Thierry Haumont
Thierry Haumont né en 1949 à Auvelais est un écrivain wallon, à la fois romancier, poète et traducteur de nationalité belge. Il a obtenu le Prix Victor-Rossel pour Le Conservateur des ombres en 1985.
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Parcours littéraire
Il a publié chez Gallimard Les petits prophètes du nord (1980), Les forêts tempérées (1982), Le conservateur des ombres (1984) (prix Victor-Rossel), Mémoires d'un chasseur d'échos (aux éditions Nocturnes en 1988, repris dans la collection Espace Nord Junior), et à nouveau chez Gallimard Les Peupliers (1991).
En 1994, il a traduit Chant d'amour et de mort du cornette Christophe Rilke de Rainer Maria Rilke, aux éditions Casterman, et il publie à Charleroi chez RA Petit traité de philosophie minimale.
Il figure parmi les signataires du Manifeste pour la culture wallonne de 1983.
'"Le conservateur des ombres"' a été réédité en 1998 dans la collection Espace Nord suivi d'une étude de l'œuvre de Thierry Haumont par Jean-Pierre Bertrand.
Bibliothécaire à Charleroi (Bibliothèque Arthur Rimbaud), l'écrivain collabore à la revue Toudi.
Du récit haletant naît une vision, une pensée
Le Conservateur des ombres
Rares sont les écrivains qui osent à ce point, comme lui-même, bâtir toute une œuvre autour d'une réalité en apparence peu apte à se loger dans la logique "poétique" (au sens d'Aristote) du récit. C'est ce qu'il accomplit magistralement dans '"Le conservateur des ombres"' qui est peut-être son œuvre la plus aboutie. Il parvient à faire de l'ombre qui s'insinue à chaque recoin d'un récit qui se déroule dans l'Allemagne hitlérienne, une métaphore de l'histoire humaine, et cela sans jamais ennuyer son lecteur pris par le caractère haletant du roman.
« Ce dont les héros font l'apprentissage à travers leur destinée collective » écrit Jean-Pierre Bertrand « c'est de l'horreur et des ténèbres[1].» À travers un récit qui passionne et qui se déroule de 1931 à 1945 dans une petite ville d'Allemagne ils sont aspirés dans « un ordre cosmique qui fait de l'ombre non plus une métaphore de la menace mais l'accomplissement réel de la nuit[2].» L'ombre devient le personnage central du roman et la parabole de ce que l'humanité a commis de plus innommable.
Les ombres d'Hiroshima
Dans le Guichet du savoir de la bibliothèque municipale de Lyon, il est indiqué qu'il s'agit d'un phénomène semblable à ce qui se produit si l'on projette de la couleur sur une main posée sur une feuille de papier, soit la technique du pochoir : la chaleur (plusieurs milliers de degré celsius) dégagée par la bombe « a été absorbée par les corps, de sorte que le sol sous ces corps a reçu moins de chaleur et a été protégé par eux[3].»
Yoann Moreau docteur en anthropologie de l'EHSS[4] explique que la luminosité normale d'une ville comme Hiroshima en été relevait sous l'intensité de l'éclair atomique « de l'obscurité la plus complète, transformant la ville, métaphoriquement en chambre noire[5].»
L'être vivant ainsi « photographié » est simultanément anéanti. Thierry Haumont dans Le Conservateur des ombres, met au centre de son intrigue un personnage rédigeant un Traité de l'ombre en Allemagne de 1931 à 1945 de sorte que « l'ombre devient (...) le personnage central du roman [dieu ou diable...] de ce que l'humanité a commis de plus innommable[6]. » Les ombres d'Hiroshima selon les dernières lignes du livre signifient la fin du « parcours de l'ombre », de la Genèse à l'Apocalypse, « À moins que les hommes ne parviennent à ajouter au dénouement une plus grande horreur. Une plus grande éclipse. La lettre qui suit l'oméga[7].»
La fin du cycle de l'ombre
Les dernières lignes du roman en sont le commentaire : « De la Genèse à Hiroshima, l'ombre a accompli tout son cycle de métamorphoses. Et tout ce que l'on pourra encore en dire par la suite, quelle que soit la beauté de l'expression ou la profondeur des idées exprimées ,e sera que redondance. À moins que les hommes ne parviennent à ajouter au dénouement une plus grande horreur. Une plus grande éclipse. La lettre qui suit l'oméga[8]. » Ce dont il est question ici, l'écrivain le rapporte en parlant d' « ombres tangibles, permanentes » qui sont dues à la violence de l'onde thermique. Ce que l'on peut expliquer
Les peupliers
Dans Les peupliers, l'écrivain, à l'écoute de Kierkegaard, un de ses maîtres à penser, philosophe, proposant une étrange manière d'illustrer, à travers la question nationale belge et ce que l'on peut deviner être sa propre biographie, le désespoir, au travers d'une longue lettre envoyée à une (fictive et métaphorique) Administration des Peupliers où il se plaint d'avoir été évincé au profit d'un candidat flamand. Bien que le propos semble ici s'étroitiser, il rejoint l'idée de la révolte contre ce qui est trop ordonné. En exergue de ce grand livre ces deux simples mots en latin: Vox Populi.
À la fin de l'ouvrage, le je du roman annonce qu'il plantera partout des peupliers en vue de rendre le travail de recensement de ces arbres impossible pour celui qui lui a été préféré. L'écrivain wallon précise son propos, conclut la missive en quoi consiste fictivement son récit et signe du nom du narrateur: Vous pensez que je n'agis que par ressentiment ou par haine, c'est faux, vous soupçonnez vous-même que c'est faux mais vous êtes incapable de dire pourquoi. C'est que ce que je planterai bientôt s'appelle esprit de révolte et désir de parole, qui sont également de hautes nourritures (...) Dans dix ans, vos cartes seront périmées parce que grandiront dans toute la Wallonie les arbres de la révolte (...) Le seul élément finalement que vous pourrez transmettre avec certitude, si toutefois vous avez l'intention de laisser des notes pour vos successeurs afin qu'ils puissent écrire un jour l'histoire des peupliers de ce pays, la brutale apparition de variétés inhabituelles et d'hybrides faisant problème, le seul élément finalement, ce sera le nom du responsable: Victor Defuisseaux, à tout jamais serviteur d'une cause plus grande que la vôtre. [9]
Sur cette dimension de son roman, Thierry Haumont s'exprime comme suit : « Si je me dis : « Tu vas faire un livre pour servir la cause wallonne, je ferai un mauvais livre » [...] Si Les Peupliers ont abouti à la fameuse question des Wallons et des Flamands, ce n'était pas délibéré[10], » ajoutant que les deux visions, l'une voulant aligner les peupliers, l'autre rendre compte de leur complexité, déborde cette question. Haumont, selon Jean-Pierre Bertrand, œuvre à une littérature sans frontière « qui fait droit à un imaginaire (wallon en l'occurrence[11]. »
Prix et récompenses
Il a obtenu le Prix Victor-Rossel pour Le Conservateur des ombres en 1985 et le prix de la Fondation M.Bologne-Lemaire en 1986[12].
Ouvrages
Poésie
- Ravanastron, Tournai, Art et Idées, 1967
- Petit traité de philosophie minimale, Charleroi, éditions RA, 1995
Romans
- Les petits prophètes du nord, Paris, Gallimard, 1980
- Les Forêts tempérées, Paris, Gallimard, 1982
- Le Conservateurs des ombres, Paris, Gallimard, 1984, rééd. Bruxelles, Labor, 1998
- Les Peupliers, Paris, Gallimard/L'Arpenteur, 1991
Traduction
- Rainer Maria Rilke, Chant d'amour et de mort du cornette Christophe Rilke, traduit de l'allemand, Tournai, Casterman, 1994
Liens externes
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- Ce que l'on fit de l'hiver cette année-là (nouvelle inédite publiée dans Toudi.
Notes
- Thierry Haumont, Le Conservateur des ombres, avec une Lecture de Jean-Pierre Bertrand (p. 573-596), éditions Labor, Collection Espace-Nord, Bruxelles, 1998.
- J-P Betrand, op. cit.
- Jean-Pierre Bertrand Lecture dans Thierry Haumont Le Conservateur des ombres, éditions Labor, Collection Espace-Nord Bruxelles, 1997, p. 573-596, p. 586.
- 'Th. Haumont, 'Le Conservateur des ombres, éditions Labor, Bruxelles, 1997, p. 564 cité par Jean-Pierre Bertrand dans Lecture p. 586.
- Thierry Haumont, Le Conservateur des ombres, éditions Labor, Bruxelles, 1998, p. 563-564.
- Thierry Haumont, Les peupliers, Gallimard, Paris, 1991, pp. 177-178
- Cité par P.Durand et Y. Winkin dans Marché éditorial et démarches d'écrivains, Direction générale de la Culture, Bruxelles, 1996, p. 223.
- Jean PIerre Bertrand, Lecture dans Thierry Haumont, Le Conservateur des ombres, Labor, Bruxelles, 1998, p.573-606, p. 581.
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