Soupeur

Le terme soupeur est un mot d'argot[1] désignant plusieurs pratiques sexuelles ayant comme principale caractéristique l'attrait de certains hommes pour les sécrétions uro-génitales d'autres hommes.

Définitions

La dernière vespasienne parisienne du boulevard Arago, devant la prison de la Santé.

1re définition : du pain imbibé d'urine

Le terme soupeur désigne ainsi tout d'abord des individus qui éprouvent du plaisir à manger de la nourriture imbibée de l'urine d'autrui, notamment du pain abandonné volontairement dans des urinoirs publics (vespasiennes[2]) puis récupéré pour être consommé[1] (il était parfois attaché par une ficelle[3]). On emploie plus rarement le terme « croûtenard », qui a pourtant l'avantage d'être plus précis[4]. Cette pratique était notamment répandue à Paris et à Marseille mais aussi aux États-Unis jusque dans les années 1960-1970[5], et on y trouve plusieurs références dans la littérature populaire de l'époque.

Il existe également une pratique alternative, qui consiste à boucher volontairement un urinoir et d'attendre qu'il se remplisse. L'individu urine ensuite lui-même dedans en submergeant totalement son pénis dans l'urine des précédents usagers, d'où l'expression la plus fréquente, « faire trempette ».

2e définition : dans les bordels

On a également désigné par ce mot des individus fréquentant les maisons de prostitution, et qui prenaient plaisir à consommer généralement à même le sexe féminin la semence abandonnée par les clients précédents[1]. D'autres appellations existent pour qualifier cet acte, comme « faire dînette ».

Dans son autobiographie One two two[6], l'ex-prostituée Fabienne Jamet évoque ainsi cette pratique : « À l'époque où je dirigeais le 122, j'avais un soupeur qui me prenait trente à quarante foutres à chaque visite »[7].

Parfois, les prostituées « truquaient » leur prestation et n'offraient qu'un ersatz de sperme en se badigeonnant les poils pubiens d'un mélange à base de blanc d'œuf, d'urine et de quelques gouttes d'eau de Javel[8].

Les soupeurs dans les arts

Littérature

Ces pratiques à la fois extrêmes et anodines ont souvent orné les descriptions des bas-fonds de Paris dans la littérature du milieu du XXe siècle :

« Y avait les lopailles trop vertes pour aller déjà au Bois… Une même qui revenait tous les jours, son truc c’était les pissotières et surtout les croûtes de pain qui trempent dans les grilles… Il racontait ses aventures... Il connaissait un vieux juif qu’était amateur passionné, un charcutier rue des Archives… Ils allaient dévorer ensemble… Un jour, ils se sont fait poisser… » Louis-Ferdinand Céline, Mort à crédit, 1936.

« Certains croient savoir qu'il était fouetteur des dames, tortureur de chats le gros blond joufflu des photos !... mais que le petit maigre boiteux raffolait, lui, des croûtons de pain trempés en certains endroits... » Louis-Ferdinand Céline, Entretiens avec le professeur Y, 1955

« Et je te cause pas de mon vieux fonds de vicelards, des pères fouettards, ni des soupeurs... J'avais rien à redire là-dessus. » Albert Simonin, Touchez pas au grisbi, 1953.

« Pas loin du métro, deux ou trois soupeurs patientaient » Auguste Le Breton, Razzia sur la chnouf, 1954.

« Je connais un soupeur… un de ces types qui mettent du pain dans les pissoirs publics… et qui le reprennent pour le manger imbibé d’urine » Silvio Fanti, L’Homme en micropsychanalyse, 1981.

« Des ivrognes, des prostituées, et même un soupeur » Joann Sfar, Pascin, 2005.

« J'avais douze ans. […] Martial, mon copain de la rue du Clos, s'était acoquiné avec un gars qui habitait rue des Orteaux, juste au-dessus de la vespasienne où les soupeurs mettaient à tremper leur quignon de pain dans la pisse. Ils y mettaient des pains entiers et venaient les reprendre le soir en douce. On les avait repérés, on était naïfs, on ne se doutait pas qu'ils les mangeaient, les pains gonflés d'urine. » Nan Aurousseau, Quartier charogne, 2012 Stock p. 100.

Chanson

Dans le domaine de la musique populaire, Hector Zazou aborde le thème avec son morceau La Soupeuse, sur l'album La Perversita (1979) ; et de manière plus humoristique la chanteuse GiedRé fait aussi référence à ces pratiques dans sa chanson Les Croûtons sur l'album Ma Première Compil' (2014)[9].

Dans la chanson Copains de soupe sortie en 2013, composée et interprétée par Salut c'est cool, le thème est suggéré par les mots « Souper Copain » et « La saveur biscuitée du gingembre relève le goût de l'amitié ».

La chanson Soupeur sortie en 2019 sur l'album Carambolage du groupe éponyme évoque également ce thème.

Cinéma

Dans le film français Incontrôlable sorti en 2006, le héros Georges Dude (interprété par Michaël Youn) accuse son ami Roger d'être un « croûtenard ».

Notes et références

  1. Voir la définition de « Soupeur », sur le Trésor de la Langue Française.
  2. Les Vespasiennes étaient connues pendant la première moitié du XXe siècle pour être des lieux de rencontre de marginaux et de pervers, raison pour laquelle elles furent presque toutes démolies, notamment à Paris. Voir à ce sujet l'ouvrage de Laud Humphreys, Le Commerce des pissotières : Pratiques anonymes dans l'Amérique des années 1960, La Découverte, 2005.
  3. Quentin B. Ferréol, « Les Soupeurs : psychologie des voleurs d’urine », sur Tryangle.fr, .
  4. C'est sous ce terme qu'il y est fait allusion dans le film de Michaël Youn Incontrôlable.
  5. Laud Humphreys Le Commerce des pissotières, Pratiques anonymes dans l’Amérique des années 1960, La Découverte, 2005.
  6. le One-two-two, établi au 122, rue de Provence, fut une des plus célèbres maisons closes de Paris.
  7. Fabienne Jamet, One Two Two Two, Olivier Orban, 1975, p. 45.
  8. Cf. Martin Monestier, Les Poils, histoires et bizarreries, p. 260.
  9. « Paroles de la chanson Les Croûtons », sur boiteachansons.net.

Voir aussi

Bibliographie

  • Fabienne Jamet One two two, éditions Olivier Orban, 1975.
  • Brenda B. Love Dictionnaire des fantasmes et perversions, Éditions Blanche, 2000.
  • Marc Lemonier et Alexandre Dupouy, Histoire(s) du Paris libertin, La Musardine, 2003.
  • Laud Humphreys Le Commerce des pissotières, Pratiques anonymes dans l’Amérique des années 1960, La Découverte, 2005.
  • Robert Stoller La perversion, forme érotique de la haine, Payot, coll. "Petite Bibliothèque Payot", 2007, (ISBN 978-2228901529).
  • Véronique Willemin, La Mondaine, histoire et archives de la Police des Mœurs, Hoëbeke, 2009.

Articles connexes

Liens externes

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