Toumso Abdourakhmanov

Toumso Oumaltovitch Abdourakhmanov (en tchétchène : IабдурахьмангIеран Умалтан Тумсо, en russe : Абдурахманов Тумсо Умалтович), né le à Grozny, est un YouTubeur indépendantiste[1],[2],[3] tchétchène connu pour son opposition au régime du chef pro-Kremlin de la République tchétchène, Ramzan Kadyrov. Il est le blogueur le plus populaire de Tchétchénie[4].

Abu-Saddam Shishani
Informations
Genre Vlog
Nom de naissance Toumso Abdourakhmanov
Naissance
Grozny, Tchétchéno-Ingouchie, URSS
Nationalité Soviétique (1985-1991)
Tchétchène (1991-2000)
Russe (depuis 2000)
Vidéos populaires Разговор с кадыровским Лордом. Часть первая
Кадыров встретил в тюрьме старого друга – преступника
Nombre d'abonnés 312 000 (octobre 2020)
Chaîne(s) Abu-Saddam Shishani
Chaîne secondaire Abu-Saddam Shishani [LIVE]

Biographie

Il est né le à Grozny, alors la capitale de la République socialiste soviétique autonome de Tchétchénie-Ingouchie.

Son père, Oumalt Abdourakhmanov, a fait 18 ans de prison pour activités antisoviétiques. Il a été réhabilité le [5].

En 2004, Toumso termine le Lycée d'informatique et de technologie de Grozny, et en 2010, l'Institut pétrolier d'État de Grozny. Embauché en 2004 comme ingénieur dans l'entreprise fédérale unitaire d'État « Électrosviaz », il en devient plus tard chef adjoint[5].

Le , il crée sa première chaîne YouTube sous le pseudonyme d'Abu-Saddam Shishani, et le , la deuxième, appelée « Abu-Saddam Shishani [LIVE] ». Elles comptaient en respectivement 200 000 et 60 000 abonnés[5].

Conflit avec un fonctionnaire du régime

Le , Toumso, au volant de sa voiture, se fait arrêter à un carrefour de Grozny par Islam Kadyrov, directeur de l'administration du chef et du gouvernement de la Tchétchénie. Ce dernier fait embarquer Toumso dans sa résidence où il fouille son téléphone portable en s'attardant sur des mèmes satiriques moquant la politique locale, l'interroge sur sa barbe qu'il trouve semblable à celles que portent les « wahhabites », cherche à savoir de quelle branche soufie il se revendique. En apprenant que Toumso n'est pas soufi, qu'il adhère à l'islam sunnite et « n'invoque personne à part Allah », Islam Kadyrov le conduit, le , à une réunion avec des représentants du clergé officiel qui l'admonestent et le menacent pendant des heures, avant de le laisser partir sur la promesse de revenir avec les autres adeptes de sa « secte » pour être ensuite emmenés tous ensemble devant Ramzan Kadyrov, qui décidera alors de leur sort[6].

Émigration

Le lendemain matin, inquiet pour sa vie, Toumso, avec sa femme, ses enfants, sa mère et son jeune frère, quitte la Tchétchénie pour la Géorgie et y dépose une demande d'asile. Le régime tchétchène l'accuse d'être parti en Syrie et de se trouver dans les rangs de Daech et émet un mandat d'arrêt contre lui[7],[6].

Pour mieux se défendre contre ces accusations, Toumso contacte la presse et les organisations de défense de droits de l'homme et devient politiquement actif sur YouTube en dénonçant les exactions du régime kadyrovien[1],[3].

Le , la Géorgie reconnaît que son cas correspond au champ d'application de la Convention relative au statut des réfugiés mais rejette sa demande d'asile en jugeant que sa présence sur le sol géorgien est « contraire aux intérêts du pays »[8], sans plus de précisions[9].

Le , Toumso s'en va avec sa famille en Pologne, où, à l'aéroport de Varsovie, il dépose une demande d'asile. Recherché par Interpol à l'initiative de la Russie et fiché au SIS II, il passe six mois dans un centre de rétention fermé pour étrangers, à Przemyśl. Après avoir examiné l'alibi de Toumso, Interpol retire son signalement de toutes ses bases de données, le . L'Agence de sécurité intérieure de la Pologne ne l'en considère pas moins comme une menace pour le pays, raison pour laquelle seule sa famille se voit octroyer l'asile, tandis que lui est débouté[10],[1],[7].

En , en dépit du soutien d'Amnesty International, de Human Rights Watch et de Memorial, le blogueur est sommé par la police des frontières polonaise de rentrer en Russie sous la menace d'un renvoi sous contrainte[11],[12],[3].

Menaces des autorités tchétchènes

Le , Toumso déclare que ses oncles ont été arrêtés en Tchétchénie. Le 1er mai, la chaîne officielle locale, « Grozny TV », diffuse un reportage dans lequel ses proches l'appellent à cesser de critiquer le pouvoir et à rentrer en Russie[12].

Dans la nuit du 22 au , le président du parlement de Tchétchénie, Magomed Daoudov, dit Lord, appelle Toumso par WhatsApp sur son téléphone portable en cherchant, en vain, à se procurer son adresse. Leur conversation, qui dure près de trois heures, est enregistrée par le blogueur avec le consentement de son interlocuteur et mis en ligne sur la chaîne YouTube de Toumso où elle cumule vite des centaines de milliers de vues[13].

Début , en débattant avec le journaliste russe Maxime Chevtchenko autour de la personnalité de Kadyrov père (ancien grand moufti indépendantiste devenu « collaborateur » en passant en 1999 dans le camp russe[14]), Toumso traite ce dernier de « traître » du peuple tchétchène et dit mépriser sa mémoire. En représailles, Magomed Daoudov lance publiquement une « vendetta par le sang » contre le blogueur. Il précise qu'il ne s'agit pas de le tuer mais de le « régaler de façon extraordinaire ». « Désormais, avant d'aller te coucher, assure-toi que la porte est fermée, lui conseille-t-il. Assure-toi que la chaîne de sûreté est accrochée. [...] Nous ne te laisserons pas dire tout ce que tu veux. La Pologne n'est pas si loin que ça. Aucun endroit ne l'est, tous les endroits sont accessibles. Nous te demanderons des comptes, avec la permission de Dieu »[15],[16].

Tentative d'assassinat

Comme Toumso risque en Pologne d'être expulsé à tout moment en Russie (Daoudov lui promet d'ailleurs de venir l'accueillir à l'aéroport « avec des fleurs »[15]), il se rend en en Suède et y demande l'asile politique, mais le pays refuse d'entrer en matière, conformément au règlement de Dublin.

Alors qu'il est occupé à faire appel de cette décision, il se fait attaquer au marteau dans son sommeil par un inconnu qui s'est introduit chez lui, à Gävle, le . Il réussit à mettre l'intrus hors d'état de nuire et à appeler la police. L'agresseur et sa complice présumée sont arrêtés, et l'enquête est confiée au service de sécurité nationale suédois Säkerhetspolisen. Dans l'attente des résultats de l'enquête, le statut de Toumso est légalisé[1],[17].

Le , le tribunal de district de Gävle reconnaît l'agresseur et sa complice coupables et les condamne respectivement à 10 et 8 ans de prison. La peine est assortie d'une expulsion à vie du territoire suédois[18]. Le 1er avril 2021, la cour d'appel augmente la peine de l'agresseur à 12 ans de prison et réduit celle de sa complice à 1 an et six mois d'emprisonnement[19]. Prenant acte de la décision de la justice et des données concernant l'implication du régime tchétchène dans la tentative d'assassinat du blogueur, le ministère suédois des Affaires étrangères convoque l'ambassadeur russe dans le pays pour lui signifier son mécontentement[20].

Asile politique en Suède

Le 6 octobre 2021[21], Toumso se voit accorder l'asile politique en Suède[22].

Rafles de proches d'exilés par le régime

Dans la dernière décade de décembre 2021, les autorités tchétchènes procèdent à l'enlèvement de dizaines de membres de familles d'activistes tchétchènes réfugiés à l'étranger, dont ceux de Toumso, afin de réduire ces voix critiques au silence sous la menace de sévices sur leurs proches kidnappés[23],[24],[25]. Toumso refuse de céder au chantage[26].

Références

  1. Anne Dastakian, « "Ma barbe, c'est mon droit" : entretien avec Tumso Abdurakhmanov, l'opposant-blogueur le plus connu de Tchétchénie », sur Marianne, (consulté le ).
  2. (ru) « Стали известны детали покушения на блогера Тумсо Абдурахманова », sur Lenta.ru, (consulté le ).
  3. (ru) Дмитрий Волчек, « "Рамзан знает, что его отца убила ФСБ". Разговор с врагом Кадырова », sur Радио Свобода, (consulté le ).
  4. (ru) « В Швеции арестовали двух россиян по делу о нападении на чеченского блогера Абдурахманова », sur Новая газета, (consulté le ).
  5. (ru) « Тумсо Абдурахманов », sur Кавказский узел, (consulté le ).
  6. (ru) Амина Умарова, « Тумсо Абдурахманов: "В бегах из-за "неправильной" бороды" », sur Эхо Кавказа, (consulté le ).
  7. (ru) Магомед Туаев, « Amnesty International призвала Польшу отменить экстрадицию Абдурахманова », sur Кавказский узел, (consulté le ).
  8. (ru) Аслан Бзаров, « Грузия отвергла чеченского беглеца », sur Кавказ.Реалии, (consulté le ).
  9. (ru) Амина Умарова, « Тумсо Абдурахманов: "Грузии не нужны чеченские разборки на своей территории" », sur Эхо Кавказа, (consulté le ).
  10. (ru) Ольга Просвирова, « Повздоривший с родственником Кадырова блогер просит убежища в Польше », sur BBC News Русская служба, (consulté le ).
  11. (ru) « Human Rights Watch вступилась за чеченского блогера Абдурахманова », sur Кавказ.Реалии, (consulté le ).
  12. (ru) « Тумсо Абдурахманов », sur Кавказский узел, (consulté le ).
  13. (ru) Рашид Богатырев, « Беседа с Лордом », sur Кавказ.Реалии, (consulté le ).
  14. Joséphine Dedet, « Ramzan le Terrible », sur Jeune Afrique, (consulté le ).
  15. (ru) « Спикер парламента Чечни объявил кровную месть блогеру », sur BBC News Русская служба, (consulté le ).
  16. (ru) « Главное о Тумсо: почему дерзкий чеченец глумится над кровной местью "Лорда" », sur Кавказский узел, (consulté le ).
  17. (ru) Анвар Сулейманов, « Опубликовано фото третьего подозреваемого в деле о покушении на Тумсо Абдурахманова », sur Дош, (consulté le ).
  18. (ru) « В Швеции вынесли приговор по делу о покушении на блогера из Чечни Абдурахманова », sur Кавказ.Реалии, (consulté le ).
  19. (ru) « Апелляционный суд в Швеции увеличил до 12 лет срок осужденному за нападение на чеченского блогера Тумсо Абдурахманова », sur Новая газета, (consulté le ).
  20. (ru) « МИД Швеции вызвал посла России в связи с покушением на блогера из Чечни », sur ТАСС, (consulté le ).
  21. (ru) [vidéo] Abu-Saddam Shishani [LIVE], Прямой эфир 10.10.2021 sur YouTube, (consulté le )
  22. (ru) « Оппозиционный чеченский блогер Тумсо Абдурахманов получил убежище в Швеции », sur Радио Свобода, (consulté le ).
  23. (ru) « В Чечне похитили родственников известных блогеров. Им угрожают пытками и изнасилованиями и требуют извинений перед Кадыровым », sur The Insider, (consulté le ).
  24. (ru) « Юрист "Комитета против пыток" заявил о похищении около 40 родственников в Чечне », sur The Insider, (consulté le ).
  25. (ru) « Родственники как заложники: новая волна похищений в Чечне », sur Кавказский узел, (consulté le ).
  26. (ru) « Тумсо отказался выполнять ультиматум кадыровцев », sur Кавказский узел, (consulté le ).
  • Portail d’Internet
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.