Stalag Luft III

Stalag Luft III (allemand : Stammlager Luft III ; littéralement « Camp principal, Air, III) était un camp de prisonniers de guerre durant la Seconde Guerre mondiale où étaient incarcérés des personnels des forces aériennes alliées.

Stammlagger Luft III

Maquette du Stalag Luft III.
Présentation
Nom local Stalag Luft III
Type Camp de prisonniers de guerre
Gestion
Date de création
Créé par  Reich allemand
Géré par  Luftwaffe
Date de fermeture
Fermé par Armée soviétique
Victimes
Type de détenus Aviateurs alliés prisonniers de guerre
Nombre de détenus 10 949
Géographie
Pays Pologne
Région Basse-Silésie
Localité Żagań
Coordonnées 51° 35′ 55″ nord, 15° 18′ 27″ est
Géolocalisation sur la carte : Pologne

Description

Le Stalag Luft III est situé près de Żagań, en Basse-Silésie prussienne[n 1] et relevait exclusivement de la Luftwaffe. Il est établi en , à l’est du Stalag VIII C et à 160 km au sud-est de Berlin. Le site avait été sélectionné car le sol sableux rendrait difficile les travaux d’excavation des prisonniers pour s’échapper par tunnel.

Les prisonniers étaient principalement des aviateurs britanniques et américains, mais des prisonniers d'autres nationalités y ont été recensés : Français, Belges, Canadiens, Néerlandais, Grecs, Norvégiens, Lituaniens, Slovaques, Tchèques, Polonais, ainsi que des pilotes de Nouvelle-Zélande et de la république d'Afrique du Sud. On estime qu'au début de 1944, ils étaient plus de 10 500 prisonniers.

Il est connu pour les deux évasions qui s’y sont déroulées :

  1. La première en 1943 qui est devenue la base du livre Le Cheval de bois de l’écrivain Eric Williams (en) et du film éponyme.
  2. La seconde évasion connue comme La Grande Évasion, eu lieu en mars 1944 et fut conçue par le squadron leader de la Royal Air Force Roger Bushell et autorisée par l’officier britannique senior du Stalag Luft III, Herbert Massey (en). Une version hautement romancée de l’évasion est décrite dans le film de 1963, lui même basé sur le livre de l’ancien prisonnier Paul Brickhill.

Le camp a été libéré par les forces soviétiques en janvier 1945. Le site de l’ancien camp est maintenant un musée.

Vie au camp 1942 – 1944

Kommandant Friedrich Wilhelm von Lindeiner-Wildau, commandant du Stalag Luft III.

Le forces allemandes suivent une pratique selon laquelle chaque branche est responsable des prisonniers de la branche équivalente. En conséquence, la Luftwaffe est normalement responsable de tous les aviateurs alliés prisonniers, y compris de la Fleet Air Arm. Dans quelques cas, des personnels non aériens furent gardés dans ce camp.

Stammlager Luft (littéralement « Camp principal, Air ») était la désignation de la Luftwaffe pour un camp de prisonniers de guerre. Quoique le camp n’ait accueilli que des officiers avant la création d’extensions, il n’a jamais reçu l’appellation d’Offizier Lager ou Oflag.

La première enceinte (enceinte est) du camp fut complété et ouverte le . Les premiers prisonniers de guerre, ou kriegies comme ils s’appellent eux-mêmes (de Kriegsgefangene, « prisonnier de guerre » en allemand), a être transférés le au Stalag Luft III étaient des officiers britanniques ou du Commonwealth. L’enceinte centrale fut ouverte le et accueillit jusqu’à la fin de l’année des sous-officiers britanniques et du Commonwealth, remplacés ensuite par des personnels de l’USAAF. L’enceinte nord, destinée à l’accueil des aviateurs britanniques et qui fut le théâtre de la Grande Évasion, ouvrit le . Une enceinte sud pour les aviateurs états-uniens fut ouverte en septembre 1943 et les prisonniers de l’USAAF arrivèrent en nombre significatif dans les mois suivants amenant à l’ouverture de l’enceinte ouest en juillet 1944. Chaque enceinte comprenait une quinzaine de huttes avec des dortoirs de 3 par 3,70 mètres où dormaient 15 prisonniers répartis dans 5 triple lits superposés. Finalement, le camp atteignit approximativement la taille de 24 hectares et accueillit 2 500 officiers de la Royal Air Force, 7 500 de l’USAAF et 900 autres d’autres nationalités pour un total de 10 949 prisonniers[1],[2].

Le camp a été conçu pour rendre l’évasion extrêmement difficile. Le creusement d’un tunnel, en particulier, fut rendu difficile par plusieurs facteurs :

  1. Les barraques abritant les prisonniers étaient installées à environ 60 cm au-dessus du sol pour faciliter la détection par les gardes de travaux d’excavation.
  2. Le camp a été construit dans une région au sous-sol sableux dont le jaune brillant rend facilement détectable l’extraction de la terre sombre et grise se situant en dessous du premier, notamment s’il y en a sur les vêtements. Également, le sable ne permet de s’assurer que très difficilement de l’intégrité structurelle des tunnels.
  3. Des microphones sismographes ont été installés autour du camp afin de détecter le creusement de tunnels.

Une substantielle bibliothèque avec du matériel d’enseignement était disponible, de nombreux prisonniers acquérant ainsi des grades universitaires en langue, ingénierie ou droit. Les examens ont été fournis par la Croix-Rouge et supervisés par un doyen (Master (en)) du King’s College prisonnier du camp. Les prisonniers construisirent également un théâtre et mirent en scène le répertoire des théâtres de West End[3]. Les prisonniers utilisaient l’amplificateur du camp pour diffuser une station d’information et de musique qu’ils baptisèrent « Station KRGY » (abréviation de Kriegsgefangener) et imprimaient deux journaux publiés quatre fois par semaine, le Circuit et le Kriegie Times[4].

Les prisonniers mettaient en œuvre un système par lequel les nouveaux venus étaient contrôlés afin de prévenir l’infiltration de leurs rangs par des agents allemands. Tout prisonnier qui ne disposait pas de deux garants parmi les prisonniers était sévèrement interrogé et ensuite continuellement escorté par d’autres prisonniers jusqu’à ce qu’il soit considéré comme un véritable prisonnier allié. Plusieurs infiltrés furent découverts par cette méthode et aucun n’eut connaissance des tentatives d’évasion[réf. nécessaire].

Les gardes allemands étaient qualifiés par les prisonniers de goons idiot » et, inconscient de la connotation du terme, acceptèrent le surnom après qu’on leur ait dit qu’il correspondait à « German officer or Non-Com » (« officier ou sous-officier allemand »)[5]. Les gardes étaient suivis partout par les prisonniers qui utilisaient un système élaboré de signaux pour avertir les autres de leur localisation. Les mouvements des gardes étaient minutieusement enregistrés dans un journal conservé par une ronde d’officiers. Incapables de stopper ce système que les prisonniers appelaient le « Duty Pilot », les Allemands le tolérèrent et, à une occasion, le registre fut utilisé par le commandant von Lindeiner pour appuyer les charges contre deux gardes qui avaient quitté leur poste durant plusieurs heures[6].

Les 800 gardes du camp, aviateurs de la Luftwaffe, étaient soit trop vieux pour le combat ou en convalescence. Ils accordèrent ainsi un bien meilleur traitement aux prisonniers que celui reçu dans les autres camps de prisonniers situés en Allemagne[4]. Le major Gustav Simoleit, commandant adjoint, professeur d’histoire, géographie et d’ethnologie avant la guerre, parlait plusieurs langues incluant l’anglais, le russe, le polonais et le Tchèque. Transféré à Żagań au début de 1943, il prouva sa sympathie pour les aviateurs alliés. Ignorant l’interdiction d’étendre la courtoisie militaire aux prisonniers de guerre, il fournit les honneurs militaires complets lors de funérailles de prisonniers du Luft III dont un aviateur juif[7].

L’alimentation était continuellement un sujet de préoccupation pour les prisonniers. Les apports nutritionnels pour un adulte inactif sont de 2 150 kcal[8]. Le camp alloue la ration des civils allemands « non-actifs » qui fournit 1 928 kcal par jour, l’équilibre étant atteint grâce aux colis des Croix-Rouge états-unienne, canadienne et britannique (en) ainsi que des familles[4]. Comme de coutume dans de nombreux camps, les paquets individuels et de la Croix-Rouge sont rassemblés et distribués à égalité à chaque homme. Le camp avait également un système interne de troc appelé « Foodacco »[9]. Les Allemands payent aux officiers capturés l’équivalent de leur paie dans une monnaie interne (lagergeld) qui est utilisée pour acheter des biens mis à disposition par l’administration allemande. Tous les trois mois, de la bière, en quantité insuffisante, est mis en vente à la cantine. Comme les sous-officiers ne reçoivent aucune paie, il est d’usage que les officiers leur fournissent un tiers de leur lagergeld, mais l’ensemble est mis en commun au Luft III. Comme la politique du gouvernement britannique était de déduire la paie du camp de la paie militaire, la mise en commun évite la pratique dans les autres camps où les officiers états-uniens contribuent à la cantine britannique[4].

Le Stalag Luft III disposait du meilleur programme récréatif de l’ensemble des camps de prisonniers de guerre en Allemagne. Chaque enceinte disposait de terrains de volleyball et d’athlétisme. Les prisonniers participent également à des matchs de basket-ball, softball, boxe, touch football, volley-ball, tennis de table et escrime avec des ligues pour la plupart d’entre-eux. Un bassin de 6,1 × 6,7 × 1,5 mètres destiné à la lutte anti-incendie était occasionnellement utilisé pour la natation[4].

Comme décrit par J. Frank Diggs (en), de nombreuses aménités ont été rendues possibles grâce à l’action du juriste suédois Henry Söderberg, représentant de la Young Men's Christian Association, que ce soit en matière de sport, de religion, de lecture, de musique.

Première évasion (1943)

La première évasion a lieu en octobre 1943 dans l’enceinte est. Évoquant un moderne cheval de Troie, les kriegies construisirent un saut de cheval à partir de contreplaqué fourni par les colis de la Croix-Rouge. Le cheval avait été conçu pour cacher homme, outils et conteneurs de boue. Chaque jour le cheval est placé au même endroit, à proximité de la clôture, et tandis que des exercices de gymnastique ont lieu, un tunnel est creusé. À la fin de chaque journée de travail, un panneau est placé sur l’entrée du tunnel et couvert avec de la terre de la surface. Le bruit des exercices de gymnastique couvre celui des travaux d’excavation. Pendant trois mois, trois prisonniers, le lieutenant Michael Codner (en) et les flight lieutenant Eric Williams et Oliver Philpot (en), creusèrent, par roulement de un ou deux sapeurs à la fois, un tunnel de 30 mètres en utilisant des bols comme pelle et des tiges métalliques pour percer jusqu’à la surface des trous d’air. Il n’y eut pas d’étaiement du tunnel à l’exception de l’entrée. L’évasion de Codner, Williams et Philpot eu lieu dans la nuit du [10].

Williams et Codner furent capables d’atteindre le port de Stettin, aujourd’hui Szczecin où ils embarquèrent sur un cargo danois et retournèrent finalement en Grande-Bretagne. Philpot, incarnant un fabricant de margarine norvégien, prit un train pour Danzig, l’actuelle Gdańsk, où il embarqua dans un navire suédois en partance pour Stockholm d’où il fut rapatrié vers le Royaume-Uni. Williams publia le récit de son évasion dans Goon in the Block, plus tard retitré The Wooden Horse, et qui donna lieu au film éponyme tandis que Philpot publia Stolen Journey.

La Grande Évasion

Cette évasion de masse était organisée par le Comité « X » créé au printemps 1943 et dirigée par le commandant Roger Bushell. Par un tunnel de 111 m de longueur, creusé à 10 m de profondeur, 76 pilotes réussirent à sortir du camp. Les Allemands traquèrent les évadés sur tout le territoire et tous furent repris sauf trois pilotes, qui échappèrent aux nazis : deux Norvégiens et un Néerlandais. Sur ordre d'Hitler, 50 des prisonniers repris furent fusillés.[n 2]

Postérité

L'évasion en 1944 du Stalag Luft III a été immortalisée dans le film La Grande Évasion (1963) de John Sturges.

Dans le même registre, une comédie américaine, moins sérieuse, Papa Schultz (titre original : Hogan's heroes) se déroule également dans un camp de prisonniers géré par la Luftwaffe.

Notes et références

Notes

  1. Aujourd'hui en Pologne.
  2. Ce n'est cependant pas la plus grande tentative d'évasion de la Seconde guerre mondiale : en septembre 1943, 132 officiers français tentèrent de s'évader de l'Oflag XVII-A. Tous furent repris, sauf cinq qui réussirent à s'échapper ; deux officiers furent abattus au cours de leur fuite.

Références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Stalag Luft III » (voir la liste des auteurs).
  1. Quentin Richard Petersen, Selected Recollections Chosen from a Fortunate Life, a continuing memoir, SeniorNet.org, « Stalag Luft III »
  2. « Museum of Allied Prisoners of War Martyrdom » [archive du ], Żagań, Poland, Serwis Museum (consulté le )
  3. « Pilot Officer Bertram A. "Jimmy" James » (consulté le )
  4. « American Prisoners Of War In Germany: Stalag Luft 3 » [archive du ], sur War Department Intelligence Service, (consulté le )
  5. (en) Raymond Ives, Fickle Finger of Fate: The Memoir of a Bombardier with the 96th Bomb Group, Merriam Press, (ISBN 9781304447616, lire en ligne), p. 77
  6. Monica Dickens, Great Escape, Pan Books, (ISBN 0-330-24065-X)[page à préciser]
  7. Rob Davis, « The Great Escape, Stalag Luft III, Sagan » (consulté le )
  8. « Daily Calorie Requirements ARCHIVE » [archive du ], Webstation.com.au (consulté le )
  9. AIR40/2645 Official Camp History – Part I Para 2(e)
  10. AIR40/2645 Part I – Official Camp History – SLIII(E)

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) William Ash, Under the Wire, (ISBN 0-593-05408-3, lire en ligne )
  • (en) Ted Barris, The Great Escape: A Canadian Story, Thomas Allen, (ISBN 978-1-77102-272-9)
  • (en) Paul Brickhill, The Great Escape, New York, Norton, (ISBN 9780393325799)
  • (en) Alan Burgess, The Longest Tunnel, New York, Naval Institute Press, (ISBN 1591140978)
  • (en) Tim Carroll, The Great Escapers, Mainstream Publishers, (ISBN 1-84018-904-5)
  • Albert Patton Clark, 33 Months as a POW in Stalag Luft III: A World War II Airman Tells His Story, Golden, CO, Fulcrum, (ISBN 978-1-55591-536-0)
  • (en) Stephen Dando-Collins, The Hero Maker, A Biography of Paul Brickhill, Sydney, Penguin Random House, (ISBN 978-0-85798-812-6)
  • (en) Arthur A Durand, Stalag Luft III, Patrick Stephens Ltd, (ISBN 1-85260-248-1)
  • (en) MRD Foot et James Langley, MI9: Escape and Evasion 1939–1945, London, The Bodley Head, (ISBN 978-0-316-28840-8)
  • (en) BA "Jimmy" James, Moonless Night, London, William Kimber, Available in a later ed. (OCLC 19469692)
  • (en) Mark Kozak-Holland, Project Lessons from the Great Escape (Stalag Luft III) (lire en ligne [archive du ]) The prisoners formally structured their work as a project. This book analyses their efforts using modern project management methods.
  • (en) George Millar, Horned Pigeon, London, Heinemann, Available in a later ed. (OCLC 51108963)
  • (en) John Nichol et Tony Rennell, The Last Escape, London, Penguin, (lire en ligne [archive du ])
  • (en) Ken Rees et Karen Arrandale, Lie in the Dark and Listen: The Remarkable Exploits of a WWII Bomber Pilot and Great Escaper, Grub Street, (ISBN 978-1-904010-77-7)
  • (en) Guy Walther, The Real Great Escape, London, Bantam Press, (ISBN 978-0-593-07190-8)
  • (en) Calton Younger, No Flight from the Cage, Frederick Muller, (ISBN 0-352-30828-1)

Articles connexes

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