Trolleybus de Tours

Le trolleybus de Tours est un ancien réseau urbain de transport en commun à propulsion électrique de la ville française de Tours et trois de ses communes limitrophes.

Trolleybus de Tours

Vétra VBRh aux couleurs du TRT.

Situation Tours, France
Type Trolleybus
Entrée en service
Fin de service
Lignes 3
Fréquentation 5 600 000 voyageurs/an (1963)
Propriétaire Syndicat des Transports de la Région Tourangelle (TRT)
Exploitant Les Exploitations électriques et industrielles


Le réseau des trolleybus de Tours en 1952.

Le réseau de trolleybus, composé de trois lignes, est mis en service début , en remplacement d'une partie du réseau de l'ancien tramway de Tours, vieillissant, fortement endommagé par la Seconde Guerre mondiale et à l'arrêt depuis près d'un mois. Très fréquenté au début des années 1960, exploité par 22 véhicules au maximum de son activité, il est cependant rapidement démantelé et cesse de fonctionner le , date à partir de laquelle les transports en commun urbains dans l'agglomération tourangelle ne sont plus assurés que par des autobus.

La volonté de la ville de Tours de mettre en place un réseau de trolleybus après la Seconde Guerre mondiale puis de s'en défaire, vingt ans plus tard, n'a rien d'exceptionnel : le même scénario se reproduit dans une vingtaine de grandes villes françaises, sensiblement aux même dates.

Histoire

En remplacement des tramways

La réflexion sur l'établissement d'un nouveau réseau de transport en commun à Tours, associant autobus et trolleybus, commence dès 1939, la ville constatant le vieillissement de ses tramways. Le constructeur Vétra propose sur le marché national des trolleybus modernes pour l'époque  ils sont silencieux, confortables, leur plancher bas facilite l'accès  qui concurrencent les voitures du tramway électrique. La Seconde Guerre mondiale précipite les choses : un projet technique (lignes et matériel roulant) et financier est élaboré dès 1941 pour remédier à la difficulté de circulation des autobus (pénurie de carburant liquide) et des tramways (infrastructures et matériels endommagés). Sur les 43,4 km de lignes urbaines et suburbaines alors en exploitation, le projet prévoit d'en reconvertir 38,5 en trolleybus.

À la fin du conflit, le parc de tramways ne compte plus que 12 motrices en état de fonctionnement  il en faut 30 pour assurer une exploitation normale sur l'ensemble du réseau[1]  et qui sont âgées de 50 ans, les infrastructures ont subi de graves dégâts (lignes[2] et dépôt détruits[3]) et le carburant liquide (essence, gazole) reste rationné jusqu'en 1949[4]. Les véhicules sur pneus et la motorisation électrique sont présentés comme une solution crédible, le projet de 1941 sert de base pour concevoir le nouveau réseau et un trolleybus est présenté à la population le sur la place Jean-Jaurès. Le dernier tramway tourangeau circule le et, pendant presque un mois, des autobus assurent un service de substitution en attendant que les trolleybus soient pleinement opérationnels[5]. D'une manière générale et dans presque toute la France de l'après-guerre, le tramway apparaît désuet, symbole « d'un temps révolu », associé aux années de guerre, dangereux pour la circulation automobile et cycliste, et sa disparition est souhaitée, voire recherchée[6].

Réseau dynamique

Le , à l'issue de travaux engagés au mois de mai précédent, la première ligne de trolleybus (B) est inaugurée ; elle reprend sensiblement le tracé de l'ancienne ligne B du tramway. Les trolleybus sont exploités avec deux agents, un conducteur et un receveur installé près de la porte arrière réservée à la montée des voyageurs[7]. Entre 1947 et 1952, en France, ce sont douze réseaux de trolleybus qui sont mis en service[8].

Les Exploitations électriques et industrielles, qui exploitaient jusqu'en 1949 le réseau des tramways de Tours, assurent la gestion du nouveau réseau de transport en commun[9] pour le compte du syndicat des transports de la région de Tours (TRT), qui en est propriétaire[5],[10].

Le réseau compte au total trois lignes, créées en 1949 (B et B1) et 1952 (C) ; l'une d'entre elles (B1) est prolongée à ses deux extrémités en 1955 et 1963. Le parc de trolleybus s'accroît pour faire face aux besoins, passant de 12 véhicules en 1956 à 22 en 1963. Cette année-là, la fréquentation des trolleybus enregistre un pic avec 5,6 millions de voyageurs transportés[3] sur 9 millions pour l'ensemble du réseau, les autobus étant plus spécifiquement destinés à la desserte des lignes suburbaines. Au début des années 1960, ce mode de transport est bien développé au niveau national puisque ce sont 25 réseaux de trolleybus qui sont actifs en France, mis en place pour la plupart entre 1942 et 1952[11].

Retournement brutal de conjoncture

SAVIEM SC10 (Grenoble).

Pourtant, dès 1964 (soit un an après la dernière extension de ligne), l'avenir du trolleybus à Tours apparaît déjà compromis. Le développement rapide de l'agglomération tourangelle entraîne une extension et une refonte des réseaux de transport en commun, ainsi que d'importants aménagements routiers. Ces contraintes sont jugées peu compatibles avec les installations fixes des lignes de trolley qu'il faut en outre entretenir. La sous-station à commutatrices d'alimentation électrique du réseau, installée en 1932 à l'époque des tramways[12], demande à être remplacée[13]. Treize trolleybus sur vingt-deux, sans porte aménagée dans le porte-à-faux avant, sont mal adaptés au service à un seul agent (avec suppression du receveur) que le TRT souhaite mettre en place pour réduire les frais de main d'œuvre même si le maintien de deux agents est réclamé par le personnel, notamment pour aider lors du décrochement des perches, fréquent en ligne.

Les trois lignes sont alors partiellement fermées, leurs terminus en général rapprochés du centre-ville, le relais étant pris par des autobus sur le reste du parcours. Les véhicules sont réformés les uns après les autres et la dernière circulation d'un trolleybus sur le réseau a lieu le alors qu'il n'y a plus que quatre unités en service. Les transports en commun de Tours ne sont dès lors plus assurés que par des autobus, au nombre de 65 en 1968. Les fils de contact en cuivre sont très rapidement démontés et revendus à bon prix.

Cette disparition s'inscrit dans un contexte national très défavorable aux trolleybus analogue, mais pour des motifs différents, à celui du rejet des tramways vingt ans plus tôt. Dans la plupart des villes françaises, le trolleybus et ses installations fixes sont perçus comme un obstacle au développement des réseaux de transport en commun, eux-mêmes fragilisés par la montée en puissance des voitures particulières car le carburant est alors bon marché ; la mise en place de plans de circulation avec l'avènement des rues à sens unique entraîne des déplacements d'installations fixes jugées trop coûteuses. En 1965 les trolleybus sont si robustes qu'ils n'ont pas été remplacés et, faute d'un marché suffisant pour alimenter les bureaux d'études, leur technologie n'a pas évolué depuis les années 1940. Ils sont directement concurrencés par l'arrivée sur le marché de l'autobus SC10 construit par SAVIEM, plus souple d'emploi, plus confortable et conçu pour l'exploitation à un agent. Entre 1965 et 1973, treize réseaux de trolleybus urbains sont fermés en province, décisions programmées pour la plupart dans le cadre du 5e plan (1966-1970)[14].

Lignes

Évolution du réseau de trolleybus de Tours.

Le réseau de Tours est composé de trois lignes, les deux premières pouvant être considérées comme les différentes branches d'une seule et même ligne avec un tronc commun. Il s'organise autour d'une desserte est-ouest et nord-sud, toutes les lignes se croisant place Jean-Jaurès. Selon les sections, en fonction du trafic et des impératifs topographiques, les lignes sont équipées de quatre (deux voies de circulation) ou deux fils de contact (une seule voie), alimentés en courant continu sous une tension de 600 V. Pour ces trois lignes, la déclaration d'utilité publique n'intervient qu'après leur mise en service effective.

  • B : Botanique - Stalingrad (longueur : 6 800 m[N 1]). Le nom initial de son terminus occidental, « Abattoirs », jugé dévalorisant  la ligne dessert en outre l'hôpital juste avant de parvenir à ce terminus , est modifié et devient « Botanique » en 1951 ou 1952 sans changement de localisation. À l'autre extrémité de la ligne, le terminus se situe place de Stalingrad (rebaptisée place Beaujardin le [15]). Vers 1964, l'élargissement d'un pont ferroviaire sous lequel passe la ligne entraîne le démontage des fils de contact et le trafic de la branche sud, au-delà de la place Loiseau-d'Entraigues, est transféré sur autobus.
  • B1 : Saint-Pierre (stade) - La Riche (Les Sables) (longueur : 8 200 m[N 1]). Elle n'est au départ qu'une courte branche occidentale (900 m de longueur) de la ligne B, de la place Sainte-Anne jusqu'à l'église de La Riche. En 1955, elle est prolongée vers l'est jusqu'à Saint-Pierre-des-Corps dès que la réparation des dommages de guerre le permet dans cette ville détruite à 80 % par les bombardements alliés d'[16] puis, en , à l'ouest jusqu'au nouveau quartier des Sables. La desserte de Saint-Pierre-des-Corps est abandonnée en 1964 ou 1965 lorsque les travaux de construction de l'autoroute A10 coupent la ligne[17], un pont reconstruit n'étant pas ré-équipé de fils de contact ; la ligne est alors limitée, comme la B, place Loiseau-d'Entraigues qui offre toute facilité pour y aménager une boucle permettant aux trolleybus de faire demi-tour.
  • C : Saint-Cyr (Charentais) - Parc Nord (longueur : 5 900 m[N 1]). L'exploitation commerciale commence le une fois le pont Wilson reconstruit[18] et la rue Nationale déblayée des ruines de la guerre[19]. Des travaux d'aménagement en 1963 limitent son parcours au sud au niveau du carrefour de Verdun près de l'ancien octroi[20] (création d'un carrefour au-delà du Cher) ainsi qu'au nord dans l'avenue de la Tranchée en direction de Saint-Cyr ( élargissement de chaussée). En 1964 ou 1965, la totalité de la ligne est reprise par des autobus ; les fils de contact et leur alimentation électrique restent cependant en place dans toute l'avenue de Grammont jusqu'à la fin de l'exploitation du réseau pour que les véhicules des autres lignes puissent regagner le dépôt situé dans la partie sud de cette voie  il s'agit de l'ancien dépôt de tramways reconstruit après la Seconde Guerre mondiale  qui abrite les équipements d'alimentation électrique du réseau [12].

Compte tenu des mises en service échelonnées et des suppressions progressives de certains tronçons, le réseau des trolleybus de Tours ne fonctionne dans son extension maximale (près de 21 km de lignes) qu'en 1963.

Terminus successifs des lignes de trolleybus de Tours.

Matériel roulant

Effectif du parc de trolleybus de Tours.

Les premiers trolleybus sont livrés à Tours en août et  pour certains d'entre eux, la commande est passée dès 1943  et mis en service en . Ce sont huit Vétra appartenant à deux types très proches et pouvant transporter 60 passagers, six VCR (numéros de parc 61 à 65 et 68)[N 2] et deux CS60 (66 et 67) initialement destinés au réseau de Brest, lui aussi géré par les Exploitations électriques et industrielles[22] . Ils sont rejoints en par quatre Vétra VBRh (71 à 74) achetés neufs, de plus grande capacité (80 passagers).

En 1956 et 1958 cinq Somua SW-C (81 à 85) intègrent le parc tourangeau[N 3]. Ces trolleybus de 60 places devaient initialement circuler sur le réseau algérien de Constantine qui n'a pas pu en honorer le paiement. En 1962-1963 les derniers trolleybus sont livrés à Tours ; ce sont cinq Somua SW-B (86 à 90) d'une capacité de 90 passagers, rachetés dans de bonnes conditions financières au réseau de Strasbourg qui cesse, fin , l'exploitation des trolleybus[23].

À son apogée, en 1963 et 1964, le parc compte 22 véhicules issus de deux constructeurs (12 Vétra et 10 Somua) pour cinq modèles différents, dont dix-sept achetés neufs et cinq d'occasion ; tous les trolleybus livrés sont encore en service. Les premiers véhicules arrivés sur le réseau sont ceux qui y sont restés le plus longtemps (VCR livrés en 1949 et radiés en 1967). En , à l'exception des SW-C qui n'ont parcouru que 170 à 300 000 km, tous les autres trolleybus affichent de 500 à 700 000 km à leur compteur.

Notes et références

Notes

  1. La valeur mentionnée représente la longueur maximale de la ligne, après d'éventuelles extensions et avant d'éventuelles suppressions de tronçons.
  2. Dans le but de favoriser la normalisation des véhicules, un décret gouvernemental du définit quatre types (A, B, C et D) pour les futurs trolleybus en fonction de leur gabarit[21].
  3. Le sigle SW signifie Schneider-Westinghouse. Cette entreprise, filiale à parts égales de Schneider Electric et de Westinghouse Electric Company créée en 1929, élabore l'équipement électrique des trolleybus alors que Somua se charge de la caisse et de la partie mécanique.

Références

  1. Jean-Marie Beauvais et Nadine Polombo, « Le tramway de Tours : peut-on comparer celui de 2013 avec celui de 1913 », Transports urbains, no 124 « Le tramway à Tours », , p. 10 (ISSN 0397-6521).
  2. « Il y a 40 ans, Tours perdait son pont Wilson », La Nouvelle République du Centre-Ouest, (lire en ligne).
  3. Noémie Blanco, Le tramway de Tours ou l'opportunité d'un nouveau patrimoine, Polytech'Tours, , 104 p. (lire en ligne [PDF]), p. 33.
  4. « Le rationnement de l'essence », Le Monde, (lire en ligne).
  5. Porhel 2013, p. 66.
  6. Jean-Claude Oesinger, « Du tramway souvenir au tramway avenir », Transports urbains, no 124 « Le tramway à Tours », , p. 6-7 (ISSN 0397-6521).
  7. Raymond Bailleul, Renaissance et croissance (1944-1982), p. 407.
  8. Émangard 1983, p. 50.
  9. Jean Lojkine, La politique urbaine dans la région lyonnaise, 1945–1972, Walter de Gruyter GmbH & Co KG, coll. « La recherche urbaine » (no 7), , 294 p. (ISBN 978-3-1108-1157-5, lire en ligne), p. 128.
  10. « Bref historique du réseau Fil bleu », sur Infotransorts (consulté le ).
  11. Émangard 1983, p. 51.
  12. Porhel 2013, p. 50.
  13. Pierre-Henri Émangard, « Cinquante ans de trolleybus en France (suite) », La Vie du rail, no 1879, , p. 41.
  14. Émangard 1983, p. 51 et 52.
  15. Geneviève Gascuel, À la découverte des noms des rues de Tours, Montreuil-Bellay, CMD, , 288 p. (ISBN 978-2-8447-7024-0), p. 30.
  16. Raymond Bailleul, 1939-1944 : le temps des déchirements, p. 400.
  17. [Anonyme], Du canal de jonction à l'autoroute A 10 - 2 ou 3 choses que nous savons d'eux, t. II : L'autoroute, Agence d'urbanisme de l'agglomération de Tours, , 30 p., p. 20.
  18. « Pont de Pierre, dit Pont Wilson », notice no IA00071165, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  19. Sébastien Chevereau, Tours reconstruit : des bombardements à la renaissance, Saint-Cyr-sur-Loire, Alan Sutton, , 127 p. (ISBN 2-8425-3853-6), p. 74.
  20. Jean Chédaille, Tours : le tramway, CMD, coll. « Mémoire d'une ville », , 111 p. (ISBN 978-2-909826-84-4), p. 101.
  21. Pierre Bastien, Évolution des transports en commun urbains en Alsace de 1820 à nos jours, t. I, Université de Metz, , 533 p. (lire en ligne [PDF]), p. 310-311.
  22. « Brest - Trolleybus », sur le site du Musée des transports urbains, interurbains et ruraux (consulté le ).
  23. « Strasbourg - Trolleybus », sur le site du Musée des transports urbains, interurbains et ruraux (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

  • René Courant et Pascal Bejui, Les trolleybus français, Grenoble, Presses et éditions ferroviaires, , 160 p. (ISBN 978-2-9054-4701-2).
  • Claude Croubois (dir.), L’indre-et-Loire – La Touraine, des origines à nos jours, Saint-Jean-d’Angely, Bordessoules, coll. « L’histoire par les documents », , 470 p. (ISBN 2-9035-0409-1)
  • Pierre-Henri Émangard, « Cinquante ans de trolleybus en France », La Vie du rail, no 1878, , p. 49-52.
  • Jean-Luc Porhel, Tours. Mémoires du tramway, Tours, Archives municipales, , 68 p. (ISBN 978-2-9079-3518-0).
  • Jean Robert, Histoire des transports dans les villes de France, éd. Jean Robert, , 529 p. (ISBN 2-9088-1689-X).

Articles connexes

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