Wilhelm Keitel

Wilhelm Keitel est un officier général allemand, né le à Helmscherode, près de Hanovre, et mort exécuté le à Nuremberg. Il a été Generalfeldmarschall[alpha 1] et chef de l’Oberkommando der Wehrmacht[alpha 2] de 1938 à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au cours du procès de Nuremberg, il a été condamné à mort pour plan concerté ou complot, crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Il est l'un des instigateurs du décret Nuit et brouillard (Nacht und Nebel).

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Wilhelm Keitel

Nom de naissance Wilhelm Bodewin Johann Gustav Keitel
Naissance
Helmscherode
Décès
Nuremberg
Origine Allemand
Allégeance Empire allemand
République de Weimar
 Reich allemand
Arme Deutsches Reichsheer
Reichswehr
Wehrmacht
Grade Generalfeldmarschall
Années de service 19011945
Commandement Oberkommando der Wehrmacht
Conflits Première Guerre mondiale,
Seconde Guerre mondiale

Jeunesse et Première Guerre mondiale

Wilhelm Keitel est né dans une famille de grands propriétaires fonciers. Adolescent, il aimait parcourir la campagne et, en particulier, les exploitations de ses parents, pour rêver et jouer à la guerre avec d'autres enfants.

Après une éducation à Göttingen, il s'enrôle dans l'armée comme Fahnenjunker (officier cadet) en 1901 et rejoint le 6e régiment d'artillerie de campagne de Basse-Saxe. Il épouse Lisa Fontaine (1887-1959) en 1909.

Pendant la Première Guerre mondiale, il sert sur le front de l'Ouest avec le 46e régiment d'artillerie, en qualité de commandant de batterie. En septembre 1914, pendant les combats en Flandres, il est gravement blessé au bras droit par un éclat d'obus. Il se rétablit et revient au service au début de l'année 1915 en tant que membre de l'état-major.

Entre deux guerres et promotion sous le régime nazi

Après la guerre, il reste dans la nouvelle Reichswehr et aide à organiser les Freikorps, garde-frontières avec la Pologne, puis il est instructeur pendant deux ans à l'école de cavalerie de Hanovre.

À la fin de 1924, il est transféré au ministère de la Guerre de la république de Weimar qui était alors dissimulé sous le vocable « bureau des troupes » (Truppenamt). Il garde son poste après l'arrivée des nazis au pouvoir et même en est promu comme le chef avec la recommandation de Werner von Fritsch.

Le , Hitler arrive au pouvoir et, durant la période suivante, Keitel, en convalescence à la clinique de Tatra-Westerheim dans les monts Tatras en Tchécoslovaquie pour une thrombose à une jambe, apprend la nouvelle. À son retour à Berlin, Keitel devient chef de service du ministre de la Défense, le général von Blomberg. Le , Keitel prend le commandement d'une division d'infanterie à Potsdam et, malgré le traité de Versailles et avec la complicité de la Reichswehr, il prépare, dans les écuries de l'ancien régiment de la garde, une manufacture d'armes. Ce dépôt d’armes, utilisé par les SS pour préparer la nuit des Longs Couteaux, est déplacé, tenu secret et gardé par le Major du contre-espionnage Anton Rintelen (en).

En 1937, il est nommé général et, en 1938, après l'affaire Blomberg-Fritsch suivie du remplacement du Reichskriegsministerium par l’Oberkommando der Wehrmacht (en abrégé, l’OKW, ou en français le « Haut Commandement des forces armées »), il devient le « chef de ce Grand État-Major[alpha 2] ». Il est vraisemblable que Hitler choisit ce personnage falot, qualifié par Blomberg de simple « chef de bureau », pour mieux contrôler la Wehrmacht par lui-même.

Seconde Guerre mondiale

Rastenburg (Prusse-Orientale), , Keitel est le premier à la droite de Hitler, ici entouré de son état-major. À la gauche d'Hitler : Jodl puis Bormann.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il se montre un commandant faible et précautionneux, voire pusillanime. Il s'oppose à l'invasion de la Pologne puis de la France. À chaque fois, il propose sa démission, sans succès. A partir du , le général Wilhelm Keitel est chargé de mener les négociations d'armistice avec la France, en tant que chef du Haut Commandement de l'armée allemande. Il est nommé Generalfeldmarschall le 19 juillet 1940.

Le 13 mai 1941 Keitel signe le « décret sur l'exercice de la juridiction militaire et des mesures spéciales concernant les troupes » qui donne l'ordre aux militaires de tuer la population locale qui participe au combat des partisans ou a l'intention de le faire et ceci pendant le combat ou leur fuite[1], puis le Keitel signe « l'ordre sur les commissaires » (Kommissarbefehl) qui autorise l'armée à fusiller sans jugement les commissaires politiques de l'Armée rouge[2].

En septembre 1942, Keitel prend la défense, contre Hitler, du Generalfeldmarschall Wilhelm List dont le groupe d'armées, profondément avancé vers la mer Caspienne, éprouve de sérieuses difficultés face aux Soviétiques lors des batailles du Caucase : il s'agit ici de sa dernière confrontation avec le Führer ; List est néanmoins relevé de son commandement et, à compter de cet incident, Keitel exécute passivement tout ce qui lui est ordonné : il aurait ainsi reçu de ses collègues le surnom de Lakeitel (Lakai signifiant laquais), pour faire un jeu de mots avec son nom de famille. Il signe tous les ordres, y compris les plus critiquables éthiquement, notamment ceux permettant à Himmler d'exercer sa terreur en Russie.

Keitel préside le tribunal d'honneur militaire (Ehrenhof) qui exclut de la Wehrmacht et remet au Volksgerichtshof, le « tribunal du peuple », un tribunal civil, les officiers qui ont tenté d'assassiner Hitler le 20 juillet 1944, dont le Generalfeldmarschall Erwin von Witzleben et le Generaloberst Erich Hoepner, cela pour qu'ils soient éliminés sans les faire comparaître devant une cour martiale (Militärgericht).

Signature de la capitulation allemande par Wilhelm Keitel le au quartier général de l'Armée rouge à Karlshorst, Berlin.
Fiche de détention de Keitel après son arrestation par les forces américaines.

Le 8 mai 1945 à Berlin, Keitel signe les actes de capitulation de l'Allemagne en tant que chef de la délégation allemande qui comprend également Stumpff, Friedeburg et six autres officiers. En entrant dans la salle, il salue de son bâton de maréchal les délégations alliées, salutation à laquelle personne ne répond[3]. Apercevant le drapeau tricolore, il fait remarquer, à haute voix : « Ah ! Il y a aussi des Français ! Il ne manquait plus que cela ! ». Il demande en vain la clémence des vainqueurs à l'égard de l'Allemagne vaincue[4]. Le 13 mai 1945, il est le premier des membres du Gouvernement de Flensbourg à être arrêté par les forces américaines.

Procès et exécution

Procès des principaux responsables politiques et militaires du Reich à Nuremberg, 1946. Au premier rang, de gauche à droite : Göring, Hess, Ribbentrop, Keitel ; au second rang : les deux amiraux Dönitz et Raeder, Schirach, Sauckel.
D’autres procès ont suivi.

Au procès de Nuremberg, Keitel plaide d'abord non coupable : quand il est accusé d'avoir préparé une guerre d'agression, il répond que pour lui, il s'agit d'un concept politique et que, en tant que militaire, il ne connaît que trois concepts, l'offensive, la défensive, le repli. Mais il reconnaît son « erreur » avant le verdict, tout en fondant sa défense sur une obéissance sans limite[5]. Il est condamné à mort pour plan concerté ou complot, crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l'humanité en raison de son rôle prépondérant dans la guerre d'extermination à l'Est. Il lui est reproché, notamment, le mauvais traitement infligé aux prisonniers de guerre soviétiques (60 % des 5,7 millions de prisonniers de guerre soviétiques moururent au cours de la guerre, victimes de privations, de sévices ou exécutés) et d'avoir ordonné l'exécution des pilotes alliés évadés qui avaient été repris et qui ont fait l'objet du film La Grande Evasion. Comme Jodl, il demande vainement à être fusillé, estimant la pendaison infamante : il veut « expier ses erreurs comme tout soldat a le droit de les expier »[6].

Le à 1 h 15, Keitel est le deuxième condamné à monter à la potence. Ses dernières paroles furent : « J'appelle la protection de Dieu sur le peuple allemand. Plus de deux millions de soldats sont morts avant moi pour leur patrie. Je rejoins maintenant mes fils. Tout pour l'Allemagne ! »[7]

Dépouille de Keitel à Nuremberg, après son exécution par pendaison. L'étroitesse de la trappe du gibet a provoqué des contusions faciales sur son visage, comme sur celui de plusieurs condamnés, lors de sa chute, ce qui explique son visage ensanglanté.

Résumé de sa carrière militaire

Décorations

Descendance

Le plus jeune de ses fils, Hans-Georg Keitel, fut gravement blessé à la cuisse lors de la campagne de France en 1940. Il est de nouveau grièvement blessé pendant la campagne de Russie lors d'une attaque aérienne soviétique et meurt le lendemain, le 18 juillet 1941 dans un hôpital de campagne. Il est inhumé dans le caveau familial à Bad Gandersheim. Un autre de ses fils, le Major Ernst-Wilhelm Keitel, fut capturé par les Soviétiques à la fin de guerre. Il fut relâché en et retourna chez lui en Allemagne. Son fils aîné, l'Obersturmbannführer (équivalent SS de lieutenant-colonel en France) Karl-Heinz Keitel, fut blessé en décembre 1944 mais combattit jusqu'à la fin de la guerre. Il est mort en 1968.

Mémoires

Wilhelm Keitel écrivit ses mémoires dans les six semaines qui précédèrent son exécution. Ils furent plus tard publiés dans différentes langues. L'édition française est intitulée Le Maréchal Keitel - Souvenirs Lettres Documents présentés par Walter Gorlitz, publiée dans la collection Les grandes études historiques contemporaines chez Fayard en 1963.

L'édition anglaise est intitulée The Memoirs of Field-Marshal Wilhelm Keitel: Chief of the German High Command, 1938–1945, texte établi par Walter Görlitz (ISBN 978-0-8154-1072-0).

Culture populaire

Son personnage est interprété dans les films de cinéma suivants par les acteurs mentionnés :

ainsi qu'à la télévision dans :

Notes et références

Notes

  1. À compter du  : il est promu à ce grade comme douze autres officiers généraux, après le succès de l’invasion de la France, lors d’une cérémonie à Berlin. À cette occasion Göring, qui a déjà le titre depuis 1938, est quant à lui promu Reichsmarschall.
  2. Comme il n'y a pas d’équivalent exact dans le langage militaire français actuel, une traduction de ce titre pourrait être « chef de l'État-major général »; cependant, Keitel avait dans les faits l'attitude et les attributions d'un « adjoint au commandant en chef des forces armées allemandes », ce commandant en chef étant Adolf Hitler. En outre, Keitel n'exerçait pas de commandement direct sur les commandants en chef des diverses branches armées composant la Wehrmacht : l'Armée de terre (la Heer), l'Armée de l'air (la Luftwaffe), la Marine (la Kriegsmarine).

Références

  1. Christopher Browning Les origines de la solution finale coll. Points/Histoire 2009 éd. du Seuil p. 519 (ISBN 978-2-251-38086-5)
  2. Édouard Husson Heydrich et la solution finale coll. tempus 2012 éd. Perrin p. 289 (ISBN 978-2-262-02719-3)
  3. Véronique Laroche-Signorile, « René Bondoux raconte la signature de la capitulation allemande le 8 mai 1945 », Le Figaro, (lire en ligne)
  4. op. cit. Maurice Vaïse (1995) p. 15.
  5. Keitel, Wilhelm (1946), Schlusswort des Angeklagten. Dans Der Nürnberger Prozess gegen die Hauptkriegsverbrecher vor dem internationalen Militärgerichtshof. Nürnberg 14. November 1945 - 1. Oktober 1946. t. 22, p. 428-431 : Ich habe geirrt und war nicht imstande zu verhindern, was hätte verhindern werden müssen, ce qui signifie : « J'ai commis une erreur et n'ai pas été en mesure d'empêcher ce qui aurait dû être empêché ».
  6. Jean-Marc Varaut, Le procès de Nuremberg, Paris, Perrin, , 419 p. (ISBN 2-262-00881-7), p. 391.
  7. Sacha Simon, « J'ai vu pendre les chefs nazis à Nuremberg », Historia, , p. 358.
  8. Christian Bernadac, La Luftwaffe, Paris, Éditions France empire, coll. « Le Glaive et les Bourreaux », , p. 165.

Annexes

Bibliographie

  • Christian Bernadac, La Luftwaffe, Paris, France empire, coll. « Le Glaive et les Bourreaux », , p. 164-174.
  • Maurice Vaïsse (CEHD), « Une capitulation sans conditions pour l’Allemagne : 7, 8 et 9 mai 1945, la paix », Historia Spécial, Paris, Historama, vol. 35 « Il y a cinquante ans : la capitulation de l’Allemagne », no 35, , p. 10-17.

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