Tango (musique)

Le tango est un genre musical et une danse de salon argentine et uruguayenne, plus précisément du Río de la Plata, née à la fin du XIXe siècle. Comme forme rythmique, il désigne le plus souvent une mesure à deux ou quatre temps plutôt marquée, mais avec un vaste éventail de tempos et de styles rythmiques très différents selon les époques et les orchestres.

Pour les articles homonymes, voir Tango.

Tango
Détails
Origines stylistiques
Polka, habanera, flamenco, mazurka, contradanse ; Candombe, vals criollo, milonga
Origines culturelles
Instruments typiques
Popularité
Forte, devenu un phénomène en Europe et en Amérique du Nord dans les années 1930 et 1940
Sous-genres
Neotango, tango-canción
Genres dérivés
Tango-rock

Le tango comme genre musical englobe trois formes musicales rioplatense[1] sur lesquelles se dansent traditionnellement les pas du tango : tangos, milongas et valses. Ainsi, la majorité des orchestres et compositeurs cités dans cet article comme des grandes figures du « tango » sont également des compositeurs et interprètes de milongas et de valses. Le bandonéon, intégré au sein des orchestres de tango, composés majoritairement d'instruments à cordes, est traditionnellement l'instrument phare du tango.

Le genre musical, exporté dans le monde à partir du début du XXe siècle, a fait aussi naître des formes musicales émigrantes. Ses musiques sont très souvent instrumentalisées.

Il a été inscrit en 2009 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité[2].

Le terme tango

Le terme tango, à l'étymologie incertaine, est originaire de la communauté noire d'Amérique latine issue de l'esclavage, et a connu divers sens au sein de cette communauté au cours des siècles, dont l'un des tout premiers fut celui-ci : tango, endroit où le négrier parquait les esclaves avant l'embarquement[3],[2].

Le musicologue et historien argentin, Carlos Vega[4], explique qu'en 1700, au Mexique, il y avait une danse appelée tango. Bien que cette danse ait été exécutée individuellement, pas en couple[2].

Avant 1900 ce genre s'appelait "tango canyengue". Le mot est d'origine africaine. Les noirs de Buenos Aires le prononcent caniengue et depuis 1900 les blancs l'écrivent et le prononcent canyengue (avec ye porteña)[2].

Le mot tango, pour designer une musique ou une danse, apparaît au Rio de la Plata à partir des années 1850. Tous les parutions du mot avant cette date font référence a un endroit. Ça signifie que le mot tango est entré deux fois au Rio de la Plata: d'abord, au temps colonial, comme endroit, et après, comme expression artistique. L'apparition de la deuxième signification coïncide avec l'arrivée des compagnies de zarzuela espagnoles qui incluaient des chansons dénommées tango[5].

Histoire

Le tango comme genre musical est né, avec la danse du même nom, à Buenos Aires entre 1850 et 1900, d'un mélange de nombreuses formes musicales européennes, de la musique latino-américaine (comme l'habanera) et d'une rythmique africaine (milonga, candombe, murga). Bien que le fondement harmonique du tango soit européen, la rythmique contient en partie encore des modèles africains et latino-américains (comme le rythme Habanera). Les premiers tangos avaient un rythme avec une mesure en 2/4 mais plus tard, vers 1920, le rythme en 4/4 s'impose. Le mode de jeu des orchestres de tango est en partie polyphonique, et réparti de manière égale entre les groupes instrumentaux, si bien que les instruments se relaient dans leur fonction d'instrument rythmique ou comme instrument portant le thème et le contrecanto.

Le Tango se répand dans le monde entier son esprit communautaire et, tout en s’adaptant aux évolutions du monde avec le temps. Il est inscrit en 2009 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité[6].

Développement

Le Tango *

Bandoneon "Cardenal" ca. 1920 Photo: Pavel Krok
Pays *
Liste Liste représentative
Année d’inscription 2020
* Descriptif officiel UNESCO

Il est impossible de proposer une date exacte de naissance du tango, mais il est généralement admis que le tango vient de la ville de Buenos Aires et ses environs dans la fin du XIXe siècle[7],[8]

La milonga campera existe en Argentine depuis le milieu du XVIIIe siècle, le premier payador dont on se souvient est Santos Vega. Ses origines ont été étudiées et tout indique qu'il est né dans la pampa argentine, avec de influences africaines[9], surtout du candombe qui se pratiquait dans cette zone là (qui serait semblable à celui qui existe à Buenos Aires) et le malfuf magrebien[10]. On sait que le candombe est pratiqué en Argentine depuis l'arrivée des premiers esclaves et jusqu'à nos jours[11].

En 1856, un journal argentin emploie par la première fois le terme tango en occasion de la représentation de la zarzuela espagnole de Ramón Valladares y Saavedra La choza de Tom[12]. Il ne s'agit pas de ce que nous connaissons aujourd'hui comme "tango argentino" mais du "tango americano", un genre musical espagnol connu depuis le début du XIXéme siècle en Espagne. Dix ans après, en 1866, on trouve dans le journal "La tribuna de Buenos Aires" la réclame du tango La Coqueta de A. Nincinetti, qui serait le premier tango de création local[13]. Nous ne savons pas de quel type de tango il s'agit. La partition n'a pas été retrouvée, nous avons seulement la réclame. Probablement c'est un autre tango dans le style de zarzuela[14]. En 1876 un tango-candombe intitulé El Merenguengué[15],[16] devient très populaire, jusqu'à devenir un grand succès du carnaval afro-argentin de février de cette année-là. Il est joué par une guitare, un violon et une flûte, en plus des tambours traditionnels du candombe afro-argentin (Llamador et Repicador). Il est sérieusement envisagé que ce contexte ait été l'un des points de départ importants pour la naissance et le développement du tango[17].

Le premier enregistrement (en partition) existant, La Canguela, d'auteur inconnu, date de 1889 et se trouve au Musée de la Ville de Rosario. D'autre part, le premier tango sur disque serait Ensalada criolla, d'Eduardo García Lalanne, disque Royal Record nº 11.331, de 1902, joué par la Orquesta del Teatro San Martín[18]. Selon Hétor Bates, El Entrerriano (avec l'enregistrement du droit d'auteur en 1911), est sorti en 1896 et imprimé en 1898 : l'auteur Rosendo Mendizábal est issu de la communauté afro-argentine[19]. Pourtant, des recherches récentes fixent la date d'impresion de la partition d'El entrerriano en 1913[20].

Avant 1900 à Buenos Aires, on jouait également des tangos tels que : El Queco (auteur anonyme - 1874); Señora casera (auteur anonyme - 1880) ; Andate a la recoleta (auteur anonyme - 1880) ; El Porteñito (Gabriel Diez - 1880) ; Tango Nº1 (Jose Machado - 1883) ; Dame la lata (Juan Perez - 1883) ; Que polvo con tanto viento (Pedro M. Quijano - 1890) ; No me tires con la tapa de la olla (auteur anonyme - 1893) ; El Talar (Prudencio Aragon - 1895), Concha sucia (El Negro Casimiro)[21],[22],[23].

À la transition entre le tango criollo et le tango de la Guardia Vieja, on trouve les enregistrements d'Ángel Villoldo (El choclo (1903), El pimpollo (1904), La vida del carretero (1905) et El negro alegre (1907)), de Gabino Ezeiza (El tango patagones (1905)), et de Higinio Cazón (El taita, 1905)[24].

Selon le souvenir de "Viejo Tanguero" (un pseudonyme), publiés en 1913[25], le premier « groupe » de tango était composé de deux afro-argentins, « le Noir », Casimiro Alcorta, au violon et « le Mulâtre », Sinforoso, à la clarinette[26]. Ils donnent de petits concerts à Buenos Aires du début des années 1870 jusqu'au début des années 1890. Le Noir Casimiro est l'auteur de Entrada prohibida (littéralement « Entrée interdite »)[27], signé ensuite par les frères Teisseire, et La Yapa ; de même, on lui attribue le tango Concha sucia, qui a été plus tard modifié et signé par F. Canaro comme "Cara Sucia" ("visage sale")[28]. Ce duo est probablement l'auteur et interprète de nombreux tangos des débuts maintenant répertoriés comme "anonymes", puisqu'à cette époque la signature des œuvres était moins courante.

En 1910 Vicente Greco utilise par la première fois le nom "Orquesta Típica" pour appeler un groupe de musiciens de tango. Il s’agissait d'un quatuor de flûte, violon, guitare et bandoneón. Le premier enregistrement d'un tango joué par une orchestre, celui de Vincent Greco, est le disque Columbia T.215, qui inclut Rosendo, de Genaro Vázquez, et Don Juan, écrit par Ernesto Ponzio[29],[30].

La première analyse sur le tango en Uruguay est réalisée par un témoin important de l'époque : le pianiste uruguayen Alberto Alonso. Selon Enrique Binda, qui donne son point de vue sur ce témoignage, la genèse du tango a eu lieu dans le Gran Buenos Aires[31],[32]. Pour sa part, l'historien Ricardo García Blaya (Histoire du tango et milonga Buenos Aires:. El Ateneo - Yenny, 2003) fait valoir que le tango est né dans le Rio de la Plata, à Buenos Aires mais aussi dans la région jusqu'à des villes comme Rosario et Montevideo[33].

Interprétation

Osvaldo Pugliese, l'un des chefs d'orchestres les plus diffusés en milonga.

Un orchestre de tango typique (les Sexteto tipico) est composé d'un piano, d'une contrebasse, de deux violons et de deux bandonéons. Selon l'orientation musicale, d'autres variations dans le choix des instruments sont possibles, celui-ci s'étendant d'une instrumentation minimale (avec Bandonéon solo) jusqu'à l'âge d'or du Tango (aux alentours de 1940) et ses habituels orchestres géants de 30 musiciens. Le bandonéon reste néanmoins l'instrument typique du tango. Le bandonéon est introduit aux alentours de 1880 par les immigrants et sa sonorité d'instrument à vent fait qu'il a remplacé les parties jouées initialement par la flûte. Le bandonéon dans les parties aiguës sonne comme un violon, ce qui rend le jeu en commun plus aisé. Sa taille relativement modeste permet à l'instrumentiste de le frapper sur un genou, provoquant une augmentation de la pression dans le soufflet aussi brève que marquée, dont l'effet sonore est une pulsation caractéristique.

La technique musicale et l'usage de la sonorité dans l'instrumentation n'étaient pas fixés et purent être développés jusqu'à la virtuosité dans la première moitié du XXe. Le piano fut introduit par Roberto Firpo dans l'orchestre de tango, tandis que la contrebasse devint partie intégrante de l'orchestre de tango grâce à Francisco Canaro. À côté des interprétations purement instrumentales, il existe aussi le tango-cancion où un chanteur ou une chanteuse est accompagné(e) par les instruments. Le chanteur de tango le plus connu est Carlos Gardel.

Avec en particulier Astor Piazzolla, à partir des années 1960, certains compositeurs ont écrit des tangos aux rythmes complexes et changeants, difficiles à danser, plus adaptés à une exécution en concert que pour la milonga. Ainsi, le tango est devenu un genre musical qui ne se rattache plus forcément aux milongas.

Dans les années 2010, certains groupes intègrent la musique électronique dans le tango, ce qui donne une couleur différente à la musique (voir electrotango).

Culture associée

Le tango, c'est aussi un argot associé : le lunfardo, ainsi qu'un cinéma avec des films comme Tangos, l'exil de Gardel et Le Sud de Fernando Solanas.

Le tango est aussi associé à une littérature avec de nombreuses chansons, dont les plus célèbres sont :

Parmi les auteurs de chansons et de textes du tango, se trouvent :

Autres acteurs

Le tango est joué et chanté par de nombreux artistes, parmi lesquels :

Orchestres, chefs et compositeurs

Groupes contemporains

Chanteurs célèbres

Labels

Les labels notables du tango incluent Columbia, TK devenu Music-Hall en 1957, RCA - Victor, Odeon, Tonodisc, Mañana, et Epsa.

Notes et références

  1. (en) Laura Termine, « Argentina, Uruguay bury hatchet to snatch tango honor », Buenos Aires, (consulté le ).
  2. (es) « Tango - EcuRed », sur www.ecured.cu (consulté le )
  3. Tango, du noir au blanc, Michel Plisson (Editions Actes Sud)
  4. « Biografía de Carlos Vega », sur www.todo-argentina.net (consulté le )
  5. (es) Héctor Benedetti, Nueva historia del tango, Buenos Aires, Siglo XXI, , 288 p. (ISBN 978-987-629-611-3), p. 20
  6. « UNESCO - Le Tango », sur ich.unesco.org (consulté le )
  7. Écrit sur les débuts de Tango.
  8. Est accepté par presque tout le monde, née et s'est développée dans ce qu'aujourd'hui on appelle le Grand Buenos Aires.
  9. Études fiables sur la Pampa Milonga et ses origines.
  10. Article: Joaquín Dufour et Luis Ballin, "El origen de la milonga campera".
  11. "L'Argentin Candombe: Chronique d'une mort annoncée”.
  12. (es) Carlos Vega, Estudios para los orígenes del tango argentino, Buenos Aires, Instituto de Investigación Musicológica “Carlos Vega”, , 224 p. (ISBN 978-987-620-310-4), p. 39
  13. (de) “La Coqueta ", 1866.
  14. (es) Jorge Novati, Antología del tango rioplatense, Buenos Aires, INM,
  15. Jorge Gutman op. cit.
  16. (es) Tango-candombe afroargentino Afro-argentine Tango-Candombe "El Mereguengué".
  17. (es) [PDF] “Les Afro-Argentins dans le développement du tango ”.
  18. (es) Enrique Binda, Los primeros 25 años de la fonografía argentina (1902-1926), Buenos Aires, , 338 p. (ISBN 978-987-47274-0-4), p. 16
  19. Scores premier tango.
  20. (es) Marcelo Castelo, El entrerriano, Buenos Aires, , p. 16
  21. (es) "Genesis de Tango, 1860-1880".
  22. (es) Titres calomnieux de tangos, le début de la Guardia Vieja ("vieille garde").
  23. (es) Tangos de la Guardia Vieja ("vieille garde").
  24. (es) Premiers enregistrements de tangos par des « Payadores ».
  25. (es) Viejo Tanguero, « El tango, su evolución y su historia », Crítica,
  26. (es) El negro Casimiro Alcorta y el mulato Sinforoso
  27. (es) El negro Casimiro Alcorta, y su tango "Entrada Prohibida".]
  28. El negro Casimiro Alcorta, y su tango "Concha Sucia".
  29. (es) Héctor Benedetti, Nueva historia del tango, Buenos Aires, Siglo XXI,
  30. (es) "Don Juan", le premier tango enregistrée par un orchestre, l'Orchestre de Vicente Greco.
  31. (es) ¿Rioplatense Tango? ou ¿Argentine Tango? par Enrique Binda.
  32. (es) ¿Rioplatense Tango? ou ¿Argentine Tango? par Enrique Binda (ESPAGNOLE).
  33. (es) Livre-travail sur l'histoire du tango.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Isabelle Leymarie, Du tango au reggae : musiques noires d’Amérique latine et des Caraïbes, Paris, Flammarion, , 330 p. (ISBN 2-08-210813-9)
  • Isabelle Leymarie, La musique sud-américaine : rythmes et danses d’un continent, Paris, Gallimard, , 128 p. (ISBN 2-07-053391-3)

Liens externes

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