailleurs immigrés dans les foyers qui accueillent aussi maintenant de nouvelles populations originaires pour beaucoup d'Afrique sub-saharienne attire peu l'attention. Mais, dès le début des années 1970, les conflits se multiplient du fait du délabrement précoce des bâtiments, de l'autoritarisme de la direction, d'un statut administratif qui prive les résidents du statut de locataire et des droits afférents.

Un long affrontement

La longue grève des loyers qui a opposé de 1975 à 1980 les résidents à la direction pour protester contre l'augmentation des loyers, obtenir un assouplissement des contraintes imposées dans les foyers, dénoncer la surveillance dont ils faisaient l'objet et obtenir la reconnaissance de comités de résidents élus a été une des luttes sociales les plus longues et les plus importantes de l'époque. Expérience fondatrice, elle a initié les mouvements de revendication des immigrés en France, notamment celui des « sans-papiers ». Si les « grèves des loyers » étaient récurrentes dans les foyers de travailleurs migrants depuis la fin de mai 68, celle portée par les résidents de la Sonacotra, rejoints par ceux d'autres associations, fut de loin la plus importante et la plus médiatisée. Le Gisti et la Cimade ont alors appuyé ces luttes, notamment en portant plainte.

La « grève des loyers » débute en avec les résidents du foyer Romain Rolland de Saint-Denis, en majorité originaires d'Algérie avec une forte minorité issue du Mali et du Sénégal. À la suite de l'annonce de l'augmentation générale des loyers de 30 %, la plateforme de revendications du comité des résidents est reprise en septembre par un Comité de coordination des foyers en lutte qui ne sera jamais reconnu par la Sonacotra et le gouvernement. En l'absence de négociation le conflit se durcit (expulsions de résidents des foyers et même du territoire en ) et se politise.

Le meeting organisé par le Comité de coordination le à la Mutualité marque la politisation publique du mouvement, et l'expulsion de France d'une quinzaine de grévistes délégués, les 8 et , l'implication directe dans le conflit de l'État propriétaire et commanditaire de la Sonacotra[6].

Quand la grève a été arrêtée, la Sonacotra avait satisfait un certain nombre d'exigences des comités de résidents, en particulier la reconnaissance de comités de résidents élus et l'assouplissement de certaines règles. En revanche, les résidents n'obtiendront pas le statut de locataire, qui constituait un des enjeux essentiels de la lutte, pas plus que la reconnaissance du Comité de coordination.

Le la direction de la SONACOTRA a aussi subi le deuxième attentat revendiqué par Action directe.

Mise en cause dans des rapports parlementaires et critiques

Depuis les années 1980 des rapports parlementaires s'inquiètent de la présence dans les foyers d'étrangers en situation irrégulière (« sans-papiers ») et de l'existence de trafics illégaux (Rapport Cuq).

Attentats

En 1988, deux attentats à l'explosif sont perpétrés contre des foyers proches de Nice ; le deuxième fait un mort et douze blessés en décembre à Cagnes-sur-Mer. Le Parti nationaliste français et européen (PNFE), un temps mis en cause, est finalement innocenté en 1991 par deux non-lieux prononcés en faveur des dirigeants de cette formation[7].

Du travailleur aux exclus

Cependant la population de la Sonacotra évolue. Si des foyers demeurent des établissements regroupant une population active et homogène, d'autres souffrent de la cessation des activités économiques qui avait justifié leur construction et une partie de la population d'origine vieillit sur place. Elle est de manière générale touchée par la précarisation et la Sonacotra est aussi appelée à répondre aux besoins d'une nouvelle population, composée à partir de 1992 aussi de Français.

Une difficile reconversion

Appelée à jouer un rôle d'intégration, la Sonacotra connaît en même temps une restructuration difficile.

Elle s'oriente vers le marché libre du logement et en , plusieurs syndicats (CFDT, CFTC, CGC et FO) et le MRAP, relayés par plusieurs élus communistes, dénoncent la dégradation des conditions de sécurité et de vie dans les foyers du fait notamment d'importants licenciements de personnel (1 100 en deux ans)[réf. nécessaire].

Un rapport de la Cour des comptes mettant en cause la gestion de la Sonacotra, son PDG Michel Gagneux démissionne et la Sonacotra porte plainte contre lui, le , pour « abus de confiance, abus de biens sociaux et abus de pouvoirs ». C'est donc dans des conditions difficiles que la Sonacotra doit faire face à ses nouvelles missions et à une situation sociale délicate.

En 1995 une étude révèle qu'un tiers des résidents SONACOTRA est au chômage, pour une population encore aux trois quarts ouvrière qui bénéficie de revenus parmi les plus faibles. Si les loyers sont de plus en plus pris en charge par des allocations publiques (APL), la Sonacotra reste depuis ses débuts subventionnée par des fonds publics, en particulier par le Fonds d'Aide et de Soutien pour l'Intégration et la Lutte contre les Discriminations (FASILD), établissement public issu du Fonds d'Action sociale pour les travailleurs musulmans d'Algérie en métropole et pour leur famille (FAS).

Le vieillissement des résidents retraités inquiète les pouvoirs publics et gestionnaires et fait l'objet de plusieurs rapports et d'une étude de l'Unesco. En 2004, Michel Pélissier, le PDG, reconnaît les problèmes d'intégration que pose l'habitat en foyer : « Nous nous sommes trompés. Ils ne sont pas tout à fait chez eux ici mais pas non plus au bled. Le seul endroit où ils se sentent à l'aise, c'est le foyer. Ils se sont installés dans une migration alternée. »

Cependant les foyers connaissent une évolution diverse et certains restent des lieux très actifs d'accueil d'immigrants, en particulier originaires d'Afrique subsaharienne.

En 2006, la Sonacotra est renommée Adoma pour un coût de 900 000 euros[8].

En 2009, selon le magazine Capital, la Mission interministérielle d'inspection du logement social (Miilos) rend un « rapport accablant » sur la gestion de la société[8].

De nouvelles missions

Pour assurer ses nouvelles missions d'accueil de personnes en grandes difficultés, elle a multiplié les partenariats publics et privés. Elle travaille au niveau national avec les restos du cœur et a aussi noué des collaborations avec la Fondation Abbé-Pierre et créé sa propre association pour gérer des centres d’accueil hivernal pour les sans domicile fixe (SDF), l'association Bleu Nuit.

Elle renforce aussi ses liens avec La Caisse des dépôts et consignations afin de répondre aux besoins en matière de logement d'urgence. En 2010, un apport, en compte courant d'actionnaires, de la SNI et d'Action Logement (ex. 1 % logement) et l'arrivée d'une nouvelle équipe dirigeante conduit au départ de plus de 250 salariés dans le cadre d'un plan de restructuration poursuivi en 2011[9].

En , le groupe AccorHotels annonce qu'il vend 62 hôtels à bas coût à Adoma qui compte les transformer en structures d’hébergement et d’accueil pour les sans-abris ou les réfugiés. La fermeture des 62 hôtels est assortie de départs volontaires, portant sur 393 emplois[10].

Dirigeants

  • 1956-1977 : Eugène Claudius-Petit (président)
  • 1979-1981 : Hervé de Charette (président)
  • 1981-1986 : Ramón Casamitjana (président)
  • -1992 : Michel Gagneux (président directeur général)
  •  : Michel Roland (président), Bertrand Maréchaux (directeur général)
  • 1995-1996 : Michel Desmet (président)[11]
  •  : Dominique Bon (directeur général)[12]
  •  : Michel Pélissier (président directeur général)[8]
  •  : Pierre Mirabaud (président du Conseil d'Administration)[13]
  • , Bruno Arbouet (directeur général)[14]
  •  : Jean-Paul Clément (directeur général)[15]
  •  : Emmanuel Ballu (directeur général)[16].

Références

  1. Décret du 4 août 1956 créant la Société nationale de construction pour les travailleurs algériens
  2. « Emmanuel Ballu nommé directeur général d’Adoma » , sur acteurspublics.fr, (consulté le )
  3. Système national d'identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements, (base de données)
  4. « Hébergement d'urgence : renforcer le pilotage pour mieux maîtriser les financements », sur senat.fr, (consulté le )
  5. « Notre histoire : 1er juin 2015 : Adoma adossée au Groupe SNI » , sur adoma.cdc-habitat.fr., (consulté le )
  6. J-M-D, « Les protestations s'amplifient », sur lemonde.fr, (consulté le )
  7. « Les attentats contre les foyers Sonacotra sur la Côte d'Azur Trois responsables du PNFE bénéficient d'un non-lieu », sur lemonde.fr, (consulté le )
  8. Emmanuelle Andreani, « La vie de pacha des patrons de la Sonacotra », Capital (magazine), , p. 48-49 (lire en ligne)
  9. Cour des comptes, « De la SONACOTRA à Adoma » [PDF], sur ccomptes.fr, (consulté le ).
  10. Accor cède 62 hôtels F1 à Adoma pour les transformer en structures d'hébergement social : 400 postes supprimés, miroirsocial.com, 14 avril 2014
  11. « Décret du 16 septembre 1995 portant nomination au conseil d'administration de la Société nationale de construction de logements pour les travailleurs (Sonacotra) », sur Legifrance, (consulté le )
  12. « Décret du 17 janvier 1996 portant nomination au conseil d'administration de la Société nationale de construction de logements pour les travailleurs », sur Legifrance, (consulté le )
  13. « Par décret du Président de la République en date du 1er août 2008, M. Pierre Mirabaud, préfet hors cadre, est nommé président du conseil d'administration d'ADOMA », sur Legifrance, (consulté le )
  14. [PDF] « Bruno Arbouet nommé directeur général d’Adoma », Communiqué de presse Adoma, Adoma, (consulté le )
  15. « Décret du 5 juin 2015 portant nomination du directeur général d'Adoma - M. CLÉMENT (Jean-Paul) », sur Legifrance, (consulté le )
  16. « Nomination d'Emmanuel Ballu au poste de directeur général d'Adoma », sur magazine-decideurs.com, (consulté le )

Articles connexes

Liens externes

Grèves

  • Mireille Galano, « Une lutte exemplaire », Plein Droit, GISTI, no 53-54, « Immigration : trente ans de combat par le droit », .
  • Assane Ba, Vingt ans après, Vacarme. Entretien avec un leader du mouvement.
  • Histoire politique du mouvement des foyers Sonacotra, Groupe pour la fondation de l'Union des Communistes de France Marxiste-Léniniste (UCFML), éditions Potemkine, 1981. Un récit détaillé des grèves d'un point de vue maoïste avec de nombreux documents d'époque.
  • Choukri Hmed, "Contester une institution dans le cas d'une mobilisation improbable. La grève des loyers dans les foyers Sonacotra dans les années 1970", Sociétés contemporaines, no 65, , p. 55-81.

Modes de vie

Politique publique

Bibliographie

  • Marc Bernardot, Loger les immigrés. La Sonacotra: 1956–2006, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2008. 
  • Marie-Claude Blanc-Chaléard, "Les quotas d’étrangers en HLM: un héritage de la guerre d’Algérie ? Les Canibouts à Nanterre (1959-1968)", Métropolitiques, 2012.
  • Jean-Philippe Dedieu et Aïssatou Mbodj-Pouye, "The First Collective Protest of Black African Migrants in Post-colonial France (1960-1975). A Struggle for Housing and Rights", Ethnic and Racial Studies, vol. 39, n°6, 2016, pp. 958-975
  • Michel Fiévet, Le livre blanc des travailleurs immigrés des foyers: du non-droit au droit, Paris, L’Harmattan, 1999.
  • Mireille Ginesy-Galano, Les immigrés hors la cité. Le système d’encadrement dans les foyers, 1973–1982, Paris, L’Harmattan & CIEMI, 1984.
  • Choukri Hmed, "Les immigrés vieillissant en foyers pour travailleurs ou les habitants de nulle part", Retraite et société, no 47, , pp. 138-159.
  • Choukri Hmed, "'Tenir ses hommes'. La gestion des étrangers 'isolés' dans les foyers Sonacotra après la guerre d'Algérie", Politix. Revue des sciences sociales du politique', vol. 19, no 76, , p. 11-30.
  • Choukri Hmed, Loger les étrangers isolés. Socio-histoire d'une institution d'État : la Sonacotra (1956-2006), Thèse de doctorat en science politique, Université de Paris-I Panthéon Sorbonne, sous la direction de M. Offerlé, 2 vol., 2006.
  • Abdelmalek Sayad, "Le foyer des sans-famille", Actes de la recherche en sciences sociales, no 32-33, 1980, pp. 89-103.
  • Collectif, préfacé par Cyrulnik PB (2003) Les enfants de l’exil. Synthèse ; Étude auprès des familles en demande d’asile dans les centres d’accueil, étude commandé par l'Unicef et la Sonacotra (écrite sous les directions du Pr Marie Rose Moro et de Jacques Barou).
  • Demandeurs d'asile, entre rêve et oubli, éditions Somogy, 2003. Livre de témoignages de demandeurs d'asile, photographies de Benoit Schaeffer, paroles d'enfants, préface Boris Cyrulnik. Livre commandé par l'Unicef et la Sonacotra. Prix 2004 de l'Observatoire de l'Image.
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