Zaria Art Society

La Zaria Art Society ou Zaria Art School est un collectif d'artistes créé par des élèves du Nigerian College of Arts en 1958 en réaction à l'enseignement exclusivement occidental des beaux-arts dans cette institution.

Les élèves de ce collectif, dont les fondateurs sont les modernistes Yusuf Grillo, Bruce Onobrakpeya, Uche Okeke, Oseloka Osadebe et Demas Nwoko (en) notamment, sont appelés Zaria Rebels.

Histoire

Contexte

Comme plusieurs pays en Afrique au tournant des années 1960, le Nigeria est au cœur d'un conflit politique pour acquérir son indépendance et avec elle un débat sur l'esthétique nationale. Les intellectuels nigérians  parmi lesquels des écrivains comme Wole Soyinka et Chinua Achebe, le compositeur Akin Euba, et les peintres Uche Okeke et Demas Nwoko (en)  sont éduqués à la pensée occidentale mais « intensément conscients » de la contribution des civilisations africaines[1]. La vie intellectuelle nigériane est foisonnante, et la plupart des intellectuels et artistes de la région sont proches des auteurs du Black Orpheus (créé en 1956), du Mbari Club (créé en 1961) et de la Society of Nigerian Artists (it) (en 1963)[2].

Le personnel enseignant de l'école nationale des beaux-arts, le Nigerian College of Arts (par la suite intégrée à l'actuelle université Ahmadu-Bello) à Zaria, est principalement constitué de Britanniques qui enseignent des techniques de style occidental. Des élèves de cette école, sensibles à une approche plus moderniste de l'art, comme Yusuf Grillo, Bruce Onobrakpeya, Uche Okeke, Oseloka Osadebe et Demas Nwoko (en), s'opposent ainsi à l'imposition des idées des écoles d'art européennes aux jeunes artistes africains et militent pour un changement du programme afin d'inclure une pratique esthétique africaine[3],[4],[5],[6],[7],[8].

Création et démarche

La Zaria Art Society est ainsi créée par ces élèves le [9] et Okeke en est le président[8]. Les artistes de la Zaria Art Society, appelés aussi « Zaria Rebels », s'appuient sur l'euphorie du nationalisme exalté pendant le processus d'indépendance du pays mais également sur la nécessité de créer un nouvel art[7]. Ils sont inquiets par l'influence grandissante de la culture et de l'art occidentaux et le risque de voir disparaître les traditions et les idées artistiques locales. C'est ainsi que le collectif base sa démarche artistique sur la théorie de la « synthèse naturelle » énoncée par Uche Okeke, dans laquelle l'artiste suggère qu'il faut fusionner les arts visuels indigènes avec les arts visuels « utiles » des Occidentaux pour trouver une expression universelle. Chacun des artistes explore ses racines nigérianes (par exemple, Bruce Onobrakpeya puise dans ses traditions chrétiennes et urhobo[9] tandis qu'Uche Okeke puise dans ses racines igbo et le dessin uli[10],[11]) et les font dialoguer avec une société qui est en train de basculer des traditions coloniales ou traditionnelles vers une nouvelle plus moderne et indépendante[8]. Les Zaria Rebels ont ainsi créé des œuvres qui reflètent l'ensemble des cultures du territoire nigérian[7],[12].

La production littéraire d'Uche Okoke s'appuie sur les idées de panafricanisme et de négritude, cherchant à restaurer « la dignité de la personne africaine après des décennies d'assujettissement colonial »[4]. C'est notamment le style convaincant de ses essais qui vaut au collectif le titre de « rebelles de Zaria »[13].

Bien que la Zaria Art Society soit également appelée Zaria Art School  soit : école d'art Zaria , elle n'a aucune vocation d'enseignement et ses membres se réunissent pour discuter et produire des travaux en dehors des cours de l'université. Leur démarche demeure totalement à la marge de celle-ci, ses professeurs désapprouvant d'ailleurs toute initiative de leurs étudiants en dehors de l'institution[8].

Membres et postérité

Les membres principaux de ce groupe sont Bruce Onobrakpeya, Demas Nwoko (en), Yusuf Grillo, Simon et Uche Okeke, Jimoh Akolo, Oseloka Osadebe et Emmanuel Odita[7],[12],[8]. Diplômés en 1960, leur groupe a néanmoins une durée de vie très courte, puisqu'il est dissous en 1962[8].

Ses intégrants deviennent généralement professeurs d'art dans tout le pays. Ils convergent cependant autour du Mbari Club, un centre d’activités culturelles composé d’écrivains, d’artistes et de musiciens africains créé à Ibadan en 1961, à « un moment crucial de transition » dans le pays. La proximité de nombreux artistes a créé une synergie culturelle qui a donné une nouvelle impulsion artistique au Nigeria[5],[7].

Quoique d'une durée de vie très courte, la Zaria Art Society a eu une grande influence sur l'art contemporain nigérian et l'œuvre des « rebelles de Zaria » définit toujours le concept de celui-ci[8].

Notes et références

  1. (en) « Biographie de Bruce Onobrakpeya », sur pendulumartgallery.com (consulté le ).
  2. (en) Wendy Lawrence (préf. Robert Barde), Bruce Onobrakpeya: Nigeria's Master Printmaker, The Best of Africa, (lire en ligne [PDF]), p. 3.
  3. (en) « Biographie de Uche Okeke », sur National Museum of African Art (consulté le ).
  4. (en) « Notice d'Uche Okeke », sur MoMA (consulté le ).
  5. (en) « Uche Okeke (1933-2016) », sur vanguardngr.com, (consulté le ).
  6. (en) « Veteran Nigerian Artist Christopher Uche Okeke Dies at 83 », sur tv360nigeria.com, (consulté le ).
  7. Ezeluomba 2016.
  8. (en) « How the Zaria Art Society Rebelled », sur Google Arts & Culture (consulté le ).
  9. (en) Richard A. Singletary, « Bruce Onobrakpeya: His Art and International Reputation », dans Peter Palmer Ekeh, Studies in Urhobo culture, Urhobo Historical Society, (ISBN 978-067-769-0, lire en ligne), p. 632.
  10. (en) Christa Clarke, « Uche Okeke and Chinua Achebe: Artist and Author in Conversation », Critical Interventions, vol. 1, no 1, , p. 143-153 (DOI 10.1080/19301944.2007.10781322).
  11. Ogbechie 2002, p. 246–249.
  12. (en) Tajudeen Sowole, « ‘Zaria Rebels’ return to celebrate legacies », sur guardian.ng, (consulté le ).
  13. (en) Uche Okeke, Art in Development - A Nigerian perspective, Nimo et Bayreuth, Ijeoma Uche-Okoke, Nadine Siegert (réédition orig. 1982 par Asele Institute, Nimo, Nigeria and African American Cultural Centre, Minnesota, États-Unis), .

Annexes

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Babasehinde Ademuleya, « Synthesis : between Onabolu, Enwonwu and the Zarianists », dans Ikwuemesi, Triumph of a vision: an anthology on Uche Okeke and modern art in Nigeria, C. Krydz, p. 144-154.
  • (en) Chike Dike et David H. Dale, Exhibition summaries of the works of the Zaria Art Society, Iganmu, Lagos, National Gallery of Art, (OCLC 52800356).
  • (en) Chike Dike et Pat Oyelola, The Zaria Art Society: A New Consciousness, Lagos, National Gallery of Art, Nigeria, (ISBN 9789783320116).
  • (en) Justene Nebechianya W.C Eze, Zaria Art Society (thèse de BA), Université du Nigeria à Nsukka, .
  • (en) Ndubuisi Ezeluomba, « Zaria Art Society, The », dans The Routledge Encyclopedia of Modernism, Taylor and Francis, (DOI 10.4324/0123456789-REM1910-1, lire en ligne). 
  • (en) Kunle Filani, « Zaria Art Society and the imperative of historical articulation », dans Ikwuemesi, Triumph of a vision: an anthology on Uche Okeke and modern art in Nigeria, C. Krydz, p. 133-143.
  • (en) Sylvester Ogbechie, « Zaria Art Society and the Uli Movement, Nigeria », dans Lori Waxman (dir.), An Anthology of African Art: The Twentieth Century, New York, Distributed Art Publishers, , p. 246–249.

Liens externes

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