Voix du Nord

Voix du Nord est le nom donné à l'un des mouvements de résistants français de la zone Nord occupée pendant la Seconde Guerre mondiale.

Pour le quotidien français, voir La Voix du Nord.

Voix du Nord
Cadre
Type
Réseau ou mouvement de résistance française
Pays

Histoire

Mouvement

Organisé autour d'un journal, Voix du Nord, il tente de fédérer les différents groupes de résistance de la zone interdite. Jules Noutour, policier et syndicaliste lillois, mort en déportation, est le principal instigateur de ce mouvement. Avec lui, un groupe d'hommes d'horizons divers constituent le noyau de Voix du Nord, parmi lesquels l'ancien maire catholique social de Bailleul, Henri Détailleur[1], Natalis Dumez[2], Georges Vankemmel, pharmacien à Armentières,Robert Pouille, industriel à Armentieres, René Decock, Lionel Alloy, Jules Houcke, Marcel Houcke, André Dammarez, Charles Bertrand, Jules Obin, Kléber Ringot et Albert van Volput.

Le mouvement reflète le patriotisme de la population, séparée du reste du pays, relevant de l'administration militaire de la Belgique et du Nord de la France, et pouvant craindre l'annexion.

Il s'organise autour d'une filière d'évasion[3] puis adopte par la suite une organisation militaire[4].

Le mouvement devient, surtout après l'arrivée de Pierre Deshayes envoyé par Londres en , une organisation militaire visant la Libération. Georges Vankemmel prend en charge l'instruction des premiers groupes créés en [5], Lionel Alloy puis Maurice Bouchery, premier chef régional, les commandent. Au début de 1944, les premiers groupes sont répartis sur une douzaine de secteurs[4].

Ces groupes constituent un véritable régiment, aux effectifs parfois grossis par des combattants d'autres mouvements ou réseaux décimés par les arrestations, comme l'Organisation civile et militaire (OCM). Ils mènent ou participent à différentes actions : renseignement, repérage de terrains pour les largages, acheminement des armes et matériels reçus, opérations de sabotage, filières d'évasion pour les aviateurs abattus dans la région, soutien aux familles de déportés ou fusillés[4]...

Le mouvement connait son premier mort, Jean Bayart, le [6]. On lui avait présenté quelques semaines plus tôt, un Anglais nommé Kraft. Le résistant devait, comme d'habitude lui fournir des papiers pour retourner en Angleterre. Mais Kraft était un agent infiltré de la Gestapo. Les Allemands viennent au domicile familial, trouvent des exemplaires de La Voix du Nord, et emmènent le jeune homme. Il parvient à s'échapper dans la journée, est rattrapé et abattu à bout portant[7].

Les arrestations se succèdent : Natalis Dumez et Léon Flèche, entre autres, le [5], Noutour en [5]. Robert Pouille en . La trahison d'un membre du réseau entraina une vague d'arrestation en cette année 1943[8]. De nouvelles personnes prennent la relève à chaque fois.

Le mouvement est représenté auprès du gouvernement provisoire de la République française constitué à Alger en 1944, et participe aux comités départementaux de Libération[4].

Il est difficile de fixer un nombre précis de membres du mouvement, en raison même de la clandestinité, des modalités de participation parfois ponctuelle ou régulière. En revanche, le nombre de résistants de Voix du Nord fusillés, morts sous la torture, disparus en déportation ou tués au combat est estimé à plus de cinq cent trente[4].

Parmi les femmes membres du mouvement peuvent être citées :

  • Marguerite Bayart, sœur de Jean Bayart, premier mort du mouvement évoqué ci-dessus, engagée à l'âge de 15 ans, suit son père et son frère dans le mouvement, arrêtée et emprisonnée avec sa mère à Loos en 1943, pendant trois mois puis libérée, va survivre à la guerre. Le père engagé par idéal sera arrêté et tué par la Gestapo le 10 juillet 1944[7].
  • Jeanne Parmentier, héroïne de la Grande guerre dans le réseau de Louise de Bettignies[9], contactée par Natalis Dumez et Jules Noutour qui cherchaient quelqu'un sachant taper à la machine. Elle leur propose sa fille Lily Parmentier, alors âgée de 20 ans, future épouse Glück, qui va dactylographier la première feuille de La Voix du Nord. Le café de la mairie à Mons-en-Barœul, tenu par Jeanne Parmentier devient un pivot du mouvement. Dans les semaines qui suivent, Lilly va récupérer les textes manuscrits dans l'arrière salle du café des damiers à Lille et les ramène à Mons. Puis le petit matériel d'imprimerie est installé dans la grenier du café. Dénoncée, Jeanne est arrêtée en 1943 et déportée à Ravensbück dont elle reviendra méconnaissable en 1945[10].

Publication

Le réseau fera paraître 66 numéros de son journal clandestin, d'avril 1941[2] au . Pierre Houriez, chef d'un réseau d'évasion et Pierre Deshayes, envoyé par Londres, sont les principaux responsables de sa diffusion.

Le premier numéro, imprimé à Fives, parait dès le et déclare en une : « On ne transige pas avec le devoir et l'honneur, on ne pactise pas avec le mal, on ne collabore pas avec l'ennemi[11].» Il est confectionné à Lille, et tiré à 65 exemplaires[7]. Les suivants le seront dans différents endroits, en fonction des possibilités, de la situation de chacun, de la répression également. Le journal affirme clairement son soutien au général De Gaulle et à la France Libre[3]. Le journal se diffuse en étant distribué à cinq personnes qui elles-mêmes en donnaient à cinq autres, etc.[7].

Le journal se veut l'emblème de la résistance dans la région et s'appelle La Voix du Nord et du Pas de Calais ; il porte en-tête les mots Liberté Égalité Fraternité et s'intitule Organe de la résistance de la Flandre française[3].

Le , le journal publie un texte du général De Gaulle[5].

Les conditions de publication sont particulièrement pénibles, tout manque : le papier, l'encre de mauvaise qualité ; la rédaction, le tirage, l'acheminement, chaque étape comporte des risques. Des quatre pages ronéotypées du premier jour, on passe rapidement à six puis à dix. En raison des difficultés d'approvisionnement en papier, la pagination est de nouveau réduite : quatre pages en février 1943. Le tirage, faible au début (900 exemplaires) passe à 15 000 au . De même, la périodicité, bimensuelle jusqu'en septembre 1942, puis mensuelle à partir de 1943.

Le journal étonne par sa longévité, malgré les coups portés par l'occupant, qui remettent en question chaque parution. Le nombre de tirages varie selon les possibilités et les moments, de quatre à cinq mille exemplaires en moyenne jusqu'à vingt mille). Le mouvement essaye de lui donner la plus grande régularité possible. Le journal réussit même pendant quelques mois de 1943 à assurer une édition locale dans l'arrondissement de Béthune[3].

Un moment proche du mouvement et du journal Libération-Nord, de tendance socialiste, qui dispose de moyens financiers plus importants, le journal garde son indépendance éditoriale, tenant à pouvoir s'adresser à des patriotes de toutes sensibilités[4].

L'arrestation de Noutour en amena, malgré la relève prise par Robert Pouille et Maurice Pauwels, la cessation de parution en . Jules Houcke, alors président du comité départemental de libération, évadé de la prison de Loos, va assurer la publication des deux derniers numéros clandestins en juillet et . Il va également prendre en charge la parution du premier numéro sorti au grand jour le , il s'agissait du 66e numéro[4].

Le journal a eu une grosse influence dans la région en fédérant la Résistance et en maintenant la confiance dans la victoire[4].

Le groupe la Voix du Nord a sorti plusieurs publications autour du journal, notamment un recueil des 63 numéros parus avec cd-rom sous le titre Les Voix du Nord clandestines[12].

Libération

Pendant la guerre, le journal le Grand Écho du Nord, collabore avec l'Allemagne nazie et à la libération, on juge ses dirigeants avec beaucoup de clémence. Les locaux et l’imprimerie du Grand Écho sont repris par la Voix du Nord et les anciens journalistes et cadres du Grand Écho travailleront à sortir le journal la Voix du Nord en kiosque. Pour les membres du journal issu de la résistance et notamment ses deux fondateurs qui ne sont pas encore rentrés de déportation en , cela devient de la trahison de pseudo-résistants[13].

Postérité

Au retour de la déportation, un des fondateurs, Natalis Dumez, va engager une bataille judiciaire avec la direction du journal en place à la Libération. Il représente plusieurs anciens résistants qui n'ont pu devenir actionnaires du journal et se sentent floués. L'affaire va durer jusqu'à un jugement de 1977 qui indemnise symboliquement les anciens résistants[13].

Depuis 2011, une aile du Musée de la résistance à Bondues est consacrée à l'histoire du journal clandestin[10].

Notes et références

  1. Biographies d'Henri Détailleur (www2.assemblee-nationale.fr)
  2. Jean-Marie Duhamel, « Les 70 ans de « La Voix du Nord » - 1. Printemps 1941 - automne 1942 : le temps des fondateurs », sur le site du quotidien « La Voix du Nord », (consulté le )
  3. Michel Marcq, cité dans la bibliographie, p. 14
  4. Michel Marcq, op. cit., p. 15
  5. Cent ans de vie dans la région, tome 3 : 1939-1958, La Voix du Nord éditions, hors série du 17 juin 1999, p. 43
  6. Cent ans de vie dans la région, tome 3 : 1939-1958, La Voix du Nord éditions, hors série du 17 juin 1999, p. 41
  7. Matthieu Delcroix, Voix du Nord clandestine : « On ne pouvait pas s'engager à moitié », dans La Voix du Nord du vendredi 30 avril et samedi 1er mai 2021, p 14. Lille et la métropole.
  8. « Marcel HENAUX (1909-1945) - 2 - GUERRE ET RESISTANCE », sur sites.google.com (consulté le )
  9. « Disparition de Lily Glück-Parmentier, une des héroïnes du réseau de résistance Voix du Nord », sur La Voix du Nord (consulté le )
  10. Éric Dussart, La Voix du Nord a ses passeurs de mémoire, dans La Voix du Nord du vendredi 30 avril et samedi 1er mai 2021, p 44-45.
  11. Bruno Vouters, « Le pays revit, la région vivote », dans Cent ans de vie dans la région, Tome 3 : 1939-1958, La Voix du Nord éditions, Hors série du 17 juin 1999, p. 5.
  12. « Les Voix Du Nord Clandestines », sur La boutique des lecteurs (consulté le )
  13. La Voix du Nord, impostures, arnaques et profits (labrique.net)

Voir aussi

Bibliographie

  • Michel Marcq, « Un journal clandestin se fait la voix de la Résistance », dans Cent ans de vie dans la région, tome 3 : 1939-1958, La Voix du Nord éditions, Hors série du , p. 14-15.

Articles connexes

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