Classification classique

En sciences naturelles, la classification classique (ou linnéenne) est un paradigme où les espèces vivantes sont classées selon les ressemblances les plus visibles entre elles. Elle s'est développée en intégrant le système de nomenclature proposé à partir de par Linné. Les espèces reçoivent un nom latinisé, constitué de deux termes (nomenclature binominale)[note 1] et sont hiérarchisées en genres, familles, ordres, classes, embranchements (en mycologie, on préfère parler de divisions) et règnes. Cette classification est appelée « classique » par opposition à la classification phylogénétique, formalisée en et principalement fondée sur la cladistique, une méthode de reconstruction phylogénétique qui a remplacé en grande partie la classification traditionnelle dans la plupart des milieux scientifiques et universitaires[1].

Classique dans un sens général

En biologie, d'une manière générale, la classification classique désigne la classification scientifique traditionnelle, dans laquelle les espèces sont hiérarchisées en genres, familles, ordres, classes, embranchements et règnes. Le botaniste suédois Carl von Linné (1707-1778) en fut l'initiateur, en essayant de l'appliquer à tous les êtres vivants qu'il connaissait, mais bien avant lui le botaniste marocain Abul Qasim ibn Mohammed al-Ghassani (1548 - 1610) publiera la première classification moderne des plantes (Hadikat Al Azhar)[2], les rangeant selon 3 catégories (genre, variété, et espèce), il va ainsi élaborer la conception des familles de végétaux[3],[4]. Il y avait eu avant Linné d'autres systèmes de classification du vivant, même depuis Aristote[5], mais le système de Linné fut celui qui est à l'origine de la tradition de classifications à laquelle font référence de nos jours les termes « classification classique » ou « classification traditionnelle » (dite aussi « classification linnéenne »). Les deux siècles qui suivirent la mort de Linné (en 1778) connurent différentes classifications qui pouvaient différer entre elles de par les partis pris des naturalistes qui en étaient les auteurs, mais quasiment tous ces naturalistes s'accordaient à respecter les règles instaurées par Linné, et on se réfère toujours à ces différentes classifications comme faisant partie de la « classification classique ». Cette tradition commença à s'estomper lorsqu'au cours de la seconde moitié du XXe siècle de nouveaux critères de classification, jugés plus objectifs que ceux instaurés par Linné, virent le jour, notamment grâce à l'œuvre de l'entomologiste allemand Willi Hennig Grundzüge einer Theorie der phylogenetischen Systematik[6] (Fondements d'une théorie de la systématique phylogénétique), publiée en Allemagne en 1950. Aujourd'hui, la classification phylogénétique, qui résulte de l'approche cladistique, est le paradigme dominant.

Classique selon des sens particuliers

En botanique, pour les angiospermes, les classifications les plus généralement admises sont :

Nomenclature

Pour ce qui est de la nomenclature, l'attribution des noms donnés aux taxons, la classification classique s'est développée en intégrant le système de nomenclature proposé par Linné, ce qui constitue certainement de nos jours le seul apport de Linné qui soit encore d'actualité. Linné établit le système de nomenclature binominale (et aussi trinominale), selon lequel une espèce reçoit un nom en latin constitué de deux termes. Le premier est le genre, un substantif dont la première lettre s'écrit en majuscule, et le deuxième est le terme ou épithète spécifique, qui détermine, au sein d'un genre, de quelle espèce il est question en particulier. Ce deuxième terme, écrit entièrement en minuscules, est très souvent un adjectif mais lorsqu'il s'agit d'un substantif il a tout de même fonction d'adjectif (substantif en apposition). L'épithète spécifique s'accorde en genre avec le nom générique s'il s'agit d'un adjectif ; elle ne s'accorde pas s'il s'agit d'un substantif. De nos jours les noms binominaux s'écrivent selon la règle typographique en italiques. Par exemple Panthera leo (le nom binominal du lion) et Panthera tigris (le nom binominal du tigre) sont deux espèces distinctes au sein du genre Panthera. Quant au nom trinominal, il comprend un troisième terme, venant signifier l'existence d'une population d'individus d'une certaine espèce, population dont les caractères sont suffisamment distincts du reste des individus de l'espèce pour qu'on puisse lui attribuer un nom distinct. Le nom trinominal est donc celui que l'on donne aux variétés, races, sous-espèces, etc. Par exemple le lion d'Asie se voit attribuer le nom trinominal Panthera leo persica et le lion du Congo celui de Panthera leo hollisteri ; ce sont deux sous-espèces de la même espèce, l'espèce étant l'ensemble de tous les individus interféconds. Ainsi un lion du Congo et une lionne d'Asie peuvent générer des individus fertiles, alors qu'un lion et une tigresse ne peuvent pas. Des espèces génétiquement proches mais tout de même distinctes génèrent des hybrides, c'est-à-dire des individus stériles, comme le bardot, (hybride d'une ânesse et d'un cheval), le mulet (hybride d'un âne et d'une jument), le ligre (hybride d'un lion et d'une tigresse) ou le tigron (hybride d'un tigre et d'une lionne).

Organisation des taxons

Dans la classification classique les taxons se subordonnent les uns aux autres selon un système de rangs, mais contrairement à la nomenclature binominale, qui est universellement reconnue, cette démarche de Linné consistant à ranger les taxons en rangs est de plus en plus abandonnée. Le rang de base est l'espèce, qui se subordonne au rang du genre, qui lui à son tour se subordonne à la famille et ainsi jusqu'au rang le plus général qui les englobe tous. De nos jours quelques naturalistes continuent encore à classer les taxons selon une disposition hiérarchique en rangs[7]. Ils se partagent le plus souvent entre ceux qui préfèrent le « domaine » comme étant le rang le plus général et ceux qui préfèrent celui dénommé « empire ». La suite de rangs suivants montre un exemple de la disposition actuelle des rangs de taxons (du plus général au plus particulier) selon le modèle traditionnel de la classification classique :

(vivant) → (empire →) règne (→ sous-règne) → embranchementclasseordrefamillegenreespèce

Une classification abandonnée ?

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La classification classique, construite autour du système linnéen, a instauré des règles très durables de taxinomie et de classification, mais elle est de nos jours en voie de disparition. Les systématiciens continuent d'utiliser le système de nomenclature binominale en latin, tout comme ils continuent d'utiliser le latin pour la création de taxons, mais la tendance est de ne plus obéir aux impératifs d'une organisation des taxons en rangs taxinomiques, ce qui était l'un des traits les plus caractéristiques de la classification classique. Ils ont aussi abandonné certains des critères de classification de la classification classique, comme l'absence d'un caractère comme raison suffisante pour la création d'un taxon. Ce procédé est de nos jours considéré comme un manquement au critère d'objectivité nécessaire auquel font appel les classifications modernes. Par exemple dans les classifications qui précédèrent les classifications phylogénétiques, le critère cellule sans noyau (procaryotes) et cellule à noyau (eucaryotes dont les hommes), les animaux (actuellement dénommés selon le taxon Animalia ou Metazoa) se voyaient majoritairement divisés en invertébrés (Invertebrata) et vertébrés (Vertebrata, dont les hommes), les vertébrés à leur tour en poissons (Pisces, Crâniates sans pattes) et en tétrapodes (Tetrapoda, Crâniates avec pattes, dont les hommes), les Amniotes en reptiles sans poils et mammifères avec poils (incluant toujours l'homme), etc., et pendant très longtemps le critère de création de ces taxons a été la présence ou l'absence de caractères présents chez les humains, ce qui est un manque évident d'objectivité. L'anthropocentrisme a en effet longtemps été un facteur de maintien des grades dans cette classification[8]. Ainsi, les classifications qui ont précédé les classifications phylogénétiques et cladistiques n'ont pas divisé les êtres vivants selon la présence ou l'absence d'ailes, de nageoires, de trompe, de queue, de cornes, de branchies ou d'écailles, mais par exemple selon la présence ou l'absence de :

  • noyau cellulaire : les cellules humaines ont un noyau, elles sont eucaryotes. Les procaryotes sont encore un taxon dont la validité est soumise à débat mais qui se définit par l'absence de noyau ;
  • vertèbres : l'humain a des vertèbres ; les invertébrés non. Ce groupe a été abandonné comme groupe valide au sein des classifications modernes ;
  • membres : l'humain a quatre membres, c'est un tétrapode. Les poissons se définissent comme des vertébrés sans membres mais avec des nageoires. Tout comme les invertébrés, les poissons ne sont plus acceptés comme groupe valide ;
  • poils : l'humain, au sein des amniotes, a des phanères sous forme de poils et de cheveux, mais les reptiles sont les amniotes sans poils et sans plumes. Tout comme pour les invertébrés et comme les poissons, les méthodes modernes (cladistique et phylogénétique) ont prouvé la non-objectivité du taxon des reptiles.

Dans les classifications modernes, seule la présence des caractères entendus comme des innovations évolutives autorise la création et le baptême des taxons, car ces innovations évolutives sont des événements réels qui constituent par là même un critère objectif de classification. La privation d'un caractère ne l'est pas. En tant que privation, elle n'existe que par l'exercice d'une abstraction humaine, artificielle, aléatoire et contingente. Pour toutes ces raisons, il est légitime de dire que le système linnéen conserve une partie de ses apports (nomenclature binominale, utilisation du latin comme langue véhiculaire pour nommer les espèces et les taxons, etc.) mais que la classification classique est abandonnée car ni les rangs taxinomiques ni les critères linnéens de classification ne sont plus acceptés par la majorité des systématiciens. Comme il a été indiqué, certains systématiciens conservent encore une disposition des taxons en rangs (dans un tableau) mais la plupart se limitent à organiser les espèces uniquement en cladogrammes, en suivant entièrement les méthodes cladistique et phylogénétique.

Différentes classifications

La classification classique a évolué grâce au travail de taxinomistes. Leurs travaux ont été intégrés soit complètement, soit partiellement par la communauté scientifique. Mais, contrairement à Linné, la plupart des taxinomistes ont travaillé sur un ensemble restreint d'espèces.

Voici quelques-unes de ces classifications :

Notes et références

Notes

  1. Au dessous du rang d'espèce, la botanique et la mycologie utilisent un trinôme, par exemple : Laccaria laccata var. amethystina

Références

  1. Pierre de Puytorac, « Évolution de l'enseignement de la zoologie à l'université durant les dernières années », Bulletin de la Société zoologique de France, vol. 135, Fasc. 1-2, , p. 7-16 (lire en ligne [PDF]).
  2. (en) Seyyed Hossein Nasr, Islamic Life and Thought, Routledge, , 240 p. (ISBN 978-1-134-53811-9, lire en ligne)
  3. « BULLETIN DU LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES DU MAROC », sur bibdigital.rjb.csic.es (consulté le )
  4. « histoire de la medecine au maroc », sur biusante.parisdescartes.fr (consulté le )
  5. Classification phylogénétique du vivant — Guillaume Lecointre et Hervé Le Guyader ; illustrations Dominique Visset, Éditeur Paris, Belin — DL 2006 (ISBN 2-7011-4273-3).
  6. Grundzüge einer Theorie der phylogenetischen Systematik, Deutscher Zentralverlag, Berlin 1950.
  7. (en) Colin Tudge, The Variety of Life : A Survey and a Celebration of All the Creatures that Have Ever Lived, Oxford, Oxford University Press, , 684 p., poche (ISBN 978-0-19-860426-6)
  8. Guillaume Lecointre, Hervé Le Guyader, Classification phylogénétique du vivant, Belin, , p. 17

Articles connexes

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