Sonny Brogan
Sonny (Patrick) Brogan, né le et décédé le , est un accordéoniste irlandais de la période de 1930 à 1960, et l'un des musiciens les plus populaires d'Irlande de cette époque[1],[2],[3]. Il est parmi les premiers à adopter le système si--do dans la musique traditionnelle[4],[5] qu'il popularisa dans les années 1950 et 1960[6]. Il commence à jouer sur un mélodéon Hohner à une rangée, puis sur un Paolo Soprani à deux rangs, qu'il utilisa jusqu'à sa mort[1],[4]. Son accordéon, un modèle gris fait à la main en 1947, est encore utilisé aujourd’hui par l’accordéoniste Paddy O’Brien[7].
Pour les articles homonymes, voir Brogan.
Nom de naissance | Sonny Patrick Brogan |
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Naissance | |
Décès | |
Genre musical | Musique traditionnelle irlandaise |
Instruments | Accordéon diatonique |
Les jeunes années
Sonny Brogan est né à Prosperous, dans le comté de Kildare[8]. Il est l'aîné des trois enfants d'Alicia Browne et d'Andrew Brogan. La famille emménage à Dublin, alors que Sonny Brogan est encore petit. C'est durant des vacances, sur la route qui le ramène à Kildare, qu'il entend pour la première fois de la musique irlandaise jouée à l'accordéon par son oncle, Thomas Cleary. À son retour à la maison, sa mère découvre dans ses bagages un mélodéon volé, caché par l'enfant qui s'en est entiché. Il lui est permis de garder l'instrument, et dès lors, il commence à apprendre seul.
Plus tard, il suit des cours de piano et apprend à lire la musique. Il découvre rapidement néanmoins que son oreille lui est plus utile qu'un professeur, et il abandonne alors le papier à musique, comme il a coutume de l'appeler (musique paper). Malgré l'offre du professeur de lui donner des cours gratuitement, l'enfant refuse de continuer des études musicales classiques.
Très attaché à la musique en général, Sonny Brogan possède de nombreux 78 tours d'artistes comme Amelita Galli-Curci, à côté d'une impressionnante collection de disques de Michael Coleman, le fiddler de Sligo qu'il admire par-dessus tout.
Les années 1930 et 1940
Dans les années 1930 et 1940 il fait partie du Lough Gill Quartet (en)[8], avec son ami Bill Harte, de qui il apprend nombre d'airs qu'il transcrira sur papier dans les tons sol/fa, ou qu'il retiendra simplement de tête. On a dit que Bill Harte et Sonny Brogan sont reconnus pour avoir, parmi les premiers, compris le potentiel de l'accordéon diatonique si/do pour la musique traditionnelle irlandaise, et en conséquence, d'en avoir imaginé et fait connaître la méthode de doigtés[9]. L'un des morceaux que Sonny Brogan enregistre avec le Lough Gill Quartet, Toss the Feathers[10] est de sa composition et il en était très fier.
Sonny Brogan passe quelque temps en Angleterre dans les années 1940, et à son retour George Rowley (fiddler originaire du comté de Leitrim) et Ned Stapleton (un flûtiste de Dublin) écrivent Sonny's Return ('le retour de Sonny') aussi connu sous le nom The Wanderer's Return ('le retour du vagabond').
Visiteur régulier du Piper's Club (Dublin)[11], Sonny Brogan joue avec John Kelly Sr[12], Tom Mulligan, Tommy Potts (en), le sonneur de uilleann pipes Tommy Reck, Leo Rowsome (en), Sean Seery et tant d'autres musiciens traditionnels de l'époque. Sonny Brogan anime son propre Céilí Dance Band durant les années 1940, et se produit aux Barry's Hotel et Teachers' Club de Dublin.
Sonny Brogan's Mazurka[13] est une mazurka très connue[14] qui a été popularisée récemment par The Chieftains.
Les années 1950 et 1960
Barney McKenna, du groupe The Dubliners, est un fervent admirateur de Sonny Brogan, de qui il prit des leçons, tout comme, en 1957, Tony MacMahon, fraîchement débarqué du comté de Clare[15]. Ce dernier a, depuis, systématiquement cité Brogan à chacun de ses concerts.
L'accordéoniste James Keane est un autre musicien fortement influencé par Sonny Brogan durant sa jeunesse[16].
Tony MacMahon et Sonny Brogan ont été tous les deux cités par Mick Mulcahy[17] comme faisant partie de ses références.
Sonny Brogan est l'un des musiciens sélectionnés à l'origine par Seán Ó Riada en 1960 pour jouer la musique qui accompagne la pièce The Song of the Anvil de Bryan MacMahon, et de ce fait, devient un des membres fondateurs du groupe Ceoltóirí Chualann[18].
In 1963, il écrit un article pour le journal folk Ceol[5] dans lequel il souligne sa différence par rapport au style des accordéonistes plus anciens, ainsi que par rapport à celui de ses contemporains. Il se différencie des musiciens modernes, quoique avec quelques nuances avec les positions plus intolérantes des puristes tels que Seán Ó Riada, qui récusent le style récemment adopté par les accordéons à boutons, impropres à leur goût à l'interprétation de la richesse mélodique de la musique traditionnelle irlandaise, en ce qu'il considère leurs caractéristiques techniques comme fondamentalement étrangères à sa conception de la musique de danse irlandaise. Malgré ces réserves, il apprécie la brillance des nouvelles sonorités, qui attire une nouvelle génération de virtuoses vers l'accordéon.
En revanche, il est particulièrement critique envers « ces triolets que (les jeunes musiciens des années 1960) jettent partout où c'est possible, particulièrement dans les hornpipes… C'est devenu très monotone à l'écoute[19],[3] ». Il est également fortement opposé à son ami Breandán Breathnach, qui pense que les nouvelles générations n'ont aucun respect pour la tradition.
En 1963, Brendan Breathnach est chargé par l'Educational Company of Ireland de préparer un ouvrage illustré portant sur la musique irlandaise à danser. Sonny Brogan lui procure la plupart des airs, fort, comme le constate l'article de Ceol[3] de « sa connaissance universelle de ce style de musique, de son oreille, et de sa mémoire impressionnante qui lui a permis de stocker au cours des ans des centaines et des centaines d'airs »[20]. Le reel n° 82, Éilís Ní Bhrógáin, est dédié à sa fille.
Seán Ó Riada écrit de lui : « l'un des très rares musiciens qui sont capables de faire que leur musique sonne comme de la vraie musique irlandaise s'appelle Sonny Brogan, de Dublin. Il comprend les limites de son instrument mais se bat pour les dépasser, non pas en introduisant des ornementations malvenues, mais en mettant en valeur les éléments traditionnels. Ses ornementations se réduisent généralement à des simples cuts et autres rolls, comme dans ces reels, où les ornementations pures et les variations subtiles sont souvent plus parlantes et éloquentes que la pléthore de chromatismes à la mode. On devrait toujours être capable d'entendre l'air original distinctement »[21],[22].
Le , Sonny Brogan fait des enregistrements aux RTÉ Studios de Dublin, dont Gorman's Reel, The Hut in the Bog, Morrisson's Jig, The Fourpenny Loaf, Jenny Picking Cockles et Repeal of the Union. En 1980, Gorman's Reel et The Hut in the Bog furent intégrés au triple album Our Musical Heritage (FR003)[23].
Hommages
Sonny Brogan est enterré à Prosperous. Parmi ceux qui assistèrent aux funérailles sous la neige, malgré les distances et les mauvaises conditions météorologiques, il faut mentionner Ronnie Drew (The Dubliners).
Des hommages publiques furent rendus à l'artiste le et à cette occasion, Seán Ó Riada, durant l'émission Reachtaireacht an Riadaigh sur Radio Éireann, déclara que « Sonny Brogan était comme une bibliothèque pour la musique irlandaise, et (que) lorsque vous aviez besoin de retrouver quelque chose, il suffisait de chercher dans cette bibliothèque »[24].
James Keane, l'ami de jeunesse à l'époque des scènes de Dublin, fonda et nomma en son honneur une branche nouvelle de Comhaltas Ceoltóirí Éireann[25].
John Kelly, le violoniste, déclara que Sonny Brogan était le meilleur musicien qu'il lui ait été donné d'entendre, compte tenu de sa connaissance illimitée des airs et de sa capacité à se souvenir de tous les noms et versions de chaque morceau et de son histoire.
Desún MacLiam écrivit à son sujet « Is cinnte nach mbéidh a leithéid arí again » ('il est certain qu'il n'y en aura pas d'autres comme lui désormais').
Éamon de Buitléar anima une émission spéciale sur RTÉ Radio (en) dédiée à Sonny Brogan le . Ciarán Mac Mathúna fit de même et diffusa quelques-uns des enregistrements, tout en le couvrant d'éloges.
Seán Ó Riada, à son tour, publia un hommage appuyé en l'honneur de l'artiste[26].
Références
- (en) Notes sur Joe Cooley par Tony MacMahon
- (en) Référence à Sonny Brogan sur tradebit
- (en) Ceol : A Journal of Irish Music (volume 1, n°2, 1963)
- (en) Paolo Soprani et le Irish Box
- (en) Article sur l'accordéon irlandais moderne
- (en) Article sur l'accordéon irlandais
- http://www.copperplatemailorder.com/wcm0003.html
- (en) Ceolas: The Fiddler's Companion
- Jaquette du CD Irish Dance Music, Topic Records, TSCD602
- 78 tours HMV IM948
- (en) Article de Musical Tradition
- (en) Article sur John Kelly sur le site Ramblinghouse
- Sonny Brogan's Mazurka sur Wikimusica
- (en) Sonny's Dream sur Tullamore
- (en) Tony MacMahon sur Encyclopedia.com
- (en) Article sur le site The Irish Cultural Center
- (en) Top 10 Albums, 2005 - Earle Hitchner au Celtic Cafe
- (en) Irish Interview de Seán Potts sur IrishAbroad
- (en) « This triplet which [younger players of the 1960s] throw in everywhere they can, especially in hornpipes...it has become very monotonous to listen to. »
- (en) « …a man who knows everybody's music …a keen ear and a very retentive memory...enabled him to store up over the years hundreds and hundreds of tunes »
- (en) « One of the very few players who can make their music sound like Irish Music is Sonny Brogan of Dublin. He understands the limitations of his instrument but strives to counteract these, not by wrongly placed ornamentation but by emphasising the traditional elements. His ornamentation is usually confined to a single cut, or grace note, and the roll, as in these reels, where restrained ornamentation and subtle variation are far more telling and eloquent than the fashionable plethora of chromatics. We should always be able to hear the tune distinctly »
- (en) Our Musical Heritage, page 71
- (en) The Irish Traditional Music Archive Database
- (en) « Sonny…was a library of Irish Music and when you want to find something out you go to the 'library' »
- (en) Article dans The Swannano Gathering
- (en) « It was in the autumn of 1960 that I first met Sonny Brogan. I had been asked to supply music for Bryan MacMahon's play "The Song of the Anvil" at the Abbey Theatre, and has conceived the idea of using a group of traditional musicians for this purpose - the first time, as far as I am aware, that such a step had been taken. It was Éamonn De Buitléar who introduced me to Sonny, who was at first rather shy and reserved, until he realised what was wanted of him. The play went on and, though it did not find favour with the public which it more than merited, the music seemed to succeed with everyone, not least of all the actors and backstage staff, who used to be entertained by impromptu concerts given by the musicians in the dressing rooms. Sonny was, of course, a prime mover in all this and one of the reels which they used play most often backstage, commonly called "Redigan's", was re-christened by us privately "The Abbey Reel". When the run of the play was over I hated the idea of parting from the musicians and so formed "Ceoltoirí Chualann", of which, during the few years we have been functioning Sonny was a mainstay. I would not suggest for a moment that our association was all sweetness and light. Many the argument we had - it is well known that musicians argue more fiercely about traditional music than about anything else. However, we always saw eye to eye in the finish and each argument served only to make us better friends. Sonny's qualities as a musician were rare. He had an astounding memory, so much so that I was inclined to regard him, with John Kelly, as our living reference library. He could recall three or four different versions of a tune going back through three or four layers of time and often through three or four changes of title. He had a passion for the pure, simple essence of tunes, uncluttered by mistaken ornamentation. He was also, of course, an outstanding accordion player, one of the very few who could make it sound suitable for playing Irish music. As a person, Sonny was - well, he was contentious, convivial, argumentative, loyal, dogmatic, witty, utterly reliable, a tiger when his temper was roused (which was rare), and at the same time curiously gentle and courteous. He was a good friend. I shall miss him. Beannacht Dé lena anam. »
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