Zaghawa (peuple)

Les Zaghawa ou Béri (comme ils se désignent eux-mêmes) sont un peuple d'Afrique établi majoritairement dans le nord-ouest du Soudan (Darfour du Nord) et le nord-est du Tchad (Ennedi, Wadi-Fira, Ouaddai) de part et d'autre de la frontière[3]. Leur langue, le zaghawa ou le béria, appartient à la famille des langues sahariennes. Leur population dépasse les 7 600 000[2].

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Zaghawa
Béri

Populations importantes par région
Soudan 6 300 000 (14 % de la population totale)
Tchad 1 200 000 (2021)[1]
Diaspora 100 000
Population totale au moins 7 600 000[2] (2021)
Autres
Langues zaghawa
Carte de répartition

Ethnonymie

De multiples orthographes sont utilisées pour ces ethnonymes :

  • Beri, Berri ;
  • Zaghawa, Zaghawas, Zakawa, Zeggaoua[4].

Autres noms : Chiguera, Habâsa, Kebadi, Merida[4].

Géographie et démographie

Avec les Bideyat, ils constituent environ 5,2 % de la population du Tchad[1]et 10,5 % de la population du Soudan.

Au Tchad, ils vivent dans les provinces suivantes :

Au Soudan, ils vivent principalement dans la région du Darfour, notamment dans les cinq sultanats ; d’ailleurs sont les plus vieux dans l’histoire des Zaghawa, à savoir :

  • le sultanat de Tine ;
  • le Chartay de Darghala (chef-lieu : Kornoi) :
  • le sultanat de Towar (chef-lieu : Eimbirou) ;
  • le sultanat de Dar Artaj ;
  • le sultanat de Dar Sowni (chefs-lieux : respectivement D’or et Abu-Liha).

Langue

Les Zaghawa ont leur langue, le béria (ou zaghawa).

Cette langue (béria) varie selon les clans. Parfois, les accents et certains mots changent.

Clans

les Zaghawas sont répartis entre sept chefferies, dont trois sont importantes[5].

La séparation des Zaghawa dans deux États différents, soudanais et tchadien, a eu un profond impact. Les Zaghawa soudanais, s’ils ont des contacts avec leurs « parents » tchadiens, n’appartiennent pas aux mêmes clans[6].

Tchad

Du côté tchadien, on recense outre les Legris(N'aura ou Kapka), les koubé, les Bideyat-Borogat et Bideyat-Bilia. Les relations entre groupes Zaghawa tchadiens sont complexes, notamment parce que la colonisation française a réorganisé les chefferies – une branche des Kobé, celle d’Iriba, en a profité pour assoir la prééminence de son sultanat aux dépens des autres.

Kobé

Le groupe Kobé (ou Koubé), qui comptait environ 300 000 individus en 1975, est née trois cents ans plus tôt d'une association entre des clans autochtones maîtres de la terre et des envahisseurs venus de l'est représentés aujourd'hui par le clan Angou[3]. Ils ont joué un rôle dominant au fil du temps et c'est aujourd'hui un Kobé qui détient le titre de sultan de l'ensemble des Zaghawa vivant au Tchad[3], c'est-à-dire les trois autres chefferies[5] à l'exception des Bideyat[5].

Les Kobé du Tchad comptent plusieurs dizaines de clans très disparates en termes de taille et en évolution constante. Ils ont pour capitale Iriba, au centre du plateau zaghawa[5], et sont présents sur la zone frontalière avec le Soudan[6]. Le clan dominant au sein des Kobé est le clan Angou. Les Kiregoura un sous-clan des Kobés qui vivaient entre Iriba et Tiné[réf. nécessaire].

Bayra de Megri (Kabka)

Les Bayra sont originaires du massif Kapka, un massif granitique qui atteint des hauteurs de 1 200 m au nord-est de Biltine (Tchad). Il s'agit d'un clan qui s’est autonomisé des Kobé[6].

Douroung

Les Douroung (ou Dirong) sont originaires de la région du Wadi Fira. Ils sont principalement à martébé au nord-est du Biltine.

Bideyat

Certains Béri vivant autour des 17e et 18e parallèles, dans le massif de l'Ennedi au tours de waddi hawar, sont désignés par les Arabes sous le nom de Bideyat localement nommé Touba et

Les Boregat (ou localement nommés Dazaga) parlent les langues zaghawa et gorane et sont liés par liens de sang à tous les habitants du B.E.T (Borkou-Ennedi-Tibesti). Ils sont en général considérés comme une deux principales subdivision des Bideyat : les Boregat qui vivent à l'ouest, les Bilias (Bilieras) qui vivent à l'est[2].

Nohira

Les Naoura (ou Nohira) (auquel appartient par exemple le général Idriss Annour Abdelkerim) sont un clan important des Zaghawas[7]. Originaires de Nohi, près de Fada, ils seraient un sous-clan des Bideyates (Boregat) de Fada.[réf. nécessaire].

Soudan

Du côté soudanais, on distinguait sous la colonisation britannique quatre grands groupes composant les Zhagawa soudanais : les Kobé, les Gala, les Touer et les Artaj, qu'ils essayèrent en vain de rassembler sous la houlette d'un seul chef, celui du dar (territoire) Touer, le melik (roi) d'Oum Boro[8].

Aujourd'hui, les clans zaghawa sont nombreux mais les plus importants démographiquement et militairement dès cette époque sont les Gala et les Tuer[6], au nord d'Oum Boro.

Il faut ajouter les Suweini, les Kaitinga (Kaytinga, Kaédinga), Mera et Nikeri au nord de Kutum, etc.[3]

On compte en 2012 huit territoires au dar Zaghawa disposant de leur administration civile propre (contre quatre à l'indépendance) : le dar Artag, le dar Sueni, le dar Bere, le dar Touer, le territoire autour de Musbet, le territoire autour de Kornoï, le nord du dar Kobé et le sud du dar Kobé[8].

Touer

Ils sont basés autour d'Oum Boro.

Depuis le XVIIIe siècle, le clan dominant chez les Touers (parfois Touar, Touer, Twer) est celui des Agaba[9], tendance encore renforcée sous la colonisation britannique[8].

Mahmoud Mohamedein devient melik à la place de son frère Ali destitué par les autorités gouvernementales pour mauvaise conduite[8]. En 2004, le melik du dar Touer (pays Touer) était toujours un Agaba, Abdel Rahman Mohamedein[10].

Un autre clan est celui des Awlad Digein (Ila Digen), auquel appartient le chef de guerre Minni Arkoi Minawi[10], un clan qui avait été écarté du pouvoir par les Agaba au XVIIIe siècle[10]. Cette rivalité réapparaîtra avec force pendant la guerre du Darfour et le melik du dar Touer, Abdel Rahman Mohamedein, finira assassiné par Minawi. Durant la guerre du Darfour, beaucoup de Touer se sont ralliés à Minni Arkoi Minawi. En 1995, ils avaient toutefois déjà obtenus leur propre melik[8].

Un autre sous-groupe zaghawa est lié aux précédents, les Artaj (Artag), qu'on trouve autour d'Um Haraz, et le tout forme un ensemble désigné comme les groupes Wogi[8].

Kobé

Au Soudan, les Kobé, groupés historiquement autour des puits de Tiné, sur la frontière entre tchado-soudanaise[3], constituent un petit groupe à part et ont à leur tête leur propre sultan. Ils ne jouent toutefois pas de rôle politique important[3].

Ils sont bien connus pour avoir été longtemps étudiés par les anthropologues Marie-José et Joseph Tubiana[8].

Ils constituent une grande partie des combattants du Mouvement pour la justice et l'égalité, un important groupe rebelle soudanais[8].

Autres

On distingue plusieurs autres sous-groupes de Zaghawas qui sont répartis entre le Soudan et le Tchad, parmi lesquels les Diroungs (Dourogn), les Gourouf(Gouroufoura), les Kourera et Gueniguargui.

Les Toubas/Bideyates/Kobés/Annas/Boregat (Bourgates) vivent majoritairement au Tchad, dans l'Ennedi Ouest aux alentours de Fada, chef-lieu de l'Ennedi, ainsi qu'à Tiné et Iriba (région de Wadi-Fira), et au nord du Darfour soudanais, essentiellement à Al-Genaïna. Ils sont composés d'environ cinquante sous-clans. Par manque de pâturages et d'eau, beaucoup d'entre eux ont émigré vers la région de Dar Tama.[pas clair]

Religion

Les Zaghawa ont commencé à être islamisés approximativement au XVIe siècle par des prédicateurs et de petits groupes d'Arabes ou d'arabisés à proximité[5].

Culture

Les Zaghawa ont une vaste culture, allant du jeu de pensée (Abou tey) aux danses en passant par un large éventail des fêtes culturelles.Abou tey, qui signifie littéralement « la parole de grand-mère » est une sorte de devinette qui se joue durant toute la vie, qui met en jeu l'intelligence, la rapidité, la complicité, et la culture générale des joueurs[réf. nécessaire].

L'Angalang (Maï kidi) est une danse pratiquée à la tombée de la nuit, autour d'un musicien central (le forgeron) qui bat le tambour et oriente le rythme de la danse, les danseurs forment un cercle et tournent autour du musicien dans le sens inverse des aiguilles d'une montre[réf. nécessaire].

Zaghawa et politique

Tchad

Festival saharien à Amdjarras (Ennedi-est).

Les Zaghawas participent activement à la vie politique tchadienne dans les années 1970 et 1980 en fournissant des combattants à l'armée de Goukouni Weddei (ancien président du Tchad) et celle de Hissène Habré.

Les Zaghawa prennent les rênes du pouvoir au Tchad avec l'arrivée au pouvoir par la force d'Idriss Déby Itno, qui est un Bideyat, en , à la tête d'un groupe rebelle dont ils ont constitué l'essentiel des troupes. Des tensions existent toutefois au sein des Zaghawas. Ainsi, Abbas Koty, un Kobé lié à la famille du sultan de Iriba, tente un coup d'État contre Idriss Déby en 1992[6]. Rentré à N’Djamena à la suite d’une réconciliation garantie par le Soudan et la Libye, il est tué le par les forces de sécurité[11].


À partir d’, lors du début de la guerre civile de 2005-2010, les défections des Zaghawa se multiplient et pour aboutir à la formation de plusieurs groupes armés qui s'établissent au Darfour et dont l'objectif est le renversement du régime du président Déby. Ils sont particulièrement nombreux notamment parmi les Kobe, qui représentent aussi une fraction importante des combattants du Mouvement pour la justice et l'égalité (MJE), un groupe rebelle soudanais. Cette situation amènera le chef de l'État tchadien à s'appuyer sur les Kapka[6].

Soudan

L'administration britannique va profondément modifier la fonction de chef des différentes communautés zaghawa en lui conférant une autorité qu'elle n'avait pas dans la mesure où ces chefs étaient auparavant avant tout des médiateurs entre les différents clans[8].

Après l'indépendance, les Zaghawa ont été nombreux à rejoindre le mouvement des Frères musulmans dans les années 1960 et 1970 et ont donc obtenu des postes d'influence à l'arrivée des islamistes au pouvoir en 1989[6].

Parallèlement, dès les années 1980, beaucoup de Zaghawa établi des réseaux commerciaux dans le Golfe ou en Asie pour faire de l’import-export dans lesquels ils se sont beaucoup enrichis[6].

Les Zaghawa soudanais ont joué un rôle crucial dans la prise du pouvoir d'Idriss Déby 1990. Ce sont des chefs de la communauté zaghawa qui, en 1989, ont mis Idriss Déby en contact avec le nouveau régime du Front national islamique (NIF) – le principal soutien de Déby avec la Libye et la France[12].

Au Darfour émergent vers 2003-2005 des groupes rebelles zaghawa avec le Mouvement pour la justice et l'égalité (MJE) et l'Armée de libération du Soudan de Minni Arkoi Minawi. Ces rebelles, composés de 15 000 hommes munis de pick-up Toyota et d'artillerie de guerre, sont aujourd'hui encore stationnés entre le Darfour et le Kordofan.

Des trajectoires de plus en plus divergentes ?

Ainsi, durant les quinze dernières années, des deux côtés de la frontière, le monde zaghawa s'est progressivement différencié en fonction de sa proximité avec l’État et la politique :

  • côté soudanais, on assiste à l'émergence d'une bourgeoisie commerçante et de cadres proches du pouvoir[6] ;
  • côté tchadien, l'intégration est réelle mais plus fragile car elle ne s'appuie pas sur l'instruction et le dynamisme économique, mais avant tout sur l'émergence d'une classe d'opérateurs économiques[6].

Personnalités notables

Idriss Déby Itno.
  • Idriss Déby président du Tchad de 1990 à 2021[13] (clan bideyat)
  • Mahamat Idriss Deby, président du conseil Militaire de transition du

Tchad

Notes et références

  1. Gérard-François Dumont, « Géopolitique et populations au Tchad », Outre-terre. Revue européenne de géopolitique, no 20, , p. 263–288 (DOI 10.3917/oute.020.0263, lire en ligne, consulté le )
  2. (en) James Stuart Olson, The Peoples of Africa : An Ethnohistorical Dictionary, Greenwood Press, , 696 p. (ISBN 978-0-313-27918-8, lire en ligne), p. 91
  3. Marie José Tubiana, « Exogamie clanique et Islam : l'exemple kobé », L'Homme, vol. 15, nos 3-4, (lire en ligne)
  4. Source RAMEAU, BnF .
  5. Tubiana Marie-José et Tubiana Joseph, « Un peuple noir aux confins du Tchad et du Soudan : les Beri aujourd'hui », Cahiers d'outre-mer, no 103, , p. 250-261 (lire en ligne, consulté le ).
  6. Roland Marchal, « Tchad/Darfour : vers un système de conflits », Politique africaine, vol. 2, no 102, , p. 135-154 (lire en ligne)
  7. « Idriss Annour Abdelkerim, de retour dans le giron de Déby », La Lettre du Continent, (lire en ligne)
  8. Raphaëlle Chevrillon-Guibert, Des commerçants au cœur del’expérience islamiste au Soudan : Rapports de/au pouvoir et recompositions descommunautés darfouriennes zaghawa à l’aune desalliances du mouvement islamique soudanais (1950-2011) (thèse de doctorat en sciences politiques), , 643 p. (lire en ligne)
  9. (en) R.S. O'Fahey et J.L. Spaulding, Kingdoms of the Sudan, , 248 p. (ISBN 978-1-138-21153-7)
  10. (en) Alex de Waal et Julie Flint, Darfur : A New History of a Long War, London/New York, Zed Books Ltd, , 350 p. (ISBN 978-1-84277-949-1)
  11. « 1993 Human Rights Report: CHAD », sur web.archive.org, (consulté le )
  12. Jérôme Tubiana, « Laisser tomber les rebelles : Dimensions locales et régionales du rapprochement Tchad-Soudan », Small Arms Survey HSBA Document de travailn, no 25, (lire en ligne)
  13. « Idriss Déby, président du Tchad, est mort des suites de ses blessures « sur le champ de bataille », selon l’armée », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  14. « Comment les Généraux Mahamat Souleymane Mendié et Mahamat Ismaël Chaibo avaient envoyé leurs parents au carnage. », sur Tchadactuel, (consulté le )
  15. Hassan Djamous. Le héros immortel de la guerre Tchad-Libye - Abbas Kayangar (lire en ligne)
  16. « Le Tchadien Moussa Faki Mahamat réélu à la tête de l’Union africaine », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  17. « Sommet extraordinaire de l'UA: Moussa Faki Mahamat seul candidat en lice pour la Commission », sur RFI, (consulté le )
  18. Ahmat Moussa Adoum, « Littérature : Abdelkerim Souleymane Tério a présenté son ouvrage intitulé «Idriss Déby ITNO : trois décennies de guerres et d’espoir» », sur Le Sahel, (consulté le )
  19. Rédacteur en Chef, « Littérature : Trois décennies de guerres et d’espoir ou l’histoire d’un héros africain au destin unique », sur Toumaï Web Médias (consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • (en) Marie José et Joseph Tubiana, The Zaghawa from an ecological perspective: foodgathering, the pastoral system, tradition and development of the Zaghawa of the Sudan and the Chad, A. A. Balkema, Rotterdam, 1977, 119 p.
  • Marie José Tubiana, Survivances préislamiques en pays Zaghawa, Institut d'ethnologie, Paris, 1964, 229 p.
  • Marie José Tubiana, « Danses Zaghawa », Objets et mondes, 6 (4) hiver 1966, p. 279-300.
  • Marie-José Tubiana, Joseph Tubiana et Michel Leiris, Contes Zaghawa du Tchad : trente-sept contes et deux légendes, L'Harmattan, 1989, 123 p. (ISBN 9782738402516).

Articles connexes

Liens externes

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