Union des femmes belges contre l'alcoolisme

L'Union des femmes belges contre l'alcoolisme est une association féministe belge créée en 1899 dont le siège social se trouve à Bruxelles, 19, rue du Président. Il s'agit d'une des premières et principales associations féministes de Belgique[1]. Cette union, se considère comme apolitique[2].

Pour les articles homonymes, voir Union des femmes.

Origines

Le combat contre l'alcoolisme a pris son élan aux États-Unis, au début du XIXe siècle, avant de gagner l'Europe germanique, scandinave et anglo-saxonne[3]. En effet, entre 1880 et 1914, l’alcoolisme est l’un des trois fléaux sociaux présents dans le monde. En ce qui concerne les mouvements antialcooliques, nous pouvons en distinguer deux qui opposent leurs avis. Il y a d’un côté, un mouvement prônant l’abstinence avec des pays comme l’Allemagne, l’Amérique et la Suisse, et de l’autre côté, un mouvement prônant la tempérance avec comme représentants la Hollande, la France, et la Belgique[4].

En ce qui concerne la Belgique, ce mouvement arrive tardivement, puisqu'il faut attendre 1899 avant de voir apparaitre l'Union des femmes belges contre l'alcoolisme[5]. Elle se positionnera d’ailleurs en tant que mouvement prônant la tempérance tel que c’était le cas au départ en Belgique[4].

Quel est son but ?

L'objectif de l'Union est de faire en sorte de mobiliser toutes les femmes de Belgique en les instruisant sur les maux que causent les boissons alcoolisées afin qu'elles se battent contre l'usage et la surconsommation de celles-ci. Cette surconsommation touche majoritairement les femmes et leur mari des classes ouvrières.[6],[7]

L'Union va, entre autres, se battre pour que les femmes obtiennent le droit de vote. En effet, selon l'Union, le seul moyen pour obtenir des lois réglementant la consommation d’alcool consiste en ce que les femmes aient accès au suffrage[8],[9].

L'Union se bat également pour que les jeunes ne tombent pas, eux aussi, dans l'alcoolisme. Parallèlement, elle fait appel aux ressources des classes les plus aisées puisque selon elle, si la classe bourgeoise participe à la lutte contre l'alcoolisme, le nombre de malades, de pauvres et de criminels baisserait fortement. En effet, grâce aux revenus de la classe bourgeoise, l'Union aurait davantage de fonds à consacrer à la cause. De par la diminution de boissons spiritueuses, la population serait moins touchée par des maladies causées par l'alcool, et le taux de violence diminuerait également[10].

Qui l’a fondée ?

L’Union des femmes belges contre l’alcoolisme est créée par Joséphine Nyssens (de son nom d’épouse, Joséphine Keelhof) avec l’aide de sa nièce Marguerite Nyssens en mars 1899[11].

Joséphine Nyssens est née en 1833 à Lokeren. Ce n'est qu'à la mort de son époux, François Keelhof, en 1893 qu'elle s'engage dans la lutte contre l'alcoolisme. En 1899, elle fonde avec sa nièce Marguerite Nyssens « l’Union des femmes belges contre l’alcoolisme ». Joséphine en sera la trésorière avant d’en être la présidente et Marguerite en sera la secrétaire de 1901 à 1914. L'Union des femmes belges contre l'alcoolisme participera à la fondation du CNFB en 1905. En 1909, Joséphine Keelhof-Nyssens rejoint le POB et en 1917, elle décède. C’est ainsi qu’en 1918, Marguerite Nyssens, avec l’aide de Marie Hettema-Nyssens remet sur pied l’Union des femmes belges contre l’alcoolisme. Marguerite y restera active jusqu’en 1940.[11]

Organisation et structure

Composition

À travers les années, plusieurs femmes se sont investies au sein de l'Union des femmes belges contre l'alcoolisme. Notamment :

Marie Popelin (1846-1913) : elle est la première femme ayant obtenu un doctorat en droit et l'une des fondatrices du féminisme en Belgique. En 1905, Marie Popelin crée le Conseil national des femmes belges regroupant trois associations, à savoir, la Ligue belge du droit des femmes, l'Union des femmes belges contre l'alcoolisme et la Société belge pour l'amélioration du sort de la femme[12].

Joséphine Keelhof-Nyssens (1833-1917) : c'est au décès de son mari, en 1893, qu'elle s'engage dans la lutte contre l'alcoolisme. En 1899, elle fonde avec sa nièce, Marguerite Nyssens, l'Union des femmes belges contre l'alcoolisme. Joséphine en sera la trésorière avant d'en être la présidente[11].

Marguerite Nyssens (1858-1947) : elle va former un binôme avec sa tante Joséphine Keelhof-Nyssens dans la lutte contre l'alcoolisme. C'est avec elle qu'elle fonde, en 1899, l'Union. Elle en sera la secrétaire de 1901 à 1914. Ensuite, après 1918, avec l'aide de Marie Hettema-Nyssens, qui a rejoint l'Union en 1910, elle remet sur pied l'Union des femmes belges contre l'alcoolisme. Marguerite y restera active jusqu'en 1940[13].

Marie Parent (1853-1934) : est une publiciste, féministe, et militante contre l'alcoolisme. Dès 1890, elle milite activement contre les ravages de l'alcool. Elle fait d'abord partie de la Ligue patriotique contre l'alcoolisme. Ensuite, en 1899, elle rentre en tant que collaboratrice dans l'Union des femmes belges contre l'alcoolisme. En 1903, elle proteste à Brême en tant que déléguée belge au 9e Congrès contre l'alcoolisme[14]. Enfin, en 1905, elle quitte l'Union pour fonder sa propre association, à savoir : « L'Alliance des femmes contre l'abus de l'alcool » qui prône également la tempérance[15].

L'Union est dirigée par un comité composé de trois membres, à savoir, une présidente, une secrétaire et une trésorière. Il y a également plusieurs vice-présidentes, une secrétaire adjointe et une trésorière adjointe[2].

Bien que fondée par des femmes, l'Union n'empêche pas les hommes de se joindre à elles afin de lutter ensemble contre les abus de l'alcoolisme[2].

Au sein de l'Union des femmes belges contre l'alcoolisme, nous pouvons distinguer deux sortes de membres. D'une part, les membres effectifs, ce sont ceux payant une cotisation annuelle de 1 à 20 francs, le montant est laissé à leur libre arbitre. Sont considérés comme membres effectifs, ceux qui, par différents moyens (des photos, des écrits, des dessins, des conférences...) soutiennent l'Union et l'aident quant aux moyens de propagande. D'autre part, les membres sympathisants (ouvriers, ouvrières), ceux-ci ne payent pas de cotisation, cependant, ils s'impliquent dans la lecture des brochures envoyées gratuitement par l'Union, ils s’engagent également à faire partager ces brochures à leur entourage. À partir de l’année 1903, on observe une stagnation du nombre des membres effectifs ainsi qu’une augmentation du nombre des membres sympathisants. Ce qui a eu pour effet de limiter les revenus de l'Union. En effet, les membres effectifs contribuent financièrement à l’Union contrairement aux membres sympathisants.[2]

Fonctionnement

Il y a plusieurs subdivisions au sein de l'Union des femmes belges contre l'alcoolisme, ayant chacune une fonction distincte. Tout d'abord, il existe le comité fondateur de l'Union qui a établi dans toutes les localités de la Belgique, des comités chargés de faire de la propagande. Ceux-ci sont totalement autonomes quant à l'organisation de leur propagande. De plus, afin de s'installer au mieux, chaque comité a reçu des subsides de la part du comité fondateur[2].

Bulletin d'adhésion de l'Union des femmes belges contre l'alcoolisme.

Une fois par an, afin de recevoir, de la part du comité, l'exposé de la situation financière et morale dont il a été question au cours de l'année écoulée, l'Union se réunit en assemblée générale. C'est également à ce moment-là que se déroule le renouvellement du comité. Des modifications ne peuvent être exécutées que lors de l'assemblée générale et à la majorité du tiers des membres effectifs présents.[2]

Afin de devenir membre de l'Union, il convient de déposer son inscription au siège social 19, rue du Président ou chez les femmes du comité. Il faut savoir que l'abstinence ne fait pas partie des conditions requises en vue de faire partie de cette Union[2].

Qu'est-ce qui a été mis en place

Dès le début de l'Union, ils ont eu comme projet d'établir des cafés et bars dits de tempérance. En 1902, ils ont ouvert leur premier café dit de tempérance rue Saint-Léonard. Forts de leurs succès, ils ont organisé une fancy-fair afin de récolter les fonds nécessaires pour ouvrir un second établissement du même type. Grâce à un bénéfice de 7675 francs, ils sont parvenus à ouvrir leur second café, beaucoup plus grand que le précédent, se situant rue de la Régence. Les deux cafés se situent donc dans la province de Liège[16].

Depuis la création de l’Union des femmes belges contre l’alcoolisme, en 1899, le Comité distribue également des abonnements de journaux, de brochures et d'almanachs de tempérance. En 1902-1903, le « Général Vent », commandant de la position de Liège, a accepté de répandre des almanachs de tempérance dans les casernes. L'objectif était d'empêcher les jeunes soldats belges de sombrer dans l'alcoolisme[16].

Cependant, l'Union a peu de subsides et avec les 400 francs que leur donne le gouvernement, il ne leur est pas possible de faire énormément d’autres actions.[16]

Conséquences

En 1903, les statistiques montrent une importante diminution de la consommation d'alcool en Belgique. En effet, nous remarquons que la classe ouvrière boit moins et que les classes aisées ont également diminué leur consommation de liqueurs et de vins. Dans les réunions intimes, il n'est plus rare de voir le « pousse-café » supprimé pour laisser place à la tasse de thé. Du côté des jeunes, cela devient habituel de se donner rendez-vous dans un bar afin de consommer des sodas ou limonades à la place des boissons alcoolisées.[16]

En 1905, Marie Popelin, grande féministe belge a mis sur pied le Conseil National des femmes belges. Ce conseil regroupe trois associations, à savoir, l’Union des femmes belges contre l’alcoolisme, la Ligue belge du droit des femmes et la Société belge pour l’amélioration du sort de la femme[15],[17].Le Conseil national des femmes belges permet notamment aux associations qui le composent de pouvoir être représentées officiellement au sein du Conseil International des femmes et grâce à cela, permettre une plus grande visibilité de leurs combats.[18]

Bibliographie

  • de BUEGER-VAN LIERDE, F., « À l'origine du mouvement féministe en Belgique. "L'Affaire Popelin" » Revue Belge de Philologie et d'Histoire, 1972, p. 1128
  • CONSEIL DES FEMMES FRANCOPHONES DE BELGIQUES, « 1905-2020 : 115 ans du Conseil des femmes ».
  • FIRKET, J., Union des femmes belges contre l'alcoolisme, Rapport sur l'exercice 1903, Liège, 31 décembre 1903, p. 5.
  • GUBIN, E., « Du politique au politique. Parcours du féminisme belge (1830-1914) », Revue belge de Philologie et d'Histoire, 1999, p. 370 à 382.
  • GUBIN, E., (dir), Jacques C., Piette V., Puissant J., Dictionnaire des femmes belges. XIXe et XXe siècles, Racine, 2006, p. 69, 426, 427.
  • JACQUES, C., « Le féminisme en Belgique de la fin du XIXe siècle aux années 1970 », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2009, p.5, 9,13.
  • LIENART, J. et LIENART, F., « L'alcoolisme au tournant du XXe siècle : les positions belges dans les débats européens », Revue médicale de Bruxelles, Bruxelles, 2013, p. 437.
  • NOURRISSON, D., « Aux origines de l'antialcoolisme », Histoire, économie et société, 1988, p. 491 à 492.
  • MATKAVA, S., L'Union des femmes belges contre l'alcoolisme 1899-1951 : de la lutte antialcoolique aux militantismes féministes et pacifistes, (mémoire inédit en Histoire), Bruxelles, ULB, 1995-1996, p. 10.
  • UNION DES FEMMES BELGES CONTRE L'ALCOOLISME, « Statuts de l'Union des femmes belges contre l'alcoolisme », Bruxelles, 1913, p. 1 à 6.
  • X., Chap. 1 Les associations féministes d'une guerre à l'autre, Université Libre de Bruxelles, p. 23.
  • X., «  Vrouwen | Erfgoedbibliotheek Hendrik Conscience », disponible sur www.consciencebibliotheek.be/nl/pagina/vrouwen, consulté le 11 décembre 2020.

Notes et références

  1. Catherine Jacques, « Le féminisme en Belgique de la fin du 19e siècle aux années 1970 », Courrier hebdomadaire du CRISP, , p. 5
  2. Union des femmes belges contre l'alcoolisme, Statuts de l'Union des femmes belges contre l'alcoolisme, Bruxelles, , p. 1-6
  3. Didier Nourrisson, « Aux origines de l'antialcoolisme », Histoire, économie et société, , p. 491-492
  4. J. Liénart et F. Liénart, « L’alcoolisme au tournant du XXe siècle : les positions belges dans les débats européens », Revue médicale de Bruxelles, , p. 436-437
  5. Conseil des femmes francophones de Belgique, « "1905-2020 : 115 ans du Conseil des femmes" », (consulté le )
  6. Sophie Matkava, L'union des femmes belges contre l'alcoolisme 1899-1951 : de la lutte antialcoolique aux militantismes féministes et pacifistes, Bruxelles, , p. 10
  7. (nl) X, « Vrouwen speelden een belangrijke rol in de matigingsbeweging » (consulté le )
  8. Catherine Jacques, « Le féminisme en Belgique de la fin du 19ème siècle aux années 1970 », Courrier hebdomadaire du CRISP, , p. 13
  9. Eliane Gubin, « Du politique au politique. Parcours du féminisme belge (1830-1914) », Revue belge de Philologie et d'Histoire, , p. 370-382.
  10. Juliette Charles Firket, Union des femmes belges contre l'alcoolisme, Rapport sur l'exercice 1903, Liège, , p. 5
  11. Eliane, Gubin., (dir), Jacques C., Piette V., Puissant J., Dictionnaire des femmes belges. XIXe et XXe siècles, Racine, 2006, p. 426.
  12. Eliane, Gubin., (dir), Jacques C., Piette V., Puissant J., Dictionnaire des femmes belges. XIXe et XXe siècles, Racine, 2006 p. 69.
  13. Eliane, Gubin., (dir), Jacques C., Piette V., Puissant J., Dictionnaire des femmes belges. XIXe et XXe siècles, Racine, 2006, p. 427.
  14. J. Liénart et F. Liénart, « L’alcoolisme au tournant du XXe siècle : les positions belges dans les débats européens », Revue médicale de Bruxelles, , p. 437
  15. X : Chap. 1. Les associations féministes d’une guerre à l’autre, l’Université Libre de Bruxelles, disponible sur google, p. 23.
  16. Juliette Charles Firket, Union des femmes belges contre l'alcoolisme, Rapport sur l'exercice 1903, Liège, , p. 5
  17. Catherine Jacques, « Le féminisme en Belgique de la fin du 19e siècle aux années 1970 », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2009, p. 9.
  18. Françoise de Bueger-Van Lierde, « A l'origine du mouvement féministe en Belgique. «L'Affaire Popelin» », Revue belge de Philologie et d'Histoire, , p. 1128
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