Stèle Boglio
La stèle Boglio appelée aussi stèle de Cuttinus est une stèle retrouvée dans la région de Siliana, en Tunisie. Elle est actuellement conservée au musée national du Bardo[1].
Stèle Boglio | |
Détail de la stèle avec la scène figurée. | |
Type | Stèle |
---|---|
Dimensions | 1,55 m x 0,61 m x 0,15 m[H 1]. |
Matériau | Calcaire |
Période | Fin du IIIe siècle-début du IVe siècle |
Culture | |
Lieu de découverte | |
Conservation | Musée national du Bardo |
Fiche descriptive | Inv. 3119 |
Le monument constitue une pièce archéologique importante pour la connaissance du culte rendu à Saturne en Afrique romaine dont elle est l'un des témoignages les plus célèbres, avec la série des stèles de La Ghorfa.
Histoire
Histoire ancienne
La stèle est un ex-voto qui rappelle un sacrifice, par un nommé Cuttinus, d'un taureau et d'un bélier à Saturne africain ayant eu lieu sur le site même de l'érection du monument[A 1].
La stèle est datée précisément du par Nayla Ouertani[C 1], mais elle est datée de la fin du IIIe siècle ou du début du IVe siècle av. J.-C. par Christophe Hugoniot[A 1], peut-être sous la première Tétrarchie, ou d'une fourchette entre 284 et 310 selon Mohamed Yacoub, du fait du style « cubique » des reliefs[E 1],[H 1].
Description
La stèle est en calcaire grisâtre et en excellent état de conservation[D 1]. Elle s'organise sur plusieurs registres superposés[E 2], selon la méthode habituelle.
Fronton et partie supérieure : le monde divin
La partie la plus haute comporte un fronton, qui porte un aigle[B 1] aux ailes déployées[D 2], deux Victoires qui entourent une dédicace à la divinité dans un cartouche[C 2]. Les Victoires tiennent une palme et le cartouche sur lequel est inscrit Saturno Aug(usto) sacrum b(onis) b(ene)[D 2], « À Saturne Auguste : bonheur aux hommes de bien »[E 1], expression destinée à « combler les élus »[H 1].
Deux registres supérieurs sont consacrés à la divinité : le premier, dans une cella de temple[C 2] flanquée de deux colonnes torsadées[D 2], représente le dieu assis sur un taureau accroupi[E 1], « victime sacrificielle », et qui porte « son attribut habituel »[E 1], une serpe[B 1],[D 2], avec les Dioscures comme assesseurs[C 2] portant un uniforme militaire[D 2] et accompagnés de chevaux. Le dieu est barbu et chevelu[E 1] et a la tête voilée[C 2]. Le monde divin est ainsi représenté[D 2],[E 2].
Scène du sacrifice
Sur le second, Cuttinus accompagné de sa famille est prêt à accomplir le sacrifice d'un taureau et d'un bélier[A 1] victimes « rituelles dans le culte de Saturne »[D 2] ou à réaliser ce sacrifice[B 1]. Cutinnus dépose de l'encens sur l'autel[E 1] et des femmes, dont l'épouse de Cuttinus et ses deux filles[D 2], portant des paniers de fruits sont à ses côtés[B 2]. Le maître du domaine est représenté de façon hiératique[C 1] et porte une toge[E 1]. À partir de cette représentation, les reliefs figurent la réalité[E 1].
Entre le relief représentant Saturne et celui représentant Cuttinus réalisant le sacrifice se trouve une inscription : P (...) N (...) Cuttinus votu(m) sol(vit) cum suis B(onis) b(ene)[D 3]. L'inscription signifie « le patron de notre domaine, Cuttinus, s'est acquitté de son vœu avec les siens »[D 2],[C 2]. Les deux dernières lettres signifient « bonheur aux gens de bien »[E 1]. Les reliefs qui suivent sont des représentations de la réalité[E 1].
Partie inférieure : la vie d'un domaine céréalier
Deux registres inférieurs sont quant à eux consacrés aux « Travaux et les Jours »[D 2] de la vie rurale[C 1] sur le domaine[A 1], en particulier la culture céréalière.
Les deux dernières scènes figurées présentent l'activité agricole de labours, avec sur la gauche[E 1] un paysan qui mène une paire de bœufs et l'araire[D 2] et sur la droite une scène de moissons avec des ouvriers agricoles récoltant le blé à la faucille et formant des gerbes[D 2],[E 1]. Sur toute la largeur du registre inférieur[E 1] figure une scène de transport de la récolte sur trois chariots tirés par deux chevaux[D 2], le domaine semblant prospère[E 3]. La prospérité de Cuttinus est due à sa piété[E 1].
Interprétation
Le propriétaire est un riche détenteur d'un domaine agricole[D 2].
Témoignage du culte rendu à Saturne africain
L'œuvre évoque Jupiter même si c'est Saturne qui est représenté ; il possède les attributs du maître de l'Olympe, maître des animaux et cosmique[C 2] du fait de la présence des Dioscures, les deux « hémisphères célestes »[E 1]. Saturne possède un caractère solaire et il est invictus[D 2],[E 1]. Le caractère de « maître des animaux » est lié à ses origines orientales et le taureau a « un pouvoir générateur »[D 2].
La stèle est, outre son aspect religieux, une représentation de la vie rurale de l'Afrique antique et de la prospérité du dédicant[A 1].
Témoignage de la prospérité des domaines agricoles
La stèle est un rappel de la puissance de Saturne en Afrique, « maître du temps et des moissons », « frugifer »[C 2], « garant de la qualité et de l'abondance de la récolte »[F 1], qui apporte la richesse à Cuttinus et à sa famille[A 1], et à toute la société paysanne[B 1] par l'expression B(onis) b(ene). Saturne a donc aussi un caractère frugifer[D 2].
Le propriétaire est un autochtone[E 1].
L'œuvre veut transmettre l'image d'« une heureuse plénitude [...] sous le bienveillant patronage de la divinité »[B 3]. Cependant, selon Serge Lancel, la stèle obéit à des canons[B 3] bien que possédant des « caractères punico-numides et classiques »[C 1]. C'est finalement l'« un des documents les plus importants pour l'illustration du culte de Saturne africain »[D 1].
Notes et références
- Numéro d'inventaire au musée du Bardo : Inv. 3119.
- Rome en Afrique : de la chute de Carthage aux débuts de la conquête arabe
- Hugoniot 2000, p. 160.
- Carthage
- Lancel 1992, p. 453.
- Lancel 1992, p. 453-454.
- Lancel 1992, p. 454.
- La sculpture romaine : la Tunisie, carrefour du monde antique
- Ouertani 1995, p. 99.
- Ouertani 1995, p. 98.
- De Carthage à Kairouan, 2 000 ans d'art et d'histoire en Tunisie
- Collectif 1982, p. 111.
- Collectif 1982, p. 112.
- Collectif 1982, p. 111-112.
- Le musée du Bardo : départements antiques
- Yacoub 1993, p. 68.
- Yacoub 1993, p. 67.
- Yacoub 1993, p. 67-68.
- Le Bardo, la grande histoire de la Tunisie
- La Tunisie antique : de Hannibal à saint Augustin
- Slim et Fauqué 2001, p. 217.
- Slim et Fauqué 2001, p. 218.
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (it) Bruno d'Andrea, « Gli animali nelle stele votive puniche e di tradizione punica del Nord Africa (V sec. a.C. - IV sec. d.C. », sur halshs.archives-ouvertes.fr (consulté le ).
- Aïcha Ben Abed-Ben Khedher, Le musée du Bardo, Tunis, Cérès, , 76 p. (ISBN 997370083X).
- Gilbert Charles-Picard, « La collection Boglio à Siliana », Bulletin du comité archéologique, 1943-1945, p. 375-380.
- Gilbert Charles-Picard, Les religions de l'Afrique antique, Paris, Librairie Pion, coll. « Civilisations d'hier et d'aujourd'hui », , 266 p., p. 120-122.
- M'hamed Hassine Fantar, Samir Aounallah et Abdelaziz Daoulatli, Le Bardo, la grande histoire de la Tunisie : musée, sites et monuments, Tunis, Alif, , 244 p. (ISBN 9789938958119). .
- Christophe Hugoniot, Rome en Afrique : de la chute de Carthage aux débuts de la conquête arabe, Paris, Flammarion, coll. « Champs Université », , 350 p. (ISBN 9782080830036). .
- Serge Lancel, Carthage, Paris, Fayard, , 525 p. (ISBN 9782213028385). .
- Jean-Marie Lassère, Africa, quasi Roma (256 av. J.-C. - 711 apr. J. C.), Paris, Centre national de la recherche scientifique, , 778 p. (ISBN 9782271076731).
- Marcel Le Glay, Saturne africain, Monuments, t. 1 : Afrique proconsulaire, Paris, Arts et Métiers Graphiques, , 464 p., p. 227-228.
- Marcel Le Glay, Saturne africain, Histoire, Paris, Éditions de Boccard, , 522 p., p. 97-98.
- Nayla Ouertani, « La sculpture romaine : la Tunisie, carrefour du monde antique », Dossiers d'archéologie, no 200, , p. 92-101 (ISSN 1141-7137). .
- Pierre Quoniam (préf. Alfred Merlin), Découvertes archéologiques en Tunisie, 1942-1948 : exposition préparée sous la direction de M. P. Quoniam, Tunis, Imprimerie Laporte, , p. 5.
- Hédi Slim et Nicolas Fauqué, La Tunisie antique : de Hannibal à saint Augustin, Paris, Mengès, , 259 p. (ISBN 9782856204214). .
- Hédi Slim, Ammar Mahjoubi, Khaled Belkhodja et Abdelmajid Ennabli, Histoire générale de la Tunisie, vol. I : L'Antiquité, Paris, Maisonneuve et Larose, , 459 p. (ISBN 9782706816956).
- Mohamed Yacoub, Le Musée du Bardo : départements antiques, Tunis, Agence nationale du patrimoine, , 294 p. (ISBN 978997391712-6). .
- Collectif, De Carthage à Kairouan, 2 000 ans d'art et d'histoire en Tunisie, Paris, Association française d'action artistique, , 280 p. (ISBN 2-86545-015-5). .
- Bulletin archéologique du comité, 11 juin 1945.
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