Vente de Lucerne

La vente de Lucerne est une vente aux enchères internationale qui se déroule le , présentée par la galerie Theodor Fischer au Grand Hôtel national de Lucerne en Suisse.

Vente de Lucerne
Type Exposition artistique
Pays Suisse
Localisation Lucerne, Suisse
Date 29 juin 1939

Par le contexte historique de l’époque et par le caractère singulier de la vente publique, cet évènement marque l’histoire de l’art moderne du XXe siècle. Le parti national-socialiste décide d’organiser des enchères d’œuvres d’art qui ont été confisquées dans une quarantaine de Musées allemands car jugées « dégénérées » : elles ne correspondent pas à l’idéologie de l’art allemand nazi.

Contexte de l’art dégénéré

Sous le régime allemand d’Hitler, l’art dégénéré (Entartete Kunst, en allemand) est une expression utilisée pour décrire les différentes formes d’art non conformes à l’art officiel allemand, défendant les normes de la « beauté classique » ou promulguant les théories nazies sur la pureté raciale. L’art est sous contrôle politique et soumis à la censure : interdictions, retraits dans les musées, confiscations, ventes… Entre 16 000 et 20 000 œuvres ont ainsi été confisquées en Allemagne, de à .

En , à Munich, l’exposition « Art dégénéré » exhibe près de 700 œuvres des courants de la modernité artistique du début du XXe siècle, et sont présentées au public comme les symptômes d’un art malade, une dégénérescence qui enlève les traits distinctifs de l’objet et le dégrade[1]. Deux ans plus tard, la vente aux enchères de Lucerne s’organise.

Préparation et déroulé de la vente

La Suisse, pays neutre pendant la guerre, joue un rôle essentiel dans le marché de l’art, à la fois refuge d’artistes et de collectionneurs, dépôts d’œuvre d’art et lieu de négociations d’art. Lucerne est donc choisie pour accueillir les enchères.

Cette vente aux enchères de Lucerne a un double objectif[2] : d’une part, conforter la politique culturelle de la censure allemande en se défaisant des œuvres dites « dégénérées » et rejetées par le régime, et surtout, d’autre part, obtenir de l’argent supplémentaire pour soutenir le projet étatique sur le réarmement de l’Allemagne et le financement de la guerre. Cependant, afin d’attirer le plus grand nombre d’acheteurs potentiels et de conclure les ventes, le choix des œuvres pour ces enchères se portent sur des œuvres dites « figuratives », plus consensuelles. D’ailleurs le catalogue de l’exposition ne mentionne pas « art dégénéré » dans son titre mais s’intitule « Maîtres de la modernité dans les musées allemands ».

Le , à 14 h 15, le Grand Hôtel national de Lucerne accueille 300 et 350 personnes venues assister à la vente aux enchères de la galerie Fischer ; parmi elles se trouvent des marchands d’art, des commerçants, des collectionneurs, des délégations de musées européens et américains.

Les 109 peintures et 16 sculptures de 39 artistes, présentées à Lucerne, ont été sélectionnées parmi les œuvres confisquées auparavant dans les musées allemands. Il s’agit d’artistes de l’École de Paris, des précurseurs expressionnistes et des artistes allemands du mouvement expressionniste[3]. Sur les 125 œuvres du catalogue de vente, 100 sont produites par 25 artistes allemands ou autrichiens et 25 par 14 artistes étrangers[4].

Résultats de la vente

Les meilleures enchères, prix et adjudications, concernent les artistes étrangers avec 24 œuvres vendues sur 25, tandis que pour les artistes austro-allemands, 61 œuvres sur 100 ont été vendues. Le profit de la vente s’élève à 542 650 francs suisses, dont 518 327 CHF pour le IIIe Reich[5], somme inférieure aux estimations attendues, les acheteurs s’étant mis mis d’accord pour ne pas surenchérir et gonfler les prix afin de ne pas trop enrichir les caisses de l’Etat allemand.

Lors de cette vente, la délégation de la ville de Liège, en Belgique, emporte 9 œuvres grâce aux fonds publics et mécénat[6] :

Ces œuvres sont exposées au musée des Beaux-Arts de Liège.

Les musées et galeries spoliées durant le régime d’Hitler n’ont pas reçu d’indemnisation ou n’ont pas récupéré leurs biens.

Bibliographie

  • « Magazine Connaissance des Arts décembre 2014 », sur Connaissance des Arts
  • Julie Delbouille, « La vente de Lucerne », Le 15e jour du mois, no 237, (lire en ligne)
  • Huguette Meunier Chauvin, « Munich 1937 - Berlin 1992 : deux expositions pour l'« art dégénéré » » (entretien avec Amos Elon), L'Histoire,
  • Jean-Patrick Duchesne (dir.), L'art dégénéré selon Hitler, La vente de Lucerne, 1939, Liège, Collections artistiques de l'Université de Liège, , 226 p. (ISBN 978-2-9600912-3-6)
  • Arno Gisinger, Emmanuelle Polack, Juliette Trey et Christoph Zuschlag, « Art dégénéré et spoliations des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale », Perspective, no 1, , p. 13–36 (ISSN 1777-7852, DOI 10.4000/perspective.8968, lire en ligne, consulté le )

Notes et références

  1. Jean-François Poirier, « Art dégénéré », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  2. Bernard Thiry, « Avant-propos », dans L’art dégénéré selon Hitler, La vente de Lucerne, 1939, Liège, Collections artistiques de l’Université de Liège, , 226 p. (ISBN 978-2-9600912-3-6), p. 13
  3. Jean-Patrick Duchesne, L’art dégénéré selon Hitler, La vente de Lucerne, 1939, Liège, Collections artistiques de l’Université de Liège, , 226 p. (ISBN 978-2-9600912-3-6), « Lucerne, Le 30 juin 1939. Des tableaux « d’art dégénéré » pour Liège et la Belgique », p. 26-28
  4. Yves Dubois, « Vente de Lucerne, un choix », dans L’art dégénéré selon Hitler, La vente de Lucerne, 1939, Liège, Collections artistiques de l’Université de Liège, , 226 p. (ISBN 978-2-9600912-3-6), p. 47
  5. « Histoire de Marché : 30 juin 1939. Lucerne. », sur fr.artprice.com, (consulté le )
  6. Paul Delforge, « 30 septembre 1939 : Achat par la ville de Liège de 9 tableaux qualifiés par les nazis « d'art dégénéré » », sur connaitrelawallonie.wallonie.be (consulté le )

Articles connexes

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