Usine à articles
Une usine à articles[1] (en anglais essay mill ou paper mill qui signifie usine papetière ou littéralement « moulin à articles ») est une entreprise qui permet aux clients de commander un article scientifique original (ou document académique) sur un sujet particulier afin qu'ils puissent commettre une fraude scientifique.
Origine de l'activité
L'idée peut être datée du milieu du XIXe siècle dans lequel des « réservoirs à publications » (paper reservoir en anglais) étaient hébergés dans les sous-sols des maisons des fraternités étudiantes dans lesquels les étudiants partageaient des travaux qui avaient été effectués par d'autres étudiants[2]. Ces banques de travaux académiques ont inspiré leur commercialisation. Dès les années 1950, des publicités circulaient sur les campus universitaires américains pour des services de rédaction de travaux écrits comme des thèses et des mémoires de fin de cycle[2]. Bientôt, de véritables entreprises ont fourni à titre onéreux des travaux personnalisés aux étudiants. Ils étaient situés près des campus universitaires[3] et l'on pouvait entrer dans un bâtiment, consulter les catalogues commerciaux, parler directement à quelqu'un pour passer une commande, ou éventuellement faire une sélection de documents de recherche recyclés et précieusement stockés dans le sous-sol de ces entreprises[2].
Dans les années 2000, la plupart des usines à articles sont passées à un modèle de commerce électronique, sollicitant des clients et vendant des mémoires sur un site internet. Les entreprises fournissent souvent des échantillons de dissertations gratuits sur des sujets populaires pour attirer les recherches sur internet.
Publications en série d'articles scientifiques
En 2013, Mara Hvistendahl avait déjà défini dans un article paru dans la revue Science[4] le terme de "Paper Mill" pour qualifier les entreprises qui fabriquent des figures scientifiques à la demande. En 2018, Jana Christopher, analyste en intégrité des données, a publié un article[5] décrivant 12 publications contenant des western blots avec les mêmes bandes, blocs et fonds, tous issus du même groupe de recherche. Un an plus tard, Jennifer A. Byrne, professeur à l'université de Sydney, a passé en revue un certain nombre d'études frauduleuses produites en série sur le knockdown des gènes[6]. En , la microbiologiste spécialisée en intégrité scientifique Elisabeth Bik a publié un article sur son blog[7]. Avec un autre article de la professeur Byrne et l'analyste Christopher[8], ils ont identifié plus de 400 articles de recherche douteux publiés en Chine au cours de l'année écoulée. Les articles proviennent de la même source : une entreprise qui fabrique des figures à la demande, celle que Bik nomme Tadpole Paper Mill.
Modèle économique
Pour obtenir un document, un client soumet généralement un formulaire décrivant le travail qu'il souhaite réaliser, le nombre de pages qu'il doit comporter et la date à laquelle il doit être terminé. À l'autre bout, l'employé recherche parmi les demandes jusqu'à ce qu'il trouve quelque chose qui semble intéressant, qu'il ou elle puisse écrire rapidement et qui satisfasse le nombre de pages requis. Peu importe que l'auteur ait des connaissances antérieures sur le sujet; s'il est facile de faire des recherches, il fera le travail[9].
Un article de 2009 dans The Chronicle of Higher Education (en) a déclaré que les rédacteurs étrangers ne sont payés qu'entre 1 $ et 3 $ par page soit dix fois moins que ce qui est facturé aux clients américains. Par contre, certains rédacteurs américains gagnent environ 1 000 $ au cours de leur meilleurs mois[9], ce qui reste faible, tandis que les meilleurs rédacteurs peuvent gagner jusqu'à 5 000 $ par mois[10].
Voir aussi
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Essay mill » (voir la liste des auteurs).
- « Une seule " usine à articles " semble avoir produit au moins 400 articles avec images fraudées... c'est la Chine ! », sur Rédaction Médicale et Scientifique (consulté le )
- (en) Stavisky, « Term Paper 'Mills', Academic Plagiarism, and State Regulation », Political Science Quarterly, vol. 88, no 3, , p. 445–461 (DOI 10.2307/2148993, JSTOR 2148993)
- (en) Pemberton, « Threshold of Desperation: Winning the Fight Against Term Paper Mills », Writing Instructor, vol. 11, no 3, , p. 143–152
- (en) Mara Hvistendahl, « China's Publication Bazaar », Science, vol. 342, no 6162, , p. 1035–1039 (ISSN 0036-8075 et 1095-9203, PMID 24288313, DOI 10.1126/science.342.6162.1035, lire en ligne, consulté le )
- (en) Jana Christopher, « Systematic fabrication of scientific images revealed », FEBS Letters, vol. 592, no 18, , p. 3027–3029 (ISSN 1873-3468, DOI 10.1002/1873-3468.13201, lire en ligne, consulté le )
- (en-US) Jennifer A Byrne, Natalie Grima, Amanda Capes-Davis et Cyril Labbé, « The Possibility of Systematic Research Fraud Targeting Under-Studied Human Genes: Causes, Consequences, and Potential Solutions », Biomarker Insights, vol. 14, , p. 117727191982916 (ISSN 1177-2719 et 1177-2719, PMID 30783377, PMCID PMC6366001, DOI 10.1177/1177271919829162, lire en ligne, consulté le )
- (en) Author eliesbik, « The Tadpole Paper Mill », sur Science Integrity Digest, (consulté le )
- (en) Jennifer A. Byrne et Jana Christopher, « Digital magic, or the dark arts of the 21st century—how can journals and peer reviewers detect manuscripts and publications from paper mills? », FEBS Letters, vol. 594, no 4, , p. 583–589 (ISSN 1873-3468, DOI 10.1002/1873-3468.13747, lire en ligne, consulté le )
- (en) Bartlett, « Cheating Goes Global as Essay Mills Multiply », The Chronicle of Higher Education, (lire en ligne)
- (en) Dante, « The Shadow Scholar », The Chronicle of Higher Education, (lire en ligne)
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