Vol Comair 5191
Le matin du , le Bombardier Canadair Regional Jet 100ER effectuant le vol Comair 5191 pour le compte de Delta Connection, reliant Lexington dans l'État américain du Kentucky à Atlanta dans l'État de Géorgie, s'écrase alors qu'il tente de décoller de l'aéroport de Blue Grass, dans le comté de Fayette dans le Kentucky.
Vol Comair 5191 | |||
Un Bombardier CRJ-100ER de Comair, similaire à celui impliqué dans l'accident. | |||
Caractéristiques de l'accident | |||
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Date | |||
Type | Décollage de la mauvaise piste, sortie de piste | ||
Causes | Erreur de pilotage | ||
Site | Aéroport de Blue Grass (en), Lexington, Kentucky, États-Unis | ||
Coordonnées | 38° 02′ 16″ nord, 84° 36′ 55″ ouest | ||
Caractéristiques de l'appareil | |||
Type d'appareil | Bombardier CRJ-100ER | ||
Compagnie | Comair | ||
No d'identification | N431CA | ||
Lieu d'origine | Aéroport de Blue Grass, Lexington, Kentucky, États-Unis | ||
Lieu de destination | Aéroport international Hartsfield-Jackson d'Atlanta, Géorgie, États-Unis | ||
Phase | Décollage | ||
Passagers | 47 | ||
Équipage | 3 | ||
Morts | 49 | ||
Blessés | 1 (grave) | ||
Survivants | 1 | ||
Géolocalisation sur la carte : États-Unis
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L'avion s'était vu attribuer la piste 22 de l'aéroport pour le décollage, mais les pilotes ont utilisé, par erreur, la piste 26. Cette dernière était trop courte pour permettre un décollage en toute sécurité et l'avion a dépassé l'extrémité de la piste avant de pouvoir décoller. Il s'écrase finalement juste après la fin de la piste, tuant les quarante-sept passagers et deux des trois membres d'équipage. Le copilote est l'unique survivant.
Le rapport final du Conseil national de la sécurité des transports américain (NTSB) conclut que la cause probable de l'accident est une erreur de pilotage, notamment causée par le non-respect de la règle du cockpit stérile et par l'échec des pilotes pour « recouper et vérifier que l'avion était sur la bonne piste avant le décollage ».
Avion et équipage
L'avion du vol Comair 5191 — vol commercialisé sous le nom (DL5191) de Delta Connection —, immatriculé N431CA[1], appartient à la compagnie aérienne Comair et est affrété à cette occasion par Delta Air Lines[NTSB 1]. Il s'agit d'un biréacteur régional Bombardier Canadair CRJ-100ER de 50 places[2] portant le numéro de série 7472[3]. Fabriqué au Canada et livré neuf à la compagnie aérienne le , l'avion cumule 14 536 heures de vol au moment de l'accident[NTSB 2].
En plus des trois membres d'équipage, l'avion transporte quarante-sept passagers[NTSB 3],[4],[5]. Le commandant de bord Jeffrey Clay, âgé de 35 ans, possède 4 710 heures de vol à son actif, dont 3 082 heures sur CRJ-100[NTSB 4]. Son copilote, James Polehinke, 44 ans, a auparavant travaillé en tant que commandant de bord pour Gulfstream International[NTSB 5]. Il compte 6 564 heures de vol à son actif, dont 940 heures en tant que commandant de bord et 3 564 heures sur CRJ-100[NTSB 6].
Déroulement du vol
Départ
L'enregistreur phonique du poste du pilotage (CVR) commence à enregistrer vers 5 h 36 (heure avancée de l'Est), au moment où les pilotes réalisent les procédures standard pour la mise en route de l'avion et récoltent les informations de vol avant le départ[NTSB 7]. À 5 h 48, ils prennent connaissance de l'information ATIS de l'aéroport portant notamment sur les conditions météorologiques et sur la piste en service[NTSB 8]. Cette dernière est la piste 22, celle utilisée pour les vols commerciaux[NTSB 9].
À 5 h 56 min 34 s, les pilotes entament leur briefing pour le décollage[NTSB 9], au cours duquel le copilote demande : « Il a dit quelle piste… deux quatre ?[C 1] » , le commandant répondant : « C'est deux deux[C 2] », confirmant l'utilisation de la piste 22[NTSB 10]. Le copilote poursuit alors le briefing de décollage, au cours duquel l'équipage mentionne trois références supplémentaires à la piste 22[NTSB 9].
Le copilote déclare ensuite que les feux d’identification de fin de piste sont éteints, puis commente : « Je suis arrivé ici l’autre soir, c’était comme si les feux étaient partout éteints[C 3] »[NTSB 10],[N 1]. Le copilote déclare également : « Sortons-le et prenons [la voie de circulation] Alpha. [Vers la piste] deux deux, c'est un roulage rapide[C 4] »[NTSB 15]. À 5 h 57 min 40 s, le commandant de bord annonce que le briefing de décollage est terminé[NTSB 9].
Roulage
À 6 h 2 min 1 s, le copilote informe le contrôleur aérien que l'avion est prêt à rouler[NTSB 16]. En réponse, le contrôleur demande à l'équipage de rouler jusqu'à la piste 22[NTSB 17]. Cette instruction autorise l'avion à traverser la piste 26 — les deux pistes se croisant — sans s'arrêter[NTSB 17]. Le copilote répond alors : « On roule [vers la piste] deux deux[C 5] »[NTSB 16]. L'analyse de l'enregistreur de données de vol (FDR) montrent que le commandant de bord commence le roulage à 6 h 2 min 17 s[NTSB 17].
Entre 6 h 03 min 16 s et 6 h 03 min 56 s, les pilotes entament une conversation qui n'est pas liée à l'exploitation du vol[NTSB 19],[6],[7]. À 6 h 4 min 1 s, le copilote commence la check-list d'avant décollage et indique une nouvelle fois que le vol se ferait au départ de la piste 22[NTSB 17]. À ce moment, le commandant remet les commandes au copilote pour le décollage[NTSB 9].
Décollage
Le vol 5191 utilise la piste 26 pour son décollage alors qu'il s'était vu attribuer la piste 22[8],[9],[10]. L'analyse de l'enregistreur phonique (CVR) confirme que les pilotes ont reçu comme instruction de décoller de la piste 22[11]. Malgré cela, après avoir confirmé se rendre sur la « piste deux deux », ils empruntent la piste 26[11]. Or, si la piste 22, utilisée par la plupart des compagnies aériennes à Lexington, mesure 7 003 pieds (2 135 mètres) de longueur, la piste 26 est une piste secondaire non éclairée de seulement 3 500 pieds (1 100 mètres)[NTSB 9]. À ce moment-là, le contrôleur aérien, qui n'est alors pas tenu de maintenir un contact visuel avec l'avion après l'avoir autorisé à décoller, se tourne pour effectuer des tâches administratives et ne voit pas l'avion rouler en direction de la mauvaise piste[NTSB 20],[11].
Sur la base d'une masse au décollage estimée à 49 087 livres (22 265 kilogrammes)[12], le constructeur calcule qu'une vitesse de 138 nœuds (256 km/h) et une distance de 3 744 pieds (1 141 mètres) auraient été nécessaires pour la rotation, avec encore un peu plus de piste nécessaire pour réaliser le décollage[13],[14].
À une vitesse approchant les 100 nœuds (190 km/h), le copilote fait remarquer : « C'est bizarre sans feux[C 6] »[N 2] en référence au manque d'éclairage sur la piste[NTSB 22],[15]. « Ouais », confirme le commandant, mais le FDR ne donne aucune indication quant à savoir si l'un ou l'autre a tenté d'interrompre le décollage alors que l'appareil accélérait à 137 nœuds (254 km/h)[NTSB 22].
Le commandant demande la rotation, mais l'avion accélère jusqu'au bout de la piste car il n'a pas atteint la vitesse suffisante pour pouvoir décoller[16],[17]. Il heurte ensuite un talus, se maintient en l'air pendant quelques instants[NTSB 22], coupe la clôture du périmètre de l'aéroport avec son train d'atterrissage et s'écrase dans des arbres, séparant le fuselage et le poste de pilotage de la queue[15]. L'avion percute le sol à environ 900 pieds (275 mètres) de l'extrémité de la piste à 6 h 06 min 36 s[12]. Quarante-neuf des cinquante personnes à bord périssent dans l'accident[18],[19]. La plupart d'entre eux meurent instantanément lors de l'impact initial[20]. L'incendie qui s'ensuit détruit l'avion[NTSB 3],[21],[22].
Victimes
Les quarante-sept passagers et deux des trois membres d'équipage à bord meurent dans l'accident[23],[24],[25]. Comair rend public le manifeste des passagers deux jours après le drame, le [26]. La plupart d'entre eux étaient des citoyens américains de la région de Lexington, âgés de 16 à 72 ans[27]. Un service commémoratif pour les victimes a lieu le au Lexington Opera House[28],[29].
Une Commission commémorative est créée peu de temps après l'accident afin d'ériger un mémorial pour les victimes, les premiers intervenants et la communauté qui les a soutenus[30]. Cette dernière a choisi l'arboretum de l'université du Kentucky comme site commémoratif[31],[32].
James Polehinke, le copilote, est le seul survivant[32]. Grièvement blessé, il souffre de multiples fractures, d'un pneumothorax et d'importantes hémorragies[33]. Opéré, il subit l'amputation de sa jambe gauche et se déplace depuis lors en fauteuil roulant[34],[35],[36]. Plus tard, les médecins déterminent qu'ayant subi des lésions cérébrales, il n'a aucun souvenir de l'accident ou des événements qui y ont conduit[37].
Les successions ou familles de vingt-et-un des quarante-sept passagers ont intenté une action en justice contre James Polehinke[38],[39]. En réaction, son avocat a évoqué la possibilité d'une « négligence contributive » de la part des passagers[N 3],[40]. Il affirme ainsi qu'ils « auraient dû être conscients que des conditions dangereuses existaient, en ce sens qu'il y avait eu une couverture médiatique considérable sur l'important projet de construction de piste sur l'aéroport[C 7] »[38]. Néanmoins, il a présenté cet argument sans en avoir parlé à James Polehinke et l'a ensuite rapidement retiré[38].
Le crash du vol Comair 5191 est l'accident aérien le plus grave survenu aux États-Unis depuis celui du vol American Airlines 587, le [41].
Enquête
Premières constatations
L'analyse de l'enregistreur phonique du poste de pilotage (CVR) montre que les pilotes ont fait référence à la piste 22 comme piste de départ plusieurs fois avant le décollage et l'enregistreur de données de vol (FDR) indique que le cap sélectionné sur le pilote automatique de l'avion était réglé à 227°, correspondant au cap magnétique de la piste 22[NTSB 23]. Par conséquent, lors de son enquête, le Conseil national de la sécurité des transports américain (NTSB) « conclut que le commandant de bord et le copilote croyaient que l'avion était sur la piste 22 lorsqu'ils ont roulé sur la piste 26 et ont entamé le décollage »[NTSB 23],[42].
À 6 h 06 min 31 s, le commandant de bord annonce : « V1, Rotation »[N 4], suivi immédiatement par l'exclamation « whoa »[NTSB 24],[43]. Ainsi, lorsque le commandant demande la rotation au copilote, l'avion se trouve à 236 pieds (71 mètres) du bout de la piste et à une vitesse de 131 nœuds, soit onze nœuds de moins que la vitesse de rotation prévue par les pilotes avant le décollage, qui était de 142 nœuds[NTSB 23]. Le NTSB conclut que « l'annonce en avance de la vitesse de rotation (Vr) par le commandant et l'exclamation « whoa » qui a suivi ont indiqué qu'il avait reconnu que quelque chose n'allait pas avec le décollage[C 8] »[NTSB 23],[15].
Les données du FDR montrent qu'en réponse, le copilote a tiré sur son manche assez brutalement pour essayer de lever le nez de l'avion[NTSB 23]. De la même manière, le NTSB conclut que « cette réaction […] a montré que le copilote a également reconnu que quelque chose n'allait pas lors du décollage[C 9] », mais l'avion avait déjà largement dépassé le point auquel il pouvait encore s'arrêter en toute sécurité sur la piste[NTSB 23],[15].
Choix de la mauvaise piste
L'enquête se concentre alors sur les erreurs commises par les pilotes qui les ont conduits à se tromper de piste[10]. Sur ce sujet, le NTSB déclare :
« Comme les deux pilotes étaient expérimentés, ils auraient dû être au courant des caractéristiques géographiques de base de l'aéroport et des normes de signalisation et de marquage. […] Plusieurs signaux et caractéristiques externes étaient à la disposition des pilotes pour guider leur navigation vers la piste 22, et rien n'indique que leur vue à travers le pare-brise était obstruée. Les observations effectuées depuis un CRJ-100 après l'accident ont démontré que, dans des conditions nocturnes, des panneaux indicateurs des voies de circulation étaient visibles pendant tout le roulage, un panneau de point d'attente de la piste 26 était visible, et les numéros de la piste 26 étaient également visibles. […] Des indications adéquates existaient à la surface de l'aéroport et les ressources disponibles étaient présentes dans le poste de pilotage pour permettre aux pilotes de naviguer avec succès de la porte d'embarquement jusqu'au seuil de la piste 22[C 10]. »[NTSB 25].
— National Transportation Safety Board, AAR-07/05
De plus, l'enquête pointe du doigt la conversation personnelle entre les deux pilotes d'une durée de quarante secondes lors du roulage de l'avion vers la piste[NTSB 26],[6],[7],[44],[45]. Dans son rapport final, le NTSB déclare que « la conversation non essentielle des membres de l'équipage du cockpit pendant le roulage, qui n'était pas conforme aux règlements fédéraux et à la politique de la compagnie, a probablement contribué à la perte de conscience de leur position[C 11] »[NTSB 26].
Les enquêteurs n'ont pas été en mesure de déterminer avec précision pourquoi les deux pilotes, pourtant expérimentés, se sont trompés de piste et ont réalisé leur erreur seulement quelques secondes avant l'accident : « Compte tenu des nombreux signaux dont disposait l'équipage du cockpit et de la simplicité de la tâche de navigation, l'[enquête] n'a pas pu déterminer pourquoi les pilotes ont arrêté l'avion sur le mauvais point d'attente et ont ensuite tenté de décoller à partir de la mauvaise piste. Cependant, le NTSB estime que ces événements se sont produits parce que les pilotes n'ont pas utilisé les signaux disponibles sur la surface de l'aéroport, pendant le roulage, et n'ont pas recoupé et confirmé la position de l'avion sur la piste avant le départ. De plus, les pilotes ont engagé une conversation non essentielle au cours d'une phase critique du vol, ce qui leur a fait perdre la conscience de leur position. Aussi, avant le départ, le copilote a informé du non-fonctionnement des feux d'identification de fin de piste et il a déclaré que certains feux étaient éteints au cours de son arrivée sur l'aéroport lors de son vol précédent, et les pilotes ont très probablement lu le NOTAM qui indiquait que les feux d'axe de la piste 22 étaient hors-service[C 12] »[NTSB 27]. Il en ressort donc que tous ces éléments ont créé un biais de confirmation, laissant croire aux pilotes qu'ils étaient effectivement sur la bonne piste pour le décollage[NTSB 28],[46],[47].
Causes probables
Lors d'une réunion publique le , le Conseil national de la sécurité des transports américain (NTSB) annonce la cause probable de l'accident, comme suit[48] :
« La cause probable de cet accident est le fait que les membres d'équipage du cockpit n'ont pas utilisé les signaux et les aides disponibles pour identifier l'emplacement de l'avion sur la surface de l'aéroport pendant le roulage et leur échec à recouper et à vérifier que l'avion était sur la bonne piste avant le décollage. Contribuant à l'accident, les conversations non essentielles des pilotes pendant le roulage, entraînant une perte de conscience de la position, ainsi que l'échec de la Federal Aviation Administration (FAA) d'exiger que tous les croisements entre pistes ne soient autorisés que par des clairances spécifiques du contrôle de la circulation aérienne[C 13]. »[NTSB 29].
— National Transportation Safety Board, AAR-07/05
Les enquêteurs du NTSB concluent donc que les causes probables de l'accident sont la non-prise en compte involontaire, par les deux pilotes, des éléments les informant de leur erreur de piste[49],[50],[51], l'absence de confirmation de leur position sur la piste et leurs échanges en violation des règles du cockpit stérile[6],[45],[44]. La compagnie aérienne Comair met dans le même temps en cause l'aéroport, pour une signalisation de piste qu'elle juge déficiente[52], ainsi que la FAA[53] en raison de la présence d'un seul contrôleur aérien en service ce soir-là, contrevenant ainsi à une note de service exigeant la présence de deux contrôleurs la nuit[N 5],[54],[55]. Cependant, un juge a déclaré que, puisqu'il appartenait au gouvernement du comté de Fayette dans le Kentucky, l'aéroport jouissait d'une immunité souveraine (en) et ne pouvait pas être poursuivi par Comair[55],[N 6].
Contrôle aérien
La conclusion du rapport final n'évoque pas le défaut de suivi du contrôleur aérien comme facteur contributif à l'accident[50]. Néanmoins, le NTSB indique que « le contrôleur n'a pas détecté la tentative des pilotes de décoller sur la mauvaise piste car, au lieu de surveiller le départ de l'avion, il a effectué une tâche administrative de moindre priorité qui aurait pu attendre jusqu'à ce qu'il transfère la responsabilité de l'avion au prochain contrôleur[C 14] »[NTSB 30]. De plus, dans un témoignage aux enquêteurs, le contrôleur aérien en service reconnaît n'avoir dormi que deux heures et vingt-quatre minutes avant l'accident et déclare qu'il était éveillé depuis plus de douze heures[NTSB 30],[13].
Cependant, à l'aide des enregistrements de la tour, le NTSB indique que ses communications avec les pilotes étaient « rapides et professionnelles » et que « le contrôleur était très probablement fatigué au moment de l'accident, mais la mesure dans laquelle la fatigue a affecté sa décision de ne pas surveiller le départ de l'avion n'a pas pu être déterminée, en partie parce que ses pratiques de routine n'incluaient pas systématiquement la surveillance des décollages. Le NTSB conclut en outre que les politiques et procédures opérationnelles de la FAA étaient déficientes au moment de l'accident, car elles ne favorisaient pas une surveillance optimale par le contrôleur des opérations des avions sur la surface de l'aéroport[C 15] »[NTSB 31].
L'épouse du commandant Clay a contesté le fait d'avoir imputé la cause principale de l'accident uniquement sur les pilotes, affirmant que d'autres facteurs ont contribué, « notamment une tour de contrôle insuffisamment dotée en personnel et une carte de piste inexacte »[56],[57]. Elle a notamment déclaré : « Ce cockpit était de sa responsabilité et il le dirait. Mais mon dieu, c'est un système d'aviation. Un système par définition implique qu'il y a différentes personnes le long de la ligne qui sont responsables de faire voler cet avion dans les airs et de le faire redescendre en toute sécurité[C 16] »[56].
Conséquences
Sur les aéroports et les contrôleurs aériens
À la suite de l'accident et de la publication de son rapport final, le NTSB émet treize recommandations de sécurité adressées à la Federal Aviation Administration (FAA) ainsi qu'à l'Association nationale des contrôleurs de la circulation aérienne aux États-Unis (NATCA)[NTSB 32],[58].
Au cours de son enquête, la FAA découvre que les procédures internes exigeant deux contrôleurs pendant le quart de nuit n'étaient pas respectées puisqu'un seul contrôleur travaillait dans la tour de contrôle de l'aéroport de Blue Grass ce soir-là[N 5]. Or, au moment de l'accident, l'unique contrôleur effectuait à la fois des tâches de la tour et de radar[60]. Le , la FAA annonce que Lexington, ainsi que d'autres aéroports ayant des niveaux de trafic similaires, disposeraient de deux contrôleurs dans leur tour 24 heures sur 24, avec effet immédiat[60],[61]. De son côté, Comair découvre après l'accident que ses pilotes utilisaient une carte aéronautique inexacte : en effet, celle-ci n'indiquait pas les modifications apportées à l'aménagement de l'aéroport pendant les travaux de construction en cours[N 1]. Néanmoins, le NTSB considère que cela n'a pas contribué à l'accident[NTSB 33]. Les travaux ont été interrompus sur ordre de la juge Pamela Goodwine afin de permettre le travail des experts en sécurité et des avocats des familles des victimes[62].
Le NTSB a publié plusieurs rapports, notamment des transcriptions de l'enregistreur phonique (CVR) ainsi qu'un rapport d'ingénierie[63]. En , il formule quatre autres recommandations : trois d'entre-elles dans l'objectif de modifier les conditions de travail des contrôleurs aériens afin d'éviter que la fatigue n'affecte leurs performances[64] et une autre qui interdit d'effectuer des tâches administratives non essentielles pendant que les avions roulent sous leur contrôle[65]. Néanmoins, le NTSB n'ayant pas été en mesure de déterminer si la fatigue avait contribué à l'accident du vol Comair 5191, ces recommandations ne découlent pas seulement de ce dernier et l'ont été en partie par d'autres accidents antérieurs[NTSB 34].
Concernant la structure aéroportuaire de l'aéroport de Blue Grass, la piste 8/26 ferme en et la nouvelle piste 9/27 de 4 000 pieds (1 200 mètres) est ouverte le [66]. La nouvelle piste a été construite sur un emplacement distinct et non connecté à la piste 22[67],[68],[69],[70].
Sur les pilotes
En , appliquant une recommandation du NTSB, la FAA demande aux pilotes de confirmer leur position avant de franchir le point d'attente d'une piste, et une nouvelle fois lors du lancement de la course au décollage[NTSB 35],[71]. En , sur une autre recommandation, la FAA demande à ce que la formation des pilotes inclue des informations sur les exigences d'éclairage de piste pour le décollage de nuit[NTSB 36],[72], ainsi qu'une amélioration des check-lists avant décollage[73]. En , un instructeur de vol de Comair déclare que les deux pilotes ont commis des erreurs pour avoir enfreint les règles du cockpit stérile[74] : de fait, le même mois, le NTSB confirme que cette « conversation non essentielle » constitue un facteur contributif à l'accident[NTSB 29],[51].
Actions en justice et indemnisation
En , le juge fédéral des États-Unis, Karl Forester, rend un jugement favorable à Delta Air Lines : cette dernière ne sera pas tenue responsable de l'accident, car sa filiale Comair est autonome dans sa gestion financière et humaine et sa gouvernance[75],[76]. En , le juge Forester reçoit une requête d'une famille d'un passager en vue d'un « jugement sommaire partiel » selon lequel l'équipage du cockpit de l'avion de Comair aurait fait preuve d'une négligence à l'origine de l'accident[77],[78]. Ainsi, plusieurs dizaines de familles de victimes poursuivent Comair pour négligence[79],[80]. De leur côté, les familles de deux victimes trouvent un arrangement avec la compagnie aérienne[79]. Trois cas devaient être entendus le , mais le procès est annulé après un accord conclu entre la compagnie et la majorité des familles[81].
Les actions intentées par Comair contre l'administration aéroportuaire et la FAA dans le but de les faire participer aux paiements d'indemnisation sont résolues ainsi : son action judiciaire à l'encontre de l'administration aéroportuaire est rejetée pour des motifs d'immunité souveraine[55], et cette décision est confirmée par la Cour suprême du Kentucky le [82] ; dans le cas de Comair contre les États-Unis (Comair, Inc. v. USA[83]), un accord est conclu dans lequel le gouvernement américain accepte de payer 22 % de la responsabilité pour l'accident, tandis que Comair paie les 78 % restants[84].
Toutes les familles des passagers sauf une ont vu leur dossier réglé. Après quatre jours de procès devant jury, à Lexington, qui se termine le , la succession et les filles de Bryan Woodward, 39 ans, reçoivent des dommages-intérêts compensatoires d'un montant de 7,1 millions de dollars[85],[86],[87]. Bien que Comair ait contesté ce verdict comme étant excessif, le , le juge Forester rejette les objections de la compagnie et confirme le verdict[78]. L'affaire Woodward, officiellement connue sous le nom de Hebert v. Comair, fait l'objet d'un nouveau procès devant jury le [88]. En outre, le jury devait décider si Comair était coupable d'une négligence grave qui aurait été un facteur important à l'origine de l'accident[88]. Il établirait alors le montant définitif des dommages-intérêts[78]. Toutefois, la seconde phase du procès n'a pas eu lieu car le juge a décidé que la compagnie ne pouvait être punie pour la « conduite répréhensible » de ses pilotes[89].
Fondée en , la compagnie aérienne Comair, devenue une filiale à 100 % de Delta Air Lines en 1999, cesse toutes ses activités après trente-cinq années de service, le [90],[91].
Médias
L'accident a fait l'objet d'un épisode dans la série télévisée Air Crash nommé « Décollage tragique » (saison 21 - épisode 3)[92].
Notes et références
Notes
- Les feux d'axe central et les feux d'identification de fin de piste de la piste 22 étaient hors-service au moment de l'accident en raison d'un projet de construction datant de plusieurs années. Des voies de circulation (taxiways) avaient été supprimées, alors qu'une autre s'apprêtait à voir le jour et d'autres travaux sur les pistes avaient été effectués ou étaient en cours[NTSB 13].
- La piste 26 était utilisée uniquement pour l'aviation générale en règle de vol à vue (VFR), de jour et par bonne visibilité. La piste était équipée de lumières qui indiquaient son contour et son bord, mais elles avaient été déconnectées en 2001 lorsque la piste avait été désignée pour être uniquement utilisée par des vols VFR[NTSB 13].
- « Contributory negligence ». Il s'agit d'un argument juridique selon lequel « l'autre partie est également en faute et a contribué à ses blessures »[38].
- « V1 » est la vitesse de décision au décollage. En dessous de cette vitesse, le pilote peut encore interrompre le décollage. Au-delà, même en cas de panne, le décollage doit être poursuivi car l'avion n'aura plus une longueur de piste suffisante pour s'arrêter en toute sécurité. Cette vitesse est calculée avant chaque vol en fonction de plusieurs paramètres dont notamment la masse de l'avion, la longueur de la piste, la météorologie, etc.
La « rotation » est la vitesse à laquelle le pilote commence à actionner les commandes de vol afin d'augmenter l'assiette de l'avion et d'initier le décollage. - De fait, un mémorandum du exigeait deux contrôleurs pendant le quart de nuit : un dans la tour qui s'occupait des fréquences sol, tour et des clairances, et un autre, soit dans la tour ou à distance dans un centre de contrôle régional, fonctionnant avec un radar d'approche[59],[54].
- « La constitution du Kentucky protège les comtés contre toute poursuite sans dérogation de l'Assemblée générale, et cette mesure n'a pas été prise dans l'affaire Comair[55]. »
Citations originales
- « He said what runway? one of 'em. two four[NTSB 10]. »
- « It's two two[NTSB 11]. »
- « On two two the ILS is out […], came in the other night it was like lights are out all over the place[NTSB 12]. »
- « Let's take it out […] and take Alpha, two two's a short taxi[NTSB 14]. »
- « […] taxi two two, Comair one ninety one[NTSB 18]. »
- « That is weird with no lights[NTSB 21]. »
- « The passengers killed in the Aug. 27, 2006 crash should have known that Blue Grass Airport was dangerous because of considerable media coverage of a massive runway construction project there. »[38].
- « The captain’s early VR callout and subsequent “whoa” exclamation indicated that he recognized that something was wrong with the takeoff[NTSB 23]. »
- « This abnormal column input showed that the first officer also recognized that something was wrong with the takeoff[NTSB 23]. »
- « Because both pilots were experienced, they should have been knowledgeable about basic airport geographic features and signage and surface marking standards. […] Multiple external cues and features were available to the pilots to support their navigation to runway 22, and no evidence indicated that their view from the windscreen was obstructed. Observations from a CRJ-100 airplane after the accident demonstrated that, during nighttime conditions, taxiway location signs were visible along the full length of the taxi route, a runway 26 holding position sign adjacent to the runway 26 hold short line was visible, and the runway 26 numbers were visible. […] Adequate cues existed on the airport surface and available resources were present in the cockpit to allow the flight crew to successfully navigate from the air carrier ramp to the runway 22 threshold[NTSB 25]. »
- « The flight crewmembers’ nonpertinent conversation during the taxi, which was not in compliance with Federal regulations and company policy, likely contributed to their loss of positional awareness[NTSB 26]. »
- « Given the numerous cues that were available to the flight crew and the simplicity of the navigation task, the Safety Board could not determine why the flight crew stopped the airplane at the incorrect hold short line and then attempted to take off from the incorrect runway. However, the Board believes that these events occurred because the flight crew did not use the available cues on the airport surface during taxi and did not cross-check and confirm the airplane’s position on the runway before departure. Also, the flight crewmembers engaged in a nonpertinent conversation during a critical phase of flight (taxi operations), which caused them to lose positional awareness. In addition, before the airplane arrived at the dark runway, the first officer briefed the outage of the runway end identifier lights, he recounted that lights were out during his arrival at LEX early on the morning that preceded the accident flight, and the flight crew most likely read the NOTAM in the flight release paperwork that indicated that the runway 4/22 centerline lights were out of service[NTSB 27]. »
- « The National Transportation Safety Board determines that the probable cause of this accident was the flight crew members' failure to use available cues and aids to identify the airplane's location on the airport surface during taxi and their failure to cross-check and verify that the airplane was on the correct runway before takeoff. Contributing to the accident were the flight crew's nonpertinent conversations during taxi, which resulted in a loss of positional awareness and the Federal Aviation Administration's failure to require that all runway crossings be authorized only by specific air traffic control clearances[NTSB 29]. »
- « The Safety Board concludes that the controller did not detect the flight crew’s attempt to take off on the wrong runway because, instead of monitoring the airplane’s departure, he performed a lower-priority administrative task that could have waited until he transferred responsibility for the airplane to the next ATC facility[NTSB 30]. »
- « The Safety Board concludes that the controller was most likely fatigued at the time of the accident, but the extent that fatigue affected his decision not to monitor the airplane’s departure could not be determined in part because his routine practices did not consistently include the monitoring of takeoffs. The Safety Board further concludes that FAA operational policies and procedures at the time of the accident were deficient because they did not promote optimal controller monitoring of aircraft surface operations[NTSB 31]. »
- « That cockpit was his responsibility and he would say that. But my God, it is an aviation system. A system by definition implies that there are different people along that line that are responsible for getting that plane in the air and back down safely. » – Amy Clay[56].
Rapport final, National Transportation Safety Board, 2007
- NTSB 2007, p. 36.
- NTSB 2007, p. 14.
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Voir aussi
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Articles connexes
Liens externes
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