Yuezhi
Les Yuezhi (du chinois : 月氏 ; pinyin : ; Wade : Yüeh-chih) étaient un ancien peuple, mentionné pour la première fois dans les chroniques chinoises, comme des pasteurs nomades vivant dans les prairies de la partie occidentale de la province chinoise moderne du Gansu au cours du 1er millénaire avant notre ère. Après une défaite majeure aux mains des Xiongnu en 176 av. J.-C., les Yuezhi se sont scindés en deux groupes migrant dans des directions différentes: les petits Yuezhi et les grands Yuezhi. Ces derniers forment l'empire Kouchan en Asie centrale.
Étymologie
Le terme Yuèzhī (月氏) est mandarin et se traduit par « lignée (氏, ) de la lune (月, ) ». Il s'expliquerait alors par un culte de la lune, mais pour certains spécialistes, ce terme n'est que la transcription phonétique chinoise du véritable nom des Yuezhi, si bien que l'on ne peut pas connaître sa signification. Généralement les Chinois s’efforcent de transcrire phonétiquement tout en utilisant des caractères ayant un sens proche ou leur façon de les percevoir, mais ça n'est pas toujours le cas.
La seconde prononciation (ròuzhī) pourrait être liée à la consommation de viande. Il existe un rapprochement de clés des caractères de la lune 月 et de la viande 肉. Le second s'écrivait également (⺼), lequel en écriture cursive rapproche beaucoup de 月. Aujourd'hui les deux caractères sont unifiés en chinois simplifié de façon systématique et le sont généralement en chinois traditionnel aussi. La prononciation en yuè pourrait donc être appellation basée sur une erreur tardive de prononciation.
Mode de vie
Les Yuezhi vivait à l'origine dans l'ouest de l'actuelle province chinoise du Gansu, entre les monts Qilian et Dunhuang. De mode de vie nomade, ils déplaçaient leurs troupeaux en été vers les pâturages qui bordent le Gansu au sud.[1] Les Chinois de l'Antiquité, qui n'ont jamais dû les affronter, les connaissaient surtout comme étant des pourvoyeurs de chevaux, dont ils disposaient sûrement en grand nombre.
Origines
La première référence connue aux Yuezhi est offerte dans l'Encyclopédie Guanzi (chinois : 管子 Essais du Guanzu, 73, 78, 80, 81). Les dates présentes dans la version la plus commune de ce livre sont contestées. Par ailleurs, on estime qu'elles pourraient être aussi tardives que le Ier siècle av. J.-C.[2] Le livre décrit les Yuezhi comme un peuple du nord-ouest qui fournissait aux Chinois du jade provenant des montagnes avoisinantes du Gansu. La fourniture de jade depuis le Bassin du Tarim est archéologiquement bien documentée depuis l'Antiquité. Dans une tombe d'un monarque de la dynastie Shang, on retrouva plus de 750 reliques de jade provenant des environs de Hotan, dans l'actuel Xinjiang[3]. Le suffixe Di ou Zhi, du chinois 氐, est généralement utilisé pour décrire les gens de Di, appelés les « barbares occidentaux » dans les documents de la dynastie chinoise Han.
Les Yuezhi sont également décrits en détail dans des documents historiques chinois des IIe et Ier siècles av. J.-C., notamment dans le Shiji de Sima Qian. Selon ces documents, « les Yuezhi vivaient dans une région entre le Qilian ou les monts Tian Shan et Dunhuang. Ils furent défaits par les Xiongnu et migrèrent plus à l'ouest, au-delà de Dayuan. Ils attaquèrent à cet endroit les peuples de Daxie, les conquirent puis établirent une cour royale sur la rive nord de la rivière Oxus. Un petit nombre des Yuezhi, incapables d'entreprendre un si long périple à l'ouest, prirent refuge parmi les barbares Qiang des montagnes du sud, où ils furent connus comme les Petits Yuezhi[4]. »
Les Petits Yuezhi vécurent principalement dans la région de Huangzhong, quatre-vingts kilomètres à l'est du lac Bleu (Qinghai en mandarin, Köke Nor en mongol). Ces fragments du peuple yuezhi ont subsisté durant un bon millénaire. Ils restèrent nomades et conservèrent ce caractère guerrier qui avait permis à leurs ancêtres de bâtir un empire. Aujourd’hui, on trouve au nord-est du Tibet des individus aux cheveux clairs et aux yeux bleus, sans doute des descendants des Petits Yuezhi. En 1911, Paul Pelliot signalait la présence d'hommes de ce type dans les montagnes du Gansu occidental.
Les migrateurs vers l'occident, les Grands Yuezhi, durent se déplacer à la suite de leur défaite contre les Xiongnu, qui leur arracha une trentaine de royaumes, de grande et de petite taille. Quelques années plus tard, à l’issue d'une nouvelle offensive, les Xiongnu tuèrent l'empereur des Yuezhi et firent de son crâne une coupe à boire. Après leur conquête de la Bactriane, au Ier siècle apr. J.-C., ils fondèrent l'Empire kouchan. Le royaume d'Agni, dans la région de Karachahr, à l'ouest de Tourfan, était réputé yuezhi.
Culture
Les Yuezhi se battaient à cheval, avec des arcs, ce qui était relativement nouveau à leur époque. En effet, d'après les données archéologiques, les peuples de l'actuelle Chine occidentale ont utilisé le char jusqu'au VIIe siècle av. J.-C. ou VIe siècle av. J.-C. Il est donc possible que la création de l'empire des Yuezhi ait été liée à celle de la cavalerie montée. Vers -300, ils étaient probablement au faîte de leur puissance. Ils contrôlaient l'actuelle province chinoise du Xinjiang en grande partie ou en totalité, et en particulier les royaumes sédentaires du bassin du Tarim, où vivaient d’autres peuples tokhariens ainsi que des Saces.
Les coutumes des Yuezhi sont presque inconnues. On sait seulement que certains rois des Petits Yuezhi étaient qualifiés de « divins ». Lors d'un deuil, comme chez les turcs ou les mongols, les proches du défunt sacrifiaient des animaux et montaient à cheval pour pousser des hurlements et se taillader le visage.
Annexes
Articles connexes
Notes et références
- Ban Gu, Livre des Han, p. 61
- (Liu 2004, p. 115-127)
- (Liu 2001, p. 267–268)
- (Watson 1993, p. 234)
Bibliographie
- (zh) 刘建国 (Liu Jianguo), 先秦伪书辨正 (corriger les erreurs des livres pré-Qin), 西安 (Xi'an), 陕西人民出版社 (presses du peuple du Shaanxi), , 387 p. (ISBN 9787224057256, OCLC 57580006)
- (en) Liu Xinru, « Migration and Settlement of the Yuezhi-Kushan. Interaction and Interdependence of Nomadic and Sedentary Societies », Journal of World History, vol. 12, no 2, , p. 261–292 (DOI 10.1353/jwh.2001.0034., JSTOR 20078910).
- (en) Burton Watson, Records of the grand historian. Han dynasty, Hong Kong, New York, Columbia University Press,, (ISBN 978-0-231-08166-5 et 978-0-231-08167-2, OCLC 781073737), traduit du Shiji de Sima Qian.
Liens externes
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