Sonia Mossé

Sonia Mossé, née le dans le 14e arrondissement de Paris et morte le au camp de Majdanek en Pologne, est une artiste, actrice, décoratrice et dessinatrice française et inspire nombre d'artistes de son époque. Proche du mouvement surréalisme, elle fréquente le café de Flore, le couple Éluard, et Man Ray. Refusant de porter l'étoile jaune, elle est probablement dénoncée en 1943 et meurt assassinée au camp de Majdanek. En tant qu'artiste, elle est connue pour avoir réalisé et exposé un mannequin surréaliste en 1938 pour l'Exposition internationale du surréalisme en 1938, avec une représentation phallique du sexe de la poupée- mannequin.

Pour les articles homonymes, voir Mossé.

Sonia Mossé
Affiche de l'exposition internationale du surréalisme, citant Sonia Mossé comme artiste participante
Naissance
Décès
Nationalité
Activité
Mouvement

Biographie

Enfance

Sonia Mossé nait le dans le 14e arrondissement de Paris[1]. Elle est d'origine juive et ses parents sont Emmanuel Mossé (1876- ?), avocat à la Cour d'appel de Paris, et Natasza Goldfain (1890- ?). Sa demi-sœur Esther Levine (1906-1943), de onze ans son aînée, est issue du premier mariage de sa mère avec Boris Levine, mort prématurément en 1915. Son demi-frère Jean Joseph Mossé (1908-1995), de neuf ans son aîné, est issu du premier mariage de son père avec Marguerite Icard. En avril 1917, le couple met fin a leur mariage, peu avant la naissance de Sonia Mossé. Le mariage civil d'Emmanuel Mossé et de Natasza Goldfain n'a eu lieu qu'en mars 1920, en même temps que la reconnaissance de la légitimité parentale de leur fille. On ne sait rien de la scolarité et de la formation de Sonia Mossé.

Carrière artistique

Elle est artiste[2] actrice,[3], décoratrice[4], dessinatrice[5] et inspire de nombreux photographes et peintres de son époque[6].

Dans les années de l'entre-deux-guerres, les théâtres, les ateliers de peinture, les studios de photographie, les maisons de couture et les cabarets offrent aux femmes des opportunités de carrière sans précédent. Sonia Mossé travaille et se lance dans plusieurs de ces domaines artistiques. En mars 1937, Jean-Louis Barrault mit en scène Numance de Miguel de Cervantes au Théâtre Antoine à Paris, dans lequel elle tient le rôle de Renommée[7].

En tant que membre du mouvement surréaliste autour d'André Breton et Paul Éluard, elle est étroitement liée à Man Ray, Raoul Ubac et Antonin Artaud. Sa beauté blonde et estivale inspire aussi bien les photographes Man Ray, Juliette Lasserre et Wols que les peintres Alberto Giacometti, Balthus et André Derain, pour lesquels elle est amenée à poser[6].

Son amitié avec Nusch Éluard est immortalisée dans un portrait de Man Ray en 1936[8].

En 1938, Sonia Mossé participe à l'Exposition internationale du surréalisme à Paris. Celle-ci a lieu du 17 janvier au 24 février à la Galerie Beaux-Arts de Georges Wildenstein, rue du Faubourg-Saint-Honoré. Sonia Mossé crée un mannequin féminin dont la tête est recouverte d'un voile de deuil noir qui tombe jusqu'aux pieds. Sur les lèvres du mannequin repose un faux coléoptère de couleur sombre et, dans son nombril, siège un petit scorpion. Le corps nu est recouvert par quelques nénuphars et d'autres coléoptères, et entre ses jambes s'élève le calice d'une fleur ressemblant à un calla« la seule artiste-mannequin a ainsi également réalisé la seule interprétation résolument phallique du sexe de la poupée au sens strict[9] ». Dans l'espace d'exposition intitulé Les plus belles rues de Paris, ce mannequin est exposé avec d'autres, notamment ceux d'André Breton, d'André Masson, d'Yves Tanguy, d'Hans Arp, de Wolfgang Paalen, de Marcel Duchamp et de Salvador Dalí[8]. Il existe des photos de cette grande exposition prises par Denise Bellon[10], Raoul Ubac et Georg Reisner, ainsi que par Man Ray. Les clichés de Man Ray ont été publiés en 1966 en édition limitée sous le titre Résurrection des mannequins[11],[12],[13].

« Par contraste, les surréalistes ont présenté un mannequin conçu par une artiste féminine, Sonia Mossé. Le mannequin de Mossé, quasi-nu, semble porter un voile funéraire au lieu d'un voile de mariée pour la consommation d'un mariage, ce qui implique que cette institution signifie un véritable esclavage. Il s'ensuit des associations similaires entre le mannequin féminin et l'automatisme »[14]

 Lauren Walden , MDCCC 1800 - 6 | 2017

Fin 1938, peu avant le Nouvel An, Sonia Mossé inaugure le cabaret Chez Agnès Capri avec Michelle Lahaye et la chanteuse et actrice Agnès Capri[15]. Elles sont soutenues par Francis Picabia, Max Ernst, Alberto Giacometti, Jean Cocteau, Balthus, André Derain et Moise Kisling qui fournirent des peintures et des dessins pour les financer[16],[17]. L'intérieur du cabaret est conçu par Sonia Mossé[18],[17]. Suzy Solidor, Charles Trenet ou encore Jacques Prévert ont animé la petite scène avec leurs chansons pour des soirées mémorables[15]. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate et que Paris est occupé par les troupes allemandes, le cabaret ferme ses portes et Sonia Mossé ainsi qu'Agnès Capri sont contraintes de quitter la capitale française.

« A cette terrasse avaient émigré les gens du Flore et je me suis assise juste derrière Sonia et Agnès Capri; elles étaient beaucoup moins fringantes qu’avant; à présent elles ne pensaient plus qu’à foutre le camp sur Nice: «Je ne peux pas repasser une nuit pareille», disait Sonia; et elles faisaient fébrilement des calculs d’argent. »

 Simone de Beauvoir, Lettres à Sartre. 1930–1939[19]

Les raisons pour lesquelles Sonia Mossé est tout de même revenue à Paris ne sont pas connues. Le port de l'étoile jaune a été mis en vigueur le 19 septembre 1941[20] par l'ordonnance de police sur le marquage des Juifs à Paris. Cela a conduit à l'exclusion sociale, à la discrimination et à l'humiliation de la population juive. L'étoile jaune est donc également à Paris une mesure publiquement visible pour la réalisation de l'holocauste. Sonia Mossé n'a pas porté l'étoile jaune et continuait à fréquenter les cafés interdits aux citoyens juifs[21].

Déportation et assassinat

On ne sait pas si Sonia Mossé est arrêtée par la police française ou par la Gestapo en février 1943, mais il est probable qu'une dénonciation ait précédé cette arrestation. Elle est internée au camp d'internement de Drancy près de Paris et déportée le 25 mars 1943 avec sa demi-sœur Esther Levine dans le convoi 53 vers le centre d'extermination polonais de Sobibór[22]. Sonia Mossé est finalement assassinée le 30 mars 1943 dans le camp de concentration et d'extermination de Majdanek. Hormis les photos de son mannequin surréaliste réalisées en 1938, aucune autre œuvre d'elle n'a été sauvegardée[23].

Bibliographie

  • Dora Maar: Modèle non identifié en déshabillé (Sonia Mossé?), Photographie, vers 1934[24].
  • Wols: Sonia Mossé, Photographie, vers 1935[25].
  • Juliette Lasserre: Sonia Mossé, Photographie, vers 1937[26].
  • Man Ray: Nousch et Sonia, Dessin de Paul Éluard, Les Mains Libres, 1937[27].
  • Man Ray: Sonia Mossé’s Mannequin, Photographie, Exposition internationale du surréalisme à la galerie des Beaux Arts, Paris, 1938[28].
  • Georg Reisner: Paul Éluard and the Mannequin de Sonia Mossé, Photographie, Exposition internationale du surréalisme à la galerie des Beaux Arts, Paris, 1938[29].
  • Raoul Ubac, Mannequin de Sonia Mossé, Photographie, Exposition internationale du surréalisme à la galerie des Beaux Arts, Paris, 1938[30].
  • Dora Maar: Sonia Mossé et Pablo Picasso, Photographie, Antibes, France, 1939[31].
  • Pablo Picasso: Sonia Mossé et Dora Maar, Fotografie, Antibes, France, 1939[31].
  • Antonin Artaud, Sort à Sonia Mossé, Lettre, 14 mai 1939[32].
  • Antonin Artaud: Sonia Mossé, Dessin, mars 1946[33].

Notes et références

  1. « Acte de naissance no 7251 de Sonia Mossé », sur Les archives de Paris (consulté le ), p. 22.
  2. PHOTOGRAPHIES ADER Catalogue 14 Juin 2022 (Catalogue de vente), Ader, , 180 p. (lire en ligne), p. 96-97
  3. « Les coulisses », L'Intransigeant, , p. 11 (lire en ligne sur Gallica, consulté le )
  4. « Chez Agnès Capri », Paris qui chante : revue hebdomadaire illustrée des concerts, théâtres, cabarets artistiques, musics-halls, , p. 4 (lire en ligne sur Gallica, consulté le )
  5. « MOSSE_Sonia », sur ressources.memorialdelashoah.org (consulté le )
  6. Michèle Pellevain, « Derain, Balthus, Giacometti - MAM Paris - Juillet 2017 », sur Voir-ou-revoir, (consulté le )
  7. « Au théâtre ce soir : Numance de Cervantès », Ce soir : grand quotidien d'information indépendant, , p. 4 (lire en ligne sur Gallica, consulté le )
  8. (de) Man 1890-1976 Internet Archive, Man Ray, Portraits : Paris, Hollywood, Paris ; aus dem Man Ray-Archiv des Centre Pompidou, München : Schirmer/Mosel, (ISBN 978-3-8296-0503-8, lire en ligne)
  9. (de) « Ringvorlesung Avantgarden der Kunst und Literatur: », sur homepage.ruhr-uni-bochum.de (consulté le )
  10. « Mossé, Sonia. “Mannequin”, 1938. Vue partielle. Objet surréaliste de la série des 16 mannequins des"Plus belles rues de Paris”. Denise Bellon (1902–1999), photographié à “l’Exposition Internationale du Surréalisme”, Paris, Galerie Beaux-Arts, janvier / février 1938. », sur www.akg-images.de (consulté le )
  11. (en) « Resurrection des Mannequins (The J. Paul Getty Museum Collection) », sur The J. Paul Getty Museum Collection (consulté le )
  12. Julie Mellby, « L'Exposition surréaliste de 1938 (Graphic Arts) » (version du 18 septembre 2010 sur l'Internet Archive), sur blogs.princeton.edu,
  13. (en) Lauren Walden, From the Rue des Nations to the Rue aux Lèvres. The 1938 International Surrealist Exhibition Parody of the 1889 and 1900 World Fair Cityscapes, MDCCC 1800 - 6, edizioni-ca-foscari-journals, (DOI 10.14277/2280-8841, lire en ligne), p. 15
  14. Lauren Walden, From the Rue des Nations to the Rue aux Lévres, Venice, Fondazione Università Ca’ Foscari, Page 15
  15. Léo Sauvage, « Réveillons... Saint-Sylvestre chez Agnès Capri », Le Peuple : organe quotidien du syndicalisme, , p. 2 (lire en ligne sur Gallica, consulté le )
  16. Pierre Barlatier, « Un nouveau cabaret ouvrira bientôt à Paris : Les « Trois mousquetaires » chez Agnès Capri », Ce soir : grand quotidien d'information indépendant, , p. 7 (lire en ligne sur Gallica, consulté le )
  17. « L'Œuvre », sur Gallica, (consulté le )
  18. « Appolinaire au cabaret », Excelsior : journal illustré quotidien, , p. 4 (lire en ligne sur Gallica, consulté le )
  19. Simone de Beauvoir, Lettres à Sartre. 1930–1939, éd. Gallimard, 1990, p. 94.
  20. (de) « Polizeiverordnung  über die Kennzeichnung der Juden (1941) », sur www.verfassungen.de (consulté le )
  21. med médiène, « Man Ray, Dora Maar - Les plaisirs et la mort de Sonia Mossé et Nusch Eluard », sur blog mmediene écritures, (consulté le )
  22. « - Mémorial de la Shoah », sur ressources.memorialdelashoah.org (consulté le )
  23. « Page en mémoire de Sonia Mossé[ - ] | www.cimetiere-virtuel.fr », sur www.cimetiere-virtuel.fr (consulté le )
  24. « Modèle non identifié en déshabillé (Sonia Mossé ?) », sur Centre Pompidou (consulté le )
  25. (de) « WOLS — Griffelkunst-Vereinigung Hamburg e.V. », sur www.griffelkunst.de (consulté le )
  26. « Connaissez-vous Sonia Mossé ? », sur La Règle du Jeu, (consulté le )
  27. « Les Mains Libres, Man Ray/Paul Eluard », sur Les Mains Libres, Man Ray/Paul Eluard (consulté le )
  28. (en) « Sonia Mossé's Mannequin (The J. Paul Getty Museum Collection) », sur The J. Paul Getty Museum Collection (consulté le )
  29. (en) « [Paul Éluard and the Mannequin by Sonia Mossé] (The J. Paul Getty Museum Collection) », sur The J. Paul Getty Museum Collection (consulté le )
  30. (en) « Sonia Mosse », sur VISÍVEIS VIRTUDES (consulté le )
  31. Anne Baldassari, Picasso : love and war, 1935-1945, Paris : Flammarion, (ISBN 978-2-08-030521-3, lire en ligne)
  32. « BnF - Les essentiels de la litterature », sur classes.bnf.fr (consulté le )
  33. (en) « Portrait de Sonia Mossé », sur Centre Pompidou (consulté le )
  • Portail des arts
  • Portail de Paris
  • Portail de la culture juive et du judaïsme
  • Portail des années 1930
  • Portail des années 1940
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.