Rainer Maria Rilke

Rainer Maria Rilke (/ˈʁaɪ.nɐ ma.ˈʁiː.a ˈʁɪl.kə/) est un écrivain autrichien né le à Prague en Bohème et mort le au sanatorium de Val-Mont près de Montreux en Suisse.

Rainer Maria Rilke
Rainer Maria Rilke en 1900.
Nom de naissance René Karl Wilhelm Johann Josef Maria Rilke
Naissance
Prague, Bohême,
Autriche-Hongrie
Décès (à 51 ans)
Glion au-dessus de Montreux,
Suisse
Nationalité Autrichien
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture Allemand et, à la fin de sa vie, français
Genres

Œuvres principales

Au terme d'une vie de voyages entrecoupés de longs séjours à Paris, il s'installe en 1921 à Veyras en Valais pour soigner la leucémie qui l'emporte en quatre années. Poète lyrique voire mystique ayant beaucoup versifié en français à la fin de sa vie, il a également écrit un roman, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, ainsi que des nouvelles et des pièces de théâtre et reste le traducteur de pièces importantes des poésies française et italienne.

Biographie

René Karl Wilhelm Johann Josef Maria Rilke[1] naît le à Prague[2],[3],[4], alors en Autriche-Hongrie, dans une famille qui le destine très rapidement à la carrière des armes. Il est le fils d'un employé des chemins de fer, Josef Rilke, et de sa femme Sophie, dite « Phia »[5]. Entre 1886 et 1891, sa famille le place comme pensionnaire dans les écoles militaires de St-Pölten, puis Mährisch-Weisskirchen[6], puis il est renvoyé en 1891 pour inaptitude physique. Il étudie alors le commerce avant de revenir à Prague, où il exerce le métier de journaliste dans la presse germanophone. Rilke écrit déjà des poèmes et des nouvelles essentiellement[7].

Il passe son baccalauréat en 1895 à Prague[6] et commence des études d'histoires de l'art et de littérature[7]. En 1896, il part pour Munich, entreprend aussi des études de philosophie[5].

1900, Lou Andreas-Salomé et Rilke en Russie, ici avec le poète Spiridon Drozin

En , il rencontre Lou Andreas-Salomé, qui a alors 36 ans[8]. Leur amour enflammé se transforme progressivement en amitié réciproque et en admiration mutuelle, jusqu'à la fin de leur vie ; en 1897, elle lui fait changer son prénom de René Maria en Rainer Maria.

Il voyage en Italie puis en Russie avec Lou et son mari. Il rencontre à cette occasion, en 1899, Léon Tolstoï. Il semblerait que, au contact de l'écrivain russe, Rilke soit devenu végétarien[9].

Rilke passe l'été 1900 à la colonie de Worpswede, rencontre la peintre Paula Modersohn-Becker et Clara Westhoff, sculptrice et ancienne élève d'Auguste Rodin[5].

En 1901, il épouse Clara Westhoff ; le couple s'installe à Westerwede, près de Worpswede et de cette union naît une fille unique, Ruth[5]. Le couple se sépare un an plus tard.

Entre et , Rilke séjourne pour la première fois à Paris, résidant 11 rue Toullier, pour y rédiger une monographie de Rodin[10]. Il témoigne d’une grande admiration pour la méthode de travail du sculpteur, dont il rapporte une phrase célèbre dans une lettre à Clara :

« […] il faut travailler, rien que travailler. Et il faut avoir patience ! »[11]

Plaque au no 11 rue Toullier (5e arrondissement de Paris), où vécut Rilke en 1902.

Cette période est également marquée par l’angoisse et un sentiment d’oppression que Rilke ressent au contact de Paris, entre autres à la vue des hôpitaux et de la misère. Il traduira ces impressions dans Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, qu’il commence à écrire quelques années plus tard (en 1904 et qu’il achèvera en 1910). Cette œuvre est considérée, aussi bien en raison de sa forme que de ses thèmes, comme le premier roman moderne de langue allemande[12].

Plaque représentant l'écrivain, sur la façade d'un ancien hôtel, 11 Noordstraat à Furnes, où il séjourna en 1906.

De 1903 à 1904, Rilke séjourne avec Clara à Rome dans un atelier d'artiste situé dans la Villa Strohl-Fern, puis il voyage en Suède.

Dans la conclusion de sa lettre au jeune poète Franz Xaver Kappus du , il exprime sa grande admiration pour l'ancien maître de son épouse : « S'il me fallait dire de qui j'appris quelque chose sur la nature créatrice, ses sources, ses lois éternelles, deux noms seulement me viendraient ; celui de Jacobsen, le grand, grand poète, et celui d'Auguste Rodin, ce sculpteur qui n'a pas son égal parmi tous les artistes d'aujourd'hui » (p. 29 de l'édition Grasset de 1978).

Il finit par revenir à Paris, où il devient entre 1904 et 1906 le secrétaire de Rodin à Paris et à Meudon (il avait publié en 1903 Sur Rodin, une monographie consacrée au sculpteur).

Remercié en à la suite d'une brouille, il voyage dans toute l'Europe et au-delà, de 1907 à 1910 : Afrique du Nord, Égypte, Berlin, Espagne, Venise, Aix-en-Provence, Arles, Avignon[N 1].

Il abandonne peu à peu la prose pour se consacrer à la poésie, plus apte selon lui à restituer les « méandres de l'âme ».

« Son extraordinaire sensibilité ne supportait pas que rien ni personne l'approchât de trop près, et tout particulièrement un caractère masculin très marqué excitait en lui une sorte de malaise physique. Il se donnait plus facilement aux femmes dans la conversation. Il leur écrivait souvent et volontiers, et il était plus libre en leur présence. »

 Le Monde d'hier. Paris ville de l'éternelle jeunesse, Stefan Zweig

En 1910, il fait la rencontre décisive de la princesse Marie von Thurn und Taxis, née Hohenlohe-Waldenburg-Schillingsfürst, dans son château de Duino, alors en territoire autrichien, sur les bords de l'Adriatique. Elle l'héberge fréquemment et devient son mécène jusqu'en 1920. C’est à Duino qu’il commence la rédaction de ses désormais célèbres Élégies de Duino, considérées comme l’un de ses plus grands chefs-d’œuvre. L’écriture de ce recueil de dix élégies, empreintes d'une mélancolie lumineuse, passant du sentiment du terrible à l'apaisement le plus radieux, s’étend sur plus de 10 ans. Rilke l’achèvera une fois à Muzot, en .

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Rilke se trouve à Munich d’où il lui est impossible de retourner à Paris, alors son lieu de résidence. Les premiers jours du mois d’, comme bien des écrivains et intellectuels allemands[13], il exprime un certain enthousiasme dans les Cinq chants, qui présentent une image mythifiante de la guerre. Il rejette toutefois très rapidement cet élan d’enthousiasme pour déplorer cette guerre et s’enfermer dans un silence presque complet en ce qui concerne sa production poétique. En 1916, il est mobilisé dans l'infanterie, mais revient rapidement à la vie civile. De 1914 à 1916, Rilke entretient une liaison tumultueuse avec la peintre Lou Albert-Lasard.

À partir de 1919, il s'installe en Suisse et compose plusieurs recueils de poésies en français. Sitôt arrivé, il y retrouve Baladine Klossowska, qu'il avait connue en 1907 à Paris, avec son époux, Erich Klossowski. Elle vit à présent seule à Berlin, avec ses deux fils, Pierre Klossowski et Balthazar dit Balthus (le futur peintre). Elle a onze ans de moins que lui. Ils deviennent amants. Elle s'installe en Suisse, non loin de chez lui. Rilke se prend d'affection pour les deux enfants et encourage le talent qu'ils affirmeront l'un et l'autre, en effet, à l'âge adulte. C'est par son intervention auprès d'André Gide qu'est publiée la première plaquette de dessins intitulée Mitsou réalisée par Balthus à quatorze ans, illustrant les étapes de la recherche désespérée de son chat qu'il croyait perdu. Rilke préface et suit de près la fabrication de cette courte bande dessinée. La liaison de Rilke avec Baladine dure environ six ans.

En 1921, un industriel et mécène de Winterthour, Werner Reinhart, lui achète la tour isolée (en) de Muzot, à Veyras, dont il fait sa résidence.

La tombe de Rainer Maria Rilke à Rarogne (Suisse).

Il revient à l'hôtel restaurant Foyot au 33, rue de Tournon de janvier à aout 1925, contacte Claire Goll qu'il avait connue en 1918 et qui avait refusé sa demande en mariage [14].

Il meurt des suites d'une leucémie[6] le à la clinique de Val-Mont près de Montreux en Suisse[2],[3],[15], il est inhumé à Rarogne dans le canton du Valais le [2].

Œuvre

Drames

  • Maintenant et à l'heure de notre mort... (1896).

Poésie en allemand

  • Vie et chanson (1894) ;
  • Dans l'attente du chemin de la vie (1896) ;
  • Offrandes aux lares (1895), poésie ;
  • Couronné de rêve (1896), poésie ;
Portrait de Rainer Maria Rilke par Paula Modersohn-Becker, 1906. musée Paula Modersohn-Becker, Brême.
  • Pour le gel matinal (1897) ;
  • Avent (1898) ;
  • Sans présent (1898) ;
  • Vers la vie (1898) ;
  • Le Livre d'images (1899) ;
  • Histoires Pragoises (1899)
  • La Chanson de l'amour et de la mort du cornette Christophe Rilke (1904) ;
  • Le Livre des heures (1905) réunit les trois livres :

- de la vie monastique (écrit en 1899) - du pèlerinage (écrit en 1901) - de la pauvreté et de la mort (écrit en 1903)

Poèmes anthumes

Publications posthumes

  • Les Roses (première publication en 1927[16])
  • Les Fenêtres, dix poèmes de Rainer Maria Rilke illustrés de dix eaux-fortes par Baladine (1927[16])
  • Poèmes français (1944, contient Vergers, Quatrains valaisans, Les Roses, Les Fenêtres, Carnet de poche) ;
  • Tendres impôts à la France (écrits en 1924) publié dans : Rainer Maria Rilke (préf. Philippe Jaccottet), Vergers suivi d'autres poèmes français, Gallimard, , 187 p. (ISBN 2-07-032165-7, lire en ligne).

Nouvelles

  • Au fil de la vie (1898) ;
  • Histoires du bon Dieu (1900).

Roman

Essais

  • Geldbaum (1901) ;
  • Sur Rodin (1903) ;
  • Notes sur la mélodie des choses (1955-1966, 2008 pour la trad. française), Paris, Allia, 64 p.
  • La Mélodie de l'amour et de la mort du cornette Christoph Rilke (édition bilingue, traduit de l'allemand par Roland Crastes de Paulet), Paris, Allia, , 64 p. (ISBN 979-10-304-0534-7)

Correspondance

  • Lettres à un jeune poète (Leipzig, Insel, 1929); recueil de dix lettres adressés à Franz Xaver Kappus de 1903 à 1908, traduction : Rainer Biemel et [Bernard Grasset qui les publia en y ajoutant des Réflexions sur la vie créatrice (1937, puis 1978); traduction nouvelle par Claude Mouchard et Hans Hartje publiée avec Proses et Poèmes français, Le Livre de Poche, 1989.
  • Six lettres à A. A. M. Stols (1943) ;
  • Briefe über Cézanne (1952) ;
  • Lettres à une amie vénitienne (1985, en français) ;
  • Lettres à une musicienne (1998) (échanges épistolaires avec Magda von Hattingberg).
  • Lettres à une jeune poétesse (échanges épistolaires avec Anita Forrer), posthume, trad. fr. Alexandre Plateau et Jeanne Wagner, Bouquins, coll. "Littérature", 256 p., 2021

Éditions françaises

Œuvres complètes en français

  • Œuvres I, Prose, édition établie et présentée par Paul de Man, Paris, éd. du Seuil, 1966 (nombreuses rééditions)
  • Œuvres II, Poésie, édition établie et présentée par Paul de Man, Paris, éd. du Seuil, 1972 (nombreuses rééditions)
  • Œuvres III, Correspondance, édition établie par Philippe Jaccottet, traduction de Blaise Briod, Philippe Jaccottet et Pierre Klossowski, Paris, éd. du Seuil, 1976 (nombreuses rééditions)
  • Œuvres en prose (Récits et essais), édition sous la dir. de Claude David avec la coll. de Rémy Colombat, Bernard Lortholary et Claude Porcell, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1993 (rééd. 2002)
  • Œuvres poétiques et théâtrales, édition sous la dir. de Gerald Stieg (avec la participation de Claude David pour les "Œuvres théâtrales"), traductions de Rémy Colombat, Jean-Claude Crespy, Dominique Iehl, Marc de Launay, etc. Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1997

Œuvres diverses traduites en français

Mise en musique

  • 6 Chansons, de Paul Hindemith, six pièces vocales pour chœur a cappella sur des textes en français, composées en 1939.
  • Les Chansons des Roses, œuvre en 5 pièces pour chœur, de Morten Lauridsen, à partir d'un corpus de poèmes de R. M. Rilke, ensemble composé en 1993.
  • Dix-huit Madrigaux, de Philippe Fénelon, d'après des poèmes de Rainer Maria Rilke, Ensemble Les Jeunes Solistes, Rachid Safir (dir.), MFA Radio-France, 1998. 10 de Répertoire, Diapason d'or.
  • Ensemble Luxus, L'Orphée de Rilke. 14 sonnets mis en musique par François Cotinaud, Pascale Labbé, et Jérôme Lefebvre. Label Musivi, 2015.
  • (de) Bei dir ist es traut, poème mis en musique par Alma Mahler.
  • (de) Der Cornet, Frank Martin (1942-43) für Alt-Solo & Kammerorchestrer, nach Rainer Maria Rilke - Die Weise von Liebe und Tode des Cornets Christoph Rilke, UNIVERSAL EDITION - UE 11492.
  • (de) Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Christophe Rilke für Alt und Orchester (1942-43) Klavierauszug, UNIVERSAL EDITION - UE 11491.
  • Leur chant triste entrait dans mon être, Et je croyais y reconnaître Du Rainer Maria Rilke, Louis Aragon, Est-ce ainsi que les hommes vivent (mis en musique par Léo Ferré)
  • Orpheus : triptyque (Un temple dans l'écoute, Elle était une enfant, Le pavot des morts) pour chœur mixte a cappella de François Cotinaud.

Notes et références

Notes

  1. « De tous ceux-là, aucun n'a peut-être mené une existence plus silencieuse, plus mystérieuse et invisible que Rilke [...] Rilke était difficile à atteindre. Il n'avait pas de maison, pas d'adresse où on eût pu l'aller quérir, pas de foyer, pas de demeure permanente, pas d'emploi. Toujours il était en route à travers le monde, et personne, pas même lui, ne savait d'avance de quel côté il tournerait ses pas. Par son âme sensible et impressionnable à l'excès, toute décision arrêtée, tout projet et toute annonce était déjà une charge. »

     Le Monde d'hier. Paris, la ville de l'éternelle jeunesse, Stefan Zweig

Références

  1. (de) Horst Nalewski, Österreichische Literatur des 20. Jahrhunderts, Berlin, Horst Haase/Antal Mádl, , 133 p..
  2. Philippe Jaccottet, Rilke, Paris, éd. du Seuil, coll. « Écrivains de toujours », 1970, « Chronologie » p. 186-187.
  3. (de) « Rilke », sur daten.digitale-sammlungen.de (consulté le )
  4. Fernand Mossé (dir.), Histoire de la littérature allemande, « Rilke (1875-1926) », Paris, Éditions Montaigne, 1959, p. 862.
  5. Notes biographiques, Fondation Rilke.
  6. Rilke par Philippe Jaccottet.
  7. Notes biographiques, exposition « Le Valais vu par Rilke », Fondation Rilke.
  8. Rainer M. Rilke (trad. de l'allemand), Journaux de jeunesse, Seuil (ISBN 2-02-010941-7).
  9. Voir sur ivu.org.
  10. Joachim W. Storck : « Leben und Persönlichkeit », dans Rilke-Handbuch: Leben - Werk - Wirkung, publ. p. Manfred Engel, avec la collaboration de Dorothea Lauterbach, Stuttgart, Weimar, 2004, p. 5.
  11. Rainer Maria Rilke : Lettre à Clara, 5.9.1902, dans Rainer Maria Rilke : Gesammelte Briefe I, publ. par Ruth Sieber-Rilke et Carl Sieber, Leipzig, 1936-39, p. 261.
  12. Dorothea Lauterbach : « Die Aufzeichnungen des Malte Laurids Brigge », dans Rilke-Handbuch: Leben - Werk - Wirkung, publ. p. Manfred Engel, avec la collaboration de Dorothea Lauterbach, Stuttgart, Weimar, 2004, p. 319.
  13. Thomas Anz et Joseph Vogl : « Nachwort », dans Die Dichter und der Krieg. Deutsche Lyrik 1914-1918, publ. p. Thomas Anz et Joseph Vogl, Stuttgart, 2014, p. 83.
  14. catalogue Claire Goll, Saint-Dié-des-Vosges, 2012, page 81
  15. Fernand Mossé (dir.), Histoire de la littérature allemande, « Rilke (1875-1926) », Paris, Éditions Montaigne, 1959, p. 868.
  16. « Œuvres écrites en Valais », sur Fondation Rilke, (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Iconographie

  • Mela Muter : Portrait de Rainer Maria Rilke ; huile sur toile d'une artiste qui fut, également un temps, sa maîtresse

Liens externes

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