Statue de Victor Schœlcher (Cayenne)

La statue de Victor Schœlcher est un groupe sculpté par Louis-Ernest Barrias en 1896 à l'effigie de Victor Schœlcher, situé à Cayenne en Guyane.

Statue de Victor Schœlcher
Présentation
Type
Fondation
Créateur
Patrimonialité
Localisation
Adresse
Place Victor-Schœlcher
Cayenne, Guyane
 France
Coordonnées
4° 56′ 33″ N, 52° 19′ 49″ O

Classée monument historique en 1999, la statue est dégradée puis déboulonnée en 2020.

Localisation

La place Victor-Schœlcher à Cayenne.

La statue est située à Cayenne, visible jusqu'en 2020 sur la place Victor-Schœlcher, anciennement place Victor-Hugo[1],[2],[3],[4],[5]. Cet emplacement est stratégique en raison de la présence depuis plus d'un siècle d'une banque, la première de Guyane[6].

Depuis , la statue est remisée dans un entrepôt des services techniques de la ville[7].

Histoire

Création

Plâtre original à Bourbon-Lancy.

La statue rend hommage à Victor Schœlcher non pour ses liens avec la Guyane, qui sont ténus, mais en raison de son rôle dans l'abolition de l'esclavage en 1848[1].

Schœlcher mort fin 1893, un groupe se forme dès 1894 à Paris et dans les colonies pour élever un monument à sa mémoire[1]. La commande est confiée à Louis-Ernest Barrias.

La statue est fondue en 1896 par Gustave Leblanc-Barbedienne[1]. Une lettre de Barrias à Leblanc-Barbedienne du indique qu'elle était déjà prête pour la fonte à cette date[8].

La statue est inaugurée à Cayenne le par Henri Éloi Danel, gouverneur de Guyane[1].

Le plâtre original est exposé au musée municipal installé dans l'église Saint-Nazaire de Bourbon-Lancy, en Saône-et-Loire[9],[10].

La statue, y compris son socle, est classée monument historique par arrêté du [11].

Dégradations

En -, dans le contexte du mouvement social en Guyane initié par le collectif d'hommes cagoulés « 500 frères », la statue est recouverte d'une cagoule[12].

En , des maillots sont posés sur la tête des deux personnages de la statue, un noir sur Schœlcher et un rouge sur l'esclave libéré[5].

Dans la nuit du au , la statue est maculée de peinture rouge[5], une seringue est placée dans la main droite de Schœlcher, et ce qui semble être un cœur arraché est déposé aux pieds de l'esclave libéré, probablement à la fois en référence à la gestion de la pandémie de Covid-19 en Guyane et en réaction à la mort de George Floyd[12].

La statue est ensuite déboulonnée dans la nuit du au [13],[14]. En l'absence de témoin et de vidéosurveillance, les auteurs de cet acte ne sont pas identifiés. L'œuvre est depuis remisée dans un entrepôt des services techniques de la ville[7].

Description

Gros plan sur la statue.

Le groupe est un bronze. Il représente Victor Schœlcher, bras droit tendu vers l'horizon, et bras gauche entourant les épaules d'un jeune esclave noir, comme pour lui montrer la voie de la liberté[15]. Aux pieds de l'esclave, vêtu d'un simple pagne, se trouvent des chaînes brisées, symbole de sa liberté retrouvée. Il tient ses mains sur son cœur[7] et semble porter un regard reconnaissant vers Schœlcher[5].

Georges Lafenestre en fait la description suivante : « Schœlcher, debout, long, maigre, ferme, stoïque, étroitement boutonné dans sa longue redingote de puritain austère et de démocrate aristocratique, protégeant de sa bienveillance virile l'esclave qu'il a délivré »[16].

Page du rapport d'où est extraite la citation inscrite sur le socle.

Sur le socle on peut lire[9],[17],[3],[18],[19] : « À / Victor Schoelcher / la Guyane reconnaissante / La République / n'entend plus faire de distinction / dans la famille humaine / Elle n'exclut personne / de son immortelle devise / Liberté, Égalité, Fraternité / Extrait du rapport de V. Schœlcher ». Cette citation est extraite du Rapport fait au ministre de la Marine et des Colonies, par la commission instituée pour préparer l'acte de l'abolition immédiate de l'esclavage, commission présidée par Schœlcher[20].

À la base du groupe, sous le pied gauche de l'esclave, on trouve l'inscription « E. Barrias, Paris, 1896 », et sous le pied droit de Schœlcher, « Leblanc-Barbedienne, fondeur, Paris »[9],[19].

Critique

Statue de Schœlcher à Fort-de-France en Martinique.

L'opposition dans cette statue entre les vêtements de Schœlcher la quasi-nudité de l'esclave, ainsi que l'attitude protectrice de Schœlcher, rendent compte d'un certain paternalisme et du reproche qui est fait aux partisans de Schœlcher, pourtant abolitionnistes, « d'avoir effacé le souvenir des luttes des esclaves, d'avoir réduit ceux-ci à un rôle de débiteurs devant une reconnaissance éternelle à une République libératrice »[21].

On retrouve le même type d'éléments dans la statue de Schœlcher par Marquet de Vasselot à Fort-de-France, également déboulonnée le lors de la fête de l'abolition de l'esclavage en Martinique.

Références

  1. Kagan 2008, p. 404.
  2. Mam-Lam-Fouck 1998, p. 34 et 40.
  3. Mam-Lam-Fouck 2000, p. 197.
  4. Mam-Lam-Fouck 2006, p. 115 et 228.
  5. P.R., « La statue de Victor Schoelcher maculée de peinture rouge sang », France-Guyane, .
  6. P.R., « Cayenne : la statue de Victor Schoelcher est à terre », France-Guyane, .
  7. Jacqueline Lalouette, Les statues de la discorde, Paris, Passés Composés (Humensis), , 238 p. (ISBN 978-2-37933-640-9), « Victor Schœlcher (Martinique, Guadeloupe, Guyane) ».
  8. Florence Rionnet, La maison Barbedienne : Correspondances d'artistes, Paris, CTHS, coll. « Format » (no 65), , 372 p. (ISBN 978-2-7355-0666-8), « L.A.S. à Gustave Leblanc-Barbedienne,  », p. 57, d'après Archives nationales, 368AP/1, dossier 10.
  9. Kagan 2008, p. 405.
  10. « Monument à Victor Schoelcher », notice no 01640000098, base Joconde, ministère français de la Culture.
  11. « Statue de Victor Schœlcher », notice no PA00135683, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  12. Karl Constable, « Fait divers : la statue de Victor Schoelcher barbouillée de peinture rouge-sang », Guyane La Première, .
  13. P.R. et S.H., « Cayenne : la statue de Victor Schoelcher n'est plus sur son socle », France-Guyane, .
  14. Vincent Lemiesle, « On vous explique les motivations de ceux qui ont renversé une statue de l'abolitionniste Victor Schoelcher en Guyane », France 3 Grand Est, .
  15. Isabelle Hidair, « L'espace urbain cayennais : Un champ de construction identitaire », L'Espace politique, no 6, (DOI 10.4000/espacepolitique.1039).
  16. Georges Lafenestre, « Ernest Barrias (1841-1905) », Revue de l'art ancien et moderne, vol. 23, , p. 321–340 (332–333) (lire en ligne), repris dans L'Œuvre de Ernest Barrias : Avec une notice de Georges Lafenestre (exposition au Salon des artistes français, Grand Palais, -), Paris, Renouard, , 117 p. (BNF 33516638), p. 65–66 [lire en ligne] et photo p. 57 [lire en ligne], cité dans Kagan 2008, p. 406 et dans Lalouette 2021.
  17. Mam-Lam-Fouck 1998, p. 41.
  18. Mam-Lam-Fouck 2006, p. 229.
  19. « Monument à Victor Schoelcher – Cayenne », sur e-monumen.net.
  20. Recueil de la législation nouvelle, Basse-Terre (Guadeloupe), Imprimerie du gouvernement, (BNF 34136395), p. 10 [lire en ligne] [lire sur Wikisource].
  21. Lalouette 2021, « La haine antischœlchérienne et de nécessaires rappels historiques », citant Hidair 2008, § 23 et Hugh Honour et Ladislas Bugner (dir.) (trad. de l'anglais par Marie-Geneviève de La Coste Messelière et Yves-Pol Hémonin), L'Image du Noir dans l'art occidental, vol. 4 : De la Révolution américaine à la Première Guerre mondiale, t. 1 Les trophées de l'esclavage, Paris, Gallimard, , 376 p. (ISBN 2-07-011152-0), p. 268–269.

Voir aussi

Bibliographie

  • Serge Mam-Lam-Fouck, L'esclavage en Guyane, entre l'occultation et la revendication : L'évolution de la représentation de l'esclavage dans la société guyanaise (1848-1977), Petit-Bourg/Fort-de-France/Paris, Ibis rouge, Groupe d'études et de recherches en espace créole (GÉREC), et Presses universitaires créoles, coll. « Espaces guyanais », , 102 p. (ISBN 2-911390-26-1), p. 34–36 et 40–41.
  • Serge Mam-Lam-Fouck, « Une lecture des lieux de mémoire du chef-lieu de la Guyane : De Paul Dunez aux nègres marrons », dans Jean Bernabé, Jean-Luc Bonniol, Raphaël Confiant et Gerry L'Étang, Au visiteur lumineux : Des îles créoles aux sociétés plurielles, Mélanges offerts à Jean Benoist, Ibis rouge, Groupe d'études et de recherches en espace créole (GÉREC), et Presses universitaires créoles, , 716 p. (ISBN 2-84450-078-1), p. 191–201 (196–197).
  • Serge Mam-Lam-Fouck, Histoire de l'assimilation : Des "vieilles colonies" françaises aux départements d'outre-mer, la culture politique de l'assimilation en Guyane et aux Antilles françaises (XIXe et XXe siècles), Matoury, Ibis rouge, coll. « Espace outre-mer », , 258 p. (ISBN 2-84450-291-1), p. 115–116 et annexe 3 « Une lecture des lieux de mémoire du chef-lieu de la Guyane : De Paul Dunez aux nègres marrons », p. 223–234 (228–229).
  • Judith Kagan, « Bronze cassé ? Bronze caché ? Bronze classé ! La protection de la statuaire monumentale au titre des monuments historiques en France - un exemple lointain d'intérêt historique majeur », dans Catherine Chevillot et Laure de Margerie, La sculpture au XIXe siècle : Mélanges pour Anne Pingeot, Paris, Nicolas Chaudun, , 480 p. (ISBN 978-2-35039-054-3), p. 402–406.

Articles connexes

Liens externes

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